• Aucun résultat trouvé

Recueil de travaux, publié à l'occasion de l'Assemblée de la Société suisse des juristes, à Genève du 3 au 5 octobre 1969

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Partager "Recueil de travaux, publié à l'occasion de l'Assemblée de la Société suisse des juristes, à Genève du 3 au 5 octobre 1969"

Copied!
248
0
0

Texte intégral

(1)

Conference Proceedings

Reference

Recueil de travaux, publié à l'occasion de l'Assemblée de la Société suisse des juristes, à Genève du 3 au 5 octobre 1969

LALIVE, Pierre, et al.

LALIVE, Pierre, et al . Recueil de travaux, publié à l'occasion de l'Assemblée de la Société suisse des juristes, à Genève du 3 au 5 octobre 1969 . Genève : Georg, 1969, 234 p.

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:141213

Disclaimer: layout of this document may differ from the published version.

1 / 1

(2)

MÉMOIRES PUBLIÉS PAR LA FACULTÉ DE DROIT DE GENÈVE N° 27

RECUEIL

DE TRAVAUX

PUBLIE A L'OCCASION DE L'ASSEMBLÉE DE LA SOCIÉTÉ SUISSE DES JURISTES,

A GENÈVE, DU 3 AU 5 OCTOBRE 1969

GENÈVE

LIBRAIRIE DE L'UNIVERSITÉ GEORG & Cie S.A.

(3)
(4)
(5)

RECUEIL

DE TRAVAUX

PUBLIÉ

A

L'OCCASION DE L'ASSEMBLÉE DE LA SOCIÉTÉ SUISSE DES JURISTES,

A

GENÈVE, DU 3 AU 5 OCTOBRE 1969

(6)
(7)

N° 27

RECUEIL

DE TRAVAUX

PUBLIÉ À L'OCCASION DE L'ASSEMBLÉE DE LA SOCIÉTÉ SUISSE DES JURISTES, À GENÈVE, DU 3 AU 5 OCTOBRE 1969

GENÈVE

LIBRAIRIE DE L'UNIVERSITÉ

GEORG

&

Cie S.A.

(8)

© 1969 by Librairie de l'Université, Georg et Cie S.A., Genève.

Droits de traduction, de reproduction et d'adaptation réservés pour tous pays.

(9)

AVANT-PROPOS

Il y a quarante ans, le président de la Société Suisse des juristes, le juge fédéral V. Merz, soulignait dans son discours d'ouverture, à Neu- châtel, l'importance croissante du droit international. Qui s01:gerait à mettre en doute la justesse de cette observation, aujourd'hui où le rétré- cissement du monde, l'internationalisation des rapports sociaux, inter- disent plus que jamais de concevoir le développement du droit suisse dans l'isolement? Ceci sans parler de la multiplicité des conventions

"

internationales de tout genre et du rôle joué par la Suisse dans maintes organisations dont beaucoup travaillent, directement ou non, à l'unifica- tion internationale des normes juridiques. Ces faits bien connus, SilJOn toujours prof ondé ment compris, justifient assez la place grandissante occupée dans les programmes des Facultés suisses, notamment à Genève, par les aspects internationaux du droit, soit par le droit internatiolJal, publl.c ou privé, et le droit comparé - au sens large de ces termes - auxquels on peut intégrer, par commodité, le, dnoit européen.

En donnant au présent hommage le thème général « d' Aspects inter- nationaux du droit», notre Faculté croit donc obéir à la fois à une ancienne et ferme tradition universitaire, à la vocation particulière de Genève, et à un souci du concret et d'ouverture aux réalités contemporaines.

Sans doute, le présent recueil ne touche-t-il que quelques aspects seulement de cette réalité juridique, retenus au hasard des disponibi- lités ou des préoccupations personnelles des auteurs, auxquels d'autres membres de la Faculté encore eussent souhaité pouvoir se joindre. Si incomplet qu'il soit, ,ce recueil apportera aux juristes suisses, que Genève est heureuse d'accueillir une nouvelle fois, outre quelque intérêt, sou- haitons-le, le témoignage de l'estime et de l'attachement portés par notre Faculté à leur Société.

(10)

VIII AVANT-PROPOS

Il ~ous reste à exprimer ici notre gratitude au Conseil d'Etat de la République et Canton de Genève, et en particulier à M. A. Chavanne, Chef du Département de l'/~struction publique - dont le bienveillant appui a rendu possible cette publicanon.

juin 1969.

Pierre LALIVE, Doyen.

(11)

LA CAUTIO JUDICATUM SOLVI

SELON

L'ARTICLE 17 al. 1 DE LA CONVENTION DE LA HAYE CONCERNANT LA PROCÉDURE CIVILE

ET LA JURISPRUDENCE DU TRIBUNAL FÉDÉRAL

PAR

Georges BROSSET, Chargé de cours.

I. PRINCIPES.

Le premier alinéa de l'art. 17 de la Convention de La Haye du 1er mars 1954 dispose :

« Aucune caution ni dépôt, sous quelque dénomination que ce soit, ne peut être imposé, à raison soit de leur qualité d'étrangers, soit du défaut de domicile ou de résidence dans le pays, aux nationaux d'un des Etats contractants, ayant leur domicile dans l'un de ces Etats, qui seront deman- deurs ou intervenants devant les tribunaux d'un autre de ces Etats. » 1

Ce texte est issu d'un avant-projet établi en 1894 par le Conseiller d'Etat hollandais Asser et du projet émanant de la Conférence de La Haye de 1894, les délégués suisses à cette conférence étant les profes- seurs Meili 2 et Roguin.

Le but recherché par l'art. 17 est de faciliter aux étrangers l'accès aux tribunaux, de les assimiler à cet égard aux nationaux en supprimant l'obstacle que constituerait pour eux la caution à fournir par le deman- deur (ou l'intervenant) étranger ou non domicilié (ou non résident) dans l'Etat du for. C'est pour cela que les art. 18 et 19 de la Convention (qui sont réunis avec l'art. 17 ·sous le titre « III. Caution judicatum solvi » ),

1 Tout le texte de l'art. 17 est mot pour mot celui de l'art. 11 de la première convention de 1896 et celui de l'art. 17 de la convention du 17 juillet 1905.

2 Cf. F. Meili et A. Mamelok : Das internationale Privat- und Zivilprozessrecht auf Grund der Haager Konventionen (Zurich 1911), § 68 notamment.

(12)

2 GEORGES BROSSET

garantissent l'exequatur gratuit et simplifié des décisions condamnant aux frais et dépens l'étranger dispensé de fournir caution.

Cependant, l'art. 17 ne doit pas placer l'étranger (ou celui qui n'a ni domicile ni résidence en Suisse) dans une situation plus favorable que celle qui est faite au national (ou à celui qui a domicile ou résidence en Suisse) par tel code ou loi de procédure civile cantonal ou fédéral.

Il. RÉGLEMENTATION INTERNE.

C'est en partant du droit interne qu'il faut étudier d'abord la question de savoir si, dans telles .circonstances données, le demandeur (ou inter- venant) étranger (ou sans domicile ni résidence en Suisse) sera dispensé de fournir caution, dépôt ou versement aux fins de garantir les dépens et dommages-intérêts qui pourraient être dus à la partie adverse.

Il n'est pas question d'étudier ici en détail les dispositions des diver- ses législations ; il s'agit simplement de procéder à un rapide examen des trois systèmes en vigueur en Suisse en se plaçant du seul point de vue de la nationalité étrangère et de l'absence de domicile.

Sont en principe tenus de fournir caution :

1. soit les demandeurs étrangers non domiciliés dans le canton (Genève art. 79 et 306 ; Vaud art. 81); 3

2. soit les demandeurs non domiciliés dans le canton y 4 (Argovie art. 74 ; Bâle-Ville § 44 ; Nidwald § 27 ; Obwald art. 29) ;

3. soit les demandeurs non domiciliés en Suisse (Appenzell Rhodes ex- térieures art. 207 ; Appenzell Rhodes intérieures art. 94 ; Berne art. 70;

Fribourg art. 117 ; Grisons art. 54 ; Lucerne§ 311 ; Neuchâtel art. 90 ; St-Gall art. 149; Schaffhouse art. 119; Schwyz § 130; Soleure § 96;

Thurgovie §97; Uri §85; Zoug §43; Zurich §59; ainsi que OJF art. 150 al. 2 et AF concernant l'organisation du TFA art. 116). 5

3 La ZPO allemande (§ 110) permet d'exiger la caution de l'étranger non domicilié en Allemagne. Dans le système français (art. 16 CC et 116 CPC), l'étranger n'est dispensé de donner caution que s'il est titulaire de la carte de résident privilégié (Ord. du 2 novembre 1945, art. 17).

4 Un concordat intercantonal (de 1903, cf. RS p. 639) libère le demandeur de l'obligation de fournir caution pour les frais du procès, s'il est citoyen suisse domicilié dans un canton concordataire ou dans un Etat ayant adhéré à la Convention de La Haye et s'il plaide devant un tribunal de l'un des cantons concordataires. Tous les cantons ont adhéré à ce concordat, sauf Appenzell Rh.-Int., Fribourg, Nidwald, Obwald, Uri, Valais.

5 C'est aussi le système britannique : seul le domicile dans le pays dispense de verser caution ; celle-ci peut même être exigée du sujet britannique domicilié à l'étranger (cf. Paschoud : La septième session de la Conférence de La Haye de droit international privé, dans jdT 1952 I 322 et ss., notamment 327 et 328).

(13)

Les codes de procédure civile de Glaris et du Tessin ne contiennent aucune disposition sur la caution du jugé. En revanche, le code valaisan (art. 313) permet en principe d'exiger le dépôt de sûretés ou la fourniture d'une caution pour les frais du procès de tout demandeur même s'il est national et domicilié dans le canton. o Quant au code de Bâle-campagne (§ 70), ce n'est que si .Je demandeur est insolvable que le défendeur est en droit de demander des sûretés.

Au surplus, de nombreux codes dispensent de verser caution qui- conque est au bénéfice de l'assistance judiciaire (p. ex. Berne art. 81 ; Fribourg art. 123 ; Lucerne § 312 ; etc.). D'autres énumèrent les procé- dures dans lesquelles des sûretés ne peuvent être demandées (par ex. : dans les affaires de mariage, paternité et tutelle : Soleure § 97 ; dans les causes concernant l'état civil des personnes, les demandes d'aliments : Vaud art. 84 ; etc.).

Ill. CONDITIONS D'APPLICATION DE L'ART. 17.

Le texte même de cet article fixe ces conditions.

Pour être dispensé de fournir caution, dépôt ou sûretés pour les dépens, dommages-intérêts et frais judiciaires, il faut que ceux-ci ne soient réclamés, en vertu de la législation interne, que parce que

- le demandeur ou intervenant (voir A ci-après) - est étranger (B)

- ou n'a pas de domicile en Suisse ou dans le canton où il plaide (C).

La dispense n'interviendra d'ailleurs, en vertu de la convention inter- nationale, qu'en faveur des nationaux (D) d'un des Etats contractants (E) qui seront demandeurs ou intervenants (A) devant les tribunaux d'un autre Etat contrnctant.

A) Demandeur ou intervenant.

Faut-il n'accorder à ces termes qu'un sens étroit, restrictif? Peut-on au contraire étendre leur acception à des notions voisines, telles que demandeur reconventionnel, appelant, recourant, etc. ?

6 Système analogue en Italie (art. 98 CPC).

(14)

4 GEORGES BROSSET

Ce problème a été examiné à diverses occasions par le Tribunal fédéral. 1

A cet égard, l'arrêt Aigner est des plus instructifs; il convient d'en citer de très larges extraits :

«Si l'on n'a parlé l'art. 17 de la Convention) que du demandeur ou de l'intervenant, c'est sans doute parce que les lois de procédure des Etats contractants ne lui imposaient qu'à lui l'obligation de fournir caution et qu'on n'a pas même songé à la possibilité que cette obligation pût aussi être imposée au défendeur étranger. Cela s'explique d'autant mieux si l'on réfléchit que cette limitation en droit positif de l'obligation de fournir cau- tion n'est pas le résultat d'un simple hasard mais est conforme à la nature même des choses. A la différence du demandeur principal qui est libre de porter ou non sa prétention devant les tribunaux de l'Etat étranger, c'est contraint que le défendeur se présente devant le juge étranger, car, une fois l'action intentée, il est bien forcé de se défendre. Si on ne lui permettait de se défendre que moyennant dépôt préalable des frais, on entraverait sa défense d'une façon inconciliable avec les idées aujourd'hui reçues, même en matière internationale, sur le droit du justiciable d'être entendu par le tribunal. Ce qui vaut pour la situation du défendeur en première instance vaut également pour le recours interjeté par lui contre la décision de cette première instance, car au fond il ne fait encore que continuer à se défendre contre la prétention que le demandeur fait valoir contre lui. Partant de cette idée, les tribunaux français, par exemple, dans l'interprétation des art. 16 CC et 166 CPC, qui traitent de la caution du «demandeur», ont toujours admis que cette caution ne peut jamais être exigée du « défen- deur», même s'il a pris des conclusions reconventionnelles ou s'il a inter- jeté appel du jugement de première instance (cf. Olasson, Précis de procé- dure civile, 2' édit., I, p. 686 et sv., n° 632 ; Garçonnet, Précis, 5' édit., p. 238). La jurisprudence allemande s'est prononcée dans le même sens et pour les mêmes motifs, à propos des § 110 ZPO et 85 loi sur les frais judiciaires (cf. Arrêts du Reichsgericht, 31, p. 385 ; Leske et Lowenfeld, Rechtsverfolgung im internationalen Verkehr I. p. 753 et sv., et les citations qui y sont contenues). Les motifs qui ont conduit à adopter une interpré- tation étroite du mot demandeur lorsqu'il s'agissait de délimiter l'obliga- tion de fournir caution édictée par la loi doivent logiquement conduire à adopter une interprétation aussi large que possible lorsqu'il s'agit d'appli- quer la convention internationale puisque son but est de supprimer cette obligation dans la mesure où elle existait encore ; autrement on irait à fins contraires du but poursuivi et l'on aboutirait à des conséquences mani- festement inadmissibles. »

Et le Tribunal fédéral conclut en énonçant le principe qu'il faut consi- dérer comme demandeur, selon l'art. 17 de 'la Convention, aussi bien celui qui fait valoir une prétention en tant que demandeur principal que celui

7 Voir notamment les arrêts :

a) Aigner c/ Obergericht Zürich : ATF 1917 (43) I 99 ; JdT 1917 I 467, b) Delvaux c/ Epstein: ATF 1918 (44) I 76; JdT 1919 I 438,

c) Pattiera c/ Sanger: ATF 1919 (45) I 380; JdT 1920 I 218.

(15)

qui attaque une décision qui lui a été défavorable, c'est-à-dire tout recourant, appelant ou opposant.

Dans un deuxième arrêt (Delvaux cf Epstein), le Tribunal fédéral a précisé que si, selon certain considérant de l'arrêt Aigner, le terme deman- deur a pu paraître englober également le défendeur, ce ne peut être que dans la mesure où ce dernier quitte son rôle passif et agit à son tour en recourant à l'instance supérieure.

Enfin, dans l'arrêt Pattiera cf Sanger, le Tribunal fédéral a encore précisé :

« ... en l'espèce, la situation est essentiellement la même que dans l'affaire Aigner, et il n'y a pas de motif plausible de revenir sur la solution adoptée alors et confirmée dans l'arrêt Delvaux. Il est sans doute exact que le défendeur ne devient pas demandeur au procès parce qu'il porte la cause devant l'instance supérieure par voie de recours ou de plainte. Mais lorsque la loi du pays où se déroule le procès l'assimile à un demandeur s'il interjette recours et qu'elle lui applique l'obligation de fournir la caution imposée au plaideur étranger, la protection que la Convention internationale accorde au demandeur doit également s'étendre au défendeur en sa qualité de

«demandeur au recours». Au point de vue international, il apparaît comme défendeur au procès et comme tel, il ne saurait être astreint à fournir caution en vertu de la loi nationale du pays où le procès se trouve engagé.

Dans le cas où cette loi l'assimile à un demandeur à la seule fin de le forcer à fournir des sûretés, le droit international vient s'opposer à cette préten- tion. Le droit international exige qu'en ce qui concerne la cautio judicatum solvi, le défendeur qui recourt soit ou bien traité comme défendeur, ou bien dispensé de fournir caution. »

Pratiquement, il faut d'abord étudier la loi de procédure interne et l'appliquer restrictivement. Si elle exige caution du défendeur qui - ne se bornant pas à jouer le rôle passif de celui qui simplement s'oppose à la demande - utilise au contraire activement des moyens procéduraux pour réagir, il pourra être dispensé de fournir cette caution, s'il est étran- ger ou non domicilié dans l'Etat du for, par application de l'art. 17 de la Convention (qui doit être interprêté extensivement).

j'en conclus que non seulement le demandeur et l'intervenant peu- vent être dispensés, mais également le défendeur dès l'instant qu'il forme une demande reconventionnelle ou un recours tel que l'appel, l'opposi- tion ou relief à un jugement prononcé contre lui par défaut, et d'une manière générale dès qu'il utilise un moyen de procédure par lequel il s'oppose activement à la demande, dès qu'il est une « aktiv, im Sinne der Klagerrolle, auftrètende Prozesspartei ». 8

s Arrêt Delvaux c/ Epstein, ATF 1918 (44) I 76, page 78 ou JdT 1919 I 438, page 439.

(16)

6 GEORGES BROSSET

Qu'en est-il du défendeur (ou de l'intimé) qui soulève une exception de procédure et impose ainsi à sa partie adverse une instruction sur incident avec les frais et dépens que cela peut entraîner ? A mon avis, si la loi interne de procédure 9 permet d'exiger alors des sûretés ou une caution dans le cas où le demandeur sur exception ou incident est étran-

ger ou non domicilié (dans le canton ou en Suisse), l'art. 17 de la Conven- tion s'applique également dès que les autres conditions énoncées en cet article sont réalisées.

B) Etrangers.

Seuls les codes de procédure civile des cantons de Vaud et de Genève ont maintenu la caution judicatum solvi à l'égard des étrangers non domi- ciliés dans le canton.

L'art. 81 CPC vaudois précise qu'il s'agit du « demandeur étranger à la Suisse».

En revanche, l'art. 79 LPC genevoise n'indique que «le demandeur étranger». Or le mot «étranger», en législation genevoise, peut signi- fier soit non Suisse, soit non genevois. 10

Dans le cas particulier, il faut s'en tenir au sens originel du mot

«étranger» qui doit être pris comme synonyme de «non genevois». 11 D'ailleurs, l'art. 80, énumérant les cas où le demandeur étranger est dis- pensé de fournir caution, prévoit à sa lettre a) la réciprocité de fait en énonçant « s'il est d'un Etat dans lequel on ne l'exige pas du genevois demandeur».

9 Cf. Obwald art. 31, le cas du défendeur qui a contraint le demandeur à agir judiciairement ou qui réclame des moyens de preuve particuliers. Plus douteux est le cas des Grisons (art. 54) où les sûretés peuvent être exigées de toute partie aux procès qui n'a pas de domicile en Suisse. En revanche St-Gall (art. 150) est très typique à cet égard qui permet d'exiger la caution du défen- deur qui soulève une exception.

10 Voir l'arrêt de la Cour de justice civile de Genève du 2 mai 1967, dans la cause Central Affaires SA c/ Staehli et Chavanne, dans lequel, donnant le sens du mot « étranger » de l'art. 57 litt. c de la loi genevoise d'organisation judiciaire, cette juridiction, après avoir fait l'historique et l'exégèse de cette disposition conclut que, dans le cas particulier, le vocable «étranger » doit être pris dans son sens originel de 1816, à savoir qu'il s'applique à tous ceux qui ne possèdent pas la citoyenneté genevoise (Sem. jud. 1968 p. 574, notamment p. 579 in fine).

11 Cf. Loi de procédure civile du canton de Genève suivie de l'exposé des motifs par feu P.F. Bellot (Paris/Genève 1837), page 72 et note 1.

(17)

Quant au sens du mot «nationaux» de l'art. 17 de la Convention, voir ci-dessous, lettre D, de même que pour la situation du réfugié et de l'apatride.

C) Domicile ou résidence.

La plupart des codes cantonaux et les lois fédérales de procédure imposent la caution à ceux qui ne sont pas domiciliés (soit dans le can- ton, soit en Suisse).

Certains précisent « qui n'ont pas de domicile fixe», mais cette adjonction ne change rien: c'est la notion fédérale du domicile selon les art. 23 à 26 CC qui doit être appliquée.

On peut relever que, du point de vue des droits internes cantonaux et fédéraux, seule l'absence de domicile est déterminante. En conséquence la notion de résidence n'intervient guère ici.

D) Nationaux.

a) Par « nationaux», il faut entendre non seulement les ressortis- sants (personnes physiques) d'un Etat étranger, mais également les per- sonnes morales dans la mesure où elles ont une « nationalité » étrangère ainsi que, sous certaines réserves, les Etats étrangers eux-mêmes :

« Il est universellement reconnu et n'est pas contesté que la notion de

« nationaux » comprend non seulement les personnes physiques qui ont leur domicile légal dans un des Etats contractants, mais aussi les personnes juridiques de droit privé et de droit public ayant leur siège dans un de ces Etats (Meili et Mamelok, Internationales Privat- und Zivilprozessrecht, p. 344) ...

L'art. 17 de la Convention de La Haye n'emploie pas le terme de

« nationaux», clair en lui-même, par opposition à l'Etat en sa qualité de communauté à laquelle les nationaux sont subordonnés, mais entend visi- blement par là les sujets de droit qui lui sont attachés, par le droit de cité pour les personnes physiques, ou par le siège pour les personnes juri- diques, par opposition à ceux qui ne lui sont pas unis par un de ces liens, qui lui sont étrangers. Mais, entendu ainsi, ce terme comprend également l'Etat en tant qu'il apparaît en droit privé en qualité de collectivité et entre en rapports à égalité de droits avec les autres sujets de droit.

On ne voit pas pourquoi les Etats qui ont signé la Convention de La Haye auraient entendu exclure pour eux-mêmes la dispense de l'obligation d'assu- rer le droit 12 qui vaut sans exceptions pour les personnes physiques et

12 L'assurance du droit, c'est, en procédure vaudoise (cf. art. 81 ss. CPC), le cautionnement ou le dépôt pour assurer le paiement des frais présumés du procès (cf. Dictionnaire juridique Piccard, Thilo et Steiner, p. 592).

(18)

8 GEORGES BROSSET

juridiques qui sont leurs ressortissantes. Quand l'Etat intente un procès civil dans un Etat étranger et se soumet par là comme un particulier à la juridiction de cet Etat, il est parfaitement juste de lui accorder les avan- tages dont jouissent les particuliers qui se trouvent dans la même situation.

Autant qu'elle a étudié la question, la doctrine aussi a admis que les Etats contractants eux-mêmes peuvent se prévaloir de l'art. 17 de la Convention de La Haye (Riezler, Internationales Zivilprozessrecht, p. 440; Schnitzer, Handbuch des internationalen Privatrechts, t. II, p. 731). L'intimé invoque en vain le jugement du Tribunal civil de la Seine du 27 décembre 1933 (Revue critique de droit international, 1934, p. 901) que cite Schnitzer.

Comme déjà celui du Tribunal de commerce de Marseille du 11janvier1921 (Revue de droit international privé, 1922-1923, p. 305), ce jugement ne se rapporte pas à l'art. 17 de la Convention de La Haye, mais à 1' art. 166 CPC français et décide que l'Etat étranger qui intente une action civile en France renonce par là, pour cette procédure, aux prérogatives découlant de sa souveraineté et doit fournir une caution en vertu de l'art. 166 CPC comme un particulier de nationalité étrangère. Supposé qu'on puisse tirer une conclusion de ces jugements pour le cas présent, ce ne pourrait être que celle-ci : l'Etat qui intente un procès à l'étranger doit être traité en règle générale comme un particulier, donc peut aussi revendiquer les privilèges accordés aux particuliers par un traité international. » 13

b) Qu'en est-il du réfugié?

La Convention de Genève, du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés (art. 16, droit d'ester en justice) dispose

« 1. Tout réfugié aura, sur le territoire des Etats contractants, libre et facile accès devant les tribunaux.

2. Dans l'Etat contractant oit il a sa résidence habituelle, tout réfugié jouira du même traitement qu'un ressortissant en ce qui concerne l'accès aux tribunaux, y compris l'assistance judiciaire et l'exemption de la caution judicatum solvi.

3. Dans les Etats contractants autres que celui oit il a sa résidence habituelle, et en ce qui concerne les questions visées au paragraphe 2, tout réfugié jouira du même traitement qu'un national du pays dans lequel il a sa résidence habituelle. » 14

Ainsi le réfugié est assimilé, du point de vue qui nous intéresse ici, au national du pays où il a sa résidence habituelle ; il en ·résulte qu'il est libéré de l'obligation de fournir la caution exigée des étrangers lors- que le pays où il plaide, en tant que demandeur ou intervenant, et le pays où il réside habituellement sont parties à la Convention de La Haye.15

13 ATF 1951 (77) 1 42 ou JdT 1951 1 502, arrêt Kunsagi Szoevoegyar cl Nagymihaly, considérant 4 a (p. 506 et ss. JdT). ·

14 ROLF 1955 p. 461, notamment 467-468.

15 Cf. arrêt Grundul c/ Bryner & Co GmbH, ATF 1957 (83) I 16 ou JdT 1958 1 84.

(19)

c) En revanche l'apatride qui ne pourrait revendiquer le statut de réfugié, sera traité comme étranger.

d) Qu'en est-il du citoyen suisse, domicilié à l'étranger et qui plaide devant les tribunaux suiss.es ? 16

L'art. 17 de la Convention de La Haye ne lui est pas applicable puisque cette disposition ne protège que les ressortissants des Etats contractants autres que ceux de l'Etat où se déroule le procès. 11 Cependant, dans l'arrêt Huber, le Tribunal fédéral, à 'l'inverse de ce qu'il avait décidé pré- cédemment (par application de l'art. 213 de l'ancienne Oj), a admis que d'après l'art. 150 al. 2 Oj, l'obligation de fournir des sûretés est laissée à l'appréciation du juge qui doit donc statuer

« selon les règles du droit et de l'équité (cf. art. 4 CC) sur les demandes de sûretés qui lui sont présentées. Or, à ce point de vue, le postulat de l'égalité de traitement prend une signification particulière et il se justifie de libérer un citoyen suisse, domicilié dans un des Etats signataires de la Convention de La Haye, de l'obligation de fournir des sûretés, tout au moins lorsque le droit aux dépens, que l'autre partie voudrait voir garanti, ne paraît pas plus compromis qu'il ne le serait à l'encontre des ressortissants d'un autre Etat contractant (et à plus forte raison d'un ressortissant de l'Etat du domicile de l'intimé). »

E) Etats contractants.

La liste des Etats contractants, arrêtée à la date du 31 août 1969, est la suivante :

1. Etats encore liés à la Suisse par 'la convention de La Haye du 17 juillet 1905 (RS 12 p. 249) :

République démocratique allemande ~depuis 1909, RS 12 p. 258), Islande (ROLF 1964 p. 368),

Roumanie (depuis 1909, RS 12 p. 258), Surinam (ROLF 1956 p. 677).

2. Etats liés à la Suisse par la Convention de La Haye du 1er mars 1954 (ROLF 1957 p. 467; voir liste mise à jour dans ROLF 1968 p. 1767) :

République fédérale d'Allemagne (ROLF 1959, p. 1384),

16 Cf. arrêt Huber cf Huber du 19 mai 1964: ATF 1964 (90) II 144 au JdT 1964 1 549.

11 ATF 1931 (57) II 584 ou ]dT 1932 1 351 ; ATF 1954 (80) II 94 ou JdT 19541217.

(20)

10 GEORGES BROSSET Autriche (ROLF 1957, p. 476).

Belgique (ROLF 1958, p. 286).

Dar:emark (ROLF 1958, p. 1086), Espagne (ROLF 1964, p. 275), Finlande (ROLF 1957, p. 476),

France (ROLF 1959, p. 564), avec extension à certains territoires d'autre-mer : Iles Saint-Pierre et Miquelon, Côte française des Somalis, Nouvelle-Calédonie et dépendances, Polynésie française (ROLF 1960, p. 1632), y compris les quatre départements d'outre- mer : Guadeloupe, Guyanne, Martinique et Réunion (ROLF 1964, p. 275), ainsi que le Département des Oasis et de la Saoura, Hongrie (ROLF 1966, p. 436),

Israël (ROLF 1968, p. 1767), Italie (ROLF 1957, p. 476), Luxembourg (ROLF 1957, p. 476), Norvège (ROLF 1958, p. 340).

Pays-Bas (ROLF 1959, p. 564), avec extension aux Antilles néerlan- daises.

Pologne (ROLF 1964, p. 275).

Portugal (ROLF 1967, p. 1184), avec extension aux territoires portu- gais d'autre-mer ;

Suède (ROLF 1958, p. 132),

Tchécoslovaquie (ROLF 1966, p. 998), Union soviétique (ROLF 1967, p. 1116), Cité du Vatican (ROLF 1967, p. 810), Yougoslavie (ROLF 1964, p. 275).

3. Bien que la Grèce n'ait pas adhéré à l'une des deux Conventions de La Haye concernant la procédure civile, les art. 17 à 22 de celles-ci s'appliquent, «,en Grèce, en faveur de la Suisse, et des ressortis- sants suisses et, en Suisse, en faveur de la Grèce et des ressortissants grecs» (art. 5 de la Convention d'établissement et de protection juridi- que entre la Suisse et la Grèce, du 1er décembre 1927 ; RS 11, p. 635).

(21)

LE DROIT INTERNATIONAL COUTUMIER DANS L'ORDRE JURIDIQUE SUISSE

PAR

Christian DOMINICÉ,

Professeur à la Faculté de Droit.

SOMMAIRE:

1. Introduction. - II. La validité immédiate du droit international coutumier dans l'ordre juridique suisse. - III. Le cas des règles coutumières directement applicables. - IV. Le cas du recours au droit international coutumier pour la solution d'une question préalable. - V. Le conflit entre le droit international coutumier et le droit interne. - VI. Conclusion.

INTRODUCTION.

1. La si célèbre question des rapports entre le droit des gens et le droit interne a suscité depuis longtemps d'ardentes contmverses, de savantes études et de talentueux plaidoyers, où monistes et dualistes ont rivalisé d'ingéniosité. Et voici qu'au moment où tout, ou presque, semble avoir été dit à ce ·sujet, l'on voit paraître des travaux, de plus en plus nom- breux, analysant l'application du droit international dans les ordres internes. C'est que, si la joute des théoriciens semble avoir perdu de son attrait, trop détachée qu'elle est des réalités concrètes du droit positif, l'internationalisation croissante de la vie quotidienne et l'extension du champ d'application du droit international engendrent une pénétration toujours plus affirmée de celui-ci dans les systèmes juridiques nationaux.

De ce fait le juge, l'administration, 1l'individu, sont plus fréquem- ment que naguère appelés à prendre en considération des normes inter- nationales, dont il faut bien déterminer la place qu'el1les occupent dans le droit national, et les rapports qu'elles entretiennent avec lui, rapports qui atteignent une intensité partkulière, par exemple, au sein d'une corn-

(22)

12 CHRISTIAN DOMINICÉ

munauté de type supranational. A l'impressionnante Hste des écrits il vocation théorique, qui ne perdent d'ailileurs rien de leur vaileur au niveau de la conceptualisation, il faut se réjouir de voir s'ajouter aujouvd'hui un éventail de travaux qui mettent en lumière la manière dont, dans cha- que ordre national, le droit des gens est appelé à recevoir application.

2. A vrai dire, c'est, plutôt que la coutume, bien davantage le droit international conventionnel qui attire l'attention.

On ne saurait s'en étonner, car c'est par traités que sont créées la plupart des normes internationales directement applicables aux sujets du droit interne, dont le droit coutumier offre moins d'exemples ; c'est également l'instrument conventionnel qui permet de répondre rapidement aux nouveaux besoins, sans compter le mouvement qui tend à substituer la convention à la coutume, qu'il s'agisse de codifications ou de règle- ments conventionnels particuliers à deux ou plusieurs Etats.

Pourtant, on aurait tort de penser que, corrélativement à 1l'extension de il'importance prise par les conventions internationales dans •les ordres juridiques internes, l'emprise de la coutume devrait aller en diminuant.

En effet, non seulement, un traité ne peut-il jamais supplanter totale- ment la coutume, sauf s'il réunit 1l'ensemble de la communauté interna- tionale, mais encore et surtout il faut constater, entre autres phéno- mènes, que l'application plus fréquente d'accords internationaux rend plus fréquents aussi .les cas dans lesquels peut se poser une question préalable, qu'il s'agit de résoudre à la lumière du droit coutumier, - ainsi, par exemple, le problème de iJa validité d'une convention, ou celui de 'l'existence d'un Etat. En outre, il est possible que '1'on tende aujourd'hui à tenir pour directement applicables certaines coutumes aux- queliles ce caractère n'était pas reconnu jusqu'ici.

3. En Suisse, la doctrine n'a pas manqué de s'interrog.er sur la place occupée, dans l'ordre national, par 1le droit international coutumier, mais les développements qu'elle consacre à cette question sont brefs 1 •

On peut en trouver I'explication dans le fait que, d'une part, et comme nous le verrons, il y a unanimité pour affirmer que le droit inter- national général est immédiatement valable dans l'ordre juridique suisse, que, d'autre part, la jurisprudence du Tribunal fédéral est peu abon- dante 2 , et qu'enfin, sur des points importants comme celui d:u conflit

1 Voir particulièrement Lardy, La force obligatoire du droit international en droit interne, p. 181 ss. et les références citées p. 182, note 1 ; Guggenheim, Traité de droit international public, vol. 1, 2• éd., p. 73.

2 On peut objecter que l'on trouve de nombreuses indications dans la juris- prudence des autorités administratives. Nous ne manquerons pas d'en faire état

(23)

des normes, eJile assimile la coutume aux traités internationaux, ren- voyant de la sorte aux soluti:ons qui prévalent pour ceux-ci.

Sans prétendre, dans le cadre limité qui lui est assigné, faire le tour du problème, la présente étude se propose d'examiner quelques- unes des questions que fait ·surgir l'incorporation, au système juridique suisse, des règles du droit international coutumier. Il conviendra tout d'abord de rappeler ile principe même de cette incorporation sans s'y arrêter longuement puisqu'apparemment il y a uniformité de vues sur ce point, pour ensuite considérer successivement ile cas des règles coutu- mières directement applicables (self-executing) et celui des règ;les qui vont trouver application pour la solution de questions préalables.

II

LA VALIDITÉ IMMÉDIATE DU DROIT INTERNATIONAL COUTUMIER DANS L'ORDRE JURIDIQUE SUISSE.

4. On dit du droit des gens qu'il a validité immédiate dans un ordre juridique interne s'il lui est incorporé en quelque sorte automatiquement, sans procédure spéciale. La terminologie n'étant pas toujours très bien fixée, nous pensons utile de préciser qu'à nos yeux il y a lieu de faire une distinction, au plan des concepts, entre la validité immédiate, qui décrit le phénomène de la réception du droit des g.ens dans le droit interne, et la notion d'application directe. Celle-ci concerne, non plus le sort global réservé à tout ·ou partie du droit international dans un système national déterminé, mais la natuœ, ou l'objet, de chaque norme particulière - règle Œutumière ou disposition conventionnelle - , dont on dira qu'elle est directement applicable (self-executing) si eHe est destinée à créer des droits ou devoirs dans le chef des particuliers et, de par sa structure, est suffisamment complète et précise pour pouvoir être appliquée directement, c'est-à~dire sans acte ou législation complé- mentaires du droit interne. La distinction n'apparaît pas toujours clai- rement ; elle ressort mal, notamment, de la jurisprudence des tribunaux, qui ont volontiers tendance à embrasser dans une formule unique, à l'occasion d'un cas concret, le double phénomène de la réception dans l'ordre interne de fa règle dont se réclame une partie au litige, et de

à l'occasion. Cependant, comme nous l'indiqueron8 plus loin, nous entendons considérer ici essentiellement les problèmes posés au juge, car à notre avis sa situation est, sous certains rapports, différente de celle de l'administration.

(24)

14 CHRISTIAN DOMINICÉ

son caractère directement applicable. Elle n'en demeure pas moins impor- tante, non pas seulement du point de vue théorique, mais aussi en pra- tique 3 •

5. En droit suisse, on ne rencontre aucune disposition constitutionnelle qui assure la réception immédiate du droit international coutumier dans l'ordre interne 4 • C'est donc à la jurisprudence, administrative et judi- ciaire, aidée par la doctrine, qu'il a appartenu de fixer les principes qui prévalent en cette matière. Ces principes sont connus : « ... il n'est besoin d'aucune procédure spéciale pour incorporer les règles de droit international coutumier au droit interne suisse. Elles y ont une vaHdité immédiate. » o

Hs ont été dégagés par une jurisprudence constante du Tribunal fédéral, qui s'est particulièrement affirmée à l'occasion de litiges rela- tifs à l'immunité de juridiction des Etats étrangers. Ainsi, dans l'arrêt Ministère des Finances impérial et royal d'Autriche c. Dreyfus 6, la section de droit public s'est exprimée comme suit :

«Au fond, en attaquant l'arrêt cantonal en vertu du principe du droit des gens de l'extérritorialité ou de l'exemption de la juridiction nationale dont bénéficieraient les Etats étrangers, le recourant soulève une question de juridiction ou de for au sens large de ce mot. A l'égard de cette question le droit des gens doit être considéré comme droit fédéral, car d'après sa nature il postule son application générale à l'intérieur du pays et il doit donc être assimilé au droit interne proprement dit. »

Plus récemment, dans une affaire similaire, l'arrêt Royaume de Grèce c. Banque Julius Biir & Cie 7 contient le passage que voici :

« Quant à l'inobservation des «principes du droit des gens», elle doit, conformément à la jurisprudence, être assimilée à la violation d'un traité . ... D'ailleurs, en Suisse, les principes du droit des gens sont considérés comme du droit interne. »

s Ainsi, par exemple, le droit allemand est aujourd'hui encore fondé sur le principe que les traités internationaux doivent être « transformés » en droit interne pour pouvoir être appliqués par les tribunaux. On admet que cette transformation est opérée par la loi d'approbation du traité - qui est donc intégralement transformé - , de sorte que même à l'égard d'un texte qui n'est pas immédiatement valable se pose la question de savoir quelles sont celles de ses dispositions qui sont directement applicables, question très importante en ce qui concerne notamment le traité de Rome instituant le Marché commun.

4 A l'encontre, par exemple, de la loi fondamentale de la République fédérale d'Allemagne, dont l'art. 25 stipule que « Les règles générales du droit inter- national public forment partie intégrante du droit fédéral... ».

5 Guggenheim, Traité de droit international public, vol. I, 2• éd., 1967, p. 73.

Voir aussi Lardy, op. cit., p. 181.

6 Arrêt du 13 mars 1918, ATF 44 149 (53-54), trad. JdT 1918 1 594 (598).

7 Arrêt du 6 juin 1956, ATF 82 1 75 (82).

(25)

Aux arrêts qui, comme ceux-ci, rappellent qu'en droit suisse les règles du droit international coutumier font partie du droit internes, il faut ajouter ceux qui, sans énoncer ce principe en tout autant de termes, font effectivement application du droit des gens pour résoudre une question préjudicielle. Nous aurons l'occasion d'en reparler.

De son côté, la jurisprudence des autorités politiques et administra- tives consacre elle aussi la doctrine de la vailidité immédiate 9 • On peut se borner ici à rappeler que lorsque les Chambres fédérales, en 1925, hésitèrent à légiférer en matière d'immunité de juridiction des Etats étrangers, elles renoncèrent finalement à ice projet, estimant que

« ... la jurisprudence suisse reconnaissant force de loi au droit des gen,:, la promulgation de dispositions législatives à ce sujet ne répondait pas à un besoin ». 10.

6. Observons pour conclure que le droit international général est bien reçu en tant que tel dans le droit suisse. Autrement dit, ,!es décisions du Tribunal fédéral que nous avons citées ne doivent pas donner à penser que le droit des gens serait « transformé » en droit fédéral. Les termes utilisés parfois s'expliquent uniquement par la nécessité de justifier la receva- bifüé d'un recours, par exemple lorsque celui-ci est ouvert pour viola- tion du droit fédéral. Ils n'impliquent nuMement que, pour le juge suisse, les règles du droit des gens soient de véritables normes du droit interne. EHes font partie de ,l'ordre juridique national, tout en conser- vant la nature spécifique que leur confère leur appartenance au système normatif du droit des gens. Si la question a pu, à un moment donné, être controversée pour les traités internationaux 11, elle n'a jamais suscité aucun doute au regard du droit coutumier.

s Voir notamment A TF 56 I 237 ; 57 II 547 ; 86 1 23, ainsi que des extraits de l'arrêt Vitianu (non publié) reproduits dans l' Annuaire suisse de droit inter- national, vol. VII, 1950, p. 146.

9 Cf. les illustrations mentionnées par Lardy, op. cit., p. 185.

10 Rapport de gestion, 1925, pp. 31-32.

11 Durant l'entre-deux guerres, la doctrine suisse, suivie par la jurisprudence, a fait sienne la conception selon laquelle les traités internationaux étaient

«transformés» en droit fédéral suisse par l'effet de l'arrêté fédéral approuvant la ratification du traité. Cette conception semble avoir été introduite par R. Kundert, Volkerrechtlicher Vertrag und Staatsvertragsgesetz im schweizeri- schen Recht (thèse Zurich, 1919), sous l'influence de Triepel et Laband. L'arrêt Lepeschkin (ATF 49 1 188), dont il sera question plus loin, constitue la meilleure illustration de cette conception.

Avant 1919 les traités étaient immédiatement valables (voir notamment FF 1914 III 461), ce qui est à nouveau le cas depuis l'abandon de la jurisprudence Lepeschkin (voir notamment l'arrêt Rossier, ATF 88 1 86). Comme la Division de la justice a eu l'occasion de le rappeler : « ... le traité international a certes

(26)

16 CHRISTIAN DOMINICÉ

Validité immédiate de i!a coutume internationale en droit suisse, nous dit-on. Encore faut-il examiner :!es conséquences qui s'en déduisent, et se convaincre qu'il ne subsiste pas des point,s d'interrogation. Précisons que nous entendons Hmiter notre examen essentiellement aux problè- mes qui se posent au juge, car nous pensons que la situation n'est pas toujours identique pour les organes politiques, Constituant, Parlement, Gouvernement.

III

LE CAS DES RÈGLES COUTUMIÈRES DIRECTEMENT APPLICABLES.

7. Le corps principal du droit coutumier, du moins dans la significa- tion qu'on lui a attribuée jusqu'ici, est constitué de règles et de prin- cipes applicables aux seules relations entre les Etats. Ce n'est en somme qu'à titre exceptionnel qu'une coutume a pour objet d'autoriser ou d'obli- ger, outre les Etats destinataires, les sujets de droit de l'ordre interne.

On peut se demander s'il faut ranger dans cette catégorie les disposi- tions coutumières relatives à l'immunité de juridiction des Etats étran- gers. Car, à certains égards, il s'agit typiquement d'une règle stricte- ment interétatique, dont seuls les Etats bénéficient. Mais on peut dire aussi qu'elle a vocation à régir des situations auxqueHes un sujet du droit interne est directement intéressé, puisqu'elle a pour objet de faire obstacle à la prise en considération par 'les tribunaux d'actions judiciaires intentées par des particuliers, à tout le moins si les actes de l'Efat étranger qui sont à l'origine du procès sont des actes de puis- sance publique 12• Toujours est-il que de par son objet et sa structure cette règle se prête à l'application directe par les tribunaux, et c'est pré- cisément ,l'une des normes coutumières dont le juge national a le plus fréquemment l'occasion de faire usage. Nous avons déjà mentionné 'Ies principaux arrêts du Tribunal fédéral en la matière 13 •

Le droit diplomatique, lui aussi, contient de nombreuses règles qu'il faut tenir pour directement applicables, nous pensons notamment à pour le moins la même valeur que la loi formelle, il n'en constitue pas moins une source de droit différente de celle-ci, autonome, et par conséquent non une loi formelle, mais une loi matérielle» Q.A.A., fasc. 26, n• 1). Il ne saurait en aller différemment, quant à sa nature juridique, de la coutume.

12 Sur cette question, cf. Guggenheim, Traité de droit international public, vol. I, pe éd., p. 182 SS.

13 Voir notamment les arrêts Dreyfus et Royaume de Grèce, cités plus haut, ainsi que République Arabe Unie c. Dame X (10 février 1960), ATF 86 I 23.

(27)

toutes celles qui ont trait aux privilèges et immunités des agents diplo- matiques et du personnel des missions. On soulignera, certes, que le statut privilégié n'est pas conféré aux bénéficiaires dans leur propre intérêt, mais dans celui de l'Etat accréditant, il n'en demeure pas moins qu'il ne faut pas confondre 11'intention d'une réglementation et sa teneur concrète qui, en l'occurrence, consiste bien en l'octroi au personnel diplo- matique de droits dont il peut se réclamer directement. Ainsi, l'exception d'incompétence fondée sur l'immunité de juridiction est soulevée par le diplomate qui fait l'objet d'une action en justice devant le tribunal de l'Etat accréditaire et conduit le juge suisse à faire application du droit international coutumier, sauf convention régissant le cas d'espèce 14•

Ces exemples élémentaires peuvent donner à penser que, somme toute, en ce qui concerne les règles directement applicables, la situation est claire, et qu'il n'y a pas lieu d'envisager que des problèmes puissent sur- gir, sous réserve <d'éventuels confüits avec la législation interne.

Il faut tout de même signaler une difficulté possible.

8. La question de savoir si une règle internationale est directement applicable, ou non, se pose principalement à propos des conventions inter- nationales, dont on constate que toujours plus nombreuses sont celles qui, dans certaines de leurs dispositions à tout le moins, sont destinées à créer des droits dans •le chef des particuliers. Cela s'explique par le fait qu'aujourd'hui, une réglementation internationale, dans le cadre régio- nal notamment, paraît utile dans nombre de domaines qui intéressent les activités des individus (établissement, sécurité sociale, droits de l'homme,

e~.). Aussi n'a-t-on pas manqué de s'interroger sur les critères qui, à défaut d'indications claires du texte conventionnel, doivent permettre de déterminer celles des dispositions d'un accord qui sont directement applicables. Diverses théories ont été élaborées, entre lesqueHes les principa:les divergences tiennent à l'importance qu'il convient d'accor- der aux éléments subjectifs et objectifs. Sans entrer dans le détail de ces controverses, on doit signaler que de nos jours les théories objec- tives semblent recueillir une faveur sensibtement plus marquée qu'aupa- ravant15.

14 Voir entre autres l'arrêt Vitianu, Annuaire suisse de droit international, vol. VII, 1950, p. 146. Le plus souvent, les litiges ont été réglés au niveau des tribunaux cantonaux, cf. BI. für zurch. Rechtsprechung, 52, n° 135 (Obergericht Zürich) et journal du droit international, 1927, p. 1179 (Trib. de 1'" instance de Genève).

15 Les « subjectivistes » demandent une décision positive du traité (volonté expresse des Parties Contractantes) pour la création de droits subjectifs, cf.

p. ex. Dehaussy, Les conditions d'application des normes conventionnelles sur le for interne français, journal du droit international, 1960, p. 706; Winkler,

(28)

18 CHRISTIAN DOMINICÉ

Pour notre propos, on doit se demander si, en ce qui concerne le droit coutumier, on ne va pas au-devant de certaines mutations à l'effet de reconnaître à quelques-unes de ses normes une portée qui dépasse le cadre des seules !'elations interétatiques. En d'autres termes, il est possi- ble, sinon probable, que ,l'orientation actuelle de la théorie, et de la pratique, du droit des gens tende à faire admettre le caractère directe- ment applicable de diverses règles coutumières, nous pensons parti- culièrement à celles qui sont traditionnellement groupées sous l'appella- tion de droit des étrangers. En effet, ile recours à des critères objectifs pour déterminer, sous l'angle de l'application directe, finterprétation des dispositions conventionnelles, ne saurait rester sans effet sur les modes d'interprétation des normes coutumières. De surcroît, une telle orienta- tion s'inscrirait dans le mouvement qui, illustré notamment par les efforts accomplis en faveur de la promotion des droits de l'homme, entraîne le droit des gens vers une reconnaissance toujours plus affirmée de la subjectivité individuelle.

9. Nous venons de faire allusion à la question du droit des étrangers.

Dans le cadre limité de cet article, il n'est pas possible d'en faire le tour, mais on peut néanmoins y consacrer quelques réflexions.

A considérer l'objet et la structure des règles protectrices des étran- gers, il est difficile de contester qu'elles répondent aux critères objectifs permettant de les interpréter comme conférant des droits aux indi- vidus 16• Parmi d'autres éléments de preuve, on relève notamment que lorsque, au cours des dernières années, des procédures arbitrales ont mis aux prises des Etats et des entreprises étrangères, le droit des gens a trouvé application 17 • Et pourtant, il ne manque pas de voix pour affir- mer que l'on se trouve néanmoins ici en présence d'une réglementation Zur Frage der unmittelbaren Anwendbarkeit von Staatsvertragen, /uristische Bliitter, 1961, p. 8. La théorie objective s'en tient à la teneur de la norme et exige uniquement que, de par son objet et sa structure, elle se prête à l'appli- cation directe moins, évidemment, qu'il ne résulte du texte que les Parties ont entendu exclure la création de droits directs dans le chef des particuliers).

Cf. p. ex., s'agissant des Communautés européennes, Reuter, Organisations euro- péennes, p. 267. Observons également que même les subjectivistes ont tendance à admettre toujours plus largement le jeu de présomptions, qui reposent sur des éléments objectifs. Cf. p. ex. le rapport du Conseil fédéral sur la Convention européenne des droits de l'homme (FF 1968 II 1069), qui s'interroge sur le caractère directement applicable de certaines dispositions (p. 1086).

rn Le fait que l'on ait pu, non sans ambiguité d'ailleurs, parler de « droits acquis » en cette matière est un indice très net dans ce sens.

11 Cf. notamment, dans l'abondante littérature, Verdross, Zwei Schweizer Schiedssprüche über quasi-volkerrechtliche Vertrage, Annuaire suisse de droit international, vol. XXI, 1964, p. 15, ainsi que la sentence du Professeur Sauser- Hall, dans le litige Aramco, Revue critique de droit international privé, 1963, p. 272 ss. La question controversée dans la doctrine est celle de savoir si les

(29)

strictement interétatique. On peut penser, à cet égard, que la doctrine est parfois exagérément influencée par l'institution spécifique de la pro- tection diplomatique, dont on aurait tort de méconnaître l'importance, mais qui doit tout de même être distinguée des règles de fond du droit des étrangers.

Il est vrai que l'Etat qui exerce sa protection diplomatique fait valoir son droit propre, - ·son droit à être respecté dans la personne de son ressortissant - , que par conséquent l\a prétention (claim, Ans- pruclz) internationale qui est avancée par l'Etat lui appartient en propre et qu'il peut en disposer comme il l'entendis. Il n'en demeure pas moins que cela ne préjuge pas la question de savoir si, simultanément, une prétention relevant elle aussi du droit international ne prend pas nais- sance dans le chef du particulier lésé 19 • On objectera que, dans le cas ordinaire, celui-ci, après avoir vainement fait appel aux juridictions internes, ne dispose d'aucune voie de d11oit au plan international pour faire valoir sa prétention. Mais il serait erroné de déduire, de l'absence de voie de droit, l'inexistence d'une prétention. Les deux questions sont distinctes, et l'on peut fadlement en apporter la preuve. En effet, lorsque l'on considère la situation qui se présente en droit conventionnel, on constate que, de l'avis unanime, H y a de nombreuses règles destinées à créer des droits au bénéfice des particupliers (dans les traités d'éta- blissement par exemple, qui constituent une forme élaborée du droit des étrangers). Le corollaire de ces droits conférés aux individus est l'existence d'une prétention (en réparation), relevant du même système juridique qui confère ces droits, au cas où ils seraient transgressés. Or, à l'égard des normes directement applicables des traités internationaux, les particuliers, sauf exceptions encore peu fréquentes de nos jours, ne disposent pas de voies de droit internationales ; ce n'est pourtant pas un motif pour nier l'existence de leurs prétentions en réparation.

A supposer par exemple qu'un tribunal arbitral soit institué pour irancher, sur requête des particuliers, les litiges nés de <l'application d'un accords passés entre un Gouvernement et une entreprise étrangère relèvent ou non du droit des gens. On n'a, en revanche, pas hésité à recourir au droit inter- national pour arbitrer les conflits nés de la rupture de ces accords. Cf. J.F. Lalive, Contracts between a State or a State Agency and a Foreign Company, The International and Comparative Law Quarterly, 1964, p. 987.

1s Cf. Guggenheim, Traité de droit international public, vol. !, 1 ,. éd., p. 310 ; l'arrêt bien connu de la Cour Permanente de Justice internationale dans l'affaire Mavromatis (série A, n° 2) ; l'arrêt Gschwind rendu par le Tribunal fédéral, ATF 58 Il 463.

rn Voir dans ce sens Dahm, Volkerrecht, vol. 3, p. 253 ss., qui est d'avis qu'il y a deux prétentions internationales, celle de l'individu lésé, et celle de son Etat national. Nous partageons son opinion.

(30)

20 CHRISTIAN DOMINICÉ

traité d'établissement, il semble évident que l'ouverture de cette voie de droit ne constituerait pas fa base juridique nécessaire à l'existence des prétentions individuelles ; elle se bornerait à créer le moyen institu- tionnel grâce auquel ces prétentions pourraient être présentées 20. A notre avis, dès lors que l'on reconnaît d'une norme internationale, fût-elle de nature coutumière, qu'elle est directement applicable, il s'ensuit que sa violation par un Etat crée, dans le chef du particulier lésé, une prétention internationale, même si les structures actuelles du système du droit des gens permettent rarement qu'elle puisse être portée sur la scène internationale. Il nous paraît aussi que 'l'on doit admettre, et cela sera reconnu toujours davantage, que diverses coutumes sont direc- tement applicables : nous l'avons dit du droit des étrangers, on pourrait également mentionner d'autres exemples comme les 'libertés de la haute mer, le droit de passage inoffensif dans les eaux territoriales 21 , qui sait, demain peut-être, certains principes des droits de l'homme.

10. Le principe de la validité immédiate du droit des gens dans l'ordre juridique suisse est donc susceptible de contraindre le juge, dans certains cas, à se prononcer sur :Je caractère directement applicable d'une coutume et à en tirer les conséquences qui s'en déduisent. C'est à ce stade qu'il convient de bien mesurer ce qu'implique, pour un tribunal, le fait qu'il va se placer sur le terrain du droit international. Pour préciser notre pensée, nous pensons utHe de faire allusion à un litige qui, récem- ment, a beaucoup fait parler de lui aux Etats-Unis, tout en suscitant une controverse intéressante dans la doctrine. Il s'agit de •l'affaire Sabba- tino 22• Certains décrets de nationalisation du Gouvernement cubain avaient affecté notamment, en 1960, une cargaison de sucre, qui se trou- vait à La Havane, mais 'sous contrat d'un acheteur américain, qui de son côté en avait déjà négocié iJa revente à un destinataire à Casablanca.

Après la nationalisation, la cargaison, munie d'une autorisation régulière, put être acheminée directement vers son port de destination. Pour l'ache-

20 Cet exemple montre bien que la prétention étatique présentée par la voie de la protection diplomatique n'est en somme qu'un substitut à la prétention individuelle, lorsqu'aucune voie de droit ne s'offre à elle.

21 Les règles du droit de la mer nous paraissent fournir une illustration particulièrement pertinente. Il semble difficile de contester que plusieurs des dispositions des Conventions de Genève de 1958 sont directement applicables.

Dans la mesure où elles sont la simple codification de coutumes, qui continuent de régir les situations que, par le jeu des ratifications, les conventions ne cou- vrent pas, il serait inconcevable que les coutumes identiques aux règles conven- tionnelles ne fussent pas tenues elles aussi pour directement applicables.

22 Banco Nacional de Cuba v. Sabbatino, décision du 31 mars 1961 de la Cour de District de New York (S.D.) reproduite dans 55 American Journal of International Law, 1961, p. 741.

(31)

teur américain, qui avait été payé de son côté, se posait la question de savoir à qui il devait verser le prix d'achat, revendiqué à la fois par la Banque nationale de Cuba, pour compte de son Gouvernement, et par la société productrice qui avait été victime des décrets de nationali- sation.

La Cour de District s'interrogea sur l'obligation pour elle de suivre la jurisprudence adoptée jusqu'ici, fondée sur la doctrine de 'l'acte de Gouvernement (Act of State Doctrine), qui postule en bref que, en raison du principe de la ·souveraineté territoriale des Etats, les tribunaux natio- naux doivent se borner à reconnaîtœ les effets de la législation d'un Etat étranger en tant qu'ils se produisent sur le territoire de cet Etat.

Il s'agit donc d'une approche inspirée des concepts du droit inter- national privé, que 'l'on justifie en disant qu'il n'appartient pas aux tri- bunaux d'un Etat de s'ériger en juges des actes d'un Gouvernement étran- ger. En l'occurrence, le respect de cette doctrine eût conduit la Cour à reconnaître 1le titre du Gouvernement cubain sur la cargaison de sucre, et par voie de conséquence la validité de 1la prétention de celui-ci à rece- voir le prix de la marchandise. Elle ne l'entendit pas de cette oreille et, tirant argument de ce que le droit des ~ens a validité immédiate dans l'ordre juridique américain, elle décida de faire application au cas d'es- pèce des règles coutumières relatives à :ta protection des biens des étran- gers. Elle fit valoir que les décrets cubains étaient contraires au droit des gens à la fois parce qu'ils ne prévoyaient pas de compensation adé- quate, parce qu'ils consacraient une discrimination caractérisée au détri- ment des ressortissants des Etats-Unis, et parce qu'ils se présentaient comme une mesure de représailles injustifiée. En raison de leur contra- riété avec le droit des gens, la Cour jugea dès t!ors les dé.crets cubains invalides, 'leur dénia tout effet juridique, et fit interdiction à l'acheteur américain de s'acquitter de sa dette entre les mains de la Banque natio- nale de Cuba.

Cette décision fut confirmée par '1a Cour d'appel 23, mais en revanche la Cour suprême lui refusa sa sanction, affirma qu'en l'espèce la doc- trine de l'acte de gouvernement devait trouver application, et renvoya l'affaire au premier juge ipour nouvelle décision dans ce sens 24 •

23 Arrêt du 6 juillet 1962, 56 American journal of International Law, 1962, p. 1085.

24 Arrêt du 23 mars 1964, 376 US 398, 58 American journal of international Law, 1964, p. 779. Cette affaire n'en a pas été terminée pour autant. Elle a suscité une réaction du Congrès, qui s'est traduite par un amendement législatif (cf. 59 American journal of International Law, 1965, p. 98) destiné à dispenser les tribunaux d'avoir à respecter la doctrine de l'acte de Gouvernement, sauf demande expresse du Département d'Etat.

Références

Documents relatifs

On l'a vu, en 1949 un élément nouveau est venu enrichir la disposition générale concernant le respect du droit humanitaire par les Etats: pour ceux-ci il n'est plus

Par ailleurs, Lausanne est bien placé pour entretenir des relations avec le Valais dont le développement peut trouver des points d'ancrage, en matière d'information, dans la

En d'autres termes, il faut distinguer selon que le vice porte sur un point essentiel de la procédure ou sur un point accessoire (d'ordre pour ainsi dire), selon que

De plus, en raison de ses propriétés mathématiques (indépendance des fac- teurs extraits par l'analyse), la méthode statistique utilisée tendrait à prouver que la

Tout comme les moments de regroupement, les séquences de travail (écriture, exercices, etc) (tableau 14) étaient aussi des moments difficiles pour les enfants,

Enfin, pour fournir la base légale expresse exigée par l'article 158 Constitution qui dispose que les séances des conseils et de l'Assemblée fédérale,

Toutefois, les produits de construction qui ne sont pas fabriqués conformément à des spécifications techniques, mais qui le sont dans les règles de l'art peuvent

Dans la deuxième phase, ces ménages auront le choix du modèle auquel ils voudront être soumis : ils pourront soit user de leur droit au libre accès au réseau et acquérir