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5. PRÉSENTATION ET DISCUSSION DES RÉSULTATS

5.4. Analyse de situations emblématiques

5.4.1 Activités « Nicolas » (cf. Annexes E)

Cette activité est tirée du livre « l’enfant psychotique et l’école » de Charbit et Cervoni (1993). Les deux enseignants ont pris connaissance de cet ouvrage lors de leur formation continue à l’enseignement spécialisé. Cet ouvrage traite des problématiques d’élèves que l’on peut retrouver dans l’institution.

Charbit et Cervoni (1993) décrivent le déroulement des activités qu’elles proposent comme suit : « Chaque histoire est élaborée et illustrée en deux séances : la première est

consacrée à l’expression orale individuelle et à la rédaction du brouillon, la deuxième est la correction individuelle à la copie du texte au propre et à son illustration par un dessin. » (p.25).

Les objectifs visés sont prioritairement transversaux à savoir, le respect et l’écoute de l’autre et le travail sur la dynamique de groupe. Charbit et Cervoni (1993) ont élaboré cet outil pédagogique autour de trois axes : « favoriser l’expression de l’enfant en la rendant communicable, restaurer l’image de soi à travers l’accueil par l’enseignant de ce qui émerge de l’enfant sous formes floues et archaïques, conserver des traces écrites des actions, textes ou dessins » (p.10)

En français cette activité travaille l’expression et la compréhension orale, ainsi que la production écrite et l’écriture. Concernant l’expression orale, les élèves doivent créer une histoire structurée avec une action et une conclusion qui prennent en compte le contexte donné (la phrase). Pour ce qui est de l’écrit, les élèves doivent écrire en respectant le genre textuel narratif. Ils tiennent aussi compte de certains points du français II tels que la syntaxe, la ponctuation et l’orthographe.

Les enseignants ont adapté l’activité à leur classe. Elle a lieu habituellement le lundi matin avant la récréation. Elle consiste à poursuivre l’histoire de Nicolas à partir d’une phrase donnée. En premier lieu, l’enseignant 2 écrit une phrase au tableau noir. Par exemple : « Nicolas est en classe, il fait une expérience scientifique… ». A partir de là, chaque élève invente une suite (une histoire par élève) en tenant compte du contexte et en essayant d’être cohérent et réaliste. Les enseignants insistaient sur le fait que chaque élève invente une histoire contenant une intrigue ou une action et une fin qui la résoudrait.

L’accent n’était pas mis sur les émotions mais plutôt sur les intentions des personnages.

Pendant ce temps, l’enseignant 1 écrit les histoires proposées à l’oral par les élèves sur une feuille. Puis, à tour de rôle chaque élève doit reformuler l’histoire d’un autre élève.

Lors de la première partie de l’activité consacrée à l’expression orale individuelle, l’enseignant 2 animait le groupe et effectuait les relances et les régulations nécessaires tant sur le plan de la discipline que les apprentissages scolaires. L’enseignant guidait les élèves, leur posait des questions, essayait de comprendre le sens, de faire des liens et les poussait à développer leurs histoires. Par exemple, lorsqu’un élève n’osait pas raconter son histoire, il faisait que ce dernier se sente impliquer et participe. Ou encore lorsqu’un élève racontait une histoire irréaliste et incohérente, il le contraignait à reprendre son histoire et à faire des

liens entre les événements tout en le guidant. Puis, lorsque les élèves devaient reformuler les histoires de leurs camarades, l’enseignant leur donnait des indices pour les aider à les reconstruire.

Durant la deuxième partie de l’activité, qui consistait à recopier ou à écrire sa propre histoire, les deux enseignants passaient auprès de chaque élève. Pour les élèves qui n’avaient pas droit à leur texte (écrit par l’enseignant 1), ils les laissaient libres de commencer tout en les étayant s’ils ne se souvenaient pas. Les régulations dépendaient des besoins et des objectifs visés pour chaque élève. Certains étaient corrigés davantage sur la syntaxe et l’orthographe, d’autres sur la structure ou encore sur le graphisme. Les types d’aides proposés par les enseignants dépendaient des élèves. Par exemple, pour des élèves entrant dans l’écrit, ils les aidaient à faire la relation entre graphèmes et phonèmes.

Concernant l’orthographe lexicale (graphie des mots), les enseignants épelaient les mots.

Les élèves ne cherchaient pas dans des ouvrages de référence tels que le dictionnaire. Pour l’orthographe grammaticale (accords), lorsqu’ils voyaient une erreur, ils leur rappelaient les règles d’accords.

L’activité s’arrêtait avec la récréation. Les élèves n’ayant pas terminé leur texte ont parfois la possibilité, lors des moments libres, de le terminer. Cependant, ils ne sont jamais repris lors de la leçon suivante. Tous les textes terminés sont recueillis par les enseignants et seront ensuite regroupés dans un seul classeur prévu à cet effet. Ce classeur symbolise en quelque sorte, la « cohésion du groupe » et chaque élève aura la possibilité de le consulter.

Au départ, l’activité de « Nicolas » s’adresse à six élèves. Les enseignants donnent à quatre d’entre eux la retranscription de leurs histoires, qu’ils doivent ensuite recopier, soit à l’ordinateur, soit sur une feuille datée. Les deux élèves qui ne reçoivent pas la retranscription de leur histoire doivent l’écrire seul. Ces deux élèves sont lecteurs et ont les compétences nécessaires pour produire leur texte seul. L’un deux est en projet d’intégration.

Par la suite, le groupe a subi des modifications à plusieurs reprises. En effet, l’une des élèves étant partie en intégration en classe spécialisée, ils n’étaient alors plus que cinq à l’issue de la deuxième séance. La huitième matinée observée, une élève a quitté le groupe, car l’activité excédait ses compétences. Elle ne trouvait pas sa place et était effacée. Les enseignants l’ont donc remplacée par un autre élève pour lequel l’activité avait plus de

sens. Ceci a été un obstacle, car il a fallu intégrer cet élève dans l’activité et intégrer l’élève dans un autre groupe. Dès le moment où le groupe change, l’activité prend une autre tournure et les objectifs sont repensés.

Nous avons pu observer que les enseignants ne faisaient pas de planification écrite à long terme de cette activité. Cependant, ils ont longuement discuté de sa mise en place, son déroulement et son organisation. Ils ont d’abord choisi une histoire qui se rapporte à la période annuelle correspondante en fonction des saisons, du calendrier scolaire et des activités parallèles. Les débuts d’histoires choisis se rapprochent souvent du vécu des élèves pour que, selon les enseignants, ils s’y impliquent davantage. Le choix de la phrase se fait au fur et à mesure, avant la séance.

Quant au mode d’organisation sociale, les enseignants adoptent celui qui est préconisé par l’outil pédagogique à savoir une première phase collective où l’élève raconte son histoire et écoute celles des autres et une deuxième phase individuelle ou l’élève écrit ou recopie seul son texte. Cependant contrairement au choix fait par les auteures, les enseignants ont préféré mener l’activité en une seule séance (les parties collectives et individuelles ont donc lieu au cours de la même séance).

Nous avons observé que le déroulement de l’activité et son organisation n’ont pas varié. Toutefois, après les vacances de Noël, nous avons remarqué que les enseignants avaient rendu la tâche plus complexe puisqu’ils demandaient aux élèves de structurer leur texte en respectant le schéma suivant : Il faut qu’il arrive quelque chose à Nicolas et que son problème soit résolu. De plus, à cette période de l’année, tous les élèves devaient écrire ou recopier leur texte à la main. En outre, le lieu où se déroulait l’activité a également changé. Ils ne se trouvaient plus dans la salle des ordinateurs autour de la grande table, mais dans la salle de classe à leur pupitre. Nous émettons l’hypothèse que ces changements sont en lien avec le changement de la constitution du groupe. En effet, ces changements semblent donner un aspect « plus scolaire » à l’activité. De ce fait, les élèves pourraient se sentir plus cadrés et sécurisés.