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Fondements légaux de l’attestation écrite de tiers III

Le cadre légal ayant été posé, il convient de déterminer si les attestations écrites de tiers peuvent être rattachées à l’un ou l’autre des moyens de preuve figurant dans la liste exhaustive de la loi. La situation dans laquelle le tiers vient en personne confirmer son attestation sera examinée en premier lieu (ch. 3.1, infra). Les normes susceptibles d’être appliquées dans les cas où le juge n’entend pas le tiers seront ensuite examinées dans leur ordre d’apparition dans le code de procédure (ch. 3.2 à 3.4, infra).

19 Ces règles sont celles de la procédure ordinaires et sont, sauf dérogation légale, applicables aux autres types de procédures (art. 219 CPC).

20 Cela toutefois sauf lorsqu’un second échange d’écritures a déjà été autorisé préalablement, car les parties n’ont que deux occasions seulement d’alléguer des faits (ATF 140 III 312 du 19 juin 2014, c. 6.3.2.3 ; à cet égard, voir ég. BOHNET, N 1135, pp. 282-283).

L’attestation écrite, confirmée par son auteur lors de son 1. audition

A titre liminaire, la force probante de l’attestation du tiers qui vient en confirmer la teneur, mais qui par hypothèse se limite à cela, c’est-à-dire sans en répéter en détail le contenu, peut être brièvement commentée.

Dans un tel cas, il faut admettre que le moyen de preuve utilisé réside d’abord et principalement dans le témoignage du tiers (i.e. art. 168 let. a CPC)21. Il n’existe en effet aucune différence matérielle entre des déclarations verbales faites en audience et l’affirmation qu’une attestation écrite antérieure est conforme aux constations faites en personne par le témoin. Les parties et le Tribunal peuvent alors réagir, notamment en mettant en cause les faits exposés ou en sollicitant du témoin des précisions.

Un tel mode de preuve est recevable et a une pleine force probante. Il sera toutefois soumis à la libre appréciation du Tribunal comme tout élément (licite) de preuve (art. 157 CPC).

La question de l’importance de l’identité de l’auteur de l’attestation, soit le témoin lui-même soit un tiers (notamment l’une des parties), mérite d’être posée. Ce qui est déterminant, de notre point de vue, est que le tiers atteste d’éléments correspondant, selon son intime conviction, aux faits qu’il a lui-même constatés. Une plus grande circonspection devrait en revanche s’imposer lorsque des indices laissent apparaître que le contenu de la déclaration a été imposé ou qu’il contient des éléments dont l’auteur n’avait qu’une connaissance indirecte, etc.

Prenons à titre d’exemple la situation dans laquelle plusieurs collaborateurs au sein d’une entreprise ont constaté des actes de harcèlement d’un de leur collègue à l’encontre d’un autre. La rédaction par l’un d’entre eux d’un document commun et signé par chacun vaudra également pour tous.

Si en revanche, dans des cas qui seront sans doute rares, le témoin infirme sa déclaration écrite en tout ou en partie, le juge devra déterminer les raisons de de cette modification de position et décider à laquelle il donne foi (art. 157 CPC). Nous sommes d’avis que, sauf circonstances particulières (p. ex.

l’exercice de pressions sur le témoin afin que celui-ci se rétracte), les déclarations verbales faites devant le Tribunal devront prévaloir sur les informations écrites données préalablement.

21 Cf. HOFMANN/LÜSCHER, p. 100, qui indiquent que la loi n’interdit pas qu’en plus de l’audition, des documents écrits soient obtenus et cela tant avant qu’après l’interrogation de l’auteur par le juge.

L’usage par le témoin de documents écrits (art. 171 al. 3 2. CPC)

Selon l’article 171 al. 3 CPC : « Le témoin doit s’exprimer librement ; le tribunal peut l’autoriser à faire usage de documents écrits » 22.

Le message du Conseil fédéral à cet égard se limite à une illustration, celle du témoin expert23. Cela peut laisser à penser que les documents visés sont ceux nécessaires à une explication complexe ou technique.

A teneur du texte légal (« peut », « kann », « può »), le recours à des documents écrits n’est pas un droit du témoin (ni des parties), mais une faculté laissée au Tribunal24. Dans l’intérêt de la bonne administration de la justice et afin que la conviction du juge soit fondée sur des éléments aussi précis et complets que possible, le juge devrait admettre largement un tel usage25.

En pratique, une période longue, parfois des années, s’écoule fréquemment entre le moment du déroulement des événements et celui de l’audition du témoin par le juge. Les déclarations du témoin doivent en principe se fonder sur les seuls souvenirs de celui-ci. Il ne fait aucun doute que si certains des éléments essentiels seront mémorisés par le témoin, d’autres seront oubliés ou, pire, leur souvenir sera altéré. Le compte-rendu que le témoin fera, en toute bonne foi, pourra alors être (partiellement) erroné. Il pourra notamment être particulièrement délicat de se souvenir de dates ou de chiffres précis26. Dans ces circonstances, quelle valeur accorder aux notes manuscrites, au rapport ou à d’autres documents qu’un témoin a rédigés à l’époque et dont la teneur est plus complète et plus exacte que ses souvenirs ? Que faire d’un tel élément lorsque le témoin affirme être certain de leur exactitude, mais qu’il indique par ailleurs ne plus en avoir le souvenir exact ? Nous sommes d’avis que des telles déclarations écrites doivent être pleinement prises en compte27, dans la mesure où leur authenticité et leur origine ne font aucun doute, dès lors qu’elles sont en mesure d’aider à l’établissement de la vérité judiciaire. Le juge pourra distinguer au procès-verbal les éléments

22 Il peut être relevé que le texte de l’avant-projet contenait les termes de : « notes ou d’autres documents » (FF 2006 p. 6930 ; dans le même sens, cf. ég. Rapport AP-CPC, p. 84). Ce mode de faire était alors considéré comme non problématique (voir Consultation AP-CPC, p. 80). La faculté de laisser aux parties le droit de déposer, avec l’accord de la partie adverse, des attestations écrites de tiers, avait été suggérée en lien avec l’article 162 du projet (actuel art. 171), sous forme d’un alinéa 5 (voir Consultation AP-CPC, p. 430).

23 FF 2006 p. 6930. Pour un cas d’application, voir la décision du Tribunal du district de Sion du 25 mars 2013, in RVJ 2013, p. 240.

24 Voir sur ce point l’intervention du canton du Tessin (in Consultation AP-CPC, p. 430).

25 Voir Cocchi/Trezzini/Bernasconi, p. 826.

26 Cf. Hofmann/Lüscher, p. 90.

27 Dans le même sens, cf. BKZPO-RÜETSCHI, N 3 ad art. 170 CPC pour qui le recours à tout types d’aide-mémoires est souhaitable.

provenant de la mémoire du témoin, qui pourront être obtenus dans un premier temps, de ceux tirés ensuite des documents utilisés, afin de procéder à une appréciation spécifique de chacun d’eux28. L’utilisation dans le cadre de la procédure des documents utilisés par le témoin pourra être faite aux conditions restrictives de l’article 229 CPC29.

L’article 171 al. 3 CPC ne constitue pas un fondement direct permettant de considérer une attestation écrite de tiers, en elle-même, comme un moyen de preuve. Le recours par le témoin à un document écrit implique en effet, par essence, sa présence physique à l’audience. Elle a toutefois ceci de pertinent qu’elle autorise et valide, formellement, l’usage par les témoins de documents écrits.

Les titres (art. 177 CPC)