• Aucun résultat trouvé

3.3 Les séances observées

3.3.3 Analyse des narrations de séance

Les narrations sont un matériau encore trop complexe pour rendre compte de manière synthé- tique de l’existence de moments de recherche, de débats et de preuve entre pairs et aussi des marges de manoeuvres investies par l’enseignant. Un traitement supplémentaire est donc constitué d’une analyse qualitative et quantitative basées sur l’identification des phases de présentation et de dévo- lution du problème, de recherche, de mise en commun et de conclusion. Les deux sections suivantes présentent les modalités de ces deux analyses.

Analyse qualitative

L’analyse qualitative s’appuie sur une analyse a priori des activités proposées sur le site Web et sur l’influence potentielle a priori de l’activité de la CoP sur les pratiques, par exemple au travers des réunions et des comptes-rendus. Il s’agit notamment de prévoir les choix qui restent à la charge de l’enseignant pour étudier la manière dont il a investi son espace de liberté dans le déroulement effectif des séances. Nous déterminons si les tâches prescrites ou attendues des séances observées correspondent à des problèmes de recherche et de preuve entre pairs et notamment si des tâches ouvertes sont proposées aux élèves ou si l’enseignant propose plutôt des activités d’application et des tâches fermées dont la résolution ne pose pas, a priori, de problèmes aux élèves au moment concerné. Revenons sur la définition d’une tâche ouverte. Il s’agit d’une tâche de nature mathéma- tique donnée par l’enseignant, parfois implicitement, et qui nécessite une recherche des élèves sans que cette recherche soit l’application d’une méthode déjà présentée. Si une méthode permettant de résoudre la tâche a été présentée auparavant, en l’absence d’indice contradictoire, nous préjugerons 31Les échanges ✭✭ privés ✮✮ s’opposent aux échanges ✭✭ publics ✮✮, c’est à dire aux échanges potentiellement accessibles

Codes Descriptions

Pres Présentation du problème, des modalités de travail RechO Recherche autonome de problèmes ouverts RechF Recherche autonome de problèmes fermés

MC Mise en commun

CD Cours dialogué

Conc Conclusion de la séance

TAB. 3.3: Codage utilisé pour les phases des narrations de séances.

que les élèves l’ont comprise et que cela limite d’autant le potentiel de recherche de l’activité. Il s’agit alors d’une tâche fermée. De plus, nous analysons seulement les interventions destinées à la classe entière. Une limite de notre méthodologie est donc que nous ne prenons généralement pas en compte les aides que l’enseignant a pu fournir à des élèves ou des groupes d’élèves particuliers, or nous savons qu’elles peuvent parfois être susceptibles de dénaturer une tâche ouverte en une tâche fermée.

Pour analyser qualitativement, puis quantitativement, les séances observées, nous codons les différentes phases identifiées dans les narrations de séances à l’aide des codes du tableau 3.3 que nous expliquons ci-après. Nous calculons ensuite les durées totales consacrées à chaque type de phases puis nous dressons un tableau synthétique du déroulement pour chaque séance.

Les phases de présentation et de dévolution du problème, sont essentiellement les épisodes pendant lesquels l’enseignant présente ou modifie l’énoncé du problème auprès des élèves et qui servent à permettre l’appropriation du problème par les élèves. Nous étudions les tâches prescrites et attendues et leur articulation dans le déroulement de la séance, la congruence du problème32avec ce qui était proposé sur le site Web en tenant compte de la chronologie des modifications du site Web33. Ces phases se situent principalement au début des séances mais pas uniquement. Elles sont repérées avec le code Pres.

Concernant les phases autonomes de recherche des élèves, individuelles ou par petits groupes, nous avons vu que notre analyse était limitée par la méthodologie de recueil de données. Cepen- dant, les données permettent d’évoquer le rôle de l’enseignant pendant que les élèves cherchent, s’il intervient auprès d’eux, parfois en précisant de quelle manière. Nous évoquons aussi les activités des élèves que nous avons pu observer quand cela semble intéressant à signaler par rapport au dé- roulement de la séance. Les codes RechO et RechF signalent ces phases consacrées aux recherches autonomes des élèves. Le premier code signale une recherche répondant à une tâche prescrite ou- verte, c’est à dire dont le résultat et la méthode de réalisation ne sont pas déjà donnés dans la classe. En particulier, il ne s’agit pas d’un résultat direct et facile à trouver par les élèves. Dans le cas contraire, la phase est considérée comme une phase de recherche fermée et elle est codée RechF. Il s’agit alors par exemple d’une recherche où la méthode d’obtention du résultat demandé est déjà donnée, implicitement ou explicitement, et où nous supposons que plusieurs élèves ont pu comprendre cette méthode.

Quant aux phases de recherche collective, ce sont des moments où une ou plusieurs productions 32Nous parlerons donc de problème congruent.

3. MÉTHODOLOGIE

ou idées sont partagées ou discutées, parfois partiellement, au niveau de l’ensemble de la classe. Il peut y avoir des moments d’échanges ou de débats, d’explication, de validation. Les échanges peuvent avoir lieu entre des élèves ou entre l’enseignant et des élèves, les validations peuvent être faites par l’enseignant ou les élèves. Nous étudions en particulier le rôle de l’enseignant en cherchant à déterminer si son activité est susceptible de favoriser la participation des élèves dans la résolution entre pairs du problème. En cohérence avec le cadre théorique de (Robert et Rogalski 2002), nous distinguons l’action du maître de l’activité des élèves qui en découle mais nous faisons l’hypothèse que l’action du maître est importante, sinon déterminante, pour favoriser l’activité des élèves. Une fois que les élèves ont cherché de manière autonome, c’est généralement le moment d’organiser des échanges dans le collectif de la classe. Les interventions peuvent être de deux natures, didactiques c’est à dire spécifiques des mathématiques ou du problème en cours de résolution – demander aux élèves de présenter leur travail ou le présenter sans le dénaturer ou en modifier la portée, de valider ou discuter un fait mathématique lié au problème – ou bien pédagogiques – vérifier que les élèves entendent ou voient ce qui est présenté, solliciter leur attention, demander une réaction. Comment l’enseignant s’y prend-il ? Il peut organiser une mise en commun des productions en cherchant à favoriser l’implication des élèves dans des échanges entre pairs. Nous codons les phases concernées MC. Il peut aussi intervenir sur un mode proche du ✭✭ cours dialogué ✮✮. Il s’agit de phases contrôlées par des questions précises et simples de l’enseignant et qui font avancer sensiblement les élèves vers la résolution du problème. Ces phases sont dirigées sur le plan sémantique par l’enseignant et non par des élèves. Le potentiel de recherche ou de débats est alors réduit par une succession d’interventions courtes de l’enseignant et des élèves. Nous codons ces phases CD.

Enfin, nous analysons la façon dont l’enseignant conclut la séance relativement au déroulement de la séance et aux points qu’il met en valeur. Le code Conc repère ces phases de conclusion dans lesquelles l’enseignant peut impliquer les élèves dans les conclusions à tirer d’une séance. Il peut insister sur les résultats obtenus ou qui restent en suspens vis à vis du problème posé. Il peut aussi insister sur des aspects méta-mathématiques caractéristiques des activités de recherche et de preuve entre pairs. Nous recherchons aussi les éventuels décalages entre les éléments de conclusion et le déroulement de la séance.

Enfin, nous rédigeons pour chaque séance une conclusion dans laquelle nous synthétisons la logique d’action de l’enseignant pendant la séance concernée ainsi que les marges de manoeuvre investies par l’enseignant relativement à l’analyse a priori du problème.

Dans ces analyses, nous ne cherchons pas à analyser certains aspects linguistiques même s’ils ont probablement une importance dans le déroulement de ce type de séance. Nous pensons par exemple à la manière dont l’enseignant s’exprime, à des mots ou des formules langagières qu’il emploie. Par ce moyen, certains enseignants se donnent par exemple un rôle particulier dans la mise en commun : ✭✭ Vous ne m’avez pas donné la solution ✮✮, ✭✭ Il faudra m’expliquer ✮✮, etc. Ces expressions ne préjugent pas toujours du déroulement de la séance car l’enseignant peut très bien donner la charge de la preuve aux élèves, même si le langage utilisé semble le placer au coeur des échanges. Dans le cas inverse, ces expressions ne font sans doute que renforcer des processus déjà là de par la gestion de la séance faite par l’enseignant. Ainsi, le fait de ne pas étudier plus précisément ces aspects linguistiques ne nous semble pas de nature à fausser les analyses.

Analyse quantitative

Pour compléter notre analyse qualitative, nous menons aussi une analyse quantitative des séances de Mme

S

. Celle-ci contribue à mettre en évidence la variété des mises en oeuvre et des évolutions entre le début et la fin de l’expérimentation.

Nous souhaitons tout d’abord quantifier la place des tâches ouvertes dans la pratique dans une séance ou plusieurs séances. Si l’enseignant ne propose pas de tâche ouverte, les élèves y seront confrontés au hasard des situations et de leur motivation et les objectifs de l’activité de recherche et de preuve entre pairs ne sont donc pas travaillés de manière suffisamment sûre. Le caractère ouvert des tâches étant défini, nous voyons alors essentiellement deux moyens de quantifier la place de celles-ci dans les séances : calcul de la proportion entre le nombre de tâches ouvertes par rapport au nombre total de tâches et calcul de la proportion de la durée cumulée pendant laquelle les élèves ont essentiellement à effectuer une tâche ouverte par rapport à la durée totale des séances. La première solution nous semble d’un intérêt limité car l’enseignant peut, par exemple, donner plusieurs petites tâches fermées pour faire avancer les élèves sur un aspect secondaire avant de leur permettre de se concentrer sur le problème principal. C’est donc davantage la proportion de temps consacré aux tâches ouvertes qui semble le mieux caractériser la place des tâches ouvertes dans une séance donnée. La question se pose donc de définir les limites d’un moment consacré à la résolution d’une tâche ouverte. Nous considérerons qu’il débute après la définition de la tâche34 et qu’il peut se terminer de différentes manières :

– l’enseignant stoppe la résolution de la tâche ouverte ;

– l’enseignant donne aux élèves une autre tâche qui accapare l’activité des élèves. C’est par exemple le cas lorsque la tâche ouverte est décomposée en tâches fermées, même si la tâche ouverte reste en suspens. C’est aussi le cas lorsque l’enseignant organise une mise en commun des productions même si des élèves continuent de travailler à résoudre la tâche ouverte. Dans notre analyse, nous cherchons aussi à quantifier la place des interventions de l’enseignant les plus susceptibles de favoriser des échanges et des débats entre élèves portant sur des objets mathématiques lors des mises en commun du travail des élèves. Pour des raisons similaires à celles développées pour la place de la recherche autonome des élèves, nous travaillerons sur la durée des moments de mise en commun et de cours dialogué.

Nous serons aussi amenés à faire des regroupements de types de phases. Tout d’abord, nous regrouperons, d’un côté, les phases de recherches ouvertes (RechO) et fermées (RechF) afin d’éva- luer la place des recherches autonomes des élèves (RechA) et, d’un autre côté, les phases de mises en commun (MC) et de cours dialogués (CD) pour évaluer la place des recherches ✭✭ collectives ✮✮ (RechC), c’est à dire animées par l’enseignant. D’autre part, nous regrouperons aussi, d’un côté, les phases ✭✭ ouvertes ✮✮ RechO et MC et, d’un autre côté, les phases ✭✭ fermées ✮✮ RechF et CD, pour évaluer le degré d’ouverture des différentes séances et son évolution. Ces regroupements sont récapitulés dans le tableau 3.4 page suivante.

L’analyse quantitative des narrations de séances de Mme

S

est présentée à partir de la page 241.

3. MÉTHODOLOGIE

Regroupements de phases Compositions des regroupements Recherches autonomes RechA RechO + RechF

Recherches collectives RechC MC + CD

Phases ✭✭ ouvertes ✮✮ RechO + MC

Phases ✭✭ fermées ✮✮ RechF + CD

TAB. 3.4: Regroupements de phases et codage.