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5. PRÉSENTATION ET DISCUSSION DES RÉSULTATS

5.4. Analyse de situations emblématiques

5.4.2 Activité des « contes et musique » (cf. Annexes F)

Contrairement à l’activité « Nicolas », cette activité a été inventée par l’enseignant 2 et un éducateur de l’institution qui est aussi musicothérapeute. Ils avaient envie de collaborer

groupe, de favoriser l’écoute, d’associer un instrument de musique à un personnage, de travailler le rythme en fonction du caractère des personnages, d’être capable de reformuler une histoire et de pouvoir l’illustrer par une phrase et par un dessin. Les contenus travaillés étaient donc l’écriture, l’expression écrite, l’écoute et l’expression orale.

Cette activité consiste à la lecture de contes tirés du livre « les contes de la rue Broca » de Pierre Gripari (1967) qui comprend treize récits. Chaque histoire débute à la rue Broca dans l’épicerie de monsieur Saïd. Ses enfants, souvent dans le magasin, attendent la venue de Monsieur Pierre, un bon client qui raconte de nombreuses d'histoires fantastiques. (cf. Annexes F).

Pour chaque séance, l’enseignant choisit une histoire qu’il raconte aux élèves. Durant la lecture, il s’arrête à plusieurs reprises afin de vérifier que les élèves comprennent bien le sens de l’histoire et soient capables de dire quel est le personnage qui apparaît ou dont il est question. Chaque élève choisit ensuite un personnage et un instrument de musique.

Puis, chaque fois que leur personnage parle, l’élève qui le représente doit jouer de son instrument. Ensuite, les élèves font une synthèse de l’histoire et choisissent chacun un moment qu’ils ont particulièrement apprécié. Ils écrivent par la suite dans leur cahier correspondant à l’activité, la date du jour et le titre de l’histoire. Ils illustrent ensuite le passage choisi avec un dessin et écrivent un mot ou une phrase correspondant à leur illustration. Durant la lecture des contes, les deux intervenants lisaient l’histoire et faisaient la voix des divers personnages. Chacun des intervenants avait un rôle définit. L’enseignant 2 mettait l’accent sur la compréhension de l’histoire et veillait à ce que les élèves comprennent au fil du texte le sens du conte. Il s’arrêtait régulièrement et posait des questions aux élèves concernant la description physique et psychologique des personnages.

Il demandait régulièrement aux élèves de reformuler les différents passages de l’histoire.

L’éducateur quant à lui mettait l’accent sur la partie musicale et s’assurait que les élèves utilisaient correctement les instruments et au moment voulu. Il essayait de faire ressentir aux élèves l’état émotionnel des personnages et les poussait à exprimer ces émotions avec leur instrument.

Durant la deuxième partie de l’activité consacrée à l’écriture et au dessin, les intervenants aidaient les élèves à écrire la date, le titre et pour certains une phrase correspondant à leur illustration. Les aides apportées variaient en fonction des compétences des élèves. Pour certains, les intervenants écrivaient le titre et la phrase (sous forme de dictée à l’adulte) sur une feuille de brouillon que les élèves recopiaient dans leur

cahier. Pour d’autres l’enseignant les poussait à écrire seul en les aidants à prendre conscience des relations graphèmes-phonèmes. Pour un élève seulement, les intervenants écrivaient à sa place, car il n’écrit pas.

Lorsque les élèves avaient terminé, les élèves pouvaient s’occuper dans le coin bibliothèque, ou sortir à la récréation si la cloche avait déjà sonné. Les intervenants récoltaient les cahiers qu’ils gardaient jusqu’ à la prochaine leçon.

Lors de la production écrite, les attentes différaient d’un élève à un autre en fonction de leurs compétences et des objectifs tirés de leur projet individualisé. En effet, certains devaient écrire un mot-clé, d’autres une phrase ou un petit texte et les deux élèves possédant un niveau de compétences plus élevé, un résumé de l’histoire. La différenciation se faisait donc au niveau des objectifs de la production écrite. Les élèves apprentis-lecteurs n’écrivant qu’un mot ou une courte phrase travaillent l’écriture et la phonétique, ainsi que la segmentation des mots. Les élèves lecteurs écrivant un texte ou un résumé de l’histoire travaillent le français II et plus particulièrement la syntaxe, l’orthographe, le vocabulaire et la ponctuation.

Cette activité s’adressait au départ à cinq élèves, dont la plupart sont des apprentis-lecteurs au sens où ils maîtrisent encore mal le décodage. Parmi eux, seul un élève participe à l’activité Nicolas. Après les vacances de Noël, la constitution du groupe a changé, car certains élèves ont dû aller travailler sur la musique avec l’éducateur musicothérapeute. Cette décision a été prise en fonction des priorités dictées par les projets individualisés des élèves.

De ce fait l’activité « contes et musique » a pris une autre tournure. En effet, l’éducateur musicothérapeute ayant quitté le groupe avec trois des élèves, il a été remplacé par l’enseignant 1 et cinq autres élèves ont intégré le groupe. À partir de là, l’activité a été adaptée à ce nouveau groupe d’élève dont environ la moitié maîtrise le décodage. Le départ de l’éducateur et l’arrivée de l’enseignant 1 ont modifié les objectifs de cet atelier : l’accent n’était plus autant mis sur la musique, mais portait sur la compréhension orale et la production écrite. Le lieu a également changé : au début l’activité se déroulait dans la salle de bibliothèque. Les élèves étaient installés dans les canapés pour écouter l’histoire, puis se rassemblaient autour d’une table ronde pour le dessin et l’écriture. Après les vacances de Noël, l’activité avait lieu dans la salle de classe et chaque élève était assis à son pupitre pour l’écoute et l’écriture. En outre, les enseignants ont modifié le déroulement

de l’activité. En effet, au départ ils lisaient la totalité du conte lors d’une séance, puis ils ont décidé de n’en lire que la moitié et de finir le conte à la séance d’après. Cette modification repose sur le fait que les enseignants ont pris conscience que les contes étaient trop longs et qu’ils leur étaient difficiles de centrer l’attention des élèves sur la compréhension. Tous ces facteurs ont donné un caractère « plus scolaire » à l’activité.

Pour mettre en place cette activité, l’enseignant 2 s’est encore inspiré du livre de Boimare (1999), « l’enfant et la peur d’apprendre ». L’auteur explique que la lecture de contes « résistants », plus difficiles que ceux qu’ils ont l’habitude de lire permet des les ouvrir à la culture et amène un enrichissement du vocabulaire. À propos de la lecture de ces textes, il dit aussi :

Grâce à la culture, il faut aider [les élèves] à mettre de l’universel et du général dans ce qui est individuel et catégoriel. Les contes, les mythes, les textes fondateurs de nos religions, de nos civilisations, les romans initiatiques, la poésie, les grandes périodes de notre histoire, la vie parfois romancée des héros, des découvreurs, ces destins qui transcendent un peu tous ces clivages politiques ou religieux, sont des supports faciles à utiliser pour mettre des images avec des mots, pour mettre de la métaphore et du scénario, pour offrir des possibilités identificatoires un peu plus larges et un peu plus complexes que celles des jeux vidéos . (Boimare, novembre 2006, conférence).

Selon l’auteur, ce type d’intervention présente cinq avantages : intéresser les élèves, nourrir les élèves, encourager, favoriser l’expression personnelle par la parole, créer de l’énigme et créer une dimension groupale. Ce sont ces cinq dimensions qui ont influencés l’enseignant 2 à proposer cette activité « contes et musique ». Boimare dit dans sa conférence (2006) :

Il s’agira ensuite de passer de cet intérêt à des activités « scolaires », comme le calcul, l’orthographe, la grammaire. Après avoir discuté de quelque chose de fort, le maître peut, par exemple passer à l’écrit, travailler la compréhension de texte, travailler la décomposition de mots à l’écrit, aborder des notions mathématiques (notion de distance et de temps abordées dans les contes).

L’enseignant 2 semble être en accord avec les propos de cet auteur. En effet, il part des objectifs transversaux de cette activité pour travailler des objectifs scolaires tels que l’écriture, l’expression écrite, l’écoute et l’expression orale.

Cependant, il faut remarquer ici, que les élèves dont parle Boimare (1999) ne présentent pas de pathologies graves. En effet, ces élèves souffrent de troubles du comportement et de la conduite. La problématique définie par l’auteur est la suivante :

« Comment se fait-il que des enfants intelligents, qui montrent par ailleurs d’évidentes qualités d’adaptation, de compréhension du monde qui les entoure, n’arrivent pas à transférer ces capacités dans le cadre de la classe ? » (p.6). La problématique des élèves de l’institution observée ne correspond pas en tout point à la population d’élèves dont parle Boimare. Cependant certaines difficultés rencontrées par ces derniers, tels que la peur d’apprendre ou la difficulté à se fixer sur une tâche et à se concentrer, peuvent se retrouver chez les élèves de l’institution.