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Regards croisés sur le droit du travail : "liber amicorum" pour Gabriel Aubert

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Regards croisés sur le droit du travail : "liber amicorum" pour Gabriel Aubert

WYLER, Remy (Ed.), MEIER, Anne (Ed.), MARCHAND, Sylvain (Ed.)

WYLER, Remy (Ed.), MEIER, Anne (Ed.), MARCHAND, Sylvain (Ed.). Regards croisés sur le droit du travail : "liber amicorum" pour Gabriel Aubert . Genève : Schulthess éd.

romandes, 2015

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:89135

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Professeur, juge, avocat : au cours de sa riche carrière, Gabriel Aubert a occupé toutes ces fonctions. À l’aube de sa retraite, il était naturel de réunir ses Amis, juges fédéraux et cantonaux, pro- fesseurs d’Université, avocats, anciens et nouveaux doctorants, à l’occasion d’un ouvrage en son honneur.

Le thème de l’ouvrage est le droit du travail. Gabriel Aubert a consacré à cette branche du droit une grande partie de sa carrière, avant que ne vienne s’y ajouter l’enseignement de la rhétorique.

Les contributions de ce Liber Amicorum posent sur le droit du travail des regards croisés, au gré des affinités et des spécialités.

Chaque auteur a pu librement choisir son sujet et la manière dont il souhaitait le traiter.

Les Amis de Gabriel Aubert ont eu le privilège de partager avec lui une partie de sa carrière. Certains se fréquentaient déjà sur les bancs de l’Université, d’autres ont été ses derniers doctorants.

Leur hommage est un témoin de l’importante influence de la pensée et des écrits de Gabriel Aubert sur le droit du travail suisse et international. L’ouvrage atteste également l’attachement à sa personnalité riche et cultivée et à son ouverture d’esprit.

www.schulthess.com

Regards croisés sur le droit du travail : Liber Amicorum pour Gabriel Aubert

Édité par Rémy Wyler Anne Meier Sylvain Marchand

W yler / M eier / M ar chand (éds) Regar ds cr oisés sur le dr oit du tr av ail : Lib er A mic orum pour G abr iel A uber t

ISBN 978-3-7255-8544-1

Recueils de textes

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Collection Genevoise

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Collection Genevoise

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Regards croisés sur le droit du travail :

Liber Amicorum pour Gabriel Aubert

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Collection Genevoise

Recueil de textes

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Regards croisés sur le droit du travail : Liber Amicorum pour Gabriel Aubert

Édité par

Rémy Wyler

Anne Meier

Sylvain Marchand

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sur le droit du travail : Liber Amicorum pour Gabriel Aubert, Genève / Zurich 2015, Schulthess Éditions Romandes.

ISBN 978-3-7255-8544-1

ISSN Collection Genevoise 1661-8963

© Schulthess Médias Juridiques SA, Genève · Zurich · Bâle 2015 www.schulthess.com

Diffusion en France : Lextenso Éditions, 70, rue du Gouverneur Général Éboué, 92131 Issy-les-Moulineaux Cedex

www.lextenso-editions.com

Diffusion en Belgique et au Luxembourg : Patrimoine, 119, avenue Milcamps, 1030 Bruxelles Tous droits réservés. Toute traduction, reproduction, représentation ou adaptation intégrale ou partielle de cette publication, par quelque procédé que ce soit (graphique, électronique ou mécanique, y compris photocopie et microfilm), et toutes formes d’enregistrement sont stric- tement interdites sans l’autorisation expresse et écrite de l’éditeur.

Information bibliographique de la Deutsche Nationalbibliothek

La Deutsche Nationalbibliothek a répertorié cette publication dans la Deutsche Nationalbiblio- grafie ; les données bibliographiques détaillées peuvent être consultées sur Internet à l’adresse

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Table des matières

Avant-propos : hommages à Gabriel Aubert ... IX Une journée du Juge Gabriel

RÉMY WYLER

DR EN DROIT, AVOCAT, PROFESSEUR À LUNIVERSITÉ DE LAUSANNE ... 1 Le sort des attestations écrites de tiers (« affidavits ») en procédure civile DAVID AUBERT

DR EN DROIT, AVOCAT SPÉCIALISTE FSA DROIT DU TRAVAIL ... 9 La protection du salarié en droit public : incidences sur le droit privé du travail

FLORENCE AUBRY GIRARDIN

DRE EN DROIT, JUGE AU TRIBINAL FEDERAL ... 27 Le droit de la concurrence en tant que droit social

CHRISTIAN BOVET

PROFESSEUR À LA FACULTÉ DE DROIT DE L'UNIVERSITÉ DE GENÈVE ... 41 Médiation et conflits de travail

PASCALE BYRNE-SUTTON

DRE EN DROIT, MÉDIATRICE ASSERMENTÉE ... 53 Assurance-chômage et droit du travail : quelques cas tessinois

DANIELE CATTANEO

DR EN DROIT, JUGE AU TRIBUNALE DI APPELLO,

PRÉSIDENT DU TRIBUNAL DES ASSURANCES DU CANTON DU TESSIN ... 73 Arbeitsrecht und Wettbewerb

WOLFGANG DÄUBLER

DR EN DROIT,PROFESSEUR À L'UNIVERSITÉ DE BRÊME... 93 Prescription des droits du travailleur exposé à l’amiante :

entre Charybde et Scylla GIUSEPPE DONATIELLO

DR EN DROIT,AVOCAT SPÉCIALISTE FSA DROIT DU TRAVAIL ... 109

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Quel est le délai maximal pour notifier un licenciement immédiat (art. 337 CO) ? Exercice du pouvoir d’appréciation du juge (art. 4 CC)

JEAN-PHILIPPE DUNAND

DR EN DROIT, AVOCAT,PROFESSEUR À LUNIVERSITÉ DE NEUCHÂTEL ... 131 Arbeitsverhältnisse bei Ein-Mann-juristischen Personen

THOMAS GEISER

DR EN DROIT,PROFESSEUR À L'UNIVERSITÉ DE ST-GALL ... 149 L'incapacité de travail « à géométrie variable »

WERNER GLOOR

AVOCAT, JUGE SUPPLÉANT À LA COUR DE JUSTICE,GENÈVE ... 163 Les clauses d’effectivité dans les conventions collectives de travail

BORIS HEINZER

DR. EN DROIT, AVOCAT SPÉCIALISTE FSA DROIT DU TRAVAIL ... 177 La Constitution genevoise du 14 octobre 2012 et le droit du travail

MICHEL HOTTELIER

PROFESSEUR À LA FACULTE DE DROIT DE L'UNIVERSITÉ DE GENÈVE ... 185 Les Conventions de l’OIT sur la maternité (n° 183) et le travail

domestique (n° 189) KARINE LEMPEN

DRE EN DROIT,BUREAU FÉDÉRAL DE LÉGALITÉ ENTRE FEMMES ET HOMMES ... 201 Le compte épargne-temps en droit suisse du travail

ANNE MEIER

DRE EN DROIT, AVOCATE ... 213 Quelle place réserver au licenciement par actes concluants en droit du travail suisse ?

ELSA PERDAEMS

DOCTORANTE, ASSISTANTE AU DPT DE DROIT DU TRAVAIL ET DE LA SÉCURITÉ SOCIALE DE L’UNIVERSITÉ DE GENÈVE ... 233 Aktuelle Rechtsprobleme bei Arbeitszeugnissen Eine kritische Betrachtung ausgewählter neuerer Urteile

PROF. DR. IUR.WOLFGANG PORTMANN, RA MLAW ANDREAS HOLENSTEIN ... 249

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Les effets de l’incapacité de travailler pour cause d’une maladie successive à la résolution du contrat de travail

IVANO RANZANICI

JUGE CANTONAL,TRIBUNAL CANTONAL DES ASSURANCES DU TESSIN ... 271 Les conventions collectives et la prévoyance professionnelle : un nouveau développement

JACQUES-ANDRÉ SCHNEIDER

DR EN DROIT, AVOCAT,PROFESSEUR À LUNIVERSITÉ DE LAUSANNE ... 285 Réflexions libres sur le contrat de stage

ZSEILER

DRE EN DROIT,LL.M., AVOCATE-STAGIAIRE ... 299 De quelques idées reçues en droit de la fonction publique

THIERRY TANQUEREL

PROFESSEUR À LA FACULTÉ DE DROIT DE L'UNIVERSITÉ DE GENÈVE ... 311 Plans sociaux: quelques questions pratiques liées à la mise en œuvre des articles 335h à 335k CO

ANNE TROILLET

LL.M., AVOCATE SPÉCIALISTE FSA DE DROIT DU TRAVAIL ... 321 Einseitige Vertragsänderungsrechte des Arbeitgebers

ADRIAN VON KAENEL

DR EN DROIT,AVOCAT SPÉCIALISTE FSA DROIT DU TRAVAIL, CHARGÉ DE COURS À L'UNIVERSITÉ DE ZURICH ... 331 Ressorts méconnus du droit du travail suisse

AURÉLIEN WITZIG

DR EN DROIT, AVOCAT ... 347 Le Tribunal fédéral et Gabriel Aubert

RÉMY WYLER ... 359 Notice biographique de Gabriel Aubert ... 383 Liste des publications de Gabriel Aubert ... 385

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AVANT-PROPOS

HOMMAGES À GABRIEL AUBERT

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Professeur à la Faculté de droit de l’Université de Genève pendant près de trente ans (de 1987 à 2015), Gabriel Aubert y aura creusé un double sillon dont la trace subsistera au-dedans comme au-dehors. Il aura su attirer les foules à l’Université, pour ses conférences en droit du travail, comme pour ses cours et spectacles de rhétorique.

Titulaire de deux licences, en droit et en lettres (1973 et 1974), ainsi que d’un brevet d'avocat (1976), complétés l’année suivante par un Master of Comparative Law obtenu au Georgetown University Law Center de Washington D.C., Gabriel Aubert poursuit sa trajectoire fulgurante avec un doctorat en droit sur « L'obligation de paix du travail, étude de droit suisse et comparé » (1981). Peu après sa nomination comme professeur ordinaire à la Faculté de droit, il lance ses Journées annuelles de droit du travail. Le succès ne faiblira pas durant un quart de siècle, tant et si bien que les bâtiments universitaires ne suffiront plus à accueillir les mille (et davantage) participants fidèles aux Journées qui dès l’an 2000 déménageront à Palexpo. Tirant profit de son expérience pratique d’avocat, de juge et de législateur, Gabriel Aubert n’a cessé de faire avancer la science juridique en droit du travail. Directeur de thèse exigeant, il mène lui-même et stimule une recherche de pointe sur des sujets d’actualité essentiels pour la société.

Gabriel Aubert n’a pas manqué de mettre son temps et ses compétences au service de la cité en présidant la Société genevoise de droit et de législation (1990-1994) et en participant à diverses commissions cantonales et fédérales sur ses thèmes d’enseignement et de recherche (par exemple, les prud'hommes, les relations collectives de travail ; la commission fédérale du travail ; la Commission spécialisée instituée par la loi fédérale sur l'égalité). Le service de la cité le conduit en dehors des frontières nationales à faire œuvre de législateur en rédigeant un code du travail avec ses décrets d'application pour la République d'Albanie (1995-1996). Serviteur critique autant que fidèle de l’Académie, Gabriel Aubert participe aux célébrations du 450e anniversaire de celle-ci avec un ouvrage original intitulé « Regards sur l'Université de Genève, 1559-2009 »1 dans lequel sont réunies les contributions d’une vingtaine de collègues offrant leur vision personnelle de l’Université en un

« rendez-vous – reconnaissant – avec la Cité qui se réjouira de la vitalité des enseignements et des recherches qu’elle soutient généreusement »2.

1 Regards sur l'Université de Genève, 1559-2009 - contributions réunies par Gabriel Aubert à l'occasion du 450e anniversaire de l'Université de Genève, Genève 2009.

2 Gabriel Aubert, op. cit., p. 12.

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Cet amoureux du grec ancien, qui voit dans le début de l’Odyssée les prémices du droit comparé3,n’a jamais perdu de vue sa formation littéraire. Il n’est dès lors pas étonnant qu’il ait aussi enseigné la philosophie du droit et, surtout, relancé la tradition de la rhétorique à l’Université de Genève. Lors même que le présent Liber Amicorum, comme l’ont voulu les amici de Gabriel Aubert, met l’accent sur le droit du travail, le présent hommage ne saurait passer sous silence cet aspect d’un professeur aux multiples facettes. La rhétorique est à nouveau enseignée à la Faculté de droit depuis 2004 grâce à l’enthousiasme avec lequel Gabriel Aubert s’est attelé à créer un cours inédit4 (également ouvert au public), accompagné d’exercices pratiques destinés à encourager les étudiants à se saisir des armes redoutables qu’offre la rhétorique au raisonnement des juristes.

Il ne nous reste qu’à souhaiter à Gabriel Aubert de poursuivre, heureux comme Ulysse, son beau voyage au pays de la rhétorique et du droit du travail !

Christine Chappuis Doyenne

3 Homère, L’Odyssée, trad. de Philipe Jaccottet, Paris 1982/2000, Chant I :

« O muse, conte-moi l'aventure de l'Inventif : celui qui pilla Troie, qui pendant des années erra, voyant beaucoup de villes, découvrant beaucoup d'usage ».

4 Introduit comme enseignement à option en hiver 2004, le cours de « Rhétorique et stylistique » est devenu obligatoire pour le programme de baccalauréat universitaire en droit dès l’hiver 2005.

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Ce recueil est un hommage à Gabriel Aubert. Lorsque nous avons émis l’idée de cette publication, les réactions ont immédiatement été positives et enthousiastes. Les auteurs sont des amis, anciens assistants, anciens doctorants, coéditeurs, coauteurs, collègues Professeurs aux Universités de Genève, Neuchâtel, St-Gall, Zurich, Lausanne et Brême. Nous avons tous rédigé un article centré autour du droit du travail, tout en restant libres dans le sujet et son approche.

Cette liberté est celle qui a animé Gabriel Aubert au long de sa carrière.

Liberté de pensée, liberté de parole, liberté dans la forme de l’expression, liberté dans les thèses, liberté dans les choix. Professeur, Gabriel Aubert a enseigné avec l’esprit de cette liberté, transmettant non seulement la connaissance et l’analyse du droit, mais aussi le goût et la valeur de la critique aux étudiants. Ses doctorants ont su porter aux cimes ces valeurs, puisque les thèses soutenues ne correspondaient pas toujours à celles du « Doktorvater », mais celles-ci étaient réfléchies, défendues avec rigueur et, souvent, la passion de celui qui développe des idées nouvelles. Juge fédéral suppléant, Gabriel Aubert a contribué à rendre la justice de notre Cour suprême, principalement en droit du travail, participant ainsi au développement, à l’interprétation et à la sécurité du droit, tout en restant impartial et indépendant. Avocat, Gabriel Aubert a porté les combats de justiciables, employés et employeurs, avec compétence, rigueur, tactique et fermeté. Gabriel Aubert a occupé toutes les fonctions du triptyque des professions légales. Il s’est en outre attaché à transmettre ses connaissances avec l’art de la rhétorique et de l’éloquence, vecteurs d’accroissement de la force de persuasion quant au bien-fondé de l’argument.

Même si ce jeu de rôles l’a parfois amené à passer d’examinateur à contradicteur en justice et a pu à l’occasion susciter l’appréhension chez ses interlocuteurs, ceux qui ont côtoyé Gabriel Aubert ne sont pas restés indifférents. Unanimement, Gabriel Aubert est respecté pour son intelligence, ses compétences, sa rectitude, sa loyauté, son amitié. Cet ouvrage se veut surtout un reflet de cette dernière qualité et un témoin de notre respect pour celui avec lequel nous avons tant appris et partagé.

Nous souhaitons également formuler nos remerciements à Mme Katia Métral, qui a accompagné Gabriel Aubert dans tant d’activités académiques, à Mme la Professeure Christine Chappuis, Doyenne de la faculté de droit de l’Université de Genève, pour son soutien chaleureux à ce projet, ainsi qu’au Professeur Sylvain Marchand qui s’est associé dans sa réalisation pour

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marquer la contribution de la Faculté au sein de laquelle Gabriel Aubert a œuvré.

De manière plus personnelle, le soussigné remercie Gabriel Aubert pour l’accueil qu’il lui a réservé lorsque l’enseignement du droit du travail à l’Université de Lausanne lui a été confié. Immédiatement, Gabriel Aubert l’a intégré dans son monde universitaire, en l’invitant sans tarder à donner une conférence à la Journée de droit du travail qui suivait. Celles et ceux qui ont eu ce privilège le savent bien, s’exprimer à Palexpo est un défi, car il convient d’être à la hauteur de la confiance de Gabriel Aubert et des attentes de ce public amical et de fidèles intéressés. Nous avons aussi conçu et mis sur pied ensemble la Formation des avocats spécialistes en droit du travail pour la Fédération Suisse des avocats (FSA). Nous avons également disserté sur nombre de sujets sans jamais avoir le souci d’avoir à meubler un échange.

Merci Gabriel pour ton accueil et ces moments de partage.

De manière tout aussi personnelle, la soussignée souhaite remercier Gabriel Aubert pour lui avoir appris l’importance d’être curieuse. Une seule conversation avec son directeur de thèse l’a menée de Genève à Harvard puis à Columbia, une autre l’a transportée des chanteurs d’opéra aux thèses sur l’intégration du travailleur développées sous la République de Weimar presque un siècle plus tôt. L’esprit rigoureux, curieux et créatif du Professeur Aubert a marqué des années privilégiées passées auprès de lui en tant qu’assistante et doctorante. Cher Professeur, l’influence de votre pensée et l’étendue de votre culture ne cesseront de guider ma carrière, en particulier lorsque je m’efforcerai de poursuivre ma découverte de nouveaux horizons de vie et de recherche. Soyez assuré de ma profonde gratitude pour avoir partagé avec moi vos lumières, pour m’avoir appris à exprimer mon opinion de manière construite, pour m’avoir soutenue dans mes voyages intellectuels.

Au crépuscule de cette période académique pointe l’aube des nouveaux projets. Gabriel, nous comptons bien encore réaliser avec vous des projets.

Ceux-ci continueront à s’axer autour de la Discussion, dans le plus noble sens.

Nous nous réjouissons de la poursuivre avec vous.

Genève et Lausanne, mai 2015

Anne Meier Rémy Wyler

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Législation

Difficile de ne pas tomber dans le convenu lorsque l'on a le privilège de faire l'éloge d'une personne renommée et dont les talents sont universellement reconnus. Le Professeur Gabriel Aubert n'est pas seulement le spécialiste du droit du travail que magistrats, avocats et juristes connaissent.

C'est également un redoutable manager.

La Société Genevoise de Droit et de Législation (SGDL), qui a déjà connu trois siècles - est fière de participer à l'ouvrage qui lui est consacré et qui lui rend hommage.

C'est le lieu de rappeler que c'est par son intervention comme membre du comité, puis de Président (de 1990 à 1994), qu'il a permis à cette vénérable vieille dame de trouver un deuxième souffle, en modernisant son fonctionnement.

Le comité actuel ne pouvait dès lors qu'exprimer sa gratitude à son ancien Président et à l'éminent professeur ordinaire, doublé d'un redoutable avocat, et à s'associer au concert de louanges le concernant.

Pour la Société Genevoise de Droit et de Législation, Le Président,

Vincent Jeanneret

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Le département de droit civil héritera, dès le départ la retraite du Prof. Aubert, du droit du travail. Cette branche spécifique du droit, matinée de droit privé et de droit public, était jusque-là rattachée, avec la sécurité sociale, à un département spécifique.

Bel héritage intellectuel et académique en réalité que celui laissé par le récipiendaire de cet ouvrage : Gabriel Aubert a su donner à la Faculté de droit de l’université de Genève une réputation nationale et internationale en matière de droit du travail. Son successeur aura la mission de continuer cette œuvre, et le département de droit civil sera heureux de lui offrir le cadre dans lequel relever ce défi.

Il était donc naturel que notre département soit associé à l’édition de cet ouvrage en l’honneur du Prof. Aubert. Je remercie M. Simon Gil, assistant de recherche et d’enseignement au Département, et Mmes Crausaz et Pinget, secrétaires du Département, pour leur contribution à la réalisation de ces Mélanges, et je me réjouis de recevoir au sein de notre département celui ou celle qui aura la lourde tâche de reprendre le flambeau laissé par le Prof. Aubert.

Sylvain Marchand

Directeur du département de droit civil

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Une journée du Juge Gabriel

1

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Ce matin de printemps, le soleil réchauffe déjà la rade. En passant sur le pont du Mont-Blanc, le Juge Gabriel aperçoit le jet d’eau qui brille dans l’entrelacs des brumes dont les formes ne cessent de changer, ce qui le plonge dans le ravissement de cette ville à laquelle il est attaché. Genève, ville d’arts, de culture, d’histoire, de parcs, de reliefs, d’accueil des organisations internationales, ouverte sur le monde et néanmoins soucieuse de ses traditions, sa ville qui vit et dans laquelle il vit. À son habitude, il se rend à pied au Palais de justice, dans la vielle ville, à la Place du Bourg-de-Four. Arrivé en haut de la Rue de la Fontaine, il tourne à gauche et monte les marches du palais, pour rejoindre son bureau.

Le Juge Gabriel est un homme de lettres et de droit. Jeune, il a embrassé la carrière de magistrat, se passionnant pour les enjeux sociaux. Aujourd’hui, expérimenté, il se consacre surtout aux affaires prud’homales. En effet, dans le Canton, les conflits de droit du travail sont de la compétence d’un juge unique, siégeant seul avec son greffier, qui rend ainsi la justice, quelle que soit l’importance et la nature de l’affaire. S’il aime rendre ainsi la justice, le Juge Gabriel s’intéresse surtout aux gens. Il se dit que son rôle est de contribuer à permettre la rencontre entre les règles du droit et de l’équité, regrettant toutefois les difficultés que certains ont parfois à s’entendre sur cette notion.

En apparence son pouvoir est limité, puisque toutes les décisions qu’il rend peuvent donner lieu à un recours. Cependant, il tente toujours de prêter une oreille et une conscience attentives à ceux qui s’expriment devant lui avec confiance ou la crainte de ne pas être compris.

Aujourd’hui est un jour d’audiences. Mêmes ordinaires, les causes sont toujours différentes. Par les questions qui lui sont soumises et la personnalité des protagonistes. D’ordinaire, il tente de traiter à la suite des affaires de même nature, de manière à appliquer les principes avec une humeur et une perception équitables dans la continuité. Toutefois, dans les dossiers du jour, l’un concerne un État qui dispose d’une mission permanente auprès de l’Office

1 Cette nouvelle est un essai inspiré de certaines affaires jugées par le Tribunal fédéral dans des causes où Gabriel Aubert était juge suppléant. Il s’agit d’une fiction, dans laquelle les faits et les pensées du Juge Gabriel ne correspondent à aucune réalité, mais sont un clin d’œil qui lui est adressé. Cette nouvelle est aussi une référence au cours de rhétorique du Professeur Gabriel Aubert, qui enseigne que la même pièce peut être déclamée de manière si différente qu’elle peut donner l’impression d’une autre réalité. En cela, elle complète le volet Le Tribunal fédéral et Gabriel Aubert qui est une analyse plus sérieuse.

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des Nations Unies et des autres organisations internationales à Genève, appelée la Mission dans le jargon des organisations internationales. Certes, il s’agit d’un petit État, peu important sur la scène économique, mais qui a connu d’importants troubles politiques intérieurs, dont la population a beaucoup souffert. Le Juge Gabriel considère que c’est une forme de respect de la Genève internationale, et donc de la Genève judiciaire, que de ne pas faire attendre les États dans l’appel des causes et de les entendre en premier.

L’huissier fait entrer les parties. Le nouvel ambassadeur se présente personnellement, alors qu’il est mis en cause par l’ancien chauffeur de la Mission, également présent. Le Juge Gabriel est sensible au respect de l’institution judiciaire, marqué ici par le fait que les protagonistes se sont déplacés à son audience, alors que l’un d’eux aurait pu se faire représenter par son secrétaire. L’affaire est des plus sérieuses dans sa perception par les intéressés. En effet, le chauffeur a été engagé par l’ancienne Ambassadrice N il y a plus de trois ans, le contrat ayant été établi sur papier à en-tête de la Mission et muni de son sceau officiel. À fin décembre 2012, le Ministère des relations extérieures a rappelé l’Ambassadrice N au pays et nommé U comme nouvel ambassadeur. L’ancienne ambassadrice a cependant refusé de reconnaître cette décision et a ordonné au chauffeur de s’opposer « même avec la force » à toute intrusion non autorisée dans l’ambassade, lui enjoignant notamment de ne pas laisser entrer le nouvel ambassadeur. C’est ainsi que le chauffeur a repoussé le nouvel ambassadeur et une secrétaire qui entendaient accéder à la Mission. La situation a ensuite été clarifiée et la nomination du nouvel ambassadeur confirmée. Celui-ci a alors appelé la police genevoise qui a procédé à l’évacuation du chauffeur et de l’ancienne ambassadrice. Le nouvel ambassadeur a ensuite licencié le chauffeur avec effet immédiat, car il a considéré que l’insubordination était grave et n’a pas reconnu la validité du contrat de travail conclu par son prédécesseur, lequel prévoyait un délai de résiliation de trois mois. Le chauffeur réclame le paiement des trois mois de salaire ainsi qu’une indemnité de licenciement injustifié. Après avoir entendu les explications des parties et lu les documents, le Juge Gabriel considère que le chauffeur a été pris dans un conflit qui le dépassait et qu’il était légitime qu’il puisse considérer que sa fidélité allait toujours à l’ambassadrice qui l’avait engagé ; en effet, elle représentait valablement l’État concerné lorsqu’elle a conclu le contrat de travail avec le chauffeur et ce dernier n’a jamais reçu d’information officielle au sujet du changement d’ambassadeur.

Dans ces conditions, le Juge Gabriel retient que le licenciement avec effet immédiat est injustifié et que le chauffeur doit recevoir l’équivalent du salaire correspondant aux trois mois du délai de congé, auquel s’ajoute une indemnité de licenciement injustifié équivalent à deux mois de salaire. Après avoir pris le temps de cette réflexion, le Juge Gabriel fait à nouveau entrer les parties dans la salle d’audience et leur lit le dispositif de sa décision, en leur expliquant oralement les motifs, tout en précisant qu’elles recevront dans les semaines qui

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suivent le jugement complet par écrit. Les parties sorties, le Juge Gabriel a le sentiment que l’ambassadeur a accepté sa décision, d’autant plus que le chauffeur n’a pas obtenu complètement gain de cause puisque deux mois d’indemnités seulement lui ont été alloués alors qu’il en demandait six2.

Regardant sa montre, le Juge Gabriel réalise que la matinée est déjà avancée, de sorte qu’il est temps de s’occuper de ce chef boucher qui conteste son licenciement immédiat. Les producteurs de l’émission « À bon entendeur » de la Télévision suisse romande ont informé la Boucherie Sanzos qu’ils aborderaient, dans l’émission du 18 avril 2012, le fait qu’une consommatrice, après avoir acheté de la viande préemballée pour fondue chinoise, a constaté que le poids du plat en matière plastique sur lequel la viande était disposée était compris dans celui de la viande facturée. Cela revenait à faire payer au client 85 grammes de plastique au prix de la viande, soit 39 francs le kilo. Le chef boucher a été licencié sans délai juste après la diffusion. Comme dans l’affaire du chauffeur d’ambassade, le chef boucher réclame l’équivalent du salaire correspondant au délai de résiliation et une indemnité de licenciement immédiat correspondant à six mois de salaire. Pour sa défense, le directeur de la boucherie expose que, par la faute du chef boucher, des dizaines de milliers de consommateurs ont payé le plat au prix de la viande. Pour sa part, le chef boucher expose qu’il a été promu à ce poste il y a dix-huit ans, que la direction de la boucherie avait été à plusieurs reprises informée de la problématique par les instances officielles chargées des poids et mesures et qu’elle n’a jamais réagi ni donné d’instruction aux bouchers de modifier la pratique. À la fin de l’instruction, le Juge Gabriel demande aux parties de se retirer et d’attendre que l’huissier vienne les chercher pour la lecture du dispositif du jugement.

Dans ses considérations, le Juge considère que le chef boucher n’a pas agi par cupidité personnelle, que son comportement est certes critiquable mais que l’employeur, pourtant averti, n’a rien entrepris de concret pour modifier cette pratique. Surtout, sa conviction est que le licenciement immédiat a été prononcé par la Boucherie Sanzos dans le but de tirer une conséquence spectaculaire de l’émission de télévision afin de redorer son blason. Dans ces conditions, le Juge Gabriel estime que le chef boucher doit se voir allouer ses conclusions. En entendant le verdict, le chef boucher exprime son soulagement, alors que le directeur de la boucherie est impassible.

Décidemment, se dit le Juge Gabriel, les enjeux ne sont pas les mêmes dans une affaire où le sentiment de justice individuelle s’oppose à la logique commerciale3.

En cette fin de matinée, le juge n’a guère le temps de rentrer déjeuner à la maison, puisque les audiences de l’après-midi démarrent à 13h30. Il se rend ainsi à pied au cercle de la Terrasse, qui surplombe le Cours des Bastions. Le

2 Inspiré de l’arrêt du TF 4C.177/2000 du 24 avril 2001.

3 Inspiré de l’arrêt du TF 4C.371/1997 du 2 avril 1998.

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Juge Gabriel apprécie ce lieu tranquille, hors du temps, ressourçant, et l’amabilité chaleureuse et bienveillante de l’accueil qui lui est réservé. Le dessert terminé, ayant savouré le repas et le cadre reposant, le Juge Gabriel remonte d’un pas alerte dans la vieille ville et retrouve sa salle d’audience.

Ce début d’après-midi est celui des incivilités. Tout d’abord, cette jeune sommelière qui a démissionné car le gérant la traitait de « salope, conasse, sale pute » et disait des femmes qu’elles étaient « toutes des salopes ». Le comportement d’un client et du gérant, qui est une fois sorti des toilettes les pantalons baissés, démontre quel mépris pour les femmes régnait dans l’établissement. Se fondant sur la loi sur l’égalité entre les hommes et les femmes et considérant que ces actes sont une atteinte à sa dignité de femme, la sommelière réclame une indemnité de 20'000.- francs. La cause est rapidement entendue et le Juge Gabriel n’a aucun doute. Un tel comportement est inadmissible et doit être sanctionné. Toutefois, considérant que les rapports de travail ont été de brève durée – moins de trois mois – une indemnité de 10'000.- francs correspondant à un peu moins de deux mois du salaire médian suisse paraît appropriée. Après avoir fait entrer les parties et comme il le fait parfois lorsque le rôle des affaires le lui permet, l’huissier reste dans la salle d’audience pour écouter le Juge Gabriel lire sa décision et résumer aux parties les motifs qui l’on conduit à rendre sa décision ; avec les années, l’huissier a appris que le Juge Gabriel est un homme de raison et de justice, aux propos parfois vifs, qu’il aime entendre. En entendant le jugement, le sourire mélancolique de la sommelière indique au juge que le montant alloué est une forme de reconnaissance, cependant insuffisant face à cet homme dont le hochement de tête et le regard sombre semblent indiquer qu’il n’a pas encore perçu que le respect permet de vivre dignement4. Puis vient le cas de ce psychologue à mi-temps, engagé par le service communal médical des écoles.

Critiquant la réforme scolaire, il a écrit un article qui a été publié dans un quotidien genevois. On y lit ce qui suit : « Les vacances sont finies, vive la rentrée ! Il est à douter que ces cris de joie soient de mise dans un secteur de la scolarité soumis à une réglementation ségrégationniste. Triste rappel, miniaturisé certes, de ces lois scélérates qui gangrènent - à l'échelle planétaire - les rapports entre communautés ethniquement hétérogènes. Au niveau scolaire, l'apartheid pour raison de faciès a tout simplement été remplacé par la ségrégation du profil (scolaire) (...). En définitive, je suis d'avis que la législation en vigueur dans le canton pour les classes de 5e constitue un acte grave de maltraitance infantile (...) ». Cet employé considère que son licenciement, consécutif à la publication de l’article incriminé, est abusif, car il n’a fait qu’user de son droit constitutionnel à faire valoir sa liberté d’opinion.

Le Juge Gabriel est dubitatif quant à cette opinion. Comme cela ressortait déjà de la précédente cause, certains justiciables n’ont pas compris que le droit doit s’exercer dans le respect. En formulant une diatribe virulente, portant

4 Inspiré de l’arrêt du TF 4C.187/2000 du 6 avril 2001.

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manifestement atteinte au respect dû à l’employeur et aux collègues de travail, la polémique injurieuse déclenchée par le psychologue est manifestement contraire à son obligation de fidélité. Dans ces conditions, le Juge Gabriel donne raison à l’employeur, tout en faisant remarquer l’incohérence du psychologue à se plaindre d’une absence de respect des droits qu’il invoque alors qu’il les a exercés sans aucun égard au respect du travail de ses collègues et de l’institution pour laquelle il travaillait. La contradiction dans l’attitude ne saurait être protégée chez un psychologue habitué à examiner les méandres de l’esprit5. Discret au fond de la salle, l’huissier approuve en son for intérieur, avant de raccompagner les parties.

Le troisième dossier de l’après-midi est une affaire peu banale. Suite à un hold-up au siège de la Banque A, l’employé de banque demandeur a été arrêté et inculpé de brigandage. Le jour de son arrestation, il a été licencié avec effet immédiat. Puis, il a été libéré après trois ans, neuf mois et douze jours de détention préventive. Deux ans après sa libération, il a été acquitté. Anéanti par cette épreuve, il réclame plus d’un million de francs à la Banque à titre de perte de salaire, d’indemnité pour tort moral et d’atteinte à sa réputation. Au terme d’un examen minutieux des pièces et témoignages, le Juge Gabriel considère cependant que la Banque n’a commis aucune faute. Dans sa plainte pénale, elle n’a pas mis en cause le demandeur. Du point de vue juridique, lorsqu’un employé est empêché sans sa faute de travailler, par exemple en raison d’une maladie ou d’un accident, il a droit au paiement de son salaire pour une durée limitée qui dépend de la durée des rapports de travail. Pour le Juge Gabriel, la détention préventive non fautive doit être assimilée à ce type de situation ; elle ne permettait pas à l’employeur de licencier avec effet immédiat, compte tenu de l’acquittement subséquent, de sorte que le travailleur doit bénéficier d’une somme de 18'791.- francs, correspondant au salaire qu’il aurait perçu durant son incapacité de travail. Mais, vu l’absence de faute de l’employeur, il n’est pas justifié de mettre à sa charge une indemnité supplémentaire, qui par conséquent n’est pas allouée. Cette affaire laisse une amertume au Juge Gabriel, tant la souffrance de l’employé injustement mis en cause a été grande. Mais il n’appartient pas à la Banque de réparer un dommage qu’elle n’a pas causé. D’ailleurs, à l’issue de l’affaire pénale l’État de Genève a été condamné à payer une indemnité à l’employé du fait de sa détention injustifiée6.

En cette fin de journée, il reste encore un dossier à juger, celui de cette veilleuse de nuit dans un établissement médico-social qui a été licenciée avec effet immédiat. Elle voulait dénoncer les mauvais traitements infligés aux patients à l’intérieur de l’établissement. Pour ce faire, sans l’autorisation de la direction et sans l’accord de la patiente concernée, elle a tourné un film, en

5 Inspiré de l’arrêt du TF 4C.91/2000 du 23 novembre 2001.

6 Inspiré de l’arrêt du TF 4C.74/2000 du 16 août 2001.

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procédant à une mise en scène faisant apparaitre une ceinture de contention sur une chaise et filmant une patiente dormant dans son lit. Elle a ensuite transmis ce film à la télévision qui l’a diffusé au téléjournal. Suite à l’enquête administrative, il est apparu que de graves dysfonctionnements existaient effectivement au sein de cet établissement, de sorte que l’autorisation d’exploiter lui a été retirée. Comment juger cette affaire ? D’un côté, une employée qui a dénoncé une situation illégale, mais qui s’est comportée en justicière en transmettant directement les informations à la presse, de surcroît sur la base d’un film qui n’a pas été tourné en situation réelle et en violation des droits de la personnalité. D’un autre, un employeur jeté en pâture à l’opinion publique, mais dont les comportements sont en effet inacceptables.

Dans la pesée des intérêts, le Juge Gabriel considère qu’un État de droit doit précisément permettre aux institutions étatiques d’agir prioritairement et que le recours à la justice privée doit être l’ultima ratio. C’est ainsi qu’il rédige cette phrase célèbre : « Le salarié doit aussi garder le secret sur des infractions pénales ou administratives commises par l'employeur, à moins qu'un intérêt supérieur ne s'y oppose. Lorsque l'activité de l'employeur cause ou risque de causer illicitement un dommage à autrui, le salarié ne peut faire valoir un intérêt supérieur à rompre le secret que s'il respecte lui-même le principe de la proportionnalité. Il doit d'abord interpeller son employeur, puis saisir l'autorité compétente ; en effet, cette dernière peut agir sans porter atteinte à la réputation de l'employeur ; ce n'est que si l'autorité demeure inactive que le salarié peut, lorsque les circonstances le justifient, saisir l'opinion publique ». En communiquant à la presse les informations précitées plutôt que de s’adresser aux autorités, la veilleuse de nuit a gravement violé son obligation de discrétion, de sorte que son licenciement immédiat doit être considéré comme justifié7.

En cette fin de journée, le Juge Gabriel a jugé six causes. Toutes extraordinaires, puisqu’aucune ne ressemble à une autre. Les similitudes se retrouvent là où l’on s’y attend le moins. Deux conflits dont les actes ont été motivés par des émissions télévisées, dont l’une contenait même un clin d’œil au personnage de bande dessinée qui se retrouve involontairement au téléphone avec le boucher Sanzos en recevant des appels à ce dernier destinés.

Ce héros de la bande dessinée est si romanesque, notamment dans ses propos fleuris, que certains dessins le représentant ornent les murs chez le Juge Gabriel. Demain sera consacré à des lectures de dossier. Heureusement que son organisation permet une alternance des jours d’étude des dossiers, des audiences d’instruction lorsqu’elles sont nécessaires et des audiences de jugement.

7 Inspiré de l’ATF 127 III 310.

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En sortant du Palais de Justice, le Juge Gabriel hésite. Tourner à droite et redescendre pour traverser le pont du Mont-Blanc. À cette heure, le soleil ne traversera plus les brumes du jet d’eau. Ou tourner à gauche, pour traverser la plaine de Plainpalais et se plonger en début de soirée dans les recueils de jurisprudence se trouvant dans les rayons de la bibliothèque de la faculté de droit de l’Université de Genève. En effet, depuis quelques années, le Professeur de droit du travail invite le Juge Gabriel aux journées annuelles de droit du travail pour donner un aperçu de la jurisprudence de l’année écoulée.

Le Juge Gabriel est honoré de s’exprimer devant ce large public, puisque près de mille personnes se déplacent pour écouter les orateurs, les autres orateurs pense-t-il. Peu importe, il ressent une certaine fierté d’avoir été choisi pour s’exprimer sur ce sujet qu’il affectionne et qu’il pratique au quotidien, espérant transmettre l’intensité des situations au public, quel qu’il soit. Il est possible que certains justiciables se reconnaissent parfois. Le Juge Gabriel aurait aimé enseigner dans cette Université. Il est cependant difficile de trop embrasser. A ce dernier mot, la douceur de l’image de Suzanne égaye son visage. Ni à droite, ni à gauche, il remonte tout droit pour se dépêcher d’aller embrasser la source de tant de joies.

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(31)

en procédure civile

D

AVID

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UBERT

D

R EN DROIT

,

AVOCAT SPÉCIALISTE

FSA

DROIT DU TRAVAIL

Introduction

1

I.

L’attestation écrite d’un tiers est un document qui contient des informations visant une situation particulière et qui sont rapportées par un individu qui les a constatées. Dans le cadre d’une procédure, les parties et leurs conseils pourront être tentés de recourir à la production de tels documents (« attestations écrites de tiers », « affidavits »2 ou « witness statements »). Il apparaît d’emblée qu’un tel moyen comporte un double avantage. Le temps consacré par les parties à l’interrogation des témoins est en premier lieu réduit, dès lors que leur audition pourra se limiter en grande partie à la confirmation des éléments écrits au préalable. L’intérêt qui en résulte concerne les deux parties qui limiteront les charges qui en découlent. Il permet également de réduire l’effort consacré à l’administration des preuves, ce qui coïncide avec l’intérêt de la justice notoirement surchargée. Il emporte en revanche l’inconvénient de ne pas disposer de la spontanéité d’une explication verbale.

Le recours à un document de ce type a par ailleurs pour avantage, en faveur de la partie qui l’utilise, de limiter le risque lié au contenu des déclarations du témoin. L’auteur d’un document viendra en effet, sauf exception, confirmer ses explications antérieures.

Se posent donc les questions de la recevabilité et de la force probante de l’usage d’un tel document. Doivent de surcroît être distinguées les situations dans lesquelles l’auteur du document, entendu en qualité de témoin, vient en confirmer la teneur, de celles où il ne se présente pas devant l’autorité judiciaire.

1 Le présent article a été rédigé, dans un premier temps, dans le cadre d’un travail de conclusion d’un Certificate of advanced studies (CAS) en magistrature dispensé par l’Université de Neuchâtel et sous la supervision du Professeur François Bohnet.

2 Un affidavit est une déclaration écrite faite sous serment devant une personne autorisée par la loi et qui a principalement pour objectif d’être utilisé comme moyen de preuve devant un tribunal. Ce terme vient à l’origine du mot latin affidare et signifie « déclarer sous serment ».

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Si en Suisse, l’admissibilité de ce moyen de preuve n’est pas évidente de prime abord, d’autres systèmes légaux l’admettent sans restriction. C’est, à titre d’exemple, le cas du droit français. L’administration judiciaire des preuves y inclut en effet, parmi les diverses mesures d’instruction, les déclarations écrites de tiers3. Celles-ci sont recevables très largement, soit chaque fois que la preuve testimoniale est admissible, ce qui est presque toujours le cas (cf. art. 199, 201 et 205 CPCFr). L’attestation doit porter sur les faits litigieux (art. 199 CPCFr) et que l’auteur a personnellement constatés (art.

199 et 202 §1 CPCFr). Des règles de forme stricte doivent être respectées (mention not. des liens entre l’auteur et les parties, objectif de production en justice, connaissance des sanctions pénales, forme manuscrite et copie de pièces d’identité ; cf. art. 202 §2-4 CPCFr).

Le système de la preuve dans le Code de procédure II. civile (aperçu)

Avant de déterminer si la prise en compte par le juge des attestations de tiers est admissible et dans quelle mesure, il convient de définir brièvement le cadre légal régissant le système de la preuve en procédure civile.

Principe du numerus clausus des preuves 1.

Il est généralement considéré que divers systèmes d’administration de la preuve s’opposent. Dans le premier, celui dit du numerus clausus des preuves, les parties choisissent elles-mêmes parmi les divers moyens de preuves (licites) à disposition, ceux qu’elles entendent utiliser et que l’autorité pourra ensuite apprécier librement4. Dans le deuxième, la loi détermine limitativement quels sont les moyens de preuve admissibles, voire en impose un, le juge étant alors lié par la force probante légale de ce moyen (système de la preuve légale)5. Dans d’autres cas enfin, la preuve est dite libre dans le sens où le juge n’est

3 Voir articles 8 à 11 CPCFr (principes directeurs du procès concernant les preuves), ainsi que 199ss (les déclarations de tiers) et en particulier 200 à 203 (les attestations de tiers). Cf. ég., p. ex., arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation, audience publique du mardi 25 octobre 2011 (N° de pourvoi : 10-16924 ; appréciation partiale d’attestations écrites) et arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation, audience publique du mardi 21 juin 2011 (N° de pourvoi : 09-68835 ; absence de nullité systématique de l’attestation en cas de violation des règles de forme).

4 Articles 157 et 168 al. 1 CPC. Voir ég. FF 2006, p. 6929.

5 Voir p. ex. articles 297 al. 1 et 298 al. 1 CPC.

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plus limité que par une éventuelle illicéité du moyen envisagé, lequel n’a plus à figurer expressément dans la loi6.

En procédure civile, le code énonce que : « Les moyens de preuve sont : a. le témoignage ; b. les titres ; c. l’inspection ; d. l’expertise ; e. les renseignements écrits ; f. l’interrogatoire et la déposition de partie » (art. 168 al. 1 CPC) 7.

Par ce libellé, le législateur a entendu imposer une limite stricte aux types de preuves dont les parties peuvent se prévaloir. Il s’agit d’un numerus clausus, soit d’une liste exhaustive des preuves recevables8. A contrario, tout moyen effectivement propre à démontrer un fait, mais qui ne figure pas dans cette disposition, ne peut être pris en compte par le juge.

Une certaine flexibilité est toutefois admise à cet égard, en ce sens qu’un autre mode de preuve apte à démontrer un fait déterminant pourra être considéré comme un accessoire à l’un des types de preuve admis par la loi9. Un auteur indique à cet égard que ce qui importe n’est pas que la preuve soit l’une de celles formellement prévues par la loi, mais que le moyen présenté au juge soit susceptible de contribuer à l’élaboration de la conviction de ce dernier, auquel cas il sera toujours possible de le rattacher à l’un des éléments de preuve prévu par le Code de procédure10.

Administration et appréciation des preuves 2.

L’issue du processus judiciaire et la décision qui en émane sont la résultante de la conviction personnelle et subjective que le juge s’est forgée. Cette certitude doit porter sur les faits pertinents (et contestés) pour trancher la cause. Le juge, en procédant à l’appréciation des preuves qu’il a administrées, décide alors s’il estime que ces faits sont avérés ou non.

C’est la tâche du juge et sa responsabilité de procéder à l’administration des preuves (art. 155 CPC), le cas échéant d’office (art. 153, 247, 254, 255, 277 et 296 CPC). Les parties peuvent y participer si elles le désirent (art. 155 al. 3 CPC).

6 Cf. not. articles 152 al. 2, 168 al. 2, 276 al. 1, 296 al. 2 et 298 al. 1 CPC. Voir en outre FF 2006 pp. 6929, 6973, ainsi que, p. ex., ATF 122 I 55 c. 4 ; 111 II 229 c. 4 ; et TF 5P.42/2007 du 4 avril 2007, c. 3.

7 Voir FF 2006 p. 6929.

8 Voir FF 2006 p. 6929 et Rapport AP-CPC, p. 83 ad art. 159.

9 CPC-SCHWEIZER, N 4 ad art. 168 CPC, N 3 ad art. 169 CPC et N 7 ad art. 177 CPC, resp. p. 675, pp.

677-678 et pp. 693-694, qui cite l’exemple du recours au flair d’un chien dont les conclusions olfactives constituent l’accessoire d’une inspection.

10 CPC-SCHWEIZER, N 7 ad art. 177 CPC p. 693

(34)

Les parties disposent quant à elles du droit à ce que le Tribunal administre les moyens de preuve adéquats proposés régulièrement et en temps utile (art. 152 al. 1 CPC).

Ce droit, qui est un corollaire du droit des parties d’être entendu (cf. art. 53 CPC), est un droit fondamental des parties qui est essentiel au processus judiciaire11. L’exercice de ce droit emporte a priori la conséquence que doit être pris en compte l’ensemble des moyens de preuve respectant les conditions légales, en ce sens que ces derniers visent un fait pertinent et contesté, qu’ils sont proportionnés, enfin qu’ils ont été présentés selon les formes et dans les délais légaux. Le refus d’administrer une telle preuve constitue en outre une violation de l’article 8 CC qui confère aux parties un droit à la preuve et à la contre-preuve12, cela du moins tant que le juge n’a pas acquis de conviction.

L’Autorité judiciaire se doit toutefois de procéder à une libre appréciation des preuves administrées, laquelle doit seule fonder sa conviction (art. 157 CPC). Dans ce cadre, elle doit déterminer quelle force probante elle accorde à chaque élément de preuve qu’elle a administré13. Cette libre appréciation constitue un principe fondamental de procédure14. A titre d’exemple, dans un conflit de travail, les documents établis par une directrice, par ailleurs organe de fait de l’employeur et qui était à l’origine du licenciement, doivent être examinés avec circonspection15. La grande latitude laissée au juge à cet égard a pour effet que le Tribunal fédéral ne revoit la question de l’appréciation des preuves qu’avec retenue, soit seulement sous l’angle restreint de l’interdiction de l’arbitraire16.

Dès lors toutefois que le juge, sur la base des éléments en sa possession, a acquis une conviction quant à l’issue du litige, il est en droit de renoncer à administrer davantage les preuves offertes par les parties17. Il procède alors à une appréciation anticipée des preuves en ce sens qu’il estime que, compte tenu des éléments déjà recueillis, les autres mesures sollicitées ne sont pas aptes à apporter la preuve attendue, respectivement à modifier sa conviction18. Ici également le Tribunal fédéral n’examine la violation de ce principe que sous l’angle restreint de l’arbitraire.

11 Voir FF 2006 p. 6922.

12 ATF 129 III 18, c. 2.6 et ATF 114 II 289, c. 2a.

13 Voir p. ex. ATF 125 V 351 c. 3b/aa pour la force probante élevée attribuée généralement à une expertise judiciaire.

14 FF 2006 p. 6924.

15 TF 4A_99/2012 du 30 avril 2012, c. 2.2.

16 Art. 9 Cst. Cf. ég. p. ex. ATF 137 I 58, c. 4.1.2.

17 Voir p. ex. ATF 130 II 425, c. 2.1 et TF 4A_542/2012 du 24 janvier 2013, c. 2. Cf. ég. FF 2006 p. 6922 qui se réfère à TF 5P.296/2005.

18 ATF 138 III 374, c. 4.3.2 ; 130 II 425, c. 2.1 ; 129 III 18, c. 2.6 ; ainsi que TF 4A_307/2013, du 6 janvier 2014, c. 2.1.1.

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Recevabilité 3.

Quel que soit le moyen de preuve soumis à l’administration du Tribunal, sa transmission à l’autorité judiciaire devra respecter les conditions légales de recevabilité (cf. art. 152 CPC).

Les moyens de preuves, dont l’administration est requise, doivent être indiqués dans les écritures de demande et de réponse, qui prennent la forme d’un mémoire, déposées devant l’autorité judiciaire de première instance, et cela, quant à la forme, en lien avec chaque allégation de fait (art. 221 al. 1 let. e, ainsi qu’al. 2 let. c et d, resp. art. 222 al. 2 CPC) 19.

De nouveaux moyens de preuves peuvent être versés à la procédure dans le cadre d’un éventuel second échange d’écritures (art. 225 CPC), lors de l’audience de débats d’instruction tenue avant les débats principaux (art. 226 al. 2 CPC)20 ou, à défaut de l’un ou l’autre de ces deux cas de figure, jusqu’à l’ouverture des débats principaux (art. 229 al. 2 CPC), enfin, postérieurement, aux conditions restrictives de l’article 229 al. 1 CPC.

Lorsque la maxime inquisitoire est applicable, de nouveaux moyens de preuve peuvent être versés à la procédure jusqu’aux délibérations (art. 229 al. 3, ainsi que not. 243 al. 2, 247 al. 2 et 296 CPC).

Un moyen de preuve offert par une partie en violation de ces règles devra être écarté de la procédure par le juge.

Ce qui précède s’appliquera, en tout état et sans restriction aucune, à la production d’attestations de tiers par une partie dans le cadre d’une procédure judiciaire.

Fondements légaux de l’attestation écrite de tiers III.

Le cadre légal ayant été posé, il convient de déterminer si les attestations écrites de tiers peuvent être rattachées à l’un ou l’autre des moyens de preuve figurant dans la liste exhaustive de la loi. La situation dans laquelle le tiers vient en personne confirmer son attestation sera examinée en premier lieu (ch. 3.1, infra). Les normes susceptibles d’être appliquées dans les cas où le juge n’entend pas le tiers seront ensuite examinées dans leur ordre d’apparition dans le code de procédure (ch. 3.2 à 3.4, infra).

19 Ces règles sont celles de la procédure ordinaires et sont, sauf dérogation légale, applicables aux autres types de procédures (art. 219 CPC).

20 Cela toutefois sauf lorsqu’un second échange d’écritures a déjà été autorisé préalablement, car les parties n’ont que deux occasions seulement d’alléguer des faits (ATF 140 III 312 du 19 juin 2014, c. 6.3.2.3 ; à cet égard, voir ég. BOHNET, N 1135, pp. 282-283).

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L’attestation écrite, confirmée par son auteur lors de son 1. audition

A titre liminaire, la force probante de l’attestation du tiers qui vient en confirmer la teneur, mais qui par hypothèse se limite à cela, c’est-à-dire sans en répéter en détail le contenu, peut être brièvement commentée.

Dans un tel cas, il faut admettre que le moyen de preuve utilisé réside d’abord et principalement dans le témoignage du tiers (i.e. art. 168 let. a CPC)21. Il n’existe en effet aucune différence matérielle entre des déclarations verbales faites en audience et l’affirmation qu’une attestation écrite antérieure est conforme aux constations faites en personne par le témoin. Les parties et le Tribunal peuvent alors réagir, notamment en mettant en cause les faits exposés ou en sollicitant du témoin des précisions.

Un tel mode de preuve est recevable et a une pleine force probante. Il sera toutefois soumis à la libre appréciation du Tribunal comme tout élément (licite) de preuve (art. 157 CPC).

La question de l’importance de l’identité de l’auteur de l’attestation, soit le témoin lui-même soit un tiers (notamment l’une des parties), mérite d’être posée. Ce qui est déterminant, de notre point de vue, est que le tiers atteste d’éléments correspondant, selon son intime conviction, aux faits qu’il a lui- même constatés. Une plus grande circonspection devrait en revanche s’imposer lorsque des indices laissent apparaître que le contenu de la déclaration a été imposé ou qu’il contient des éléments dont l’auteur n’avait qu’une connaissance indirecte, etc.

Prenons à titre d’exemple la situation dans laquelle plusieurs collaborateurs au sein d’une entreprise ont constaté des actes de harcèlement d’un de leur collègue à l’encontre d’un autre. La rédaction par l’un d’entre eux d’un document commun et signé par chacun vaudra également pour tous.

Si en revanche, dans des cas qui seront sans doute rares, le témoin infirme sa déclaration écrite en tout ou en partie, le juge devra déterminer les raisons de de cette modification de position et décider à laquelle il donne foi (art. 157 CPC). Nous sommes d’avis que, sauf circonstances particulières (p. ex.

l’exercice de pressions sur le témoin afin que celui-ci se rétracte), les déclarations verbales faites devant le Tribunal devront prévaloir sur les informations écrites données préalablement.

21 Cf. HOFMANN/LÜSCHER, p. 100, qui indiquent que la loi n’interdit pas qu’en plus de l’audition, des documents écrits soient obtenus et cela tant avant qu’après l’interrogation de l’auteur par le juge.

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L’usage par le témoin de documents écrits (art. 171 al. 3 2. CPC)

Selon l’article 171 al. 3 CPC : « Le témoin doit s’exprimer librement ; le tribunal peut l’autoriser à faire usage de documents écrits » 22.

Le message du Conseil fédéral à cet égard se limite à une illustration, celle du témoin expert23. Cela peut laisser à penser que les documents visés sont ceux nécessaires à une explication complexe ou technique.

A teneur du texte légal (« peut », « kann », « può »), le recours à des documents écrits n’est pas un droit du témoin (ni des parties), mais une faculté laissée au Tribunal24. Dans l’intérêt de la bonne administration de la justice et afin que la conviction du juge soit fondée sur des éléments aussi précis et complets que possible, le juge devrait admettre largement un tel usage25.

En pratique, une période longue, parfois des années, s’écoule fréquemment entre le moment du déroulement des événements et celui de l’audition du témoin par le juge. Les déclarations du témoin doivent en principe se fonder sur les seuls souvenirs de celui-ci. Il ne fait aucun doute que si certains des éléments essentiels seront mémorisés par le témoin, d’autres seront oubliés ou, pire, leur souvenir sera altéré. Le compte-rendu que le témoin fera, en toute bonne foi, pourra alors être (partiellement) erroné. Il pourra notamment être particulièrement délicat de se souvenir de dates ou de chiffres précis26. Dans ces circonstances, quelle valeur accorder aux notes manuscrites, au rapport ou à d’autres documents qu’un témoin a rédigés à l’époque et dont la teneur est plus complète et plus exacte que ses souvenirs ? Que faire d’un tel élément lorsque le témoin affirme être certain de leur exactitude, mais qu’il indique par ailleurs ne plus en avoir le souvenir exact ? Nous sommes d’avis que des telles déclarations écrites doivent être pleinement prises en compte27, dans la mesure où leur authenticité et leur origine ne font aucun doute, dès lors qu’elles sont en mesure d’aider à l’établissement de la vérité judiciaire. Le juge pourra distinguer au procès-verbal les éléments

22 Il peut être relevé que le texte de l’avant-projet contenait les termes de : « notes ou d’autres documents » (FF 2006 p. 6930 ; dans le même sens, cf. ég. Rapport AP-CPC, p. 84). Ce mode de faire était alors considéré comme non problématique (voir Consultation AP-CPC, p. 80). La faculté de laisser aux parties le droit de déposer, avec l’accord de la partie adverse, des attestations écrites de tiers, avait été suggérée en lien avec l’article 162 du projet (actuel art. 171), sous forme d’un alinéa 5 (voir Consultation AP-CPC, p. 430).

23 FF 2006 p. 6930. Pour un cas d’application, voir la décision du Tribunal du district de Sion du 25 mars 2013, in RVJ 2013, p. 240.

24 Voir sur ce point l’intervention du canton du Tessin (in Consultation AP-CPC, p. 430).

25 Voir Cocchi/Trezzini/Bernasconi, p. 826.

26 Cf. Hofmann/Lüscher, p. 90.

27 Dans le même sens, cf. BKZPO-RÜETSCHI, N 3 ad art. 170 CPC pour qui le recours à tout types d’aide-mémoires est souhaitable.

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provenant de la mémoire du témoin, qui pourront être obtenus dans un premier temps, de ceux tirés ensuite des documents utilisés, afin de procéder à une appréciation spécifique de chacun d’eux28. L’utilisation dans le cadre de la procédure des documents utilisés par le témoin pourra être faite aux conditions restrictives de l’article 229 CPC29.

L’article 171 al. 3 CPC ne constitue pas un fondement direct permettant de considérer une attestation écrite de tiers, en elle-même, comme un moyen de preuve. Le recours par le témoin à un document écrit implique en effet, par essence, sa présence physique à l’audience. Elle a toutefois ceci de pertinent qu’elle autorise et valide, formellement, l’usage par les témoins de documents écrits.

Les titres (art. 177 CPC) 3.

Au nombre des moyens de preuve admis par la loi, figurent les titres (art. 168 al. 1 lit. b CPC). Peuvent se voir reconnaître une telle qualification les

« documents, tels les écrits, les dessins, les plans, les photographies, les films, les enregistrements sonores, les fichiers électroniques et les données analogues, propres à prouver des faits pertinents » 30.

La définition de titre doit être admise de manière large31. Elle inclut tout support contenant des informations. Conformément aux termes de la loi (i.e. « tel que »), les exemples donnés – dont « l’écrit » – sont illustratifs. Le titre peut être authentique ou avoir été établi sous seing privé32.

Les conditions cumulatives d’application de cette disposition sont au nombre de trois, soit : (1) l’existence d’un support ; (2) qui a un contenu ; (3) lequel doit avoir un caractère propre à la démonstration d’un fait pertinent et contesté33.

28 BSK ZPO-Guyan, N 6 ad art. 171 CPC, p. 914 ; BK ZPO-Rüetschy, N 8 ad art. 171 CPC, p. 1836 ; ainsi que Gehri/Kramer, N 8 ad art. 171 CPC, p. 318.

29 BKZPO-RÜETSCHY, N 9 ad art. 171 CPC, p. 1837.

30 En matière pénale, voir pour comparaison l’article 110 al. 4 CP : « Sont des titres tous les écrits destinés et propres à prouver un fait ayant une portée juridique et tous les signes destinés à prouver un tel fait. L'enregistrement sur des supports de données et sur des supports-images est assimilé à un écrit s'il a la même destination ».

31 FF 2006 p. 6931. Voir ég. Rapport AP-CPC, p. 85 ; HALDY, N 507, p. 147 REYMOND, pp. 65-66 ; ainsi que STAEHELIN/STAEHELIN/GROLIMUND, N 97, p. 324. Cf. en outre p. ex. TF 5A_365/2012 du 17 août 2012, c. 4.3.1

32 STAEHELIN/STAEHELIN/GROLIMUND, N 102 et 103, p. 315 et VOUILLOZ, p. 843.

33 BSKZPO-DOLGE,N 1 ad art. 177 CPC parle d’aptitude à la preuve.

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