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En conclusion à mon mémoire de licence, trois points vont être abordés : la recherche effectuée et ses résultats, les perspectives qui s’en dégagent ainsi qu’un bilan personnel.

J’ai fait le choix d’effectuer une recherche sur le cadre scolaire dans une approche de genre.

Une conviction personnelle ainsi que de nombreuses recherches scientifiques m’ont fait découvrir que l’école avait un rôle dans le processus de transmission et de reproduction des modèles sociaux, notamment en terme de perpétuation des modèles sociaux de sexe. Dans le même temps, une brochure d’activités visant la promotion de conduites égalitaires a été transmise à tout le corps enseignant vaudois et a éveillé mon intérêt. Dès lors, il m’a paru intéressant d’investiguer le domaine scolaire et plus précisément le vécu des enseignantes de premier cycle primaire.

Le but de cette recherche a été de découvrir si les enseignantes ont conscience des inégalités de sexe transmises au sein de l’institution scolaire au travers de son curriculum caché et de savoir quelle place elles accordent à la question de l’égalité entre les femmes et les hommes dans leurs pratiques professionnelles. En outre, je me suis intéressée à l’accueil qu’elles ont réservé au moyen didactique « L’école de l’égalité ». Ces différents points me permettent au final d’avoir des éléments de réponse aux questionnements qui m’étaient apparus à la réception de celui-ci. Je m’étais alors demandé si la diffusion d’un moyen didactique permettait un changement et une prise de conscience des mécanismes de perpétuation des inégalités ; s’il ne fallait pas agir en premier lieu sur les représentations et amener les professionnel·le·s de l’éducation à un changement et à une prise de conscience par une formation.

Pour résumer les constats auxquels aboutit cette recherche, je peux dire, premièrement, que les enseignantes n’ont pas conscience des traitements différentiels, l’école est perçue comme une institution où l’égalité des sexes est réalisée. Le curriculum caché que les recherches scientifiques font apparaître est ainsi invisible pour les élèves, mais aussi pour le corps enseignant. Deuxièmement, si les enseignantes n’introduisent pas explicitement cette question dans leur enseignement, elles sont conscientes que la promotion de l’égalité des sexes fait partie des mandats de l’école. Elles y sont sensibles et agissent en contrant certains stéréotypes de sexe énoncés par les élèves. Une place spécifique n’est pas accordée à l’égalité des sexes, mais le mandat d’égalité des chances, au sens large, étant bien entré dans la conscience enseignante, la question spécifique de l’égalité des sexes y trouve une petite place.

Troisièmement, la constatation peut être faite que le moyen « L’école de l’égalité » a obtenu une visibilité faible. Il n’est passé ni dans les consciences ni dans les pratiques enseignantes.

Toutefois, ce matériel provoque de l’intérêt. De nombreux atouts sont attribués à ce matériel, tels qu’une présentation claire, une accessibilité des démarches et un choix de thèmes porteurs de sens. Des ajustements sont souhaités, par rapport à certains manques, tels qu’une plus grande diversité des thèmes et des démarches didactiques, des propositions de prolongements, une adaptation des mises en situation ou la création d’activités adaptées aux élèves de deuxième primaire. Finalement, la variable de la formation suivie semble significative. Elle a une influence sur la connaissance des inégalités de sexe présentes à l’école et du moyen didactique.

99 Parmi les perspectives se dégageant de cette recherche, une variable cachée a émergé. Le mode de transmission dans les établissements s’est révélé différent. Ainsi, des établissements scolaires ont appuyé le moyen didactique, en le présentant en conférence des maîtres ou lors d’une réunion alors que d’autres l’ont transmis, avec ou sans lettre explicative. Une perspective de recherche se dégage de ce constat. Le présent travail de recherche pourrait être enrichi de cette variable, afin de vérifier son impact. La question de recherche d’un nouveau travail pourrait donc être : « Le mode de transmission du moyen didactique « L’école de l’égalité » a-t-il un impact sur son utilisation par le corps enseignant ? » Par ailleurs, alors que nous avons vu que les enseignantes de premier cycle primaire reprochent à ce moyen son manque de diversité, une recherche pourrait être faite avec des enseignantes du deuxième cycle primaire, étant donné que les activités de la deuxième brochure s’insèrent mieux dans les branches enseignées et sont plus variées. La question de recherche pourrait être : « Quel accueil a reçu le matériel didactique « L’école de l’égalité » chez les enseignantes de deuxième cycle primaire ? ». Cela permettrait de voir si des aménagements de la première brochure peuvent être faits dans le sens des activités proposées au cycle suivant.

Un bilan personnel peut être réalisé au terme de cette recherche. J’aimerais relever en premier lieu qu’elle a été un travail de longue haleine. Entre le moment où j’ai choisi le domaine des Etudes Genre comme point d’ancrage de mon mémoire et sa réalisation finale, un temps long s’est écoulé. Cela pour deux raisons. Tout d’abord, pour une raison contrainte. En effet, entre mes cours universitaires et mon travail d’enseignante, le temps m’a parfois semblé manquer pour avancer dans le travail. Les vacances scolaires ont ainsi été les moments dévolus à l’avancée de celui-ci. Ensuite, pour une raison choisie. En effet, mon envie première a été d’élargir mes connaissances dans un domaine d’études qui m’était presque inconnu, mais qui m’intéresse énormément. Hormis un cours d’introduction aux théories féministes, mon bagage théorique en Etudes Genre était alors inexistant. J’ai choisi de prendre le temps d’affiner mes connaissances théoriques avant de me lancer dans l’étape de définition de mon objet de recherche. J’avais alors simplement décidé que mon mémoire porterait sur l’école dans une perspective de genre. Ainsi, durant plus d’une année, j’ai concentré mon travail sur la lecture d’ouvrages. Cette période a été, pour moi, très riche. D’un point de vue intellectuel, tout d’abord, puisque mes connaissances s’enrichissaient au fur et à mesure de mes lectures, mais d’un point de vue personnel aussi. En effet, plus j’avançais, plus mon intérêt pour ce domaine augmentait. Il résulte de ce processus une envie claire d’intégrer cette réflexion à ma carrière professionnelle. Cet intérêt se remarque dans la réalisation de ma recherche. La confrontation avec les points de vue des enseignantes s’en est ressentie. J’ai eu beaucoup de plaisir dans les moments de discussion avec elles, moments que j’ai souvent fait durer, par intérêt personnel. De même, mon analyse s’en est trouvée parfois augmentée. Les différents éléments de réponse que les enseignantes m’apportent étaient si riches et variés, que j’ai eu de la peine à les limiter dans mon analyse. J’ai fait le choix de mettre en avant de nombreux éléments qui ne sont pas fondamentaux dans la réponse à mes questions de recherche. Je les trouve pertinents toutefois pour enrichir mon thème d’étude. Ainsi, j’ai choisi de placer dans mon travail une longue partie d’analyse de l’avis des enseignantes sur le moyen « L’école de l’égalité ». J’espère que cela apporte un enrichissement à la connaissance de la diffusion et de l’utilisation de celui-ci.

100 Etant moi-même actrice dans l’institution scolaire, les dires des enseignantes m’ont souvent permis de me confronter à mes propres représentations. En effet, je me situe dans le même schéma qu’elles. Présente au sein d’une institution scolaire faisant partie d’une société patriarcale, je suis moi-même porteuse de stéréotypes. La question se pose alors de savoir comment, en tant qu’agent·e individuel·le, ne pas avoir d’attitudes sexistes et discriminantes alors que l’institution se place dans une telle démarche, qu’elle est porteuse de ces discriminations. La marge de manœuvre des actrices et acteurs de l’institution est restreinte.

C’est au système en place de faire les choix nécessaires pour que chacune et chacun puisse promouvoir cette égalité. Je tiens ici encore à remercier les enseignantes, qui ont accepté de faire avec moi un bout de chemin réflexif vers l’égalité entre les filles et les garçons.

Si ce mémoire a été un enrichissement personnel important, j’espère en outre qu’il puisse avoir une utilité pour d’autres. J’estime qu’il participe à la promotion de l’égalité entre femmes et hommes, dans le sens où il permet une réflexion sur la réalité complexe des classes vaudoises. Il permet de constater qu’une diffusion large du matériel didactique « L’école de l’égalité » ne suffit pas pour qu’il entre dans les pratiques des enseignant·e·s. Diverses pistes ont été énoncées afin d’aboutir à une utilisation du matériel, telles que la nécessité d’agir sur les conceptions avant toute chose, afin que les enseignant·e·s puissent être conscient·e·s de l’utilité de telles démarches, ainsi que la nécessité d’accompagnement dans la connaissance de ce matériel, par une présentation de celui-ci et la mise sur pied d’une formation continue.

Alors qu’il semblait tenu pour acquis que la conscience de participer à la « conspiration des genres » était existante, que « personne d’entre nous ne saurait nier faire partie des protagonistes de l’inégalité qui demeure entre hommes et femmes » (Calmy-Rey, 2006, préface de Filles-garçons, Socialisation différenciée), les résultats de ma recherche apportent un éclairage différent. Le cadre théorique décrit les concepts nécessaires pour entamer une réflexion sur les inégalités entre les sexes à l’école. L’analyse montre que ces concepts ne sont pas connus des professionnel·le·s de l’enseignement. Sans une connaissance des mécanismes en jeu, la pertinence d’un travail spécifique ou d’une attention particulière aux questions de genre ne peut être appréhendée. Ma recherche interroge la pertinence de la diffusion d’un moyen didactique non accompagnée d’autres mesures. Elle confirme qu’une formation spécifique du corps enseignant est nécessaire pour que la perspective de genre soit prise en compte dans l’éducation. Formation qui est, par ailleurs, souhaitée des professionnel·le·s.

« L’école de l’égalité » souligne en, conclusion de son introduction, que :

« La prise en compte systématique de la perspective de genre dans l’éducation et la formation est nécessaire si l’on veut aboutir à une société plus égale, ce qui signifie pour les élèves : respecter les différences, s’épanouir en tant qu’individu, développer la totalité de sa personne, être libre de choisir son orientation professionnelle. Il s’agit là de valeurs éducatives essentielles pour l’école publique, inscrites dans la Déclaration des Droits de l’Enfant comme dans la déclaration du 18 novembre 1999 de la Conférence intercantonale de l’instruction publique de la Suisse romande et du Tessin (CIIP) ».

La présente recherche montre que ces buts ne pourront être atteints sans prise en compte de l’inconscience des mécanismes provoquant ou confortant des inégalités de sexe de la part du corps enseignant.

101 Bien que la Convention de l’ONU de 1979, que la Suisse a ratifiée en 1997, stipule que :

Les Etats parties prennent toutes les mesures appropriées pour éliminer la discrimination à l’égard des femmes (…) en ce qui concerne l’éducation et, en particulier, pour assurer, sur la base de l’égalité de l’homme et de la femme, les mêmes conditions d’orientation professionnelle, d’accès aux études et d’obtention de diplômes (…), et l’élimination de toute conception stéréotypée des rôles de l’homme et de la femme (…), en particulier en révisant les livres et programmes scolaires et en adaptant les méthodes pédagogiques (page web du bureau de l’égalité, 17.01.2005),

il reste du chemin à parcourir. Un moyen didactique tel que « L’école de l’égalité » doit encore obtenir une place dans les classes. Pour cela, une formation doit être proposée au corps enseignant pour que l’institution scolaire remplisse le mandat qui lui est dévolu. Ainsi l’école pourra mener à bien son projet égalitaire et ouvrir la voie à une pédagogie qui inclut l’apprentissage de la façon dont les femmes et les hommes vivent ensemble dans l’espace social.

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