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Labov (1964) : l'enfant perçu à l'aune des régularités observées chez les adultes

4. Les études sociolinguistiques enfantines à partir des années 1990 : premières préoccupations années 1990 : premières préoccupations

1.2. L’acquisition des règles variables

C’est dans l’article de Labov (1989), The child as linguistic historian, qu’apparaît pour la première fois l’hypothèse selon laquelle l’acquisition de la variation et de ses facteurs s’effectue sous la forme de l’apprentissage de règles variables. A partir de l’étude de l’usage de la variable (TD)57 (cf. [21], index page 420) dans une famille de Philadelphie (États-Unis), Labov (1989 ; 1994) compare les patrons de variation des parents avec ceux de leur enfant de 7 ans, David. Considérant le conditionnement de (TD) en fonction du segment suivant, l’auteur note que David présente un conditionnement différent de celui de ses parents lorsque le segment qui suit est un glide ou une voyelle. Lorsque le segment qui suit est une consonne obstruante, une consonne liquide ou une pause, il présente cependant une production quasi-identique à celle de ses parents. Concernant le conditionnement grammatical de (TD), des différences semblables entre adultes et enfants sont également observées. Lorsque le mot porteur de la variable est un verbe dit "semi-faible"58, David présente un conditionnement différent de celui de son entourage puisque sa tendance à produire l’une ou l’autre des variantes est alors identique à celle qu’il applique dans les séquences monomorphémiques59. Lorsque la variable est présente dans des monomorphèmes, au prétérit ou au participe, le conditionnement des parents et de l’enfant est le même.

Cette irrégularité des résultats différenciant David de ses parents – qui montrent tout deux des patrons réguliers et identiques – conduit Labov à suggérer que :

This is quite consistent with the fact that the probabilities learned are not attached to surface forms or even to morphological types, but to abstract elements like grammatical boundaries and categories (Labov, 1994: 579).

57 La variable notée (TD) chez Labov (1989) est la même que celle notée (-t, d) chez Roberts (1994, 1997).

58 Labov (1989, 1994) parle de derivational class ou ambiguous class. Il s’agit de ce que Roberts (1994, 1997) nomme semi-weak verb et que nous traduisons par verbe semi-faible. Il s’agit de verbes qui, lorsqu’ils sont employés au prétérit, présentent un double marquage : un changement de voyelle auquel s’ajoute la consonne suffixe du prétérit /d/ ou /t/. Par exemple : leave left ; sell sold.

Les enfants n’apprendraient donc pas les facteurs contextuels de la variation en mémorisant les formes de surface et en s’attachant à leur fréquence, mais plutôt en construisant des règles variables abstraites qui leur sont propres à partir des fréquences rencontrées dans l’environnement. Ainsi, la règle élaborée par l’enfant serait abstraite, au sens où elle met en œuvre des éléments et des catégories abstraits. De plus, elle serait du même format que celle mise en œuvre par ses parents. Rappelons que la majorité des conditionnements linguistiques coïncident. Toutefois, l’analyse grammaticale de l’enfant différerait légèrement de celle des adultes, ce qui expliquerait les "irrégularités" constatées.

Thus, the variable rule that David has acquired is similar to that of this parents, though his analysis of particular forms may vary (Labov, 1994: 579).

Ce dispositif d’apprentissage par règles variables sera repris à la suite de Labov par d’autres auteurs qui ont exploré l’acquisition de la variation et de ses facteurs dans des tranches biographiques plus précoces. C’est le cas de Patterson (1992) qui a étudié les productions de la variable (-in) chez 48 enfants de la middle class, répartis en 3 tranches d’âge : 4, 6, et 8 ans (cf. [34], index page 422). Elle observe qu’en conversation, la fréquence d’emploi de la variante non standard par les enfants ne semble pas liée à celle de leur mère. Aucune corrélation n’est relevée entre la proportion de variantes non standard dans les énoncés enfantins et les énoncés maternels. Par ailleurs, elle relève que c’est seulement à partir de 6 ans que les enfants présentent un conditionnement linguistique de l’usage de (-in) conforme à celui des adultes. Ces résultats conduisent alors Patterson (1992) à suggérer que (1) les enfants n’imitent pas les fréquences d’usage adultes des variantes non standard mais qu’ils construisent des règles variables différentes de celles des adultes et que (2) c’est à partir de 6 ans qu’ils acquièrent la même règle variable que les adultes. Enfin, Patterson (1992), à partir des résultats de son étude, propose un modèle développemental de l’acquisition de la variation phonétique. Dans un premier temps, vers l’âge de 4 ans, les enfants sélectionneraient les variantes en fonction de la situation de communication. Ensuite, vers 6-7 ans, ils présenteraient des patrons de variation répondant au conditionnement

linguistique des régularités observées chez les adultes60. En d’autres termes, selon cette auteure, les facteurs linguistiques seraient acquis après les contraintes stylistiques. Labov (1989) observe d’ailleurs le même ordre d’acquisition des contraintes sur la variable (-in) chez David, un jeune enfant de 7 ans.

Dans sa thèse de doctorat dirigée par Labov, Roberts (1994) a examiné encore plus précocement – entre 3;2 et 4;11 – l’acquisition de la variable (-in) (cf. [37], index page 423). Elle note que les enfants, comme les adultes, utilisent davantage la variante non standard [n] dans les verbes à la forme progressive et les compléments alors qu’ils emploient davantage la variante standard dans les noms et les adjectifs verbaux61. Il apparaît alors que le conditionnement linguistique (les contraintes grammaticales) – et par extension la règle variable – est acquis dès 3-4 ans. Elle situe donc plus tôt que Patterson (1992) l’acquisition de (-in) dans le cadre de l’apprentissage des règles variables. En outre, contrairement à Patterson, elle observe que les contraintes sociales régissant l’usage de la variable, comme les contraintes linguistiques, sont acquises dès 3-4 ans.

Roberts (1994 ; 1997a) s’est également intéressée à l’acquisition de la variable (-t, d) (cf. [38] [39], index page 423). Elle note que les enfants de 3-4 ans ont, pour la majorité, acquis la règle de suppression de (-t, d) ainsi que les contraintes grammaticales (catégorie grammaticale) et phonologiques (accentuation de la syllabe – segment suivant) qui lui sont rattachées. Cependant, en ce qui concerne l’une des formes grammaticales, à savoir les verbes dits "semi-faibles", elle observe, comme Labov (1989), que les enfants ne présentent pas le même patron que celui des locuteurs adultes. Alors que ces derniers maintiennent davantage (-t, d) dans les verbes "semi-faibles", les enfants suppriment plus le segment consonantique dans ce même contexte. A nouveau, ce dernier résultat conduit l’auteure à postuler que les jeunes locuteurs, plutôt que de copier les formes de surface rencontrées dans l’environnement langagier, élaborent une règle de suppression à partir de leur propre analyse. Enfin, au sujet de l’ordre

60 Le modèle esquissé par Patterson comporte quatre étapes. Nous mentionnons ici uniquement les deux premières puisque les deux suivantes n’ont pas été validées par son étude mais sont basées sur les recherches d’autres auteurs. L’étape 3 prédit que l’usage des variantes en tant que marqueurs sociaux débuterait vers 7-8 ans. L’étape 4, quant à elle, suggère que la capacité à évaluer les variantes conformément aux jugements adultes se mettrait en place dès l’âge de 10 ans.

61 À défaut d’une traduction totalement satisfaisante des catégories utilisées par Roberts (1994), nous les illustrons d’un exemple. Verbe à la forme progressive : running ; complément : he's finished eating ; adjectif verbal : swimming pool ; nom : morning.

d’acquisition des contraintes intra- et extralinguistiques de la variable (-t, d), Roberts (1997a) note que :

Children as three have acquired the phonological and grammatical constraints governing (-t, d) deletion exhibited by adults. On the other hand, their mastery of the social constraints on this variable rule is far less complete (Roberts, 1997a: 358).

En mettant en perspective les travaux de Roberts, il semblerait alors que l’ordre relatif d’acquisition des contraintes linguistiques et des contraintes extralinguistiques (contraintes sociales et stylistiques) soit dépendant de la variable étudiée. Partant, les modalités exactes d’acquisition des règles variables – et par extension l’acquisition de la variation – seraient fonction du type de variable. A ce sujet, Smith, Durham & Fortune (2007), qui ont étudié l’acquisition d’une variable phonétique (‘hoose’) (cf. [47], index page 424) et d’une variable morphosyntaxique62 notent que l’ordre d’acquisition des contraintes des règles variables fluctue selon la variable. Concernant la variable phonétique, les contraintes linguistiques et extralinguistiques seraient en place dès 3;2 alors que l’acquisition des contraintes linguistiques précèderait celle des contraintes extralinguistiques dans le cas de la variable morphosyntaxique.

Les études évoquées dans cette section apportent des résultats intéressants sur l’ordre d’acquisition relatif des facteurs internes et externes de la variation en utilisant les règles variables comme cadre conceptuel pour décrire et interpréter les données. En outre, l’hypothèse alternative d’un apprentissage reposant sur la reproduction des formes de surface présentes dans l’environnement est immédiatement écartée dès lors que les auteurs observent une configuration des facteurs de la variation non conforme à celle présentée chez les adultes de la même communauté. De fait, dans toutes ces études, le postulat de départ est que l’acquisition passe par l’élaboration d’un dispositif cognitif que l’on peut modéliser sous la forme de règles variables. Ce postulat est particulièrement évident à la lecture des trois questions présentes dans l’introduction de l’article de Roberts (1997a) paru dans Journal of Child Language :

(1) Have the children acquired the variable rule of (-t, d) deletion and its internal and external constraints?

(2) Can these rules be constructed as a reflection of universal, natural processes affecting language acquisition?

62 Il s’agit de la désinence –s de la 3ème personne du singulier qui, dans les dialectes écossais, peut également apparaître à la 3ème personne du pluriel quand le sujet est un syntagme nominal.

(3) Are the children acquiring these rules or simply copying the individual surface forms of their parents or other language models? (Roberts, 1997a: 355).

Il est frappant de constater que les deux premières interrogations de l’auteure prennent pour acquis que l’acquisition passe par l’apprentissage de règles variables et c’est finalement en dernier lieu qu’elle questionne son modèle théorique. De plus, il faut souligner que cette dernière, comme Patterson (1992) d’ailleurs, n’a pas analysé les productions langagières de ses jeunes sujets à l’aide d’une analyse dite "item par item", analyse qui aurait pu tester de manière plus convaincante l’hypothèse d’un apprentissage statistique à partir des formes de surface. En d’autres termes, nous pensons que pour infirmer un tel dispositif d’apprentissage, les analyses auraient dû être poussées plus avant en observant par exemple si les facteurs de la variation se maintenaient pour chaque mot.

C’est justement à une telle analyse qu’ont procédé Smith et al. (2007). Elles ont comparé le pourcentage d’usage de la variante non standard de la variable ‘hoose’ (la monophtongue [u:]) dans certains items lexicaux chez les enfants de leur étude et chez leur mère. Elles remarquent alors que la propension d’usage de la variante non standard, pour un même mot, est la même chez les enfants que chez leur mère. De plus, elles observent que certains items lexicaux sont majoritairement produits avec la variante non standard (par exemple : out, down) alors que d’autres sont davantage réalisés avec la variante standard (par exemple : how, round). Leur objectif était d’étudier l’influence de l’input des mères sur l’acquisition de la variation par leurs enfants. Toutefois, leurs résultats révèlent la possibilité d’un apprentissage item par item. Malgré tout, ces auteures, comme les précédentes (Patterson, 1992 ; Roberts, 1994, 1997a), prennent pour postulat de départ que le mécanisme d’acquisition est l’apprentissage de règles variables.

Dans les études que nous venons d’évoquer, la façon dont les auteurs utilisent les résultats sur le conditionnement de la variation ne peut, en aucun cas, remettre en question leur postulat de base : la variation et ses facteurs s’apprennent en construisant des règles variables. En effet, si les enfants présentent un patron de variation identique à celui des adultes, les auteurs en déduisent qu’ils ont acquis la règle variable et les contraintes qui lui sont rattachées, mais si les enfants présentent un patron différent de celui des adultes, les auteurs concluent que les enfants sont en cours d’acquisition de la règle et qu’ils en ont construit une qui leur est propre.

Nous pouvons résumer la position des auteurs qui revendiquent l’acquisition de règles variables de la façon suivante. A partir des premières formes rencontrées dans l’environnement, précocement, l’enfant construit des règles variables manipulant des catégories abstraites. Très tôt, le format de ces règles abstraites correspond à celui des locuteurs adultes à l’exception de certaines particularités enfantines. L’exposition à l’input favorise ensuite l’établissement des contraintes variables conformes à celles manipulées par les locuteurs adultes de l’environnement langagier de l’enfant.

2. L’apprentissage item par item

Se référant aux théories connexionnistes du développement (Plunkett, 1995 ; Seidenberg, 1997) qui mettent l’accent sur la capacité des enfants à extraire et à généraliser les régularités de leur environnement langagier sans qu’il soit pour autant nécessaire d’invoquer la construction de règles abstraites pour expliquer ces généralisations, Chevrot, Beaud & Varga (2000a ; 2000b) questionnent le mécanisme par lequel sont encodées les unités phonologiques variables : les enfants construisent-ils précocement une règle manipulant des catégories abstraites, du type règle variable (Labov, 1989, 1994 ; Patterson, 1992 ; Roberts, 1994, 1997a), ou bien intériorisent-ils la variation en "enregistrant" tels quels les items perçus dans leur environnement ?

Les travaux de Wolfram (1989), sur l’acquisition précoce des consonnes nasales finales de l’anglais (cf. [50], index page 425), montrent qu’à 3;0 et à 4;6, l’absence de /m/ en finale de mot est sujette à un fort conditionnement lexical, ce qui semble peu compatible avec le processus de généralisation impliqué par une règle qui, par définition, s’applique indifféremment à tous les items lexicaux. Chabanal (2001) remarque également que le lexique joue un rôle important dans l’encodage des phonèmes variables /l/ et // (cf. [1] [2], index page 416) chez des enfants de 6 ans et affaiblit ainsi l’idée d’un apprentissage par règles variables. De plus, la recherche de Smith et al. (2007), évoquée dans la section précédente, conforte l’idée d’un conditionnement lexical fort lors de l’acquisition précoce de la variation. En effet, ces auteures ont noté que les taux d’usage enfantins de telle ou telle variante étaient fonction du mot porteur de la variable et qu’il corrélait avec le taux d’usage de la même variante dans les mots produits par les mères.

Afin d’apporter de nouvelles pistes explicatives quant au dispositif cognitif sous-jacent à l’acquisition des formes variables, Chevrot et al. (2000a ; 2000b) ont mené une

expérimentation d’apprentissage de mots nouveaux63 contenant un // post-consonantique final variable (cf. [11], index page 417). L’expérimentation a été proposée à 48 enfants âgés de 8-9 ans, répartis en trois groupes équilibrés du point de vue de l’origine sociale. L’un de leurs objectifs était d’observer « la façon dont le dispositif cognitif responsable de la variation traite les mots nouveaux » et plus précisément « de savoir si ce dispositif généralisera la variabilité à tout nouvel item lexical comportant CR#64 » (Chevrot et al., 2000b: 92). Ainsi, chacun des trois groupes d’enfants a bénéficié d’un type d’apprentissage particulier sur quatre séances successives. Le groupe d’enfants appelé groupe "oral" a appris les mots nouveaux uniquement à l’oral en écoutant un enregistrement audio dans lequel chacun des trois pseudo-mots était produit avec le // post-consonantique final dans un quart des occurrences et supprimé dans les trois quarts restant. Le groupe dit "oral-écrit" a entendu le même enregistrement que le groupe "oral" lors des deux premières séances puis cette audition a été doublée, dans les deux séances suivantes, d’un contact avec la graphie des mots. Enfin, le troisième groupe d’enfants, le groupe "écrit", a seulement bénéficié d’un apprentissage par la graphie. Après chacune des trois dernières séances d’apprentissage, les enfants ont été amenés à produire seize occurrences de chaque pseudo-mot par le biais d’une tâche de dénomination d’images et à découper syllabiquement deux fois chacun d’eux. Les résultats montrent que les enfants ayant bénéficié d’un apprentissage au contact seul de la forme graphique des mots nouveaux, produisent, dans une très large majorité, des variantes avec //. Les enfants des groupes "oral" et "oral-écrit" qui ont fait une expérience auditive variable des pseudo-mots manifestent, dans 81% des cas, une production catégorique des mots : ils utilisent pour chacun des mots soit la variante avec //, soit la variante sans //. Les auteurs concluent qu’au lieu d’encoder un // variable dans leur lexique, les enfants mémorisent l’une des deux variantes qu’ils convoquent ensuite lors de leur production du mot.

63 Il s’agit de trois pseudo-mots masculins dont la consonne précédant // est une consonne occlusive :

quaçontre [kas t], bydeincre [bid k] et maullopre [malp]. Ils désignent tous les trois des animaux imaginaires représentés sur des dessins.

64 Il s’agit de la notation employée par les auteurs pour référer au // post-consonantique final précédé d’une consonne et suivi d’une frontière lexicale.

Il est donc improbable que le dispositif en question puisse être représenté par une règle s’appliquant systématiquement à tout élément du lexique comportant la configuration requise. Nos résultats suggèrent au contraire que la potentialité de variation est une propriété lexicale, acquise mot par mot par un contact prolongé avec les différentes variantes (Chevrot et al., 2000b: 97-98).

Comme le soulignent Chevrot et al. (2000a ; 2000b), leur expérimentation ne prétend pas simuler la période de construction du dispositif cognitif permettant de traiter la variation. En effet, dès la tranche d’âge 6-7 ans, Chevrot (1991) a observé qu’un tel dispositif était déjà en place. Le but des auteurs était de simuler « la situation où des mots nouveaux sont présentés à l’entrée d’un dispositif déjà construit » (Chevrot et al., 2000b: 97). Leur observation selon laquelle le // est soit catégoriquement produit, soit catégoriquement omis les conduit à conclure que si les mots nouveaux ne sont pas traités comme les autres, alors le dispositif sous-jacent à la production des variantes ne relève pas de la construction d’une règle variable s’appliquant à tous les mots du lexique comportant la même configuration phonologique, mais plutôt d’un apprentissage item par item résultant de la mémorisation des formes perçues dans l’environnement et de leur poids fréquentiel.

A notre sens, cette expérimentation, à elle seule, n’exclut pas un dispositif d’apprentissage par règles variables. En effet, le fait que les mots nouveaux ne présentent pas de variabilité dans les productions des jeunes sujets pourrait résulter d’un temps d’exposition aux mots insuffisant. Les enfants n’ayant pas eu le temps de repérer les deux variantes de chacun des mots, ils n’auraient pas associé les mots en question à la règle variable de suppression des // post-consonantiques en finale. De ce fait, les mots ne seraient pas traités par la règle abstraite, ce qui néanmoins n’exclut pas l’existence d’une telle règle.

Díaz-Campos (2004) s’est également attaché à l’exploration du dispositif d’apprentissage de la variation mis en œuvre par le jeune enfant. Il a cherché à départager les deux dispositifs d’apprentissage – règles variables versus item par item – en les soumettant à l’épreuve des données. Ainsi, selon lui, si le dispositif d’apprentissage de la variation consiste en l’élaboration précoce de règles variables, les enfants, quel que soit leur âge, devraient appliquer de telles règles chaque fois que les contraintes internes et externes favorisant leur application sont rencontrées. En d’autres termes, on devrait observer de la variation dans les productions enfantines à tout âge. En revanche, si les enfants acquièrent la variation item par item, ils devraient apprendre,

précocement, une seule des deux variantes de chaque mot. De ce fait, les variations devraient être absentes aux plus jeunes âges et émerger plus tard dans le développement. L’auteur ajoute également que, même si des phénomènes de variation sont observés précocement, ils devraient être plus marqués dans les items lexicaux fréquents puisque, selon Bybee (2003), la variabilité est plus grande dans ce type de mots. Ces hypothèses ont été testées à partir de l’analyse des productions de /d/ intervocalique en espagnol auprès d’un échantillon de 30 enfants répartis en six groupes d’âge échelonnés de 3;6 à 5;11 (cf. [12], index page 417). Afin de trancher entre les deux dispositifs d’apprentissage évoqués précédemment (règles variables et item par item), Díaz-Campos (2004) a mené une analyse multivariée dans laquelle il observe les effets de la fréquence lexicale – fréquence du mot dans un dictionnaire65 et fréquence du mot dans