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INSTRUMENT DU FINANCEMENT DE LA VENTE INTERNATIONALE

PAR

Bernd STAUDER

Professeur assistant à la Faculté de Droit.

Une décision récente de la Cour de justice de Genève i est consacrée à un mode de financement auquel les parties à une vente internationale recourent assez souvent. Rappelons les faits, abrégés et quelque peu simplifiés 2 :

La société Commoditex S.A., de Genève, avait convenu de livrer à un ache-teur chinois de Hongkong 15.000 balles de coton égyptien, contre paiement par accréditif irrévocable et confirmé. D'ordre de la maison chinoise, la Bank für Gemeinwirtschaft de Hambourg ouvrit un crédit en faveur de Commoditex, confirmé par l'Union de Banques Suisses. En vue de satis-faire à ses obligations, la maison genevoise passa un contrat d'achat avec la Alexandria Commercial Co. d'Alexandrie qui, de son côté, exigea éga-lement paiement par accréditif irrévocable. Aussi, après consentement donné par la banque allemande au transfert de son crédit et d'ordre de Commo-ditex, l'U.B.S. informa la maison égyptienne de l'ouverture d'un crédit irré-vocable en sa faveur. Le deuxième accréditif était payable, ainsi que le premier, sur présentation d'un certain nombre de documents justifiant du chargement de la marchandise à bord d'un navire « dont le nom sera indiqué et confirmé par la Bank für Gemeinwirtschaft », donc par la banque émet-trice du premier accréditif. La banque allemande refusa cette confirmation de sorte que le deuxième accréditif devint inopérant. La maison égyptienne, n'ayant pas été informée de l'intention de la Bank für Gemeinwirtschaft de procéder ainsi et faisant donc confiance à la bonne exécution du crédit ouvert en sa faveur, subit des dommages importants.

Nous voilà en présence d'un crédit subsidiaire, dont les caractéris-tiques se dégagent du cas soumis à la juridiction genevoise : un inter-Le chiffre entre parenthèses, figurant après le nom d'un auteur cité en note, indique le numéro de notre note où se trouve la référence complète de l'ouvrage cité.

1 Cour de justice Civile, 12 mai 1967, Commoditex S.A. contre Alexandria Commercial Co. et Union de Banques Suisses, Sem. jud. 1968, pp. 633 ss.; autre cas de la jurisprudence genevoise : Cour de justice Civile, 21 décembre 1962, Ferunion contre Kollerich et Cie, Sem. Jud. 1964, pp. 124 s5.

2 Voir l'exposé détaillé des faits in Sem. jud. 1968, pp. 640 ss.

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médiaire dans une opération de vente internationale se sert, pour financer l'achat de la marchandise, du crédit documentaire ouvert en sa faveur.

En effet, c'est généralement la banque confirmatrice du premier accré-ditif qui ouvre, d'ordre de l'intermédiaire, le deuxième crédit en faveur du fournisseur effectif, considérant le premier crédit documentaire comme la couverture de son engagement contracté envers le deuxième bénéficiaire. Ainsi, l'accréditif à l'importation et l'accréditif à l'expor-tation se trouvent économiquement liés.

La juxtaposition économique de deux crédits documentaires - l'ar-rêt genevois nous amène à poser ces questions - a-t-elle pour consé-quence d'établir également un lien juridique entre eux? La Alexandria Commercial Co. pourrait-elle, par exemple, actionner la Commoditex S.A. ou l'U.B.S. en dommages-intérêts pour faute consistant à ne pas lui avoir communiqué le refus de la banque allemande de confirmer le nom du navire, donc à ne pas lui avoir transmis un fait qui est certes important pour le bénéficiaire du deuxième accréditif, mais qui ne con-cerne néanmoins que les rapports du premier crédit documentaire ? Ou, pour aller plus loin, la maison égyptienne pourrait-elle mettre en cause la responsabilité directe de la banque allemande, donc de la banque émettrice du premier accréditif, avec laquelle elle n'a, à première vue, aucun rapport contractuel, et cela même si elle ignore, comme dans la plupart des cas, que le crédit ouvert en sa faveur n'est qu'un crédit subsidiaire et non un crédit principal économiquement indépendant ?

Ainsi est posée la question des rapports juridiques existant entre les parties à une vente internationale dont le financement est lié à l'opé-ration de crédit documentaire. Nous nous proposons, après avoir passé en revue les divers moyens d'assurer un tel financement et délimité le champ d'application du crédit subsidiaire, d'étudier en détail quel est son rapport avec le crédit principal. L'analyse des relations entre l'in-termédiaire et sa banque - confirmatrice du premier accréditif, émet-trice du second - et tout particulièrement de ce que l'on appelle, dans la terminologie bancaire, la « convention de couverture», nous permettra de voir les conséquences éventuelles qu'elle entraîne pour les autres rapports juridiques qu'implique l'opération. Il faudra ensuite se deman-der dans quelle mesure le crédit subsidiaire est compatible avec l'art. 46 des Règles et Usances uniformes relatives aux crédits documentaires (RUU) a, qui contient des règles quant à la mise à disposition d'un tiers d'un crédit documentaire.

s Révision 1962, brochure 222 de la Chambre de commerce internationale à Paris, in : Frédéric Eisemann, Le crédit documentaire dans le Droit et dans la Pratique, Paris 1963, pp. 79 ss.

1. LA NÉCESSITÉ D'UN FINANCEMENT DE LA VENTE INTERNATIONALE PAR CRÉDIT SUBSIDIAIRE.

Le commerce international a besoin d'intermédiaires qui, grâce à leur connaissance approfondie du marché, des usages commerciaux et des dispositions légales dans des domaines extrêmement complexes tels que le transport maritime, aérien ou terrestre, les assurances et garan-ties contre toutes sortes de risques, ainsi que de la politique monétaire, mettent en rapport le fournisseur effectif et l'acheteur d'une marchan-dise 4 . Ainsi se trouve défini le rôle de l'exportateur 5, intermédiaire spécialisé de la vente internationale. Qu'il soit, juridiquement, vendeur, commissionnaire, agent ou courtier, il traite souvent des affaires qui, par leur importance, sont hors de proportion avec ses capitaux propres et qui, par conséquent, dépassent largement ses capacités financières.

Si, comme cela est habituellement le cas, son fournisseur réclame le règlement au comptant, il y a, même si l'exportateur n'est pas obligé, de son côté, de consentir un délai, un laps de temps entre le paiement du fournisseur et l'encaissement de sa créance contre l'acheteur définitif.

Un financement, en général à court terme, s'impose 6•

A. Le financement non lié au crédit documentaire.

La situation financière de l'intermédiaire ne permet pas à la banque, dans bien des cas, l'ouverture d'un crédit qui se réaliserait par la remise de fonds, par l'escompte ou par l'acceptation de traites, faute de sûretés spéciales 7•

La loi fédérale sur la garantie contre les risques à l'exportation 8 n'apporte guère de remèdes. En effet, son but, bien qu'il soit de

favo-4 Voir, sur le rôle de l'intermédiaire, Fernand Lison, Crédits documentaires transférables, Revue de la Banque (Bruxelles) 1952, pp. 4 s. ; Jean Stoufflet, Le préfinancement des ventes internationales de marchandises, Juris-Classeur Pério-dique (Semaine JuriPério-dique) 1968 .I. n° 2159; Cajo Enrico Balossini, Norme ed Usi Uniformi Relativi ai Crediti Documentari, Milan 1969, t. I, pp. 45 ss. et surtout pp. 69 S.

5 Nous n'envisageons ici que l'exportateur qui ne fabrique et ne fournit pas lui-même la marchandise vendue.

6 Johannes C.D. Zahn, Zahlung und Zahlungssicherung im Aussenhandel, 4' éd., Berlin 1968, pp. 220 s.; Balossini (4) t. I, p. 65.

7 Boris Kozolchyk, Commercial Letters of Credit in the Americas, Albany-San Francisco-New York 1966, p. 28.

s Du 26 septembre 1958 (RO 1959, 409) ; ordonnance d'exécution du 1er mai 1959 (RO 1959, 414) modifiée à plusieurs reprises (RO 1961, 935; 1966, 1752;

1967, 287). Des lois analogues existent aussi en France (voir Stoufflet (4)) et en Allemagne (voir Joachim Christopeit, Hermes-Deckungen, Munich 1968).

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riser l'exportation, n'est pas de garantir le financement, mais de dimi-nuer les risques particuliers que court l'exportateur suisse dans le recouvrement de sa créance (art. 1, 2 et 5 de la loi). En outre, bien qu'elle soit applicable aussi aux intermédiaires, ceux-ci ne sont au béné-fice de la loi que si les produits pour lesquels la garantie est sollicitée sont fabriqués en Suisse (art. 4 de l'ordonnance). Or, comme nous l'avons vu dans l'affaire Commoditex contre Alexandria Commercial Co., le fournisseur effectif peut se trouver dans un pays tiers.

B. Le financement lié au crédit documentaire.

Le problème du financement s'étant ainsi posé dans la pratique, celle-ci l'a résolu en recourant à l'instrument très souple de paiement des ventes internationales que constitue le crédit documentaire. En effet, l'exportateur qui a convenu de se faire régler par accréditif est, dès l'ouverture du crédit, titulaire d'une créance abstraite contre la banque émettrice et, en cas de confirmation, également contre la banque confir-matrice, créance uniquement conditionnée par la remise de certains documents spécifiés en détail 9. Il est donc évident que l'exportateur essaiera de faire profiter, directement ou indirectement, son fournisseur de cette créance afin de le régler avec cet actif dont il dispose. Plusieurs possibilités sont connues de la pratique.

1. La cession de la créance.

La cession de la créance de l'intermédiaire contre sa banque avant la présentation des documents ne revêt, dans la pratique, qu'un intérêt minime 10, 11. En effet, l'on conçoit aisément que le fournisseur-cession-naire n'aura guère d'intérêt à l'accepter puisque la banque pourrait lui opposer les exceptions qui lui appartiennent contre l'exportateur au moment de la cession (art. 169 CO, § 404 BOB). Il ne se contentera de

9 Pour plus de détails voir infra pp. 171 et 178.

10 Il n'est donc pas nécessaire ici de prendre position dans la controverse touchant à la Iicéité de la cession (voir Jens Nielsen, Selbstandige Abtretbarkcit des Zahlungsanspruchs aus einem Akkreditiv, Der Betrieb 1964, pp. 1727 ss.;

jorg Kaser, Das Dokumentenakkreditiv in Rechtsprechung und Gesetzgebung der Vereinigten Staaten von Amerika, Zeitschrift für auslandisches und internatio-nales Privatrecht 1956, pp. 91 ss. ; Zahn (6), pp. 90 s. Contra la doctrine domi-nante en Allemagne : Schlegelberger-Hefermehl, Commentaire du HGB, t. III, 4• éd., Berlin-Francfort 1965, suppl. B ad § 365 note 145 (et les références citées) ; BGH allemand in : Wertpapier-Mitteilungen 1959, p. 972).

11 Voir à ce sujet Fernand Lison, Remarques sur le transfert de crédits documentaires et sur certains procédés analogues, Banca, Borsa e Titoli di Credito 1954, p. 651.

la mise à sa disposition de la créance de l'exportateur que s'il ne court pas le risque de se voir opposer des exceptions étrangères aux rapports juridiques auxquels il a consenti.

2. le transfert du crédit documentaire.

L'art. 46 RUU 12 prévoit que le bénéficiaire d'un crédit documen-taire expressément désigné comme transférable « a le droit de donner à la banque chargée d'effectuer le paiement... des instructions aux fins de permettre l'utilisation du crédit en totalité ou en partie, par un ou plusieurs tiers (seconds bénéficiaires)» m. Il ne s'agit pas là, comme le laisse supposer le texte de l'art. 46 al. 5 RUU et comme le prétend une partie de la doctrine 14, d'une cession de créance. En effet, c'est la banque qui, sur demande du premier bénéficiaire, décide de transférer le crédit, et qui le fait en s'engageant envers le deuxième bénéficiaire 15•

Celui-ci, le fournisseur véritable donc, devient par là titulaire d'une promesse de paiement abstraite donnée par la banque 16, de même nature que celle dont dispose l'intermédiaire contre sa banque, mais indépen-dante d'elle et libérée des exceptions opposables par la banque au pre-mier bénéficiaire. Contre la seule remise des documents spécifiés par la banque, le second bénéficiaire est en droit de demander le paiement 17•

12 Quant à leur nature juridique voir : Herbert Schanle, Remarques sur les nouvelles Règles et Usances uniformes relatives aux crédits documentaires, in : Mémoires publiés par la Faculté de droit de Genève, t. 20, Genève 1965, pp. 13 ss. ; même auteur, Die Rechtsnatur der Einheitlichen Richtlinien und Gebrauche für Dokumentenakkreditive, Neue Juristische Wochenschrift 1968, pp. 726 ss. ; Eise-mann (3), pp. 6, 13; ATF 88 Il 346; 93 II 340.

13 Pour plus de détails sur le transfert, voir Lison (4), pp. 1 ss. ; Klaus Gatte, Das übertragbare Akkreditiv, Bank-Betrieb 1963, pp. 10 ss. ; Balossini (4), t. 1 pp. 60 ss., t. II pp. 438 ss. ; Eisemann (3), pp. 52 ss.

14 Hans Gafner, Das Dokumentenakkreditiv nach schweizerischem Recht und nach dem internationalen Regulativ von 1933, thèse Berne 1949, pp. 78 s. ; Bodo Hahn, Die übertragung von Dokumentenakkreditiven, thèse Fribourg 1968, pp. 49 ss. et les auteurs cités in Balossini (4), t. II, p. 443, note 24.

15 Voir, en ce sens, la doctrine dominante : Schonle (12), p. 37 ; Gatte (13), p. 111 ; Zahn (6), pp. 87 ss. ; G. Friedel, Remarques sur l'engagement du ban-quier dans le crédit documentaire irrévocable, in : Dix ans de Conférences d'agré-gation, Etudes de Droit Commercial, offertes à Joseph Hamel, Paris 1964, pp. 550 ss. ; voir aussi Georg Gautschi, Das Akkreditiv im Lichte der neuen internationalen Richtlinien, RSJ 1964, p. 54.

16 Rudolf Kaderli, Das Schweizerische Bankgeschlift, 2' éd., Thoune 1955, p. 192; L. Frédéricq, Traité de droit commercial belge, t. IX, Banques et Opé-rations de Banque, Gand 1952, p. 321.

11 Sur les droits et obligations des parties lors d'un transfert de l'accréditif, voir Bernd Stauder, Die übertragung des Dokumentenakkreditivs, Aussenwirt-schaftsdienst des Betriebs-Beraters 1968, pp. 46 ss.

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Si, avec le transfert tel qu'il est prévu à l'art. 46 RUU, nous nous trouvons en présence d'un mode de financement - indirect il est vrai -de la vente internationale, il n'en reste pas moins qu'il est inopérant dans bien des cas. C'est l'art. 46 RUU lui-même qui limite considéra-blement l'utilisation de ce procédé. Selon cette règle, le crédit ne peut être transféré que s'il est «expressément désigné comme transférable».

De plus, même le crédit transférable ne peut être transféré qu'une seule fois. Et lors d'un transfert, seuls peuvent être modifiés le montant du crédit, le prix unitaire et la période de validité. Toutes les autres condi-tions doivent rester inchangées, telles qu'elles ont été « spécifiées au crédit d'origine». Or, très souvent - pensons à la transformation de la marchandise par l'intermédiaire ou au changement du moyen d'ache-minement - les documents doivent être échangés contre d'autres. Le transfert du crédit documentaire, qui permet, dans certains cas, à l'in-termédiaire-exportateur de faire profiter son fournisseur du crédit ouvert en sa faveur, ne peut être, dans d'autres cas, le procédé approprié au financement de la vente internationale 18,

3. Le crédit subsidiaire 19,

C'est donc ici surtout qu'intervient le crédit subsidiaire, procédé d'une assez grande souplesse, inventé par des praticiens ingénieux. Le béné-ficiaire du premier accréditif, c'est-à-dire notre exportateur-intermé-diaire, demande à sa banque, généralement la banque confirmatrice, d'ouvrir un crédit documentaire en faveur de son fournisseur

(commu-18 Grader Van der Maas, Handbuch der Dokumentenakkreditive, Stuttgart 1963, p. 129 ; Stoufflet (4).

19 La dénomination est loin de faire l'unanimité, et cela dans toutes les langues : à côté du «crédit subsidiaire» (Lison (11), p. 657 ; Stoufflet (4)), nous trouvons « sous-accréditif » (René Keller, L'accréditif documentaire en droit suisse, thèse Genève 1941, p. 109), «contre-crédit», «crédit dos-à-dos» ; en italien : « crediti sussidiari » (Balossini (4), pp. 65 s. ; Giacomo Molle, 1 contratti bancari, Milan 1965, p. 562) ; en anglais : « back-to-back credits » (Kozolchyk (7), p. 28 ; Ch. Bontoux, Considérations sur le crédit documentaire transférable, Revue de la Banque 1961 p. 673), « secundary credits » ; en allemand : « Unter-akkreditiv » (Alwin Müller, Das Dokumentenakkreditiv, thèse Bâle 1945, p. 141 ; Erich Schinnerer, Bankvertrage, t. III, 2• éd., Vienne 1963, p. 79 ; Reinhard von Godin in : Commentaire du HGB, t. III, 2• éd., Berlin 1963, suppl. 1 ad § 365 note 54), « Weiterakkreditiv » et, très souvent, « Gegenakkreditiv » (Zahn (6), p. 220; Grader Van der Maas (18), p. 129 ; BGH, arrêt du 20 janvier 1964 in : Lindenmaier-Méihring N° 4 sous ERG), appellation qui prête à confusion parce que l'on dénomme de la même manière une garantie bancaire contre certains risques que pourrait courir l'acheteur (voir : Alfred jakoby, Das Akkreditiv, Bankarchiv 1920/21, p. 242; Gerhart Wiele, Das Dokumentenakkreditiv und der anglo-amerikanische Documentary Letter of Credit, Oberseestudien zum Handels-, Schiffahrts- und Versicherungsrecht, fasc. 24, Hambourg 1955, p. 73).

nément appelé second bénéficiaire). Le premier bénéficiaire devient ainsi donneur d'ordre d'un second accréditif. Par rapport au premier crédit, toutes les conditions peuvent être changées, juridiquement au moins ; il n'y a aucune restriction quant à la stipulation des clauses de la lettre d'ouverture du second accréditif.

Cependant, puisque le premier accréditif sert de garantie, de cou-verture pour le deuxième, l'on peut dire que, économiquement, « l'essen-tiel est que la banque puisse sans difficulté se rembourser, par la réali-sation du crédit original, des montants payés en vertu du crédit subsi-diaire. » 20 Pour limiter leurs risques, les banquiers prêteront, en pra-tique, une attention particulière à ce que les délais du second accréditif soient plus courts que ceux du principal et que, si possible, les docu-ments à remettre soient identiques dans les deux crédits 21• Toutefois, tout dépendant qu'il soit de l'appréciation des circonstances particulières et surtout de la « dignité de crédit» de l'intermédiaire, le crédit subsi-diaire est le procédé auquel l'on recourt si d'autres procédés (en parti-culier le transfert, moins onéreux d'ailleurs) se révèlent inadéquats.

Avant d'examiner plus en détail le rapport entre le crédit subsidiaire et le crédit principal et les problèmes posés par la juxtaposition, au moins économique, des deux accréditifs, il importe de délimiter briève-ment son champ d'application.

li. LE CHAMP D'APPLICATION DU CRÉDIT SUBSIDIAIRE.

Dans certains cas, le crédit subsidiaire doit combler les lacunes laissées par la rigueur de l'art. 46 RUU. Il prend donc la place d'un transfert. Quatre hypothèses peuvent être distinguées 22 :

(1) Le crédit principal n'est pas «expressément désigné comme trans-férable » (art. 46 al. 2 RUU). Il importe de souligner que même si l'exportateur et l'acheteur avaient convenu, par une clause spéciale insé-rée dans le contrat de vente, que le crédit pourrait être transféré, et même si l'exportateur avait donné l'ordre à la banque d'ouvrir le crédit

20 Lison (11), p. 660.

21 Voir à ce sujet Zahn (6), p. 221 ; Kaser (10), p. 97; Stoufflet (4) ; même auteur, Le crédit documentaire, Paris 1957, p. 78; Schinnerer (19), p. 80; von Godin (19), note 54 ; Jakoby (19), p. 108, ainsi que les auteurs cités in Hahn (14), p. 109, note 844.

22 Grader Van der Maas (18), p. 129; Giacomo Molle, I crediti documentari

« sussidiari », Banca, Borsa e Titoli di Credito 1960, pp. 93 ss.

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comme transférable, le seul fait que, dans la lettre d'ouverture de crédit, la banque n'ait pas introduit une clause expresse de transfert rend l'accréditif non transférable.

(2) La banque, suivant les instructions du donneur d'ordre-importateur, a ouvert un crédit transférable mais se refuse à le transférer 2s.

(3) L'accréditif ouvert transférable ne peut être mis à disposition du second bénéficiaire parce qu'il faudrait modifier certaines conditions autres que le montant, le prix unitaire ou le délai pour le rendre utili-sable : échange de documents (art. 46 al. 3 phrase 3 RUU) 24 ; transfert dans un autre pays sans autorisation expresse (art. 46 al. 6 phrase 1 RUU) ; transfert fractionné alors que les expéditions partielles sont interdites (art. 46 al. 3 phrase 2) ; crédit libellé dans une monnaie autre que celle demandée par le fournisseur.

(4) Un crédit qui, en vertu de l'art. 46 al. 3 phrase 1 RUU, ne peut être transféré qu'une seule fois, doit être, après le transfert, rendu disponible en faveur d'autres bénéficiaires 25, par exemple en faveur des sous-four-nisseurs du fabricant, lui-même fournisseur de l'exportateur.

Dans d'autres cas, le crédit subsidiaire peut entrer en concurrence avec le transfert, hypothèse un peu théorique si, comme normalement, les frais de l'ouverture d'un second crédit sont plus importants que la commission de transfert. Il faut cependant signaler ici une pratique qui paraît bien établie en Suisse et qui consiste à opérer le transfert par l'ouverture d'un second crédit 26.

Ayant, en quelque sorte, dressé le tableau de la place qu'occupe le crédit subsidiaire dans le domaine du financement de la vente inter-nationale, nous pouvons maintenant analyser son rapport avec le crédit principal.

23 En vertu de l'art. 46 al. 6 RUU, même après l'ouverture d'un crédit trans-férable, le consentement de la banque au transfert est nécessaire. Voir, en ce sens, la doctrine dominante : Schinnerer (19), p. 74; Georges Marais, Du crédit confirmé en matière documentaire, 2' éd., Paris 1953, p. 138; Stauder (17), p. 47;

contra : von Godin (19), note 51.

24 Voir l'exemple de Lison (11), p. 657 : l'usine productrice veut être payée à l'enlèvement de la marchandise alors que le crédit prévoit la présentation d'un connaissement.

25 Controversé. Voir Henry Harfield, The Banking Law journal, février 1959;

contra : Schinnerer (19), p. 80.

26 Schonle (12), p. 37 et l'affaire Commoditex S.A. contra Alexandria Com-mercial Co. (1), dans laquelle le crédit irrévocable ouvert en faveur de Commo-ditex a été rendu transférable avant que le second crédit ait été ouvert (Sem. Jud.

26 Schonle (12), p. 37 et l'affaire Commoditex S.A. contra Alexandria Com-mercial Co. (1), dans laquelle le crédit irrévocable ouvert en faveur de Commo-ditex a été rendu transférable avant que le second crédit ait été ouvert (Sem. Jud.

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