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2.5 Conclusion et retour sur la problématique

3.1.2 Éléments de design pour les stades d’incubation et de fusion

Dans notre expérimentation, nous travaillons principalement aux deux premiers stades du dé- veloppement d’une CoP, celui de l’incubation et celui de la fusion9. Nous avons vu précédemment que, dans (ibid.), les auteurs ne reprennent pas explicitement les dimensions du design pour l’ap- prentissage trouvées dans (Wenger 2005) mais nous les avons aussi utilisées. De plus et d’un point de vue méthodologique, nous notons qu’au contraire de la typologie domaine, communauté, pra- tique, les auteurs ne font pas un usage systématique des sept principes et des quatre dimensions du design pour l’apprentissage dans les recommandations qu’ils font quant aux différents stades de développement d’une CoP ou bien dans les exemples qu’ils donnent. Ceci nous a conduit à réunir ces différents éléments dans un unique outil synthétique et opérationnel qui prend la forme du ta- bleau 3.1 page suivante. Le parcours de cet outil permet en effet de chercher de manière structurée, voire systématique, des pistes d’action quand il s’agit de créer ou de coordonner une CoP. Dans les cellules du tableau, des lettres marquent les différentes combinaisons que nous avons mis en oeuvre et renvoient aux explications que nous donnons dans les pages qui suivent. On trouve dans (ibid., p. 261) un autre outil qui, lui, est basé sur les modes d’appartenance et sur les dimensions du design. 8Notre traduction de ✭✭ Since coodinator’s primary role is to link people, not give answers, being a leading expert can

be a handicap ✮✮.

3. MÉTHODOLOGIE

Principes Domaine Communauté Pratique

Design et évolution b* d k

– Participation/réification – Conçu/émergent – Local/global

– Identification/négociabilité

Courtage, perspectives internes/externes g j

Degré de participation c e l

Espaces publics/privés h

Focus sur valeur a i

Familier/exceptionnel

Rythme f m

*Les lettres du tableau renvoient plus loin aux explications des choix que nous avons faits dans

notre expérimentation. Elles sont en exposant dans le texte.

TAB. 3.1: Outil synthétique de réflexion pour l’émergence et la coordination d’une

CoP.

Cependant, il nous a paru moins opérationnel que le nôtre, notamment pour l’émergence d’une CoP intentionnelle. Il est aussi moins complet, notamment du fait qu’il ait été écrit avant.

Les stades d’incubation et de fusion

Le stade de l’incubation vise essentiellement à permettre le suivant, celui de la fusion (Wenger et al. 2002, pp. 70-82). Dans le cas d’une communauté intentionnelle, il s’agit de regrouper des individus – la communauté – intéressés par le domaine que nous leur proposons et de trouver des intérêts et des besoins communs qui concernent leur pratique.

Quant à lui, le stade de la fusion (ibid., p. 82-90) vise à véritablement lancer la CoP : Pendant cette seconde étape, la communauté est officiellement lancée à l’aide d’évè- nements de la communauté, bien que la construction de la communauté ait déjà com- mencé avec la mise en réseau dans l’étape d’organisation. Pendant ce temps-là, il est crucial d’avoir des activités qui permettent aux membres de construire des relations, de la confiance et une conscience de leurs intérêts et de leurs besoins communs10(ibid., p. 82).

Les auteurs soulignent par ailleurs qu’✭✭ il faut souvent du temps à la communauté pour se déve- lopper jusqu’au point où les gens ont une confiance sincère les uns envers les autres, partagent une connaissance véritablement utile et croient que la communauté procure assez de valeur pour avoir une chance de survivre11 ✮✮ (ibid., p. 82). Faisant l’hypothèse d’un dysfonctionnement de cette 10Notre traduction de ✭✭ During this second stage, the community is officialy launched by hosting community events,

though community building has already begun with networking in the planning stage. During this time, it is crucial to have activities that allow members to build relationships, trust and an awareness of their common interests and needs ✮✮.

étape, nous pouvons donc supposer que, par manque de confiance, les enseignants risqueraient de ne pas aborder les questions qui les préoccupent réellement et qu’alors la communauté ne pourrait pas remplir son rôle. Les enseignants ne verraient plus d’intérêt à participer à la CoP et ce serait l’échec de la phase de fusion et la fin de la communauté. L’aspect relationnel par le biais des espaces privés et publics, l’aspect domaine, ainsi que la rapide mise en évidence de la valeur que peut apporter la CoP sont donc étroitement liés. Les auteurs écrivent d’ailleurs que ✭✭ À ce stade, le principal chal- lenge pour la plupart des communautés est d’équilibrer, d’un côté, le besoin de laisser ses membres développer des liens de relations et de confiance et, de l’autre côté, le besoin de mettre en évidence la valeur de la communauté12 ✮✮ (Wenger et al. 2002, p. 83).

Nous présentons maintenant les choix que nous avons donc faits concernant le domaine, la communauté et la pratique de la CoP. Les lettres en exposant, par exemple ✭✭ b

✮✮, renvoient au tableau 3.1 page précédente. Dans une dernière partie, nous traiterons de l’apport spécifique des TIC dans notre design.

Le domaine. Le fait que les membres se découvrent des besoins communs est un des moteurs de la réussite des stades d’incubation et de fusion. La définition et la formulation initiale du domaine sont donc importantes et doivent être suffisamment précises pour éviter, par exemple, de trop grands écarts d’interprétation. Afin de rester dans le cadre de notre recherche, il s’agit aussi d’éviter autant que possible un changement de domaine pendant l’expérimentation, tout en sachant que ceci reste toujours possible si on reste dans la perspective de Wenger puisque c’est la CoP qui négocie son entreprise commune. Le coordinateur doit donc en particulier être attentif aux besoins des membres et mettre en évidence la valeur potentielle de la communauté, les éléments nouveaux qu’elle est susceptible de leur apporter dans le domaine défini. Ceci peut passer par des entretiens individuels des membres potentiels (ibid., p. 79), entretiens plus ou moins informels qui peuvent aussi permettre de présenter le cadre des CoP. Pour notre part, nous envisageons, non pas de présenter le cadre lui- même ou d’y faire référence, mais simplement de nous appuyer sur les opportunités proposées par le dispositif et sur sa valeura.

Étudions maintenant le document que nous avons envoyé aux enseignants et que nous avons reproduit page 434. Le domaine est bien définib. La CoP est centrée sur les questions pratiques qui touchent la mise en oeuvre de ✭✭ véritables situations de recherche ✮✮ dans la classe des enseignants. Le type de ces problèmes est décrit de façon simple et brève et les composantes recherche et dé- bat sont rappelées. Les numéros des pages dans les instructions officielles (I.O.) sont précisés afin d’éviter cette recherche aux enseignants. La compréhension de notre message ne nécessite cepen- dant pas la consultation des I.O.. C’est une prise en compte des degrés de participationc. L’aspect global est représenté par la référence aux I.O. mais aussi par le fait que cette CoP s’inscrit dans le contexte d’une recherche. En ce qui concerne l’aspect local, nous mettons en avant que la mise en oeuvre des problèmes de recherche en classe est complexe, ce qui a pour conséquence naturelle que les enseignants peuvent avoir des difficultés dans leur pratique effective. Il s’agit, dans cette CoP, d’avancer sur les points qui les intéressent et de ne pas proposer une activité rebutante. Ceci relève aussi de la dimension identification/négociabilité. Ce qui peut poser problème aux enseignants n’est

other, share knowledge that is truly useful, and believe the community provides enough value that it has a good chance to survive ✮✮.

12Notre traduction de ✭✭ The main challenge for most communities at this stage is to balance the need to let its members

3. MÉTHODOLOGIE

pas détaillé afin de favoriser l’identification tout en ouvrant la voie de la négociation pour délimiter un domaine plus précisb.

La communauté. Quels seront les membres de la CoP ? Comment favoriser leur implication dans le projet alors que nous ne connaissons pas, a priori, personnellement les enseignants et que cette démarche se situe hors du cadre hiérarchique ?

Les auteurs indiquent qu’il faut éviter de s’appuyer sur des réseaux existants pour pouvoir fa- voriser l’émergence des idées (ibid., p. 72) et aussi ne pas dépendre des liens hiérarchiques qui pourraient y exister. Nous suivons cette recommandation en contactant des enseignants d’écoles différentes et aussi de circonscriptions différentesd. Nous faisons le choix d’écarter les établisse- ments trop ✭✭ spéciaux ✮✮ tels que les établissements classés ZEP et les écoles d’application. Nous pensons que les contraintes au sein des classes seraient trop différentes. Nous voulons une CoP relativement homogène et les spécificités des classes difficiles, par exemple, peuvent constituer des discontinuités dans la pratique des enseignants et donc ne pas favoriser l’engagement mutueld.

Nous avons choisi de travailler particulièrement sur les niveaux CM1 et CM2 du cycle 3 mais nous n’excluons pas le niveau CE2 du même cycle. D’après notre expérience, le fait que l’on puisse proposer à ces niveaux d’enseignement des problèmes qui résistent véritablement aux élèves est en général bien perçu par les enseignants, ce qui est moins souvent le cas pour les niveaux inférieurs. Les pratiques d’enseignement y sont aussi, à notre connaissance, relativement similaires. Cibler sur un niveau serait sans doute moins mobilisateur car (1) le projet intéresserait de fait moins d’ensei- gnants alors que les pratiques sont souvent semblables dans les deux niveaux et (2) l’existence des doubles niveaux CM1-CM2 permet d’envisager un gain de temps et d’énergie pour les enseignants concernés et donc de favoriser leur engagementd.

Avec l’accord de l’Inspection Départementale et des Inspecteurs de l’Éducation Nationale de deux circonscriptions, nous envoyons notre projet aux directeurs d’école, par voie postale ou élec- tronique suivant les renseignements dont nous disposons, afin qu’ils le transmettent aux enseignants de CM1 et de CM2. Nous effectuons la semaine qui suit un suivi téléphonique auprès de cette di- rection afin de nous assurer que le courrier a bien été transmis aux enseignants concernés et nous demandons si les enseignants semblent intéressés afin d’apporter d’éventuelles précisions, en cas de refus notammentd. Le courrier qui accompagne le projet précise que nous avons l’accord de la hiérarchie mais que le projet n’est pas supervisé par elle, ce qui entre pleinement dans la perspec- tive des CoP au sein des organisations. Au niveau global, tout est en règle et, au niveau local, la négociabilité du design et la liberté de parole sont d’autant facilitéesd.

À propos des niveaux de participation, les membres s’engagent volontairement et gracieusement dans notre expérimentation. Nous souhaitons bien sûr une participation optimale des enseignants sa- chant que nous ne pouvons non plus trop exiger d’eux, sous peine de les voir se désengager. C’est ce qui est à l’origine de notre choix des échanges électroniques dans le design initial. Nous ne pré- voyons pas précisément des types de participation précis parmi lesquels les enseignants pourraient choisir mais nous devons simplement accepter et prendre en compte dès le premier stade de la CoP que tous les membres ne s’engageront pas de la même manière, quel que soit le développement effectif à venir. Concrètement, ceci consiste par exemple à ne pas penser que la communauté dys- fonctionne parce que un ou plusieurs membres n’assistent pas à une réunion mais plutôt à prendre de la distance par rapport à la CoP et à étudier s’il est nécessaire d’agir de manière spécifiquee. En plus des échanges électroniques, nous pouvons, par exemple, rencontrer individuellement les en-

seignants, leur téléphoner et organiser des réunionsf ,e. D’autre part, dans notre perspective, chaque enseignant peut avoir envie de s’engager dans la mise en oeuvre d’un problème particulier quand il voit ses collègues se lancer, qu’ils réussissent ou non. Les réussites, les échecs, les hésitations des uns et des autres peuvent donner à chacun l’opportunité d’essayer de nouvelles activités, de nou- velles pratiques. Chaque histoire, chaque expérience est susceptible de constituer des réifications, de plus ou moins grande importance au sein de la CoP, qui permettent la négociation de sens de la pratique et l’engagement dans la pratique. Les échanges peuvent ne pas être exclusivement liés au domaine de la CoP et peuvent notamment viser à établir des liens de confiance et de réciprocité. Ainsi, c’est l’esprit d’engagement mutuel qui est entretenu et ce qui relève du principe de dialogue entre les perspectives internes et externesg.

Le dispositif s’inscrit dans le cadre d’une recherche et certaines conséquences sont indiquées tout en laissant une marge de négociation. En effet, nous avons écrit : ✭✭ J’assisterai à certaines de vos mises en oeuvre dans les classes avec votre accord ✮✮. Par contre, le fait que nous envisageons d’enregistrer des séances – enregistrements vidéo et audio – n’est pas indiqué. Nous souhaitons favoriser l’engagement des enseignants dans la CoP et prendre le temps de voir s’il est envisageable de le proposer ou bien si au contraire ceci leur paraîtrait rédhibitoire par rapport à la valeur qu’ils donnent à cette CoP en devenir. Notre travail se trouve modifié si aucun enregistrement n’est pos- sible mais notre recherche garde encore du sens. En parlant des enregistrements, il nous aurait fallu allonger notre texte de présentation et préciser que nous souhaitions principalement filmer le ta- bleau mais que des mouvements de caméra seraient nécessaires, etc. c’est à dire rentrer dans des détails qui n’intéressent finalement que les membres qui décident de s’engager et avec lesquels il faut négocier ces pointsd.

Voyons ce qui concerne le développement des espaces publics et privés et la centration sur la valeur de la communauté lors de nos rencontres avec les enseignants avant et après les séances ob- servées. Comme le prévoit le cadre de la double approche avec la composante sociale, nous pensons trouver des liens entre les différentes pratiques observées. Par exemple, nous pensons parfois profi- ter des rencontres pour évoquer le fait que certaines questions paraissant singulières aux yeux des enseignants sont en réalité plus partagées qu’ils ne le pensent. Dans un premier temps, nous avons choisi de limiter cette possibilité car nous pensons que l’enseignant concerné, même s’il n’est pas nommé, ou les autres, pourraient ressentir cette évocation comme un jugement d’incompétence de notre partd,h.

Enfin, nous invitons les enseignants à venir se réunir hors temps scolaire13pour une présenta- tion plus complète du dispositif et une présentation des problèmes. La réunion se déroule en fin de matinée afin de ne pas bloquer l’après-midi pendant laquelle nous supposons que les contraintes des enseignants peuvent être plus nombreuses (enfants, activités, etc.). Les horaires de début et de fin sont indiqués afin de fixer des limites à ce moment professionnel hors temps scolaire et nous précisons aussi que la participation à cette réunion ne constitue en aucune manière un engagement. À l’inverse, une non-participation à la réunion n’empêche pas l’engagement dans la CoPe. Tous ces points nous paraissent favoriser une décision de venir à la réunion. Le fait que l’expérimenta- tion débute finalement assez tard dans l’année – au mois de mars – est une contrainte liée à notre engagement dans la recherche. Ceci nous paraît moins pertinent que les autres choix pour favori- ser l’engagement des enseignants. En effet, ces derniers peuvent mettre en doute l’efficacité et le 13Nous avons vérifié préalablement auprès des Inspecteurs de circonscription qu’aucune réunion institutionnelle ne

3. MÉTHODOLOGIE

sérieux d’une expérimentation se déroulant dans le temps réduit qui sépare son début de la fin de l’année scolaire notamment en tenant compte de la proximité des congés de Pâques. De plus, des sorties hors de l’école, auxquelles les enseignants consacrent du temps et de l’énergie, sont souvent programmées au mois de juin ce qui leur laisse donc moins de temps à consacrer à la CoPd. La pratique. Un premier cadre négociable est composé pour lancer cette nouvelle communauté, c’est le conçu de Wenger. Il s’agit d’accompagner la communauté, à distance (site Web, liste de diffusion, téléphone, etc.) et en présentiel (réunions). C’est la communauté qui décide des moyens à mettre finalement en oeuvre pour travailler.

Comme nous l’avons annoncé plus haut, nous allons, lors d’une réunion de présentation, insister sur la valeur possible de la communauté et ainsi expliquer le fonctionnement envisagé et les oppor- tunités qu’il offre aux enseignants de faire des liens entre leurs pratiques (Wenger et al. 2002, p. 79) à travers les questions qu’ils se posent, etc. Nous allons le faire sans donner de réponse aux ques- tions autour desquelles la CoP doit justement s’articuler. Selon nous, donner des réponses aurait l’effet inverse à celui souhaité : qu’elles soient acceptées ou non, ceci reviendrait à dénier l’intérêt même de la CoPi voire à nous positionner en tant qu’expert, ce qui n’est pas souhaitable comme nous l’avons vu plus hautd,e,i.

Le dispositif est proposé comme étant susceptible de leur apprendre quelque chose. Des élé- ments sont donnés par le coordinateur mais le dispositif s’appuie principalement sur les pairs, avant ou après les mises en oeuvre. Le dispositif est distingué d’une ✭✭ formation ✮✮ mais sans qu’aucun détail ne soit explicitement donné sur cette distinction. Nous savons de part notre expérience que les enseignants n’apprécient pas toujours positivement de recevoir des conseils de la part de ceux qui ne pratiquent pas effectivement dans une classe et dans des conditions similaires. Ainsi, les conseils des professeurs d’IUFM, des Inspecteurs de circonscription mais aussi des maîtres formateurs et des conseillers pédagogiques de circonscriptions – malgré le fait que ces derniers aient toujours exercé dans des classes – sont parfois accueillis avec circonspection ou suspectés d’être inapplicables dans des conditions ✭✭ normales ✮✮ d’enseignementj. Cet aspect du travail autour des pratiques est plu- sieurs fois évoqué dans les développements de la théorie des CoP et touche aussi la composition de la communautég.

Les manuels et les livres du maître sont des artefacts qui concernent à la fois la dimension glo- bale et la dimension identification/négociabilité. La manière dont nous en parlons dans le document fourni aux enseignants est susceptible de favoriser leur participation. D’une part, ils ont pu en ef- fet constater eux-mêmes que ces ouvrages n’offraient pas ou peu de problèmes de recherche ou peu d’aide pour ✭✭ se lancer ✮✮14. D’autre part, certains enseignants ont pu avoir trouvé, ou pensent avoir trouvé, des problèmes de recherche et peuvent être intéressés pour en discuter avec d’autres collèguesk.

Un premier contrat est proposé et justifié tout en restant négociable. Il s’agira pour les ensei- gnants de consulter un site Web contenant des ressources à leur destination, de mener des séances, d’échanger par voie électronique sur leurs expériences et de rédiger des comptes-rendus de certaines de leurs séancesk. Concernant les ressources proposées sur le site Web, nous proposons un site Web