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Au nombre des moyens de preuve admis par la loi, figurent les titres (art. 168 al. 1 lit. b CPC). Peuvent se voir reconnaître une telle qualification les

« documents, tels les écrits, les dessins, les plans, les photographies, les films, les enregistrements sonores, les fichiers électroniques et les données analogues, propres à prouver des faits pertinents » 30.

La définition de titre doit être admise de manière large31. Elle inclut tout support contenant des informations. Conformément aux termes de la loi (i.e. « tel que »), les exemples donnés – dont « l’écrit » – sont illustratifs. Le titre peut être authentique ou avoir été établi sous seing privé32.

Les conditions cumulatives d’application de cette disposition sont au nombre de trois, soit : (1) l’existence d’un support ; (2) qui a un contenu ; (3) lequel doit avoir un caractère propre à la démonstration d’un fait pertinent et contesté33.

28 BSK ZPO-Guyan, N 6 ad art. 171 CPC, p. 914 ; BK ZPO-Rüetschy, N 8 ad art. 171 CPC, p. 1836 ; ainsi que Gehri/Kramer, N 8 ad art. 171 CPC, p. 318.

29 BKZPO-RÜETSCHY, N 9 ad art. 171 CPC, p. 1837.

30 En matière pénale, voir pour comparaison l’article 110 al. 4 CP : « Sont des titres tous les écrits destinés et propres à prouver un fait ayant une portée juridique et tous les signes destinés à prouver un tel fait. L'enregistrement sur des supports de données et sur des supports-images est assimilé à un écrit s'il a la même destination ».

31 FF 2006 p. 6931. Voir ég. Rapport AP-CPC, p. 85 ; HALDY, N 507, p. 147 REYMOND, pp. 65-66 ; ainsi que STAEHELIN/STAEHELIN/GROLIMUND, N 97, p. 324. Cf. en outre p. ex. TF 5A_365/2012 du 17 août 2012, c. 4.3.1

32 STAEHELIN/STAEHELIN/GROLIMUND, N 102 et 103, p. 315 et VOUILLOZ, p. 843.

33 BSKZPO-DOLGE,N 1 ad art. 177 CPC parle d’aptitude à la preuve.

L’attestation écrite de tiers remplit ces trois conditions et peut donc être considérée comme un titre34. Le support est la lettre (manuscrite ou dactylographiée, voire électronique) et le contenu résulte de la description des événements qui y figurent. Dans la mesure où l’attestation décrit la constatation personnelle de faits soumis à l’examen du juge et pouvant influencer le sort de la cause, elle est propre à prouver un fait pertinents.

L’enregistrement audio d’un témoin remplit les conditions listées ci-dessus (i.e. un support : la bande audio, des informations : les déclarations enregistrée du tiers, visant un fait par hypothèse déterminant et contesté) et il doit également être qualifié de titre.

Demeure toutefois la question de savoir quelle importance (i.e. force probante) le juge attribuera à ce moyen de preuve, en fonction des circonstances et des autres moyens de preuve, ce qui relève – vu le silence de la loi à cet égard – de sa libre appréciation (art. 157 CPC)35. Pourront notamment être pris en compte dans ce cadre l’identité de l’auteur du titre et les intérêts que celui-ci pourrait avoir envers l’une ou l’autre des parties, la cohérence et la source du contenu, le type de support, etc.

Il peut être relevé qu’en pratique, les parties produisent par exemple fréquemment des courriers électroniques adressés à des tiers ou provenant d’eux, ces échanges ayant de surcroît lieu au moment du déroulement des faits. Or de tels documents sont considérés comme des titres36 et il n’est guère imaginable de procéder systématiquement à l’audition de leurs auteurs.

34 A cet égard, voir l’article de SCHWEIZER/EICHENBERGER qui examinent en détail cette question. Dans le même sens, arrêt (non publié) CJ GE du 12 avril 2013, c.2.2 ; arrêt (non publié) CA VD du 18 mars 2014 ; arrêt OGer LU du 16 juin 2011 in ZBVJ 148/2012, p. 669ss ; CORBOZ, N 47 ad art.

251 CP, p. 238-239 ; CPC-SCHWEIZER, N 6 ad art. 190 CPC, p. 728 ; GASSNER/JENNY/MAJID, N 81, p.

200 ; SUTTER-SOMM/HASENBÖHLER/LEUENBERGER, N 15 ad art. 177 CPC, p. 1196 ; ainsi que, plus restrictifs : BAKER & MCKENZIE, N 10 ad art. 177, p. 699 (valeur probante moindre) ; BK ZPO-RÜETSCHI, N 16 ad art. 177 CPC (peu ou pas de valeur probante, mais fait partie de l’appréciation des preuves). Contra BSKZPO-DOLGE, N 12 ad art. 177 CPC, p. 931.

35 FF 2006 p. 6931. Voir ég. CPC-SCHWEIZER, N 2 et 4 ad art. 177 CPC, p. 693, lequel précise que l’attestation écrite de tiers a une valeur probante restreinte ; STAEHLEIN/STAEHLEIN/GROLIMUND, N 103, p. 325 reconnaissent au titre sous seing privé une valeur probante normale (i.e. non accrue) ; ainsi que REYMOND, p. 66.

36 ATF 138 IV 209, c. 5. Cf. ég. AENIS/MÜHLEMANN, p. 166.

Les renseignements écrits (art. 190 al. 2 CPC) 4.

Selon l’article 190 al. 2 CPC, le tribunal peut requérir des renseignements écrits de personnes37 dont la comparution à titre de témoin ne semble pas nécessaire.

Ici également le texte de la loi indique une faculté du juge (« peut »,

« kann », « può »)38, laquelle a pour corollaire, a priori, que les parties ne sont pas en droit d’exiger du juge que celui-ci recoure à une telle mesure.

Ce mode de preuve peut être rattaché au titre, à l’expertise et au témoignage39. Il a pour objectif et pour intérêt de permettre d’éviter la lourdeur de l’audition formelle de son auteur40. Il constitue en quelque sorte

« un interrogatoire de témoins sous forme abrégée »41.

A teneur du texte légal, l’application de cette disposition est soumise à la réalisation de deux conditions cumulatives seulement : (1) l’auteur du document est susceptible d’être entendu en qualité de témoin et (2), l’audition de la personne n’est pas indispensable.

S’agissant de la première condition, la qualité de témoin est celle, très large, définie à l’article 169 CPC, soit « toute personne qui n’a pas la qualité de partie » et qui a eu une « perception directe » des faits.

La seconde condition vise les situations dans lesquelles l’audition n’est pas nécessaire, par exemple : (1) parce qu’elle est disproportionnée compte tenu de l’effort à produire (i.e. d’organiser et de mener l’interrogatoire du témoin) au regard du résultat qui peut en être attendu ; (2) parce qu’elle n’est pas susceptible, d’emblée, d’apporter des éléments nouveaux et déterminants ; ou encore (3) parce qu’elle n’est pas propre à modifier la conviction du juge. Cette condition doit être examinée de manière restrictive42, mais c’est au juge et à lui seul de décider43, dans le cadre de sa libre appréciation des preuves déjà administrées dans le dossier en cause (art. 157 CPC), si et dans quelle mesure l’admission d’une attestation écrite est adéquate ou non et quelle valeur

37 Sont ici visées tant les personnes physiques que morales (cf. BSKZPO-HAFNER, N 4a ad art. 190 CPC, p. 996). Voir par ailleurs BRUNNER/GASSER/SCHWANDER, N 14ss ad art. 190 CPC, pp. 1154-1156 pour les questions liées à la forme de l’attestation,

38 Cf. HOFMANN/LÜSCHER, p. 99 etJEANDIN-Procédure, p. 57 . Voir ég. BAKER &MCKENZIE, N 3 ad art. 190, pp. 744-745 et STAEHELIN/STAEHELIN/GROLIMUND, N 133, p. 335, qui rappellent par ailleurs que les principes liés aux maximes de procédure doivent être respectés et qu’un tel moyen de preuve peut devoir avoir été offert par les parties. Pour une décision en lien avec la procédure sommaire, cf.

arrêt OGer LU du 16 juin 2011 in ZBVJ 148/2012, p. 669ss.

39 FF 2006 p. 6934. Cf. ég. CPC-SCHWEIZER, N 2 ad art. 190 CPC, p. 727.

40 FF 2006 p. 6934. Cf. ég. VOUILLOZ, p. 847.

41 Rapport AP-CPC, p. 91. Voir ég. CPC-SCHWEIZER, N 6 ad art. 190 CPC, p. 728 qui voit dans ce moyen de preuve une forme simplifiée de témoignage.

42 JEANDIN-L’administration, pp.102-103 ; et JEANDIN-Procédure, p. 57.

43 Cf. BKZPO-RÜETSCHI, N 6 ad art. 190 CPC, p. 1968 ; et BRUNNER/GASSER/SCHWANDER (éd.), N 12 ad art. 190 CPC, p. 1154.

probante il entend lui reconnaître44. Ce qui importe en fin de compte à cet égard est que le document est en lui-même suffisant pour attester du fait concerné45, l’audition du témoin n’apportant par ailleurs aucun élément complémentaire déterminant ni dans le sens de l’attestation, ni contre celle-ci.

A l’inverse, ce moyen de preuve pourra être adéquat pour démontrer des éléments accessoires et non déterminants pour l’issue du litige46.

Un tel moyen de preuve doit toutefois en principe demeurer exceptionnel47. Cette faculté laissée au juge ne doit en particulier pas mener celui-ci à substituer systématiquement les déclarations écrites de témoins à l’audition de ces derniers. Un simple choix fondé sur le seul critère de l’opportunité doit donc être rejeté48.

A titre d’exemples49 de document admis (sans audition de leur auteur), sauf circonstances spéciales, peuvent être mentionnés : l’attestation médicale faisant état d’une incapacité de travailler50 ; les données complémentaires demandées par le juge au médecin traitant du travailleur51 ; les renseignements relatifs au salaire possédés par l’employeur52 ; les informations requises de professionnels53. Tel sera selon nous également le cas de l’attestation écrite d’un tiers, produite spontanément par une partie, dans laquelle sont décrits des faits que ledit tiers a constatés54.

44 SUTTER-SOMM/HASENBÖHLER/LEUENBERGER, relèvent à cet égard que l’attestation écrite de tiers n’a a priori pas de force probante plus faible que les autres moyens de preuve et que la loi ne contient aucune règle sur une échelle de valeur probante de différents moyens de preuve proposés (N 8 ad art. 190, p. 1267 et les références).

52 Rapport AP-CPC, p. 91. Nous précisons que cet exemple ne vaudra pas dans le cadre du litige opposant l’employeur à son propre (ancien) salarié et dans le cadre duquel les fiches de salaires sont requises.

53 BOHNET/JEANNERET, p. 76, et BOHNET, N 1352, p. 333.

54 Dans le même sens : Dietschy, N 651, p. 308 ; CPC-Schweizer, N 10 et 11 ad art. 190 CPC, p. 728 ; Haldy, N 502, p. 147 exclut le témoignage par déclaration écrite, mais réserve l’article 190 al. 2 CPC) ; Hofmann/Lüscher, p. 100 ; Baker & McKenzie, N 9 ad art. 190 CPC, p. 746 (limité) ; BSK ZPO-Hafner, N 4 ad art. 190 CPC, pp. 995-996 (limité) ; BK ZPO-Rüetschi, N 20-21, p. 1971 (limité) ; Brunner/Gasser/Schwander, N 12 ad art. 190 CPC, p. 1154 (limité) ; Sutter-Somm/Hasenböhler/Leuenberger, N 10 ad art. 190 CPC, p. 1268 (limité) ; Staehelin/Staehelin/

Grolimund, N 134, p. 335-336 (limité) ; Cocchi/Trezzini/Bernasconi, p. 893-894 (restrictif) ; Vuilloz, p. 847 (force probante réduite). Contra Reymond, p. 64 (moyen de preuve exclu) et Gehri/Kramer, N 10 ad art. 190 CPC, p. 337 (dépourvu de pertinence).

Bien que s’apparentant a priori plutôt à des titres au sens de l’article 177 CPC55, les documents suivants pourront selon nous y être assimilés, dans la mesure où ils contiennent des renseignements qui pourraient faire l’objet d’une audition par leur auteur : certificat de travail établi par un employeur ; déclaration d’impôt préparée par une fiduciaire ; documents bancaires (relevés de comptes, états de dépôts, etc.) ; documents établis par un expert-comptable ; documents postaux relatifs au traitement de correspondances ; etc.

Conformément au texte légal, le juge peut requérir de tels renseignements.

Demeure toutefois la question de savoir s’il peut accepter des attestations de tiers produites spontanément par les parties. Nous pensons que tel est nécessairement le cas en application du principe « qui peut le plus peut le moins » (qui potest majus potest et minus56). Il peut même à vrai dire être considéré qu’il s’agit alors d’une obligation du juge, dès lors que tout moyen de preuve adéquat, proposé régulièrement et en temps utile doit être administré (art. 152 al. 1 et 168 al. 1 let. e CPC)57, seule demeurant la question de l’effet que l’attestation aura sur la formation de sa conviction (art. 157 CPC).

En tout état de cause et sous réserve de la procédure applicable et des offres de preuves faites par les parties (cf. ch. 16ss, supra), le juge peut choisir, s’il estime que des renseignements complémentaires sont nécessaires, de procéder à l’audition ultérieure de l’auteur de l’attestation, cela même s’il avait envisagé d’y renoncer dans un premier temps58.

L’état de la jurisprudence