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Approche progressive de gestion du développement durable

2.2 APPROCHES DE PRISE EN CHARGE DE LA SST

2.2.4 Approche progressive de gestion du développement durable

L’approche progressive de gestion de la SST (Pérusse et al., 2012, dans Cadieux et Dion, 2012) s’insère dans la gestion du développement durable (DD) (Cadieux et Roy, 2012, dans Cadieux et Dion, 2012). C’est une approche qui vise la rétention des ressources humaines de qualité, le développement des affaires dans un contexte de concurrence et de croissance économique tributaire des enjeux du DD (Pérusse et al., 2012). En cela, elle s’inscrit dans la pérennisation de la PCSST puisqu’il est question du maintien à long terme des ressources, et la pérennisation de la PCSST y participe. C’est une démarche qui utilise une grille d’autoévaluation pour obtenir un premier diagnostic de la maturité des pratiques de gestion du DD (Cadieux et Roy, 2012). Les entreprises peuvent opérationnaliser ces pratiques et atteindre un état de maturité. Le modèle a été ainsi appliqué à la SST (Pérusse et al., 2012). Dans cette étude, le choix d’utiliser la grille d’autoévaluation vise à dresser un portrait des entreprises étudiées à des fins d’analyse. Cette grille classe les entreprises en cinq niveaux : 1) entreprise peu ou pas concernée; 2) entreprise réactive; 3) entreprise accommodante; 4) entreprise proactive; 5) entreprise génératrice. Chacun des niveaux est décrit ci-après.

L'entreprise peu ou pas concernée méconnait ses obligations de SST. Elle privilégie les intérêts économiques et financiers au détriment de la SST. Or, nul n'est censé ignorer la loi, car l’ignorance comporte d’importants coûts pour la SST et peut même entrainer une condamnation criminelle (Pérusse et al., 2012). Bien souvent, ce type d’entreprise

finit par soutenir d’importants coûts advenant un accident ou une maladie du travail. Le déni lui pose des problèmes à des moments souvent inattendus (hors contrôle).

L’entreprise réactive contrôle les pertes et la SST est une source de dépenses. Contestant tous les dossiers de SST, elle ne s’y intéresse qu’en cas d’accident. Sa progression dépend de ses efforts de réalisation des activités de SST : inspections préventives, protection des équipements, enquête sur les incidents, formation, système d'information sur les matières dangereuses. Elle enregistre le nombre d'assignations temporaires, la fréquence des lésions et leur gravité. Sa culture est orientée sur l'intégration des indicateurs de SST dans le système de contrôle des pertes, l'analyse des statistiques et la recherche de conformité. Pour progresser vers le prochain niveau de maturité, l’entreprise réactive doit se détacher progressivement des indicateurs réactifs pour faire de la SST un enjeu stratégique. Seuls des dirigeants formés et compétents en SST peuvent inverser la tendance et bien gérer la SST. Ils pourront ainsi « vérifier si les efforts consentis portent fruit, et […] se convaincre que la SST est un investissement plutôt qu'une dépense » (Ibid., p. 407).

L'entreprise accommodante marque le début de la PCSST. Elle implante des mécanismes de prévention qui deviendront ses pratiques courantes de gestion (Pérusse

et al., 2012). Elle s'investit en SST si c’est obligatoire ou rentable. Pour améliorer sa

gestion de la SST, elle crée des programmes de formation, intègre les nouveaux employés, élabore son PP, crée le CSS et surtout elle communique. C’est à ce niveau que commence la communication, essentielle à la promotion des activités de SST, la circulation d'information entre les employés et les dirigeants. Ses mesures sont les indicateurs de performance, la conformité et les répercussions humaines des incidents.

L'entreprise proactive considère la SST comme « un enjeu stratégique, et décide d'en faire une priorité marquée » (Ibid., p. 410). Elle déploie les conditions de pérennisation de la PCSST. C’est en ce moment qu’une entreprise pérennise sa PCSST. Elle investit

des ressources et de l'énergie dans la SST. Son haut niveau de conscience sociale fait d'elle une référence. Gage de productivité et de survie, la SST est une valeur intégrée dans ses pratiques d'affaires (planification stratégique, gestion des ressources humaines, gestion du changement, gestion des sous-traitants, gestion de l'approvisionnement, recherche et développement). Elle consolide ses activités de SST et analyse de façon systémique ses incidents. L'entreprise proactive est au summum de la PCSST, car elle anticipe ses problèmes, elle utilise des outils d'analyse des risques et de résolution des problèmes. Ses dirigeants sont formés à la gestion de la SST. Ses mesures visent l'amélioration continue : fixation des objectifs en SST, évaluation des actions préventives, comparaison aux entreprises de référence mondiale. L’intégration de la SST dans l'entreprise proactive est due à « l’engagement visible et actif de la direction. Les responsabilités de tous sont connues, chacun les assume et en est imputable » (Pérusse et al., 2012, p. 411). Elle répond ainsi aux conditions de pérennisation de la PCSST.

Enfin, l'entreprise génératrice est le modèle de référence, elle partage ses pratiques gagnantes avec ses fournisseurs, clients et autres entreprises, démontrant sa volonté de dialoguer. Elle est à l’avant-garde de la SST, qui fait partie de sa stratégique et de son mode de gestion. « La SST n’est plus simplement une priorité (car les priorités peuvent changer au fil du temps), mais bien une valeur » (Ibid., p. 412). La SST fait partie de ses pratiques et de son processus de prise de décision. Elle tient pour acquises les conditions de pérennisation de la PCSST et cherche à les consolider. Ainsi, ses stratégies sont de référence mondiale. Ses activités ne sont plus à développer, mais à consolider. L’entreprise génératrice s’améliore constamment et soigne l’intégration de la SST dans tous ses processus : planification stratégique (adoption d’un plan stratégique de SST), ressources humaines (intégration de nouveaux employés, organisation du travail), gestion du changement et des projets (élimination des dangers dès le design d’un nouvel équipement, d’un nouveau procédé ou d’une nouvelle installation), gestion des approvisionnements (application de sa politique de SST à ses fournisseurs); gestion des sous-traitants (critères de SST dans la sélection et la

supervision des travaux de construction, de la main-d’œuvre de location, des allées et venues des fournisseurs, des clients et des visiteurs) (Pérusse et al., 2012). Ses objectifs et résultats sont connus des parties prenantes et font partie de sa reddition de comptes.

L’approche de DD fournit des caractéristiques permettant de dresser un portrait de PCSST des entreprises. Les entreprises des deux premiers niveaux ne s’intéressent pas à la PCSST. La PCSST commence au niveau de l’entreprise accommodante. Elle met « en place des mécanismes de prévention, mais ces mécanismes ne sont pas encore devenus des pratiques courantes de la gestion » (Pérusse et al., 2012, p. 407). Les entreprises proactives et génératrices prennent en charge la SST et se préoccupent de sa pérennisation. Leurs dirigeants sont engagés réellement en faveur de la SST, ils déploient des actions concrètes et rendent compte des résultats de la SST. Ils investissent des ressources pour susciter la participation des employés et favoriser le dialogue en leur sein et avec leurs partenaires. L’entreprise « intègre des critères de SST dans toutes ses pratiques de gestion et en tient compte dans toutes ses décisions. Elle adopte des stratégies, des pratiques d’affaires et de gestion de classe mondiale » (Ibid., p. 412). En outre, « la communauté internationale reconnait de plus en plus que la SST est une composante importante du développement durable, et le programme de développement durable à l’horizon 2030, adopté en 2015, met l’accent sur la SST » (OIT, 2017b, p. 7). En cela, l’approche de DD parait la plus inclusive pour classer les entreprises étudiées. Ce qui justifie le choix de sa grille d'autoévaluation en cinq niveaux (figure 1) pour apprécier le niveau de la PCSST. Elle va aider à la lecture des cas et permettre leur classification selon les cinq niveaux. Cette grille est détaillée au tableau 11 dans le chapitre sur le cadre opératoire.

Figure 1 Cinq niveaux d’entreprise

Adapté de Pérusse, M., Desmarais, L. et Cadieux, J. (2012). Santé et sécurité au travail. In J. Cadieux et M. Dion (dir.). Manuel de gestion du développement durable en entreprise : une approche progressive (p. 402- 419). Montréal : Fides.

En résumé, la littérature consultée dégage différentes approches de la PCSST. Ces approches sont complémentaires et proposent des thèmes transversaux. L’approche juridique postule que la PCSST est déclenchée par les interventions externes et sa pérennisation vient de l’engagement des dirigeants, de la participation des employés et du dialogue social. La littérature (Piore et Schrank, 2008 ; Pires, 2008) a montré l’importance de l'intervention pédagogique ou mixte dans la PCSST. L’approche économique propose le thème des incitatifs économiques qui s’est révélé être un déclencheur de la PCSST. Les SGSST suggèrent trois conditions de pérenniser la PCSST : engagement des dirigeants, participation des employés, dialogue social. Enfin, l’approche progressive de gestion du DD inclut également ces trois conditions. C’est une approche fondée sur une démarche inclusive pour mesurer la progression de la PCSST. C’est pourquoi sa grille d’autoévaluation est utilisée pour positionner les entreprises dans le chapitre des résultats. En définitive, cette revue de littérature a permis d’identifier cinq principaux thèmes pour la suite de cette recherche. Il s’agit des incitatifs économiques et des interventions retenues comme des déclencheurs de la PCSST. L’engagement des dirigeants, la participation des employés et le dialogue sont identifiés comme des conditions de pérennisation de la PCSST. En plus de prendre en considération les cinq thèmes dans l’établissement du cadre conceptuel, cette étude va s’atteler à répondre à une préoccupation de la littérature. Celle de « trouver de nouvelles façons de faire, de nouvelles pratiques de gestion, de nouvelles méthodes d'intervention, des améliorations à nos SGSST » (Pérusse et al., 2012, p. 415). Cette étude se propose de répondre à cette invitation en intégrant les cinq thèmes dans son cadre conceptuel.

Peu ou pas