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PAR

Pierre ENGEL,

Professeur à la Faculté de Droit de Genève.

1. POSITION DU PROBLÈME.

On appelle contrebande le commerce effectué contre les lois d'un pays ; plus spécialement, c'est l'introduction dans un pays de marchan-dises prohibées dont on n'acquitte pas les droits de douane.

Le problème qui devrait justifier la présente note est le suivant : L'acte juridique de droit privé suisse qui viole, pour fait de contre-bande, une loi étrangère est-il valable au regard du droit suisse ?

Qui dit contrebande dit douane, c'est-à-dire essentiellement le fisc.

Et la Suisse comme les autres Etats a constitutionnellement mis en place un cordon douanier qui lui assure des recettes fiscales et protège certains secteurs économiques.1

Pour un juge suisse, ces règles font partie intégrante de l'ordre publk économique, plus particulièrement fisca·l ; à ce titre, elles ont un effet strictement territorial. Les lois fiscales internes ne déploient pas d'effet à l'étmnger. Et un Etat ne saurait prétendre que ses lois fiscales soient sanctionnées en Suisse. 2

1 Voir les articles 28 à 30 CF. Sur la légitimité de ces dispositions consti-tutionnelles comme moyen de politique protectionniste, voir M. jean-François Aubert, Traité de droit constitutionnel suisse, Paris et Neuchâtel, 1967, vol. li, n• 1939, p. 691.

2 Sur ce point, doctrine et jurisprudence concordent. Voir notamment MM. Schônenberger et jaggi, Das Obligationenrecht, Einleitung, Zurich 1961, n°" 134 et ss., p. 49-50 et les arrêts cités. Bien entendu, demeurent réservés les cas où la Suisse s'est obligée en sens contraire par un traité international.

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Il. LA CONTREBANDE ET L'ORDRE PUBLIC SUISSE.

Avant d'aborder la question qui nous intériesse, il n'est pas inutile de rappeler le sort des obligations ou des contrats qui violent le droit suisse en matière fiscale ou douanière. Le principe posé par le Tribunal fédéral est que des actes juridiques qui violent l'ordre public économique (au sens le plus large du terme) ne sont pas nuls de plein droit. Il faut déterminer si le sens ou le but de la règle violée postule explicitement ou implicitement 'leur nullité. Le critère est l'importance de l'effet combattu. a

Il se peut que les sanctions pénales ou administratives suffisent à la réalisation de l'objectif. Dans une cause civile, il .convient d'examiner alors si la violation enhiaîne l'application nécessaire de l'füticle 20 C.O.

En matière de douane, il a été jugé que la nullité d'actes qui violent la loi sur les douanes ne résulte pas de ce texte dont les dispositions pénales répriment seulement les délits douaniers mais n'ont aucun effet sur la validité civile des actes qu'elles visent. 4

A ce stade de l'exposé, il n'est pas superflu de rappeler que la contre-bande commise au détriment de l'étranger peut, le cas échéant, constituer une violation de la loi suisse ; par exemple, l'exportation clandestine d'armes sans l'autorisation nécessaire de l'autorité fédérale compétente.

Illicite, le contrat de vente serait nul au regard du droit suisse dont les prescriptions en la matière requièrent Ia sanction de la nullité. li

a Voir, au lieu de plusieurs, l'arrêt du Tribunal fédéral du 6 avril 1965 dans la cause Chaillet c/ De Garda, Sem. jud. 1966, p. 215 et ss. En voici un extrait:

«L'objet, le contenu (ATF 62 II 111) du contrat est illicite lorsqu'il est voulu par les deux parties (ATF 80 Il 331) et se heurte à une interdiction absolue (ATF 80 Il 330) du droit suisse (ATF 76 II 39 consid. 7 ; 80 II 47 et 51), écrit ou non écrit. Ce caractère résulte de l'ensemble de l'ordre juridique notamment des défenses sanctionnées par la menace d'une peine (Verbotsnormen; von Tuhr-Siegwart, p. 236 et 355) et y compris celles du droit cantonal, autant du moins que le législateur cantonal est compétent pour les promulguer (A TF 80 II 329 ; 87 II 207). En revanche, l'illicéité de l'acte juridique n'entraîne sa nullité civile que si celle-ci est expressément décrétée ou résulte du sens et du but de la dispo-sition violée, c'est-à-dire si elle est appropriée à l'importance de l'effet combattu (ATF 45 Il 551 ; 47 II 464 ; 80 II 47 et 329 ; 81 Il 619 ; 82 II 132). »

4 Arrêt du Tribunal fédéral du 1 •• février 1954 dans la cause Finger c/

Lamalex SA - RO 80 II 1954 p. 45 et ss. (Sem. jud. 1955, p. 193 et ss.).

li Voir par exemple l'arrêté du Conseil fédéral du 28 mars 1949 concernant le matériel de guerre (RO 1949 p. 315; 1958 p. 276; 1960 p. 1733; 1967 p. 2071).

Dans l'arrêt Kredit- und Verwaltungsbank Zug AG c/ Paul Mathys & Co., du 15 mars 1956, le Tribunal fédéral a relevé que cet arrêté avait été pris sur la base de l'art. 102 ch. 8 et 9 de la Constitution fédérale, qui fonde et oblige

CONTREBANDE, ORDRE PUBLIC ET BONNES MŒURS 57 l'administration des douanes intervient en outre comme agent d'exécution du statut légal de l'horlogerie, notamment du contrôle technique des montres (arrêté fédéral concernant l'industrie horlogère suisse, SLH, du 23 juin 1961, RO 1961 p. 1107, et l'ordonnance d'exécution 1 prise par le Conseil fédéral concernant l'industrie horlogère suisse (contrôle technique) du 9 décembre 1968, art. 8 -RO 1968 p. 1551).

9 Il sied de relever que les infractions au statut légal de l'horlogerie peuvent être frappées d'une amende pouvant s'élever à Frs. 50.000.- au maximum (art. 24 SLH).

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1. Le droit international public de la Suisse.

Il convient de rappeler ici que la Suisse a conclu de nombreux traités d'amitié ou d'établissement, de coopération technique avec beaucoup d'états étrangers, proches ou lointains. Dès lors, on voit mal que les tri-bunaux helvétiques accueillent sans sourciller des contrats qui violent délibérément l'ordre public étranger, fût-il de .caractère économique ou fiscal. Certes, le principe de la stricte territorialité en matière fiscale ou douanière ne nous échappe pas. Mais ne convient-il pas de rappeler ici l'existence et l'utilité d'une certaine courtoisie internationale dont l'effet devl"ait, à nos yeux, pondérer ou orienter l'égocentrisme de la souveraineté nationale? Nous verrons que cela est non seulement désirable -vu 'le resserrement des liens communau~aires de toutes sortes - possible dans le domaine de la technique juridique interne - et pratiqué effec-tivement par les autorités judiciaires et administratives.

2. Considérations de prophylaxie sociale.

Il existe bien évidemment un folklore romanesque et romantique de la contrebande. De Prosper Mérimée au cinéma de mœurs, il s'est déve-loppé un certain type de contrebandier (terrestre, maritime ou aérien) au grand cœur ou au portefeuille épais, qui se pare quelquefois des couleurs de l'indépendance national.e ou de la résistance à l'oppression.

Certes tous J.es contrebandiers ne sont pas des brigands. Il ne faut pas confondre le menu fretin des passeurs avec les « caïds », mais la pègre des villes et des ports vit en symbiose avec les milieux du commerce interlope ; du tabac à la drogue, des briquets aux mitraillettes ou au plastic, s'étend un monde qui est plus trouble qu'un demi-monde. Placer le problème de la contrebande au seul niveau de la délimitation juridique des ·souverainetés nationales n'est qu'un moment d'une question dont la spécialisation judiciaire ne peut pas méconnaître la complexité.

3. Les positions doctrinales et jurisprudentielles. 10

A l'égard de notre problème juridique spécifique, la doctrine et la jurisprudence, suivant les lieux et les pays, ont soutenu ·les positions que voici, en résumé :

10 M. Philonenko, note au «journal du droit international» (Clunet) 1930, vol. 57, p. 427 et ss. qui a orienté certains développements intéressants de M. Pierre Messinesi dans sa thèse «La contrebande en droit international privé », Paris, 1932.

59 1. Principe de la territorialité.

Les lois douanières n'ont pas d'effet extraterritorial ; les juges du for n'ont donc pas à en tenir compte. Un acte de droit privé valable au regard de la !ex fori ne saurait être invalidé pour fait de contrebande ,au détri-ment de l'étranger. Des ,auteurs, des juges, ont parfois apporté un tem-pérament à ce principe en distinguant la contrebande majeure et la contrebande anodine ; cette dernière consiste à surprendre ou à tromper la vigilance de's douaniers ; la première implique des infractions de droit commun contre la personne ou le patrimoine. La communauté des nations civilisées ne peut sanctionner de tels agissements. L'acte de contrebande anodine est toléré par le juge du for. L'acte entaché de contrebande majeure sera nul au plan du droit civil. Mais qui ne voit qu'il s'agit d'actes illicites parce qu'ils vio'ient des droits absolus ou des dispositions du droit commun ?

2. Les bonnes mœurs.

Si la contrebande n'est pas contraire aux lois du for ou à son ordre public, elle est néanmoins immorale. Le commerce interlope est contraire à la loyauté commerciale ; tromper les autorités fiscales d'ici ou d'ail-leurs est incompatible avec des pratiques commerciales saines ; preuve en soi que la contrebande rapporte souvent à ceux qui s'y adonnent des profits excessifs ; favoriser même indirectement un tel mode de faire, c'est ,léser la justice et ,l'ordre qui font partie du bien commun des nations civilisées. Même au détriment de l'étranger, la contrebande est contraire aux bonnes mœurs.

3. La conception du malum prohibitum et du malum in se.

Le principe de la territorialité même tempéré par la considération de la contrebande majeure et de l'a contrebande anodine concède une part trop belle à l'égocentrisme national, à 1'a guerre économique et au relativisme de la justice. S'il est vrai que les juges du for n'ont pas à se muer en agents du fisc étranger, il est non moins vrai que la solidarité internationale implique un minimum d'égards dans l'administration des voies et moyens judiciaires, là où la justice et l'équité l'exigent. Il n'est pas permis de sanctionner un contrat de droit privé portant sur l'expor-tation clandestine de substances toxiques ou dangereuses pour la santé publique selon les lois de l'Etat importateur. 11

11 Exportation par hypotlièse licite à teneur de la lex fori.

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Mais l'invocation des bonnes mœurs est hors de propos là où l'Etat étiianger ne songe qu'à s'enrichir frsoalement ou à protéger égoïstement son économie.

Il faut donc déterminer de cas ·en cas si l'on est en présence d'une infraction à une règle de pure fiscalité (malum prohibitum) ou •au con-traire à une ·règle de protection sanitaire ou sociale (malum in se).

La contrebande qui constitue un malum in se entraîne la nullité de l'acte juridique de droit privé.

(Ici, il est permis de noter toutefois que les Etats combinent souvent les deux fins : les taxes sur l'alcool, aux yeux du législateur, servent aussi bien à protéger la santé publique qu'à alimenter le trésor. Où sera le critère ?)

IV. LE DROIT SUISSE.

A. DOCTRINE.

A propos de l'objet du contrat - singulièrement de 1l'objet illicite -von Tuhr écrit : «Nul ne peut s'obliger à commettre des lésions corpo-relles, un dommage à une chose, un vol, une violation de brevet, à se livrer à la contrebande, etc ... » 12

Notiie auteur tient pour contraire aux mœurs le contrat qui vise ou favorise un résultat immoiial ; c'est l'objet du contrat qui sera révé-lateur à cet égard. Von Tuhr cite expressément la contrebande parmi d'autres exemples. 1a

M. von Büren écrit, lui, à propos de l'art. 20 alinéa 1, y compris les bonnes mœurs: « Ganz ohne Bedeutung ist das ausltindische Recht. Der dem Schweizerischen Recht unterstellte Vertrag braucht nicht auch noch diesem sich unterzuordnen. » 14

12 Partie générale du Code fédéral des obligations, trad. française, vol. l, p. 220.

rn Ibidem, p. 223-224.

14 Von Büren, Schweizerisches Obligationenrecht, Zürich 1964, p. 111. A la note 4, l'auteur cite les arrêts suivants : 76 II 40 ; 80 II 47 ; 80 II 51 ; S]Z 56 p. 43 n° 11 (ce dernier est un arrêt de la Cour de justice civile de Genève, du 23 mai 1957, dans la cause Loertscher c/ Exchange Finanz AG, Sem. jud. 1958, p. 405 : vente de devises en infraction du droit allemand sur les devises. La Cour dit que le marché licite du point de vue suisse n'est pas contraire aux mœurs parce qu'il aurait violé les dispositions du droit allemand sur les devises, p. 409. La Cour de Genève se réfère à l'arrêt du Tribunal fédéral du 30 mars 1954 dans la cause Atlas Transatlantic Trading Co Ltd c/ Winterstein & Cie., RO 80 II 1954 p. 49

=

JdT 1954 I p. 581 dont il sera parlé ci-dessous).

A notre avis cette opinion n'est pas décisive parce que les arrêts qu'elle prend pour point d',appui, sauf le premier, ne traitent pas de la conception suisse des bonnes mœurs en relation avec les violations de l'ordre juridique étranger. En d'autres termes, la pigmentation des bonnes mœurs change-t-elle à la ligne des douanes de la Confédération hel-vétique ? Voyons comment le Tribunal fédéral répond à cette question.

B. JURISPRUDENCE.

1. La jurisprudence du Tribunal fédéral.

1° Dans un arrêt du 28 février 1950, Suleyman c/ Tungsram Elek-trizitats - Aktiengesellschaft 15, le Tribunal fédéral avait à se prononcer sur la V'alidité au regard du droit 1suisse, d'une promesse de garantie portant sur une obligation pécuniaire qui violait les prescriptions rou-maines sur les devises. Les magistrats de Lausanne n'ont pas confirmé l'opinion des premiers juges qui, à titre subsidiaire, avaient admi,s que le contrat de garantie était nul parce qu'il était contraire aux mœurs selon l'art. 20 C.O. Certes, le juge suisse ne peut être totalement indif-férent à la violation d'un droit étranger « notamment quand un contrat est considéré comme immoral d'après la conception suisse précisément parce que, par son contenu ·et son but, il viole le droit étranger ». Il faut des cas criants, c'est-à-dire des violations tel'les que, si on ne les frappait pas de nullité, on risquerait de « créer en Suisse même une confusion des notions morales dangereuse au bien public et du même coup porter atteinte à l'ordre public sui'sse ».

C'est forcément une interprétation restrictive des bonnes mœurs, notre Cour suprême le reconnaît expressément dans ses motifs. Elle ajoute, en substance :

La liberté contractuelle ne peut céder le pas que devant les droits personnels fondamentaux au regard de l'éthique et de l'a dignité humaine.

Tel serait le ca's de lois édictées contre les stupéfiants ou la traite des femmes. Mais non des prescriptions sur les devises, ou, d'une façon géné-rale, de simples mesures de politique commerciale.

2° Dans :l'arrêt Finger c/ Lamalex SA du Jer février 195416, il s'agis-sait d'une vente de bas conclue à Genève, la marchandise devant être

15 RO 76 II 1950 p. 33

=

JdT 1950 I p. 488 et ss.

16 Déjà cité, RO 80 II 1954 p. 45 et ss.

=

Sem. jud. 1955 p. 193 et ss.

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transportée de Genève à Lyon en fraude des douanes suisse et française.

Les magi1strats de Mon-Repos ont prononcé ce qui suit :

« b) On peut en outre se demander si le contrat du 15 décembre 1948 ne doit pas être déclaré nul comme contraire aux bonnes mœurs. Finger ne fait qu'une vague allusion à cette question ; elle doit cependant être exa-minée d'office (RO 33 II 430 et les arrêts cités).

Sans doute, la clause selon laquelle la marchandise devait être exportée clandestinement en France peut heurter le sens moral. Mais, pour que le contrat tout entier soit nul comme contraire aux mœurs, il faudrait que la clause en question ait été, pour les deux parties, la base même de la convention (cf. RO 50 II 145 consid. 2). Or ce n'est pas le cas. L'objet du marché était une vente de bas qui, en elle-même, n'avait rien d'immoral.

Le passage clandestin de la frontière n'était qu'une condition accessoire, que les parties n'ont pas considérée comme essentielle. C'est évident pour le vendeur, qui n'avait aucun intérêt à livrer à Lyon plutôt qu'à Genève.

Quant à l'intimée, elle a démontré que cette clause avait pour elle un carac-tère secondaire, puisque, en mai 1949, elle a demandé que la marchandise lui fût remise à Genève. On ne saurait donc considérer le contrat comme immoral.»

3° Le 30 mars 1954, c'est de nouveau une affaire de devises qui reUent l'attention de fa première Cour civile : arrêt Atlas Transatlantic Trading Co. contre Winterstein & Co. 11

Le Tribunal fédéral 1a prononcé qu'en violant les prescriptions alle-mandes sur les devises, les parties à un contrat soumis au droit suisse ne portent pas atteinte aux mœurs selon l'art 20 C.O. Il constate qu'i1l ne s'agissait pas de contrebande ordinaire (de marchandises) ni de contre-bande de devises, « attendu que rien ne devait traverser la frontière ». Cet arrêt est surtout intéressant parce qu'il laisse ouverte la question de la contrebande ...

Le trois arrêts qui précèdent ont donc été rendus en matière civile.

li n'est pas sans intérêt de mentionner encore deux décisions que voici : Arrêt de la Chambre de droit administratif du 2 novembre 1956 (non publié) dans la cause X 17"1•. X est un exportateur d'horlogerie domi-cilié au T1essin. li était en cette qualité inscrit au Contrôle des métaux précieux près 1le bureau de douane de Chiasso. li était dès lors au béné-fice d'un acquit de douane lui permettant d'effectuer les formalités d'exportation et de récupérer l'impôt sur le chiffre d'affaires et de luxe -ce dernier existait encore alors. Un jour, après avoir accompli les

opé-11 RO 80 II 1954 p. 49

=

jdT 1954 1 p. 581.

17bt• C'est à l'extrême obligeance de M. Karl Biffiger, vice-directeur de l'administration fédérale des douanes que nous devons cette communication.

Qu'il en soit remercié ici.

rations d'exportation de montres à destination de l'Italie, alors que son automobile stationnait dans le pér,imètre du poste suisse, il dissimula les montres dans une cachette de son véhicule pour ,les introduire dan-destinement en Italie. Les douaniers suisses intervinrent aussitôt et la Direction générale des douanes révoqua la décharge de l'acquit de douane, en se fondant sur les prescriptions de service du 1er mai 1955 qui, en bref, interdisent de se livrer à des préparatifs de contrebande sur l'emplacement douanier suisse.

Le Tribunal fédéral, en la Chambre de droit administratif, a rejeté le recours de X. Les motifs sont en résumé les suivants :

i) Est légitime la préoccupation de 1l'administration d'empêcher, sur son emplacement, des préparatifs de contrebande au détriment d'un Etat voisin pour sauvegarder le renom de la Suisse et la réputation de probité du peuple suisse comme ceux de l'administration elle-même.

Celle-ci a non seulement le droit mais le devoir d'intervenir car il y va des bonnes relations de notre pays avec les Etats voisins, sans qu'H ,soit même nécessair,e de œchercher si les préparatifs et les sub-terfuges de contrebande vers l'étranger entravent ou rendent plus difficile le service douanier.

ii) A défaut d'une disposition spédale en la matière, la Direction géné-rale des douanes était fondée à 1agir en vertu de la clause générale de police (Fleiner/Oidcometti, Bundesstaatsrecht, p. 247; Ruck, Ver-waltungsrecht, vol. 1 p. 47; RO 55 1 237; 57 1 272, 60 1 121/122, 63 1 222, 67 1 76 et 80 1 353).

iii) Commet un abus de droit - moyen aussi recevable en droit adminis-tratif - celui qui soutient que la contrebande au détriment d'un Etat étranger n'est pas réprimée, ni ne peut être combattue par la loi suisse.

iv) L',administration dispose de plusieurs moyens ; en particulier, elle peut empêcher ou interdire l'exportation clandestine. La révocation de la décharge de l'acquit était la voie qui limitait le moins 'la liberté individuelle, propre à écarter le soupçon de complicité, en bref pro-portionnée et adéquate aux circonstances (RO 80 1 353 ; 81 1 132).

v) X. se plaignait enfin d'une inéga!Hté de traitement : les exportations clandestines d'horlogerie ne sont pas traitées comme la contrebande de tabac.

Le recourant et l'administration reconnaissent d'une manière con-cordante que les douanes suisses n'ont pas le devoir de réprimer la contrebande à destination de l'étranger.

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Mais pour l'horlogerie, il y a d'autres formalités à remplir, ne serait-ce que pour recueillir certaines preuves de droit administratif;

tel n'est pas le cas du tabac dont l'exportation clandestine est prati-quée dans des régions frontalières isolées, sans que l'on abuse des emplacements et des insta'ilations douaniers de la Suisse.

Arrêt de la Chambre de droit administratif du Jer octobre 196.5 dans la cause Uhrenfabrik Tschudin et Waldmann AG contre Administra-tion fédérale des contribuAdministra-tions. 18

La recourante qui fabrique des montres Roskopf et est inscrite au

La recourante qui fabrique des montres Roskopf et est inscrite au

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