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L'école de l'égalité : regards d'enseignantes : une réflexion sur la notion de genre dans le système éducatif vaudois

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Academic year: 2022

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Master

Reference

L'école de l'égalité : regards d'enseignantes : une réflexion sur la notion de genre dans le système éducatif vaudois

NEY, Seema

Abstract

L'école est une institution socialisante. Elle choisit des savoirs et des connaissances qu'elle transmet, mais véhicule aussi des valeurs de manière implicite. Parmi ces valeurs se trouvent des représentations du féminin et du masculin. Ces représentations différenciées aboutissent à une intégration d'identité, de place et de rôle différents en fonction du sexe. L'institution scolaire participe de ce fait à la reproduction des modèles sociaux régissant les rapports entre les individus, ce qui peut avoir pour conséquence la perpétuation d'inégalités entre les sexes, en termes de choix et de positionnement professionnels notamment. Toutefois, l'école énonce dans ses buts la volonté qu'aucune discrimination ne puisse se développer en son sein. Dans ce sens, un moyen didactique – « L'école de l'égalité » - a été adressé à l'entier du corps enseignant vaudois. Celui-ci vise la promotion de conduites égalitaires entre les sexes. La présente recherche vise à faire émerger les représentations des enseignantes sur le thème de l'égalité entre les filles et les garçons à l'école et à [...]

NEY, Seema. L'école de l'égalité : regards d'enseignantes : une réflexion sur la notion de genre dans le système éducatif vaudois. Master : Univ. Genève, 2009

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:2676

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Université de Genève – Faculté de Psychologie et des Sciences de l’éducation Section des Sciences de l’éducation

M

EMOIRE DE LICENCE

Mention Recherche et Intervention

L L é é c c o o l l e e d d e e l l é é g g a a l l i i t t é é : : r r e e g g a a r r d d s s d d ’ ’ e e n n s s e e i i g g n n a a n n t t e e s s

Un U ne e r ré éf fl le ex xi io o n n s s ur u r l la a n no ot ti io o n n d d e e g ge en nr re e d da an ns s l le e s sy ys st tè èm me e é éd du uc ca at ti if f v va au ud do oi is s

Seema Ney

Commission de mémoire Directrice : Malika Lemdani Membres : Anne Dafflon Novelle

Edmée Ollagnier Mai 2009

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FACULTE DE PSYCHOLOGIE ET DES SCIENCES DE L’EDUCATION

SECTION DES SCIENCES DE L’EDUCATION

MEMOIRE DE LICENCE

Mention Recherche et Intervention

Nom : Ney Prénom : Seema

Commission de mémoire Malika Lemdani (directrice) Anne Dafflon Novelle

Edmée Ollagnier

L’ L ’é éc co ol le e d de e l l’ ’é ég ga al li it é : : r re eg ga ar r ds d s d d’ ’e en n se s ei ig gn n a a nt n te es s

Un U ne e r ré éf fl le ex xi io on n s su ur r l la a n no ot ti io on n d de e g ge en nr re e d da an ns s le l e s sy ys st tè èm me e é éd du uc c at a ti if f v va a ud u do oi is s

R

ESUME

L’école est une institution socialisante. Elle choisit des savoirs et des connaissances qu’elle transmet, mais véhicule aussi des valeurs de manière implicite. Parmi ces valeurs se trouvent des représentations du féminin et du masculin. Ces représentations différenciées aboutissent à une intégration d’identité, de place et de rôle différents en fonction du sexe. L’institution scolaire participe de ce fait à la reproduction des modèles sociaux régissant les rapports entre les individus, ce qui peut avoir pour conséquence la perpétuation d’inégalités entre les sexes, en termes de choix et de positionnement professionnels notamment. Toutefois, l’école énonce dans ses buts la volonté qu’aucune discrimination ne puisse se développer en son sein. Dans ce sens, un moyen didactique – « L’école de l’égalité » - a été adressé à l’entier du corps enseignant vaudois. Celui-ci vise la promotion de conduites égalitaires entre les sexes.

La présente recherche vise à faire émerger les représentations des enseignantes sur le thème de l’égalité entre les filles et les garçons à l’école et à saisir quelle conscience et connaissance elles ont des inégalités de sexe. Elle tend par ailleurs à appréhender le regard professionnel qu’elles posent sur ce thème et à savoir si celui-ci est intégré aux pratiques professionnelles.

Elle cherche encore à porter à la connaissance la manière dont a été accueilli au sein de l’institution scolaire un nouveau moyen didactique, ayant pour thème l’égalité entre les filles et les garçons. Des entretiens compréhensifs ont été menés avec onze enseignantes vaudoises de premier cycle primaire. Huit d’entre elles ont par la suite mené une activité du moyen didactique avec leur classe et ont dès lors pris connaissance de « L’école de l’égalité », avant d’être à nouveau interrogées.

En résumé, la recherche aboutit à différents constats. Il apparaît que les enseignantes n’ont pas connaissance et conscience de traitements différentiels. Une place spécifique n’est pas accordée à l’égalité des sexes, mais le mandat d’égalité des chances, au sens large, étant bien entré dans la conscience enseignante, l’égalité des sexes y trouve une petite place. Il ressort encore que le moyen « L’école de l’égalité » a obtenu une visibilité faible. Il n’est passé ni dans les consciences ni dans les pratiques enseignantes. Toutefois, ce matériel suscite de l’intérêt de la part du corps enseignant.

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T ABLE DES MATIERES

REMERCIEMENTS... 3

1.INTRODUCTION... 4

2.QUESTIONS DE RECHERCHE... 6

3.HYPOTHESES... 8

4.LE MOYEN DIDACTIQUE « L’ECOLE DE LEGALITE » ... 9

4.1.PRESENTATION... 9

4.2.ORIGINE ET DIFFUSION DE « L’ECOLE DE LEGALITE » ... 11

5.CADRE THEORIQUE... 12

5.1.ECLAIRAGE HISTORIQUE ET LEGISLATIF... 13

5.2.ECLAIRAGE STATISTIQUE... 15

5.3.DEVELOPPEMENT DE LENFANT... 18

5.4.LE ROLE DE LECOLE DANS LA PERPETUATION DES STEREOTYPES DE SEXE... 19

5.4.1 Mixité... 19

5.4.2 Socialisation différentielle ... 20

5.4.3 Evaluation et effets d’attentes... 21

5.4.4 Interactions... 23

5.4.5 La récréation ... 25

5.4.6 Paradoxe de l’éducation... 26

5.4.7 Effets de la socialisation différenciée ... 27

5.5.LES MANUELS SCOLAIRES... 29

5.6.LA LITTERATURE ENFANTINE... 31

5.6.1 Stéréotypes et sexisme dans la littérature enfantine ... 31

5.6.2 Analyse quantitative et qualitative de la littérature enfantine... 32

5.6.3 Répercussions et conséquences ... 34

5.6.4 Lab-elle... 35

5.7.VERS UNE DEMARCHE IMPLIQUANT LECOLE DANS LA PROMOTION DE LEGALITE ENTRE FILLES ET GARÇONS... 36

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6.CADRE METHODOLOGIQUE... 38

6.1.LA METHODE DENTRETIEN... 38

6.2.ECHANTILLONNAGE... 39

6.3.LES ENTRETIENS... 44

7.ANALYSE... 47

7.1.LES INEGALITES ENTRE LES FILLES ET LES GARÇONS... 48

7.1.1 Différences entre filles et garçons ... 53

7.1.2 Egalité des sexes en général ... 54

7.1.3 Egalité des sexes à l’école ... 55

7.1.4 Intérêt pour la problématique... 57

7.1.5 Point de vue après l’activité ... 58

7.1.6 Synthèse et retour sur la question de recherche « Les enseignantes du premier cycle primaire ont- elles conscience des inégalités de sexe présentes à l’école, décrites par les recherches scientifiques ? ».. 61

7.2.LA PLACE ACCORDEE A LA THEMATIQUE DES INEGALITES DE SEXE DANS LENSEIGNEMENT... 62

7.2.1 La place de l’égalité entre les sexes dans les pratiques professionnelles... 65

7.2.2 Le rôle de l’école dans l’égalité des sexes... 66

7.2.3 Buts et utilité du thème de l’égalité à l’école... 67

7.2.4 Synthèse et retour sur la question de recherche : « Quel regard professionnel portent les enseignantes sur la thématique de l’égalité entre les filles et les garçons ? » ... 68

7.3.ACCUEIL DU MATERIEL « L’ECOLE DE LEGALITE » ... 70

7.3.1 Connaissance et utilisation du moyen didactique « L’école de l’égalité »... 70

7.3.2 Avis des enseignantes sur le moyen ... 72

7.3.3 Synthèse et retour sur la question de recherche : « Quel accueil a reçu le moyen didactique « L’école de l’égalité » visant la promotion de conduites égalitaires entre les filles et les garçons ? »... 92

8.SYNTHESE FINALE AUX QUESTIONS DE RECHERCHE... 94

9.PISTES POUR PROMOUVOIR LEGALITE DES SEXES A LECOLE... 96

10.CONCLUSION... 98

11.BIBLIOGRAPHIE... 102

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R

EMERCIEMENTS

Tout d’abord, je tiens à remercier ma directrice de mémoire, Malika Lemdani, pour m’avoir amenée à progresser au long de mon travail de chercheuse. Je remercie aussi vivement Anne Dafflon Novelle pour ses conseils pertinents aux prémisses de mon orientation de travail et pour l’intérêt qu’elle a témoigné à ma recherche.

Par ailleurs, je souhaite remercier particulièrement Sylvie Durrer, cheffe du Bureau de l’égalité entre les femmes et les hommes du canton de Vaud, la directrice dont j’ai fait la connaissance pour cette recherche ainsi que les enseignantes de son établissement, pour leur aide, leur collaboration et le temps qu’elles m’ont accordées. J’ai eu un immense plaisir à partager leurs réflexions professionnelles.

Mes remerciements s’adressent encore à mon directeur, Michel Rosselet, qui, de par sa compréhension et la flexibilité dont il a fait preuve, m’a permis de mener à bien mes études universitaires tout en travaillant et à Anne Volet, pour ses conseils judicieux, ses nombreuses relectures et ses précieuses remarques.

Au cours de mes études universitaires et plus spécialement pour ce travail de recherche, mes proches m’ont encouragée, soutenue et aidée. Dans le désordre, je tiens encore à remercier : Jon, pour les dessins qu’il a réalisé après une discussion sur la thématique de mon mémoire ; Anne, pour nos discussions sur le féminisme, son point de vue critique, sa précieuse relecture et ses encouragements ; Corinne, Séverine, Ana et Amélie, pour leur relecture, leur soutien et leur amitié ; Minh-Kha, pour ses remarques judicieuses et son aide ; ma famille, qui me soutient depuis des années dans mes choix ; et plus particulièrement ma maman, qui s’arrange toujours et encore pour me faciliter la vie ; sans oublier Thomas, qui, au fil des jours, vit les événements avec moi, me soutient, m’épaule, me réconforte et m’encourage.

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1. I

NTRODUCTION

Ce mémoire de licence est issu d’un intérêt personnel pour l’égalité entre les femmes et les hommes ainsi que d’une pratique professionnelle. Etudiante et enseignante, l’envie était présente de lier ces deux pôles. L’idée à l’origine était de réaliser un mémoire sur le cadre scolaire en intégrant une perspective de genre, celle-ci considérant comme objet d’étude les rapports sociaux de sexe.

L’école constitue l’un des lieux principaux de la socialisation des individus. Elle transmet des connaissances cognitives et culturelles. Parmi les savoirs existants, l’école choisit ceux qu’elle se doit de transmettre, les transformant en un ensemble de contenus abordés dans le cursus scolaire. Cet ensemble de connaissances se nomme le curriculum scolaire. Toutefois, à ce curriculum formel, s’ajoute un curriculum caché : ensemble de valeurs, savoirs, compétences, représentations, rôles et modes de sociabilité transmis par l’institution scolaire sans être prévu par un programme explicite. Parmi ces valeurs implicites, des représentations du masculin et du féminin sont véhiculées. Les professionnel·le·s participent de ce fait à la reproduction des modèles sociaux régissant les rapports entre les individus. Mon intérêt personnel pour le féminisme m’a amené à réfléchir à la socialisation opérée dans le cadre scolaire. Dans mon rôle d’enseignante, j’ai dès lors cherché à être attentive aux mécanismes inconscients d’inégalité que je pouvais mettre en place. La lecture des recherches d’Anne Dafflon Novelle m’a par exemple rendue vigilante au fait que le choix des livres lus en classe pouvait, et devait, être réfléchi.

A la rentrée scolaire 2006, un moyen didactique - « L’école de l’égalité » - a été diffusé à tout le corps enseignant vaudois et romand. « L’école de l’égalité » est un répertoire d’activités, s’adressant à tous les degrés scolaires, qui vise la promotion de conduites égalitaires entre les sexes. Lorsque j’ai reçu le moyen didactique « L’école de l’égalité », son contenu m’a paru extrêmement porteur de sens. J’ai eu le sentiment d’être « outillée » pour aborder les questions de genre et pour promouvoir dans ma classe des relations égalitaires entre les sexes.

Pourtant, j’ai pu constater qu’il n’avait pas éveillé le même intérêt chez la plupart de mes collègues. Le moyen didactique m’a semblé passer inaperçu. Une partie du corps enseignant semble ne pas avoir conscience que l’école, à travers les livres et manuels scolaires notamment, véhicule des stéréotypes de genre. La diffusion d’un moyen didactique permet- elle un changement et une prise de conscience de ces mécanismes ? Ne faudrait-il pas agir en premier lieu en amont, c’est-à-dire sur les représentations ? Ne faudrait-il pas amener les professionnel·le·s de l’éducation à un changement et à une prise de conscience par une formation ? Cela m’a donné envie de centrer mon mémoire sur la population enseignante, afin d’interroger la validité de cette hypothèse et, si elle se vérifie, de proposer des pistes pour faire évoluer la sphère professionnelle enseignante. Si nous souhaitons un changement dans notre société, celui-ci doit passer entre autres par l’école. En effet, l’école étant l’une des institutions socialisantes les plus importantes, elle permet de faire prendre conscience d’autres valeurs et d’autres représentations à la nouvelle génération, valeurs et représentations qui perdureront par la suite, si l’institution choisit de les placer dans son curriculum. Les enseignant·e·s ont un rôle fondamental, raison pour laquelle ils·elles doivent être sensibilisé·e·s, afin de ne plus être des actrices et acteurs de la perpétuation des inégalités entre les sexes.

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5 Pour résumer, les motivations m’ayant amené au choix de ce thème de mémoire de licence sont de plusieurs ordres. Personnelles tout d’abord, puisque j’évolue dans une société que j’estime inégalitaire ne me convenant pas et que je souhaite voir évoluer. Intellectuelles par ailleurs, puisque mon cursus universitaire m’a fait prendre conscience que ma sensibilité féministe correspond à un domaine d’études et de recherches. Professionnelles enfin, puisque mon métier me place au centre de l’une des institutions socialisantes qui peut permettre à notre société d’évoluer vers l’égalité. J’ai dès lors eu envie de placer ma recherche au cœur de mon métier.

Des questionnements sont apparus. Tout d’abord, quelle conscience existe-t-il des inégalités de sexe présentes dans le curriculum caché de l’école, que les recherches scientifiques nous font découvrir ? Par ailleurs, comment se conjugue cette conscience ou cette inconscience avec les pratiques enseignantes ? La thématique de l’égalité est-elle intégrée au curriculum scolaire ? Quelle réception a reçu un moyen didactique traitant de l’égalité entre les filles et les garçons ? Mon terrain de recherche a été arrêté. Des entretiens seront réalisés avec des enseignantes de premier cycle primaire, dans une orientation de recherche compréhensive. Le choix de m’intéresser exclusivement au point de vue des enseignantes découle du fait empirique que l’enseignement primaire est fortement féminisé. La recherche vise à faire émerger dans un premier temps les représentations des enseignantes sur le thème de l’égalité entre les filles et les garçons à l’école et à saisir quelle conscience et connaissance elles ont des inégalités de sexe. Dans un deuxième temps, la recherche tend à appréhender le regard professionnel qu’elles posent sur ce thème, et à savoir si celui-ci est intégré aux pratiques professionnelles. Enfin, elle cherche à porter à la connaissance de quelle manière un nouveau moyen didactique, ayant pour thème l’égalité entre les filles et les garçons, a été accueilli au sein de l’institution scolaire.

Le premier chapitre de ce mémoire de licence explicite les questions de recherche guidant ce travail et les hypothèses formulées. Le deuxième chapitre présente le moyen didactique

« L’école de l’égalité ». Le chapitre suivant expose le cadre théorique dans lequel s’inscrit cette recherche. Le dispositif méthodologique mis en place est défini. La partie d’analyse des données recueillies s’ouvre alors. Elle est structurée en trois sous-chapitres, correspondant à mes trois questions de recherche. Les éléments de réponses aux questions de recherche sont finalement synthétisés au chapitre suivant. Pour terminer, je présente des propositions de pistes à mettre en œuvre pour promouvoir une école de l’égalité, avant de conclure ma recherche.

Le titre choisi pour ce mémoire - « L’école de l’égalité : regards d’enseignantes » - fait référence, d’une part à la thématique générale de l’égalité entre les sexes à l’école, et d’autre part renvoie explicitement au titre du matériel didactique qui est à l’origine de ce travail de recherche.

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2. Q

UESTIONS DE RECHERCHE

De nombreuses recherches démontrent que des dynamiques inégalitaires sont présentes au sein de l’école (ces recherches sont décrites dans le cadre théorique, au chapitre 5). Alors qu’existe une perpétuation des inégalités de sexe entre les filles et les garçons, il paraît légitime de se demander ce qui se joue à l’école du point de vue du corps enseignant.

Si le corps enseignant dans son ensemble est concerné par cette problématique, ma recherche se centre exclusivement sur les enseignantes. Celles-ci étant fortement majoritaires dans l’enseignement primaire, j’ai choisi de m’intéresser à leur point de vue uniquement.

Avant de définir mes questions de recherche, les questionnements qui ont guidé ma démarche vont être développés. A la base de l’orientation de recherche se posaient trois interrogations, liées entre elles. Tout d’abord, quel regard portent les enseignantes sur la problématique du genre, c’est-à-dire sur la problématique des inégalités entre femmes et hommes? S’agit-il d’un domaine correspondant à une question d’actualité pour les professionnelles de l’éducation et font-elles donc une place à cette question dans leur pratique ? Puis, et cela découle de ces questions, quel accueil ont réservé les enseignantes à un matériel didactique traitant cette problématique, qui a comme but, entre autres, d’ «encourager une véritable culture de l’égalité tant parmi les élèves que parmi les enseignant·e·s » (L’école de l’égalité, introduction) ? La recherche doit tout d’abord définir l’importance des questions liées aux stéréotypes et aux inégalités de genre pour les professionnelles de l’éducation. En amont, se pose la question de savoir si les enseignantes ont, ou non, conscience que l’école, en tant qu’institution socialisante, participe aux inégalités et véhicule des stéréotypes de sexe. En fonction de la sensibilité qu’elles ont à cette thématique, quel accueil réservent-elles à un moyen didactique traitant de cela ?

Ma recherche ne vérifiera pas la présence d’inégalités de sexe ou de traitements différentiels en fonction des sexes dans les pratiques des enseignantes. Aucune observation de leurs pratiques ne sera faite. Les recherches scientifiques démontrent que l’école met en place, à côté du curriculum officiel, un curriculum caché. Parmi les valeurs véhiculées de manière informelle se cachent des représentations du féminin et du masculin. Celles-ci représentent une promotion de l’inégalité entre les filles et les garçons, dans le sens où elles placent les filles et les garçons dans des attentes de comportements typiques de leur sexe. Alors qu’il n’y a pas de différences significatives au niveau des sexes à l’école enfantine et primaire, les enfants sont confrontés à des images et des messages qui mettent en avant des différences.

Chaque enseignante interviewée est confrontée ainsi, inconsciemment, à ces éléments, et cela même si elle ne met pas en place de traitement différentiel, dès lors que ces représentations stéréotypées sont véhiculées, par les livres et moyens didactiques entre autres et plus globalement par les valeurs sous-jacentes à l’institution.

Une variable significative à ma recherche m’a paru émerger : la formation suivie a-t-elle une influence sur les conceptions des enseignantes ? Il faut savoir que des cours traitant la problématique du genre sont proposés par la Haute école pédagogique (HEP), alors qu’il n’y en avait pas dans le cursus de l’Ecole Normale, remplacée par la HEP en 2001. Mon objet d’étude cherche donc à en tenir compte dans la récolte des données.

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7 Pour présenter ma problématique de manière succincte, ce mémoire, après avoir pris comme point de départ la conscience des enseignantes sur les questions de genre, se centre sur la place qu’elles font à cette problématique dans leur enseignement, et donc à l’accueil qu’elles réservent à un nouveau moyen pédagogique sur le sujet. Par ailleurs, je chercherai encore à définir comment les enseignantes évaluent ce moyen après l’avoir testé avec leur classe.

La recherche se centre donc sur trois axes.

A ces fins, j’ai retenu les questions de recherche suivantes :

- Les enseignantes du premier cycle primaire ont-elles conscience des inégalités de sexe présentes à l’école, décrites par les recherches scientifiques ?

- Quel regard professionnel portent les enseignantes sur la thématique de l’égalité entre les filles et les garçons ?

- Quel accueil a reçu le moyen didactique « L’école de l’égalité » visant la promotion de conduites égalitaires entre les filles et les garçons ?

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3. H

YPOTHESES

A partir des questions de recherche, un certain nombre d’hypothèses peuvent être énoncées.

Conscience des inégalités :

Je fais l’hypothèse a priori que la question du genre n’est pas une question d’actualité à l’école. Les enseignantes n’ont, dans leur majorité, pas conscience que l’école participe aux inégalités de sexe et transmet un curriculum caché dans lequel des valeurs du féminin et du masculin sont véhiculées.

Pratique professionnelle :

Dès lors, les professionnelles de l’éducation ne jugent pas utile d’introduire une telle thématique dans leurs pratiques professionnelles.

Accueil du moyen :

L’hypothèse précédente amène à penser que le moyen didactique « L’école de l’égalité » a été accueilli avec réserve et qu’il n’a pas été utilisé par une majorité d’enseignantes.

Utilisation du moyen :

Après que les enseignantes aient mené une activité de la brochure en classe, je fais l’hypothèse que le côté ‘prêt à l’emploi’ du matériel est perçu comme un facilitateur, mais qu’elles ne considèrent pas pour autant pertinent ou possible de l’insérer à leur enseignement.

Variable :

Je fais l’hypothèse toutefois qu’une variable a un impact sur ces différents niveaux : la formation suivie. Les enseignantes ayant effectué leur formation à la HEP sont plus sensibilisées à la question du genre de par leur formation et ont, dès lors, mieux accueilli et perçu le moyen didactique « L’école de l’égalité ».

Si mes hypothèses se vérifient, des pistes pourront être proposées sur les moyens à mettre en œuvre, afin qu’un travail sur le genre puisse être fait à l’école. C’est-à-dire quels moyens mettre en place pour que les enseignantes prennent conscience de la problématique des inégalités et pour qu’elles puissent introduire cette orientation éducative dans leur enseignement.

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4. L

E MOYEN DIDACTIQUE

« L’

ECOLE DE L

EGALITE

»

4.1.PRESENTATION

Le moyen didactique « L’école de l’égalité » est à l’origine de ce mémoire. Il s’agit donc avant tout de le présenter.

A la rentrée scolaire 2006, chaque enseignant·e vaudois·e a reçu, selon son degré d’enseignement, une brochure « L’école de l’égalité », répertoire d’activités pour la promotion de conduites égalitaires entre filles et garçons.

La recherche étant réalisé dans le Canton de Vaud, il convient par ailleurs d’indiquer les différents degrés du système scolaire vaudois et de les mettre en lien avec la terminologie utilisée dans le moyen didactique « L’école de l’égalité » :

Degrés scolaires Système scolaire vaudois

Degré enfantine Cycle initial

Degrés 1 et 2 CYP1 (1er cycle primaire)

Degrés 3 et 4 CYP2 (2ème cycle primaire)

Degrés 5 et 6 CYT (cycle de transition)

Degrés 7 à 9 7ème, 8ème et 9ème années

« L’école de l’égalité » est un projet romand des bureaux de l’égalité. Il a été mis en place avec le soutien des départements de l’instruction publique. Il consiste en l’élaboration et la diffusion d’un moyen pédagogique visant la promotion de l’égalité entre filles et garçons. Ce projet se base sur une constatation : si l’égalité scolaire entre les filles et les garçons semble réalisée, elle n’amène pas à une égalité sur le plan du positionnement professionnel.

Il s’agit donc d’intervenir, au niveau scolaire, pour promouvoir une véritable égalité, afin que les stéréotypes de genre ne déterminent plus les parcours de vie et les choix professionnels des jeunes. Pour ce faire, la Conférence latine des délégué·e·s à l’égalité (CLDE), en collaboration avec les départements de l’instruction publique romands, a décidé de développer un projet de sensibilisation à l’égalité. Ce projet répond à trois objectifs généraux :

- Elargir les orientations scolaires et les choix professionnels des filles et des garçons.

- Développer des rapports harmonieux entre les sexes.

- Encourager une véritable culture de l’égalité tant parmi les élèves que parmi les enseignant·e·s.

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10 Le moyen didactique « L’école de l’égalité » est un outil facultatif pour les enseignant·e·s qui souhaitent développer cet axe dans leur enseignement. Il a la particularité de pouvoir s’insérer dans le programme scolaire, car il est transversal et propose des activités en lien avec les branches travaillées. Par ailleurs, il couvre toute la scolarité obligatoire, puisqu’il est composé de trois volets :

- « S’ouvrir à l’égalité », pour les 4-8 ans (degrés enfantine, 1 et 2)

Le premier volet est adressé aux classes du degré enfantin (cycle initial) et des degrés 1 et 2 (premier cycle primaire). La brochure comporte treize activités, essentiellement orales. Elles sont indépendantes les unes des autres. Chaque activité se présente sous la forme d’une fiche didactique pour l’enseignant·e et d’une illustration à l’usage des enfants et est réalisable dans une leçon d’une trentaine de minutes.

- « S’exercer à l’égalité », pour les 8-12 ans (degrés 3-4 et 5-6)

Le deuxième volet comporte deux brochures, l’une pour les élèves du 2ème cycle primaire (3ème et 4ème degrés), l’autre pour ceux du cycle de transition (5ème et 6ème degrés). Les fiches présentes dans les brochures s’insèrent dans les différentes matières : français, mathématiques, histoire, musique, arts visuels, ainsi que l’allemand, la géographie et les sciences pour les degrés 5 et 6.

- « Se réaliser dans l’égalité », pour les 12-16 ans (degrés 7 à 9).

Le dernier volet s’adresse aux enseignant·e·s des dernières années de la scolarité obligatoire.

Il met en avant vingt-cinq études de cas concrets montrant des comportements stéréotypés et des discriminations. Les thèmes abordés sont, entre autres, le goût des mathématiques, les interactions élèves et enseignant·e·s en classe, l’évaluation, le travail en groupe, les activités physiques, les insultes sexistes, l’orientation scolaire et professionnelle.

Etant donné que mon mémoire s’appuie sur le répertoire d’activités destiné aux degrés enfantin, 1 et 2 (CIN et CYP1), il convient de le décrire plus en détail. Le point de départ des activités présentées dans le répertoire « S’ouvrir à l’égalité » est une mise en situation, c’est- à-dire une histoire ou une description d’un moment stéréotypique racontée par l’enseignant·e et accompagnée d’une illustration. Nous trouvons par exemple, des activités intitulées « Je décore une chambre de fille », « Les filles nettoient, les garçons rangent », ou encore « Des jeux de garçons et des jeux de filles ». Ces activités répondent aux objectifs pédagogiques travaillés dans ces degrés scolaires, comme se situer dans l’espace, explorer une technique (découpage, coloriage, collage, etc.), comprendre et produire un texte oral. Par ailleurs, elles développent aussi des objectifs éducatifs, tels qu’écouter les autres, réfléchir à une manière de résoudre un problème ou encore développer une attitude respectueuse. Les tâches de l’élève correspondent à ces objectifs : comprendre une histoire, en dégager l’idée principale, décrire des sentiments, dialoguer, etc. Chaque activité propose en outre la démarche à mettre en œuvre par l’enseignant·e, avec les questions à poser, parfois des réponses, ainsi qu’une conclusion qui indique comment terminer l’activité. Chaque illustration de séquence est présentée sans couleurs, afin de permettre un prolongement de la séquence, par une activité de coloriage par exemple.

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11 4.2.ORIGINE ET DIFFUSION DE « L’ECOLE DE LEGALITE »

« L’école de l’égalité » est un moyen romand qui a été mandaté et financé par la Conférence romande de l’égalité. Le projet a été piloté par le Bureau de l’égalité entre les femmes et les hommes du canton de Vaud. Ce projet est issu du constat que « si l’on veut promouvoir la mixité, il faut notamment travailler avec l’école et travailler à l’école sur ces problématiques- là. L’inégalité se construit et se déconstruit très tôt et il faut donc vraiment travailler avec l’école » (Entretien avec Mme Durrer, cheffe du Bureau de l’égalité entre les femmes et les hommes du canton de Vaud). Le projet s’inspire d’un classeur de l’égalité, qui était déjà à la disposition des enseignant·e·s. Les options choisies pour la création du matériel didactique ont été, tout d’abord, qu’il devait s’inscrire dans les disciplines existantes, une perspective intégrée donc, et d’autre part qu’il devait être prêt à l’emploi. Il a aussi été décidé que le matériel devait concerner toute la scolarité obligatoire, afin de travailler en profondeur et sur la durée, et qu’il devait être facultatif.

La diffusion du moyen a été décidée par chaque canton. Le canton de Vaud a fait le choix de le mettre à disposition de chaque enseignant·e, selon son degré d’enseignement. Il s’agit de la diffusion la plus large. Les autres cantons ont pris d’autres options, mais dans l’ensemble la décision prise a été d’équiper chaque établissement. Ainsi, tous les établissements scolaires romands ont à disposition ce moyen didactique. Par ailleurs, dans le canton de Vaud, la diffusion a beaucoup varié : « il y a eu des distributions à géométrie très variable. Dans certains établissements, la direction s’est saisie du dossier, il y a eu un courrier de la DGEO […] annonçant le matériel, leur demandant de commenter etc., en leur disant l’importance.

Certains établissements étaient sensibles et très conscients de cette problématique-là et la direction a fait une information personnelle lors d’une réunion des enseignantes et des enseignants, le matériel a été présenté et on a encouragé à l’utiliser et chaque enseignant a reçu le matériel. Je dirais que c’est l’idéal. Dans d’autres établissements, le matériel a été commandé et mis dans les cases des enseignant·e·s avec photocopie de la lettre. Autre modalité encore, le matériel a été mis dans les cases mais sans la lettre d’accompagnement.

Dans d’autres cas encore, il a été mis en pile sur la table de la salle des maîtres. […] Donc cela dépend beaucoup à ma connaissance des sensibilités, des conceptions des directions d’établissements. Et pourtant la DGEO avait fait aussi un effort dans ce domaine-là puisque non seulement il y avait eu un courrier officiel signé par Madame Anne-Catherine Lyon qui avait été adressé aux établissements, mais en plus il y avait eu une séance d’information qui a été organisée et à laquelle a participé Madame Lyon en personne qui avait eu lieu à la HEP où chaque établissement devait déléguer un homme ou une femme au minimum, deux ou trois personnes qui serviraient de multiplicateurs et multiplicatrices dans leurs établissements. » (Entretien Mme Durrer).

Ainsi, à la rentrée scolaire 2006, chaque enseignant·e vaudois·e a reçu le moyen didactique

« L’école de l’égalité ». La suite de ce travail permettra notamment d’appréhender s’il est passé dans les consciences et dans les pratiques.

(15)

12

5. C

ADRE THEORIQUE1

Avant de pouvoir analyser les réponses des enseignantes et répondre aux questions de recherche, le travail doit expliciter à quels constats les recherches scientifiques aboutissent en ce qui concerne l’égalité des genres et l’école. Il est important de décrire les différents éléments et mécanismes présents au sein de l’école et démontrés par les recherches, mon analyse partant du principe que le traitement différentiel des enfants en fonction de leur sexe participe au curriculum caché de l’institution scolaire.

Selon les sociétés et les époques, la famille, la culture, l’école et les habitudes sociales amènent les filles et les garçons à intégrer des manières d’être ou de penser différentes en fonction des sexes. Tout individu fait partie d’un système culturel et social qui le détermine en partie :

Pour comprendre les mécanismes de la construction et de reproduction des rapports sociaux de sexe, il a été indispensable de conceptualiser l’articulation entre le sexe et le genre en tant qu’ensemble de dispositifs socioculturels qui définissent le féminin et le masculin. Il s’agit de comprendre comment et pourquoi un fait, à première vue uniquement biologique, soit l’appartenance à l’un ou l’autre sexe, devient un enjeu de pouvoir pour le contrôle des ressources matérielles et symboliques. […] Il est important de comprendre que le but n’est pas de définir si le sexe (ou ce qui paraît naturel) existe réellement, mais de montrer comment les appartenances biologiques et sociales s’articulent entre elles. (Parini, 2006, p. 21).

Avant l’entrée à l’école, les enfants sont déjà grandement socialisés en fonction de leur sexe.

Le sexe étant l’une des premières catégorisations sociales qui a lieu, les comportements de l’entourage sont dès le début déterminés par cette répartition bipolaire : « la transmission des caractéristiques attendues selon le sexe se produit ainsi en dehors même de toute volonté éducative. Filles et garçons sont dotés d’habitus, c’est-à-dire de « dispositions » construites dans leur environnement familial et à l’école maternelle qui déterminent largement leurs façons de faire, de dire et de voir en fonction de leur sexe » (Zaidman, 1996, p. 13). Toutefois, ces habitus de genre peuvent être renforcés ou modifiés en fonction de l’action de l’école. La notion de socialisation primaire et secondaire intervient ici. « La socialisation primaire est la première socialisation que l’individu subit dans son enfance, et grâce à laquelle il devient un membre de la société. La socialisation secondaire consiste en tout processus postérieur qui permet d’incorporer un individu déjà socialisé dans de nouveaux secteurs du monde objectif de la société. » (Berger & Luckmann, 1986, cités par Zaidman, 1996, p. 15). Lorsque les enfants arrivent à l’école, leur socialisation primaire a déjà été opérée. L’école va avoir une influence sur la socialisation secondaire. Celle-ci a une plus ou moins grande efficacité selon son degré de cohérence avec la socialisation primaire.

1 Un certain nombre de concepts, en lien avec l’égalité des sexes, sont définis en annexe. Ils permettent aux lectrices et lecteurs qui le souhaitent de revenir aux définitions des notions qui sous-tendent ce chapitre théorique.

(16)

13 Alors que « les enfants arrivent à l’école avec des genderism bien constitués, nous cherchons à savoir comment l’école y répond : en les combattant, en se refusant à les prendre en compte, ou encore en les renforçant ? » (Zaidman, 1996, p. 127). Cette partie théorique mettra en lumière les différents éléments présents à l’école, ayant un lien avec les identités sexuées des enfants. Un éclairage historique et législatif sera tout d’abord apporté, avant le traitement de quelques points statistiques. Les différents stades du développement de l’enfant, dans une perspective d’intégration des rôles de sexes, seront ensuite définis. Le rôle de l’école dans la perpétuation des stéréotypes de sexe sera explicité. L’implication des manuels scolaires et de la littérature enfantine sera traitée, avant de définir les démarches à élaborer pour tendre vers une école réellement égalitaire

5.1.ECLAIRAGE HISTORIQUE ET LEGISLATIF

L’égalité entre les filles et les garçons est aujourd’hui inscrite dans la loi et semble être réalisée, les filles et les garçons ayant accès aux mêmes classes, aux mêmes programmes et aux mêmes diplômes. Avant de démontrer quelles inégalités sont encore présentes dans l’univers scolaire, il convient de décrire le cheminement historique qui a mené à cette législation. Je me centrerai sur l’évolution de l’école et le traitement différentiel des filles et des garçons en France et en Suisse.

Le 18e siècle est l’un des points de repère historique qui permet de situer les discriminations éducatives envers les filles. La théorie du naturalisme pédagogique, dont Rousseau est le plus connu des théoriciens, prend son essor à cette période. Celui-ci a influencé de manière fondamentale les conceptions éducatives des 18e et 19e siècles. Si cette pensée a eu des effets bénéfiques et libérateurs pour la pédagogie, spontanéité versus discipline notamment, il n’en va pas de même pour l’éducation des filles. Pour celles-ci, cela a eu un effet plutôt contraignant, et a provoqué un enfermement domestique. Ainsi, Rousseau, dans son observation des deux sexes, prévoit une éducation différenciée. Dans L’Emile, où il développe en cinq livres le programme d’une éducation menée à l’écart de la corruption sociale, dans le but de former l’homme sans trahir sa bonté naturelle (Le Petit Larousse, 2005, p. 1340), il prévoit une éducation pour Sophie en symétrie avec celle d’Emile :

L’un doit être actif et fort, l’autre passif et faible : il faut nécessairement que l’un veuille et puisse, il suffit que l’autre résiste peu. Ce principe établi, il s’ensuit que la femme est faite spécialement pour plaire à l’homme. Si l’homme doit lui plaire à son tour, c’est d’une nécessité moins directe : son mérite est dans sa puissance ; il plaît par cela seul qu’il est fort. Ce n’est pas ici la loi de l’amour, j’en conviens ; mais celle de la nature, antérieure à l’amour même. (Le Livre cinquième de L’Emile, 1762).

(17)

14 Au début du vingtième siècle, alors que la mixité et l’égalité dans les programmes d’enseignement n’étaient pas de mise, le but premier de la formation des filles était de les préparer à leur futur rôle social. Ainsi, en France, lors des conférences pédagogiques de 1924 sur le rôle de l’école dans l’orientation professionnelle des enfants, nous apprenons que :

Chez les filles on cherchera surtout à faire des femmes complètes, c’est-à- dire des femmes au foyer. L’idée générale est que l’institutrice doit préparer toutes ses élèves à leur futur rôle de ménagère et de mère de famille ; ensuite elle essaiera de diriger les élèves qui auront besoin de gagner leur vie vers la profession qui répond le mieux à leurs goûts et à leurs aptitudes.

Apprenons à nos fillettes à estimer et à aimer les travaux ménagers.

Répétons-le, le rôle de la femme est surtout dans la maison. (Lelièvre, 2001, p. 186).

Les activités scolaires doivent être organisées de manière à préparer chacun·e à son futur rôle dans la société. Dès lors, la séparation entre les filles et les garçons à l’école est une évidence.

L’introduction de la mixité se fera, en France, non par principe, mais pour des raisons pratiques, afin de scolariser les enfants au plus proche de leur domicile, lors de la fondation de l’Ecole républicaine sous Jules Ferry et la IIIe République (régime politique de la France de 1870 à 1940). Il n’y a donc pas eu de véritable débat public sur ce thème, la mixité est mise en place par des mesures administratives, sans visée politique. C’est seulement dans une circulaire de 1982 que la mixité est explicitée en fonction d’une visée égalitariste (Lelièvre, 2001, pp. 194-195).

En Suisse, l’école primaire obligatoire a été introduite entre 1830 et 1848, selon les cantons.

Toutefois, ce principe est inscrit dans la Constitution en 1874 seulement. Au tournant du 20e siècle, l’enseignement supérieur obligatoire se généralise dans tous les cantons jusque vers les années 1930. En lien avec cette généralisation, des programmes différenciés dans les plans d’études entre les filles et les garçons se renforcent. Le débat sur la mixité des classes et sur la différenciation des programmes d’études commence dès les années 1870. Si les pédagogues s’intéressent à la mixité, les sociétés féminines centrent leur attention sur l’enseignement ménager. Durant une centaine d’années, il n’a pas été question que les filles suivent le même programme que les garçons. Après la Seconde Guerre mondiale, la nécessité pour les filles d’apprendre un métier se généralise. Elles accèdent aux filières scientifiques, mais ont en plus quatre à six heures hebdomadaires de couture et de tricot.

Au niveau général de l’égalité entre les femmes et les hommes en Suisse, le 6 février 1971, les citoyennes suisses se voient accorder le droit de vote et d’éligibilité au niveau fédéral. Le 14 juin 1981, le principe d’égalité des droits entre femmes et hommes est inscrit dans la Constitution fédérale :

La femme et l’homme sont égaux en droit. La loi pourvoit à l’égalité de droit et de fait, en particulier dans les domaines de la famille, de la formation et du travail.

La femme et l’homme ont droit à un salaire égal pour un travail de valeur égale. (Les chiffres de l’égalité, Vaud 2007, p. 3).

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15 Dans les années 1960-1970, la mixité dans les écoles secondaires s’étend, sans débat. En 1972, la Conférence suisse des Directeurs cantonaux de l’instruction publique (CDIP) adopte les principes selon lesquels les discriminations des filles dans le système scolaire sont supprimées. Malgré cela, les filles ont encore en moyenne deux cents heures d’enseignement en plus au cours de leur scolarité obligatoire, à cause de la couture et de l’enseignement ménager. Elles ont en revanche un dixième d’heures en moins dans les branches scientifiques. En 1991, seuls douze cantons ont un enseignement égal pour les filles et les garçons.

Lorsque le même plan d’études a été utilisé, on a observé dans le canton de Vaud que les filles se sont retrouvées avec de meilleurs résultats aux examens de sélection de fin de primaire. Un barème moins sévère pour les garçons a dès lors été introduit dès 1970, jusqu’à ce qu’en 1982, une décision du Tribunal fédéral impose d’appliquer le même barème aux deux sexes (Chaponnière, 2006, pp. 127-130).

En 1997, la Suisse ratifie la Convention de l’ONU, datant de 1979, sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes :

Les Etats parties prennent toutes les mesures appropriées pour éliminer la discrimination à l’égard des femmes (…) en ce qui concerne l’éducation et, en particulier, pour assurer, sur la base de l’égalité de l’homme et de la femme, les mêmes conditions d’orientation professionnelle, d’accès aux études et d’obtention de diplômes (…), et l’élimination de toute conception stéréotypée des rôles de l’homme et de la femme (…), en particulier en révisant les livres et programmes scolaires et en adaptant les méthodes pédagogiques. (page web du bureau de l’égalité, 17.01.2005).

5.2.ECLAIRAGE STATISTIQUE2

L’égalité scolaire semble être aujourd’hui réalisée, du moins en regard du cheminement historique qui a amené à une législation du cadre scolaire. Si la loi indique très clairement que l’égalité de traitement doit être une réalité à l’école, les élèves ayant le même parcours, les mêmes examens, les mêmes diplômes, une égalité de fait semble prendre plus de temps à se mettre en place : les données statistiques démontrent encore de nombreuses inégalités.

Nous allons ici passer en revue les différents éléments statistiques significatifs en lien avec la thématique de l’école.

Les filles réussissent en majorité mieux à l’école primaire. Dans le Canton de Vaud, elles sont donc orientées en majorité (54%) dans la voie secondaire baccalauréat (VSB). Les garçons sont plus nombreux (55%) dans la voie secondaire à options (VSO), qui ouvre sur des formations plus courtes. Toutefois, la réussite scolaire des filles ne les amène pas à choisir l’option considérée généralement comme la plus prestigieuse en VSB, à savoir mathématiques-physique. Les garçons y représentent 68% de l’effectif. Les filles se trouvent en majorité en italien (86%) et en latin (64%). A la fin de la scolarité obligatoire, les filles

2 Les références statistiques proviennent de : - Les chiffres de l’égalité, Vaud 2007 ; - Office fédéral de la statistique, 2003 ; - L’Hebdo, 02.02.2006.

(19)

16 constituent la majorité de l’effectif des jeunes qui poursuivent des études (58%). Dans les écoles de maturité, l’inégalité des options choisies persiste et se renforce : 17% de filles dans l’option mathématiques-physique, 26% de garçons en philosophie-psychologie, 23% en espagnol, 10% en italien. Dans les voies de formations professionnelles (apprentissages), les garçons sont majoritaires (59%). A l’intérieur de ces filières d’apprentissage, les différences sont encore plus nettes que précédemment : la filière industrie, arts et métiers compte 90% de garçons ; la filière commerce et administration compte 67% de filles, celle des soins médicaux en compte quant à elle 88%.

Dans la formation de type tertiaire du canton de Vaud (université, Ecole Polytechnique et Hautes écoles spécialisées), les femmes représentent 44% de l’effectif. A l’université, elles sont majoritaires, avec 55% de l’effectif. Là aussi, les différences sont notables : 63% de femmes en Lettres et Sciences sociales et politiques, 33% dans les Hautes études commerciales. La répartition est plus équilibrée dans la Faculté de médecine et biologie (55%) et en Droit (58%). Ces deux derniers pourcentages ont sensiblement augmenté ces quinze dernières années. A l’Ecole Polytechnique Fédérale (EPFL), bien que le nombre de femmes augmente, elles restent fortement minoritaires (24% actuellement, 16% en 1991). La Haute école pédagogique (HEP) compte un effectif féminin de 77%. Les secteurs santé et travail social des Hautes écoles spécialisées (HES) comptent respectivement 85% et 75%

d’étudiantes.

Au niveau des universités et hautes écoles, seules 16% des femmes atteignent ce degré d’études contre 21% des hommes. Néanmoins, le niveau global de formation des femmes s’est amélioré, puisque la proportion de diplômées est passée de 6% en 1991 à 16% en 2005.

En ce qui concerne l’activité professionnelle, les femmes ont accru leur présence sur le marché de l’emploi au cours des deux dernières décennies. Elles représentent actuellement 46% de la population active, contre 29% en 1930. Une majorité des femmes actives sont toutefois occupées dans des emplois à temps partiel (54%), cette proportion atteignant 72%

chez les mères de famille. Seuls 10% des hommes occupent un emploi à temps partiel. Le temps partiel exercé par les femmes ne correspond pas toujours à un choix, puisque 20% des femmes travaillant à temps partiel ne se déclarent pas satisfaites de leur taux de travail, jugé trop faible. Concernant la hiérarchie professionnelle, 63% de femmes n’ont pas de responsabilités de cadres, contre 39% d’hommes. Seules 10% des femmes font partie de la direction, alors que 22% des hommes ont ces responsabilités. Les femmes sont fortement majoritaires dans les secteurs de la santé et du social (71%), de l’enseignement (63%) et des services aux ménages privés (60%). Par ailleurs, alors qu’elles sont fortement majoritaires dans ces secteurs, il n’en va pas de même de leur proportion dans les rangs hiérarchiques supérieurs de ces mêmes secteurs, les responsabilités directoriales étant assumées à 10% par des femmes.

En termes d’inégalités salariales, les femmes gagnent entre 11% et 21% de moins que les hommes, à formation et à fonction équivalentes. Rappelons ici que le principe d’égalité des droits entre femmes et hommes est inscrit dans la Constitution fédérale. De plus, elles représentent la majorité des emplois à bas salaires et précaires. Elles sont plus touchées par le chômage que les hommes. En ce qui concerne le travail non rémunéré, parmi les couples avec enfants, dans 73% des cas, c’est à la femme seule qu’incombent les activités ménagères.

Seuls 3% d’hommes assument cette responsabilité entièrement. La proportion des hommes et des femmes qui déclarent partager les tâches ménagères augmente toutefois, de 11% en 1997, elle est passée à 23% en 2004. En nombre d’heures hebdomadaires, pour ces mêmes ménages

(20)

17 avec enfants, la charge de travail domestique est deux fois supérieure pour les femmes (54 heures contre 29).

En ce qui concerne le domaine spécifique de l’enseignement, mettons encore en avant quelques données chiffrées. Les femmes sont majoritaires dans l’enseignement public (63%).

Elles ne sont toutefois pas également réparties dans les différents degrés : dans le canton de Vaud, au niveau primaire, les femmes représentent 94% du corps enseignant ; au secondaire inférieur, les hommes et les femmes sont présents à parts égales ; au secondaire supérieur, la proportion de femmes est de 38% ; ce taux chute à 16% à l’université de Lausanne et à l’EPFL. Il existe donc un déséquilibre dans la hiérarchie professionnelle, qui a des conséquences sur le niveau des salaires. Les hommes sont majoritairement présents dans les postes d’enseignement à hauts salaires. Dans le domaine de la formation professionnelle des enseignants, parmi les étudiants qui se destinent à l’enseignement préscolaire et primaire, une grande majorité sont des femmes. Alors qu’au niveau suisse, ce chiffre s’élève à 86% en moyenne, à la Haute école pédagogique du Canton de Vaud, 94% des étudiants se destinant à l’enseignement préscolaire et primaire sont des femmes. A l’issue de leur formation, ces personnes vont se retrouver dans un milieu professionnel largement féminin. En moyenne nationale, il y a 78,4% d’enseignantes au degré primaire.

Cette analyse statistique permet ainsi de mieux percevoir les nombreuses différences encore présentes entre les femmes et les hommes. Elle est pertinente pour démontrer qu’un travail sur l’égalité entre les genres doit continuer, pour qu’il soit possible d’aboutir à une égalité de faits.

(21)

18 5.3.DEVELOPPEMENT DE LENFANT

Après ces éléments de compréhension sur les données historiques, législatives et statistiques, les différents stades du développement de l’enfant, en lien avec la problématique du genre, vont être décrits.

L’enfant intègre très tôt les catégories de sexe. Il s’agit d’une des premières catégories sociales intégrées, avec l’âge, pour comprendre le monde environnant. Cette catégorisation sociale se fait en fonction de stades successifs. Avant de comprendre que le sexe est une donnée biologique, les enfants déterminent le sexe socialement, c’est-à-dire en fonction de comportements, d’attitudes ou d’apparences. Vers deux ans, les enfants se trouvent au premier stade, appelé identité de genre. Ils sont capables d’indiquer le sexe d’une personne en se basant sur des caractéristiques extérieures. Ainsi, si l’enfant a intégré que la caractéristique

‘cheveux longs’ est féminine, lorsqu’il verra un individu qui a les cheveux longs, il estimera qu’il s’agit d’une femme. Vers 3-4 ans, l’enfant atteint le deuxième stade, appelé stabilité de genre. Il comprend que le sexe d’un individu est une donnée stable au cours du temps, les filles deviendront des femmes et les garçons des hommes. Toutefois, le sexe n’est pas encore une donnée stable par rapport aux situations. Si un individu exerce une activité stéréotypique du sexe opposé, il devient du sexe opposé, mais revient à son propre sexe lorsqu’il reprend une activité caractéristique de son sexe. Un garçon qui joue à la poupée et porte une robe

« devient une fille » mais « redevient un garçon » lorsqu’il remet un pantalon et joue aux voitures. Vers 5-7 ans, l’enfant atteint le troisième stade, appelé constance de genre. Il comprend que le sexe est une donnée biologique, immuable dans le temps et en fonction des situations. Entre 5 et 7 ans, les enfants ont une rigidité très forte face aux comportements différentiels. Les violations des rôles de sexe sont inacceptables. De 7 à 12 ans, ils acceptent de plus en plus des chevauchements et des variabilités face à la convention des rôles sexués (Dafflon Novelle, 2002, pp. 43-44).

Les enfants intègrent donc les stéréotypes de sexe très tôt dans leur développement et sont capables de distinguer le comportement à avoir ou les choix à faire, en terme de jeux ou de jouets par exemple, afin d’être conforme à leur sexe. Comme avant 5-7 ans, l’enfant ne comprend pas que le sexe est une donnée biologique, et puisqu’il s’agit, pour lui, d’une donnée socioculturelle, il va observer ce qui relève du masculin et du féminin, dans son environnement proche, mais aussi dans les supports qui reflètent la réalité (livres, télévision, jouets, etc.) pour se positionner et s’y conformer. S’il voit plus souvent une femme faire un type d’activité, il distinguera alors cette activité comme étant féminine. C’est ainsi bien l’éducation, au travers des modèles que l’on montre aux enfants dès la prime enfance, qui leur permet de constituer des représentations qui répondent à des stéréotypes de genre. La notion de « genderism » apparaît ici. Ce terme, utilisé par le sociologue E. Goffman et repris par C.

Zaidman, s’inscrit dans la réflexion sur la socialisation. L’acquisition du « genderism » signifie l’acquisition du comportement individuel de genre lié à l’appartenance à une catégorie de sexe (Zaidman, 1996, p. 14). Ce « genderism » est constitué tôt, à un âge où il n’est pas possible de lutter, puisque ces mécanismes se mettent à l’œuvre avant qu’une prise de conscience puisse avoir lieu. Il s’agit dès lors d’un conditionnement, de processus intériorisés comme étant naturels, immuables. Celui-ci pourrait toutefois être modifié, en commençant par une prise de conscience de la part des adultes (Gianini Belotti, 1974, pp. 8- 11).

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19 Ainsi, avant l’entrée à l’école, l’intégration des stéréotypes masculins et féminins est déjà faite. La socialisation différentielle s’est opérée dès la naissance. E. Gianini Belotti arrive à la conclusion qu’ :

à cinq ans, tout est donc joué, l’adéquation aux stéréotypes masculins et féminins est déjà réalisée. Le garçon, agressif, dominateur est déjà modelé.

Il en va de même pour la fille, soumise, passive, dominée. Mais alors que le garçon s’est trouvé contraint de s’adapter à un modèle qui non seulement lui permet, mais l’oblige à se manifester et à se réaliser le plus possible, ne serait-ce que dans le sens de la compétition, du succès, de la victoire, la fille, elle, a été contrainte à prendre la direction opposée, autrement dit celle de la non-réalisation de soi. (1974, p. 231).

5.4.LE ROLE DE LECOLE DANS LA PERPETUATION DES STEREOTYPES DE SEXE

Après avoir vu comment l’enfant développe son identité sexuelle, je vais maintenant décrire les différents aspects liés à l’acquisition de comportements genrés (ou acquisition de

« genderism ») présents à l’école, c’est-à-dire les éléments qui ont une signification en terme de développement de l’identité sexuée. Pour commencer, il faut se pencher sur la notion de mixité, celle-ci ayant longtemps signifié que l’égalité entre les filles et les garçons était atteinte, puisque garçons et filles avaient accès au même curriculum scolaire. Je mettrai ensuite en lumière les éléments de la scolarité qui participent à une scolarisation différentielle : l’évaluation des performances scolaires, les effets d’attentes, les interactions entre les enseignant·e·s et les élèves et la récréation. Après cette revue des mécanismes par lesquels l’école participe à la socialisation asymétrique, je débattrai du paradoxe de l’école : elle se veut le lieu de toutes les égalités, mais elle réserve cependant un traitement différencié aux élèves. L’inconscience de ce traitement inégalitaire de la part du corps enseignant sera alors évoquée. Cette partie se terminera par un chapitre sur les effets de la socialisation asymétrique.

5.4.1 Mixité

Selon C. Marry, « la mixité signifie le mélange des sexes à l’école ou leur coéducation dans un même lieu scolaire. Son contraire est la séparation » (2003, p. 3). Jusqu’à peu, la séparation des sexes à l’école était synonyme d’inégalités de traitement. Les filles n’avaient pas le même cursus scolaire que les garçons, ni les mêmes possibilités d’études. La mixité s’est généralisée petit à petit à tous les domaines d’études, des classes primaires aux classes professionnelles. Après avoir historiquement subi de grandes résistances, la mixité est désormais perçue comme une situation allant de soi. De ce fait, elle est peu interrogée dans ses fondements par les actrices et acteurs de l’éducation. Pourtant, si la mixité semble être l’un des grands critères de l’égalité des droits, elle ne peut garantir l’égalité des sexes si elle n’est pas réfléchie et questionnée. « La mixité est une condition première de l’égalité de droit mais elle n’assure pas, de façon automatique tout au moins, ni l’égalité de traitement, ni celle de résultats » (Marry, 2003, p. 4). Les institutions doivent ouvrir une réflexion sur les rapports de sexe dans un environnement mixte pour tendre à l’égalité entre les sexes.

(23)

20 La question de la mixité à l’école a soulevé de nombreuses interrogations ces dernières années et a fait l’objet de recherches. Une constatation émerge de celles-ci : une situation de mixité défavorise les filles par rapport à une situation de non-mixité. « L’hypothèse la plus souvent énoncée, en France et ailleurs, est celle d’un renforcement, dans un contexte mixte, de l’adhésion des filles aux stéréotypes sexués, en particulier dans les disciplines où elles sont minoritaires (informatique, mathématiques, physique) » (Marry, 2003, p. 8). Afin de ne pas entrer en compétition avec les garçons, les filles tendent à se sous-estimer et à se montrer moins ambitieuses. Les filles sont moins persuadées de leurs compétences en milieu mixte qu’en milieu non-mixte, alors que la mixité n’affecte pas l’auto-attribution de compétence des garçons. Pour expliquer cela, le psychosociologue F. Lorenzi-Cioldi met en avant la théorie de la hiérarchie inter-groupes (le rapport dominant/dominé), selon laquelle les dominé·e·s n’ont pas accès à une identité propre mais à une identité catégorielle. Si les garçons - les dominants - s’auto-attribuent des traits propres, les filles - les dominées - s’attribuent des traits de leur catégorie d’appartenance (Marry, 2003, p. 8, voir aussi Houel & Zancarini, 2001, p. 7).

M. Duru-Bellat fait, elle aussi, un constat sévère des effets de la mixité :

Au total, la mixité exposerait donc les filles à une dynamique relationnelle dominée par les garçons, qui se traduit pour elles par des interactions pédagogiques moins stimulantes, avec à la clé de moindres progressions intellectuelles, une moindre confiance dans leurs possibilités, une passivité grandissante qui leur est d’ailleurs reprochée par les enseignants et, de manière plus générale, une moindre estime de soi. La mixité aurait également des effets du côté des garçons : bien qu’on dise souvent que la mixité leur fait du bien du point de vue de la conduite, elle les contraint plus fortement à afficher leur virilité. Les élèves sont donc conduits à canaliser leurs investissements et leurs préférences intellectuelles en fonction des qualités et attributs censés être conformes à leur sexe, en complicité active avec les maîtres, et avec en arrière-plan plus global, la division du travail entre les sexes (1995, p. 601).

Ce constat est révélateur de la non-pertinence de l’idée communément admise, selon laquelle la mixité signifie l’égalité entre les sexes.

5.4.2 Socialisation différentielle

La sociologie des inégalités sexuelles permet de mettre en lumière ce qui, dans le quotidien des classes et des établissements, contribue à produire un mode de scolarisation différentiel.

Cette sociologie se base sur les contenus de savoir, les relations, les modes de transmission et d’évaluation, notamment. N. Mosconi rapporte que, selon les psychologues américains, il y a une socialisation différentielle entre les garçons et les filles. Alors que les garçons sont socialisés à l’indépendance, il s’agit pour les filles d’une socialisation à la dépendance. Les garçons font l’apprentissage du pouvoir, d’où l’occupation de l’espace sonore dans une classe notamment. Elle considère que :

La classe et l’établissement scolaire sont très largement le lieu d’une reproduction des rapports sociaux de sexe, à l’insu même de leurs protagonistes. Les enseignants obéissent, sans en avoir clairement conscience, à des stéréotypes de sexe ; ils organisent ou sont contraints d’organiser des stratégies compensatoires qui tendent à favoriser les élèves

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