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CHAPITRE IV. Le symbole

4. L’analyse isotopique

Commençons par un précepte de base : « C’est le texte qui détermine le sens des mots – à partir de leur signification en langue, mais en l’élaborant, en l’enrichissant et/ou la restreignant par l’action de normes génériques et situationnelles. Les significations répertoriées en langue ne sont que des virtualités »342. Les romans de William Ospina délimitent eux-mêmes le sens des lexèmes qui construisent les isotopies, puisent dans les virtualités assurant ainsi la construction du sens de l’œuvre. Il répond à « un principe de cohérence textuelle assurée par la récurrence de catégories linguistiques quelconques »343.

Nous croyons que pour l’acte mythique, un processus de bricolage se réalise et intervient dans la construction du sens. D’abord, il donne lieu à une distribution de figures et de motifs isotopiques remplissant les objectifs dont nous avons parlé dans la première partie. Il n’y a pas de relation a priori entre les isotopies, elles ne sont donc pas linguistiques à premier abord. Puis, le processus de bricolage établit une connexion globale entre des isotopies distinctes. Finalement, il hiérarchise les isotopies pour leur attribuer une propriété syntactique. Ainsi, l’ouvrage herméneutique sémiotique permet de voir dans les mythes l’association des concepts comme : « haut », « bas », « ciel », « terre », qui correspond à une organisation cosmologique du monde. Or, nous

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Diccionario de la Biblia, edit. R.P. Serafin de Ausejo, O.F.M. CAP., Barcelona : Herder, 1963, 2126 p., p. 1124.

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ELIADE, Images et symboles, op.cit., p. 234

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BALLABRIGA, Michel. Sémantique textuelle 2. mars 2005 [en ligne]. Disponible sur : <http://www.revue-texto.net/Reperes/Cours/Ballabriga2/index.html>, Consultée le 28 avril 2015.

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KERBRAT-ORECCHIONI Catherine, Problématique e l’isotopie, Dans : Linguistique et sémiologie, n° 1, Presses Universitaires de Lyon, 1976, p. 11-33, p. 16.

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constaterons que les isotopies dans ces mythes construisent d’autres mythèmes, d’autres structures de la pensée en rapport aux sources aquatiques et aux hauteurs.

Nous venons d’évoquer le mécanisme du bricolage au sein des récits mythiques. Que se passe-t-il dans les récits qui ne sont pas de l’ordre du mythe, mais qui se nourrissent des récits et symboles mythiques, comme ceux qui nous occupent ? Nous estimons que dans la recréation des motifs et des symboles mythiques, l’analogie du bricolage s’avère pédagogique. La composition du symbole, lorsqu’il n’est pas énoncé, se réalise par l’accumulation de parties représentatives ; nous croyons que celles-ci font partie de ce réseau construisant le symbole de l’eau et de la montagne. Vus sous cet angle, les lexèmes instaurent les fils du tissu sémantique.

Le concept d’isotopie nous conduit à une recherche dans le sens et les valeurs connotatives des termes. Il soulève la cohérence sémantique des textes, car l’isotopie est « un ensemble redondant de catégories sémantiques qui rend possible la lecture uniforme du récit, telle qu’elle résulte des lectures partielles des énoncés et de la résolution de leurs ambiguïtés qui est guidé par la recherche de la lecture unique »344.

Une première caractérisation de l’isotopie soulève le besoin de la répétition comme formation d’une isotopie significative : « L’isotopie élémentaire comprend donc deux unités de la manifestation linguistique. Cela dit, le nombre des unités constitutives d’une isotopie est théoriquement indéfinie »345

. Dans le cas des récits romanesques et des textes poétiques, la définition de l’isotopie se réalise par l’enchaînement des unités linguistiques visant à recréer les symboles mythiques.

Mais les isotopies ont une fonction référentielle, elles sont dans une mise en rapport induite par une cohérence syntagmatique346. Elles servent à la « discursivisation » de la narration. Les isotopies connotatives « méta-sémiotiques » prennent leur sens par les récurrences. Nous les identifions implicitement à l’aide des clefs, parfois par la présence de sémèmes conceptuels ou par des éléments qui se posent dans un univers sémantique précis et qui exigent la postulation d’un signifié différent.

Nous devons tout de même reconnaître que cette stratégie ne correspond qu’à un type d’interprétation selon une lecture « tabulaire », ainsi que certains chercheurs peuvent la qualifier, puisque « La récurrence d’une unité sémantique d’un lexème à un autre dans une séquence n’est ni une condition nécessaire ni une condition suffisante pour qu’elle soit perçue comme cohérente »347. Pourtant, la traçabilité des relations me permettra d’interpréter l’évolution et la figurabilité des isotopies.

De plus, la délimitation des isotopies connotées ou connotatives dans notre cadre de recherche ne peut s’établir qu’à partir d’un intertexte : « il faut admettre l’idée importante que « le lieu de manifestation des isotopies connotées peut être le texte, mais c’est, le plus souvent l’intertexte » ; en effet, une isotopie « est constituée par la redondance d’unités linguistiques, manifestes ou non, du plan de l’expression ou du plan

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GREIMAS A.J., « Pour une théorie de l’interprétation du récit mythique », dans : Du Sens, Paris : Le Seuil, 1970, p. 185-230, p. 188.

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RASITER F., « Systématique des isotopies », dans : Essais de sémiotique poétique, Paris, Larousse, 1972, p. 80-106, p. 82.

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F. Rastier a proposé une conceptualisation de l’isotopie, mais avant tout il dit que la condition pour qu’il y ait d’isotopie dans un texte, c’est le nombre minimum de lexèmes en relation en tant qu’ensemble désordonné.

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CHAROLLES Michel, « Le problème de la cohérence dans les études françaises sur le discours durant la période 1965 – 1975 », dans : Research in Text Connexity and Text Coherence: A Survey, Partie 1, Michel Charolles, János S. Petöfi, Emel Sözer, Buske Verlag, 1986, 397 p., p. 48.

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du contenu »348 ; et dans ce cas, il s’agit des mythèmes de la tradition mythique andine que nous avons dessinés plus haut.

Notre analyse sera axée sur les isotopies lexicales, sémantiques 349 et phonétiques350 telles que Kerbrat-Orecchioni les présente. La forme choisie dans les textes analysés permet l’étude de la substance.

Dans l’ouvrage, nous pouvons observer des isotopies qui connotent des sujets mythologiques. Et nous verrons dans les chapitres suivants comment s’articulent les éléments isotopiques pour créer un sens.

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ARRIVE Michel, « Pour une théorie des textes poly-isotopiques », Dans : Langages, 8e année, n° 31, 1973, Sémiotiques textuelles, p. 53-63, p. url :

/web/revues/home/prescript/article/lgge_0458-726x_1973_num_8_31_2235, Consulté el 25 février 2015

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Kerbrat-Orecchioni les définit comme la « récurrence de catégories sémantiques, sèmes ou classèmes, suscitée par la cooccurrence de lexèmes appartenant au même champs sémantique ».

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« […] récurrence d’un phonème ou d’une séquence phonématique, d’un phème ou d’un complexe phémique, dans l’allitération, l’assonance, la rime », GILLI Y., A propos du texte littéraire et de F. Kafka, Presses Univ. Franche-Comté, 1985 - 156 p., p. 29.

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