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Quatre cents arrêts sur le contrat de travail

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Academic year: 2022

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Book

Reference

Quatre cents arrêts sur le contrat de travail

AUBERT, Gabriel

AUBERT, Gabriel. Quatre cents arrêts sur le contrat de travail . Lausanne : Payot, 1984, 271 p.

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:14313

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CJR

COLLECTION JURIDIQUE ROMANDE

GABRIEL AUBERT

docteur en droit, avocat, chef de travaux à l'Université de Genève, chargé de cours à l'Université de Fribourg

QUATRE CENTS ARRÊTS SUR LE

CONTRAT DE TRAVAIL

ÉTUDES ET PRATIQUE PAYOT LAUSANNE

1984

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Du même auteur

Gabriel Aubert, L'obligation de paix du travail, étude de droit suisse et comparé, Genève 1981.

Gabriel Aubert (éd.), Crise, maintien de l'emploi et partage du travail, Actes du colloque international organisé par le Centre d'études juridi- ques européennes de la Faculté de droit de Genève, les 15 et 16 septem- bre 1983, Genève 1984.

Le troisième tirage du présent recueil ne comporte pas de modification par rapport au premier.

A titre de mise à jour, l'auteur a publié régulièrement, dans la Semaine judiciaire, un exposé de la jurisprudence concernant des affaires gene-

voises:

Gabriel Aubert: La jurisprudence sur le contrat de travail à Genève en 1985, SJ 1986, p. 289.

Gabriel Aubert: La jurisprudence sur le contrat de travail à Genève en 1986, SJ 1987, p. 545.

Gabriel Aubert: La jurisprudence sur le contrat de travail à Genève en 1987, SJ 1988, p. 561.

Gabriel Aubert: La jurisprudence sur le contrat de travail à Genève en 1988, SJ 1989, p. 665.

Cel ouvrage ne peut être reproduil. même partiellement, sous quelque forme que ce soit (photocopie. décalque. microfilm, duplicateur ou tout autre procede) sans t'autorisation écrite de l'éditeur.

C Faculté de droit de l'Université de Genève. 1984.

l.S.B.N.2-601·02615·4

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PREFACE

La juridiction des prud'hommes a été instituée à Genève par une loi de 1883. Elle a commencé de fonctionner en 1884. A l'occasion de son centenaire, en février 1984, des voix se sont élevées de plusieurs côtés pour demander que des mesures soient prises afin de mieux faire connaître la jurisprudence de ces tribunaux spécialisés. Aussi bien le dernier recueil de décisions des prud'hommes a-t-il été publié en 1906 ...

Certes, la loi de 1963 sur la juridiction des prud'hommes charge le greffe de dresser un rôle de la jurisprudence (art. 82 al. 4 UP), mais, faute de moyens, il· n'est pas possible d'établir une documentation accessible au public. La Semaine judiciaire, quant à elle, déploie également des efforts précieux en la matière; toutefois, la place disponible y est limitée.

C'est pour réaliser le vœu exprimé par les partenaires sociaux et leurs représentants au Grand Conseil que M. Gabriel Aubert s'est chargé de rédiger un recueil de la jurisprudence de la Chambre d'appel et du Tri- bunal fédéral (statuant sur les arrêts de cette dernière) du 1er janvier

1964, soit peu après l'entrée en vigueur de la nouvelle loi sur la juridic- tion des prud'hommes, au 30 juin 1984, si bien que le présent volume pourra paraître encore pendant l'année du centenaire.

Deux mille décisions ont été dépouillées. Seules les plus significatives d'entre elles ont été retenues et résumées. Sans doute ne s'agit-il ici que des affaires genevoises, mais la jurisprudence des prud'hommes reflète bien les solutions données aux problèmes qui surgissent le plus fréquem- ment dans la pratique suisse. Du reste, si les arrêts du Tribunal fédéral sont relativement rares dans le domaine du droit du travail, ceux concer- nant Genève se révèlent proportionnellement nombreux.

Le recueil de M. Gabriel Aubert s'adresse tout naturellement aux juges prud'hommes. Il les aidera à prendre des décisions fidèles à leur propre jurisprudence et à celle du Tribunal fédéral. Il leur servira aussi d'instrument de référence dans le cadre des séminaires de perfectionne- ment que la Faculté de droit et le Département de justice et police orga- nisent pour eux et dont la responsabilité a été confiée à M. Gabriel Aubert.

De plus, décrivant la mise en œuvre du droit fédéral (bien qu'une an- nexe soit consacrée à la procédure cantonale), cet ouvrage ne manquera pas d'intéresser les praticiens de toute la Suisse (secrétaires syndicaux et patronaux, avocats, juges), qui y trouveront, comme leurs compatriotes genevois, des informations de première main sur une branche du droit qui concerne directement presque tous les justiciables. Nul doute d'ail-

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leurs que ces derniers y chercheront parfois eux-mêmes des renseigne- ments utiles dans leur vie quotidienne.

Soucieux de faciliter l'accès des intéressés à la jurisprudence des prud'hommes, le Conseil d'Etat a décidé d'allouer une contribution substantielle aux frais d'impression de ce livre. Puissent être ainsi satis- faits les vœux exprimés à l'occasion du centenaire de la juridiction gene- voise des prud'hommes.

Guy Fontanet Conseiller d'Etat

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AVERTISSEMENT AU LECTEUR

La juridiction des prud'hommes, à Genève, comprend, en première instance, le Tribunal, composé de cinq juges laïcs; la Chambre d'appel, où siègent un juge à la Cour de justice, qui la préside, et quatre juges laïcs (deux employeurs et deux travailleurs); enfin, une Cour mixle (tranchant les conflits de compétence entre la juridiction spéciale des prud'hommes et la juridiction civile ordinaire). Les prud'hommes connaissent, sauf exception, de tous les litiges découlant d'un contrat de travail, quelle que soit la valeur litigieuse.

Du 1er janvier 1964 au 30 juin 1984, les conflits individuels de travail qui se sont produits dans le canton ont donné lieu à plus de deux mille arrêts de la Chambre d'appel, de la Cour mixte et du Tribunal fédéral.

Désireux de répondre aux besoins exprimés par divers milieux, nous avons entrepris de dresser un panorama de cette jurisprudence, dont on peut dire sans emphase qu'elle est aussi riche qu'ignorée. Le présent li- vre renferme le résultat de notre recherche. Nous avons dépouillé les dé- cisions de la Chambre d'appel, de la Cour mixte et du Tribunal fédéral au cours des vingt dernières années. Nous en avons retenu plus de qua- tre cents, que nous avons résumées et classées par thème, en suivant la systématique du Code des obligations. Nous avons regroupé dans une seconde partie celles d'entre elles qui touchent plus particulièrement la procédure (genevoise et fédérale).

Nous avons sélectionné les arrêts en fonction de leur intérêt pratique, écartant ceux qui nous paraissaient fragiles. Lorsque certains étaient contradictoires, nous avons choisi le plus récent et le mieux fondé. Nous avons renoncé à formuler des annotations critiques, qui prendront place, nous l'espérons, dans un autre ouvrage.

La plupart des décisions présentées ici sont inédites. Néanmoins, nous .. avons inclus les arrêts publiés dans le Recueil officiel des arrêts du Tri-

bunal fédéral, la Semaine judiciaire et le Journal des tribunaux, car ils

". posent clairement les principes. Leur absence eût constitué une lacune

sensible, compte tenu, notamment, du caractère systématique de ce re- cueil. Cepen_dant, nous les avons quelquefois résumés de manière très succincte, ~n les allégeant des références jurisprudentielles et doctri- nales, que le lecteur retrouvera facilement s'il se reporte aux publica- tions dont nous fournissons les références.

Les deux personnages principaux de chaque procès sont, naturelle- ment, l'employeur (ou supposé tel) et le travailleur (ou supposé tel). Par souci de clarté et de discrétion. nous les avons désignés par les initiales

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E. (employeur) et T. (travailleur), ignorant délibérément l'identité des parties.

Nous avons placé à la fin du volume la liste des ouvrages cités dans les arrêts.

Le meilleur accès à ce recueil est constitué non point par la table des matières, relativement sommaire, mais par l'index, que nous avons vou- lu aussi détaillé que possible. Nous souhaitons qu'il aide le lecteur à trouver rapidement les arrêts qui lui seront utiles.

Nous remercions vivement toutes les personnes qui nous ont donné leur appui, en particulier M. Guy Fontanet, conseiller d'Etat, chef du Département de justice et police; M. François Berdoz, secrétaire adjoint au Département de justice et police et M. Claude Wenger, greffier-ju- riste de la juridiction des prud'hommes. M. Romualdo Bermejo, docteur en droit, assistant à la Faculté de droit, a compulsé les minutes des prud'hommes non seulement pour faire un premier choix provisoire des arrêts susceptibles d'être repris dans ce recueil, mais aussi pour retrouver les jugements du Tribunal, auxquels ces arrêts se réfèrent fréquemment et sans lesquels les décisions de la Chambre d'appel ne sont pas toujours parfaitement compréhensibles. M. Bermejo a relu les résumés des déci- sions que nous avons choisies; il a pris une large part à l'établissement de l'index. Enfin, nous savons gré à la patience et à la précision des se- crétaires qui ont dactylographié le manuscrit: Mmes Patricia Christen, Martine Payot et Marie-Antoinette Simond.

Genève, août 1984.

G.A.

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Première partie

JURISPRUDENCE SUR LE DROIT DE FOND

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1. DÉFINITION DU CONTRAT DE TRAVAIL

(ART. 319 CO)

1.

TRAVAILLEUR OU MANDATAIRE?

1. Notion de contrat de Iravail .. travailleur ou mandataire? .. parfumeur- consultant (CA, X, 7.10.1980).

T. a été engagé par la société E. comme parfumeur-consultant. Le contrat se réfère aux art. 319 ss. CO. Il énumère précisément les services que T. doit rendre à E. La rémunération prévue est de 7% du chiffre d'affaires total de la société dans le domaine de la parfumerie, E. rem- boursant tous les frais de déplacement et assurant des honoraires fixes de Fr. 400 par jour pour les services rendus par T. à la clientèle d'E. Le contrat prévoit en outre que, pendant toute sa durée, T. doit s'abstenir de tout travail rémunéré ou de loute autre activité qui pourrait faire concurrence à E. L'accord est conclu pour une durée indéterminée, cha- que partie pouvant le résilier moyennant un préavis de trois mois.

T. devait à E. un certain nombre de services précis et rémunérés. Il travaillait de manière régulière dans les locaux d'E., toutefois sans être lié par un horaire, et ce en raison de la nature de son travail qui était en partie de recherche et en partie de contacts extérieurs. Le mode de rému- nération (une commission sur la base du chiffre d'affaires) est parfaite- ment compatible avec la figure du contrat de travail. La clause d'inter- diction de concurrence pendant la durée du contrat concernait toutes les activités que pouvait déployer T. dans le cadre de ses connaissances pro- fessionnelles, de sorte que T. n'était pas en mesure d'exercer son métier à titre indépendant. Cela est si vrai que lorsque T. se trouvait en service auprès de la clientèle de la société, il avait droit à des honoraires supplé- mentaires de Fr. 400 par jour. Si T., comme le soutient E., occupait la position d'un mandataire, il aurait conservé la faculté d'exercer d'autres activités à son profit exclusif; ici, au contraire, c'est E. qui contractait avec des tiers en mettant T. à leur disposition. Le rapport de subordina- tion paraît donc fortement marqué. Au surplus, la stipulation d'un délai de congé caractérise le contrat de travail (étant rappelé que le mandat est par principe révocable en tout temps). En conséquence, même si, en raison de ses tâches et de ses connaissances, T. bénéficiait d'une certaine autonomie et d'une certaine liberté dans la société, il était vis-à-vis de celte dernière dans les liens d'un contrat de travail.

2_ Notion de contrat de travail .. travailleur ou mandataire? .. « collabora- teur externe» (CM, 3.3.1964).

T. a été engagé comme « collaborateur externe" d'E. Ce dernier a dé- claré d'emblée qu'il n'entendait pas conclure un contrat de travail. La rémunération de T. consistait en des commissions. E. s'est transformé en société à responsabilité limitée, dont T. est devenu un associé.

T. ne devait pas consacrer chaque jour un temps déterminé à son tra- vail, mais il était censé consacrer tout son temps à E., même s'il aCCOffi-

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3 CONTRAT DE TRAVAIL 12 plissait certaines missions en dehors des bureaux, sans surveillance di- recte. En réalité, il n'incombait pas à T. d'exécuter des travaux détermi- nés, distincts les uns des autres, mais d'être à disposition, pendant une longue durée, pour accomplir les multiples tâches qu'E. lui confiait. Le fait que T. soit devenu associé dans la S.àr.1. ne change rien aux condi- tions de travail. T. n'était pas gérant, mais, comme mandataire commer- cial, conservait sa même position envers X., qui était le gérant. Il conti- nuait d'obéir aux instructions de ce dernier; il rendait compte de tout son travail et non seulement des résultats positifs de celui-ci. Peu impor- tent, dès lors, les termes dont se sont servies les parties pour qualifier les rapports contractuels (art. 18 CO). Ici, la subordination de T. à E. carac- térise ces rapports comme un contrat de travail.

3. Notion de contrat de travail; travailleur ou mandataire?; ingénieur- conseil; travail à temps partiel (CM, 28.12.1977, maintenu par TF, rdp, 26.6.1978).

T. a été engagé le 8 novembre 1973 en qualité d'ingénieur-conseil; le contrat, conclu pour une durée indéterminée, ne pouvait être dénoncé pour la première fois qu'en août 1976 pour fin février 1977. Le 4 septem- bre 1975, E. a licencié T. pour le 30 septembre 1975. T. a contesté cette résiliation. E. soutient qu'il s'agit d'un contrat de mandat et que, par conséquent, l'entreprise pouvait mettre fin aux rapports contractuels en tout temps (art. 404 CO).

Le contrat en cause prévoit expr~ssément que T. travaillera à un quart de temps pour E. Ses heures ont été dûment contrôlées.

Certes, pour qualifier la rémunération de T., les parties se sont servies du terme d'« honoraires»; toutefois, ce dernier n'a guère de portée dès lors que le contrat fixe ceux-ci de la même manière qu'un salaire, à Fr.

3000 par mois, indépendamment des tâches accomplies. C'est d'ailleurs à tort qu'E. invoque le fait qu'un mandataire peut être rémunéré en fonction d'un larif horaire et cite l'exemple d'un expert-comptable. En effet, il est fréquent dans cette profession qu'il soit tenu compte du nom- bre d'heures de travail et d'un tarif; toutefois, s'il s'agit d'un mandataire et non d'un employé, le nombre d'heures à rémunérer n'est pas arrêté d'avance, mais en fonction du temps qui a été nécessaire pour l'accom- plissement d'une tâche déterminée.

Sans doute, T. n'était pas un simple employé. Comme ancien direc- teur général de l'entreprise, il bénéficiait d'une relative indépendance.

Néanmoins, les termes du contrat impliquent une sùbordination suffi- sante à l'égard d'E. : ce sont en effet le nouveau directeur général et ses techniciens qui décidaient du travail que T. devait accomplir et qui lui donnaient des directives.

Au surplus, la clause du contrat prévoyant une durée minimum et un délai de dénonciation, même si elle n'est pas absolument incompatible avec un mandat, parait en revanche normale dans un contrat de travail.

Le fait que T. ait cotisé à l'AVS en tant qu'indépendant ne saurait être décisif.

Ainsi, en l'espèce, le contrat d'ingénieur-conseil doit être considéré comme un contrat de travail.

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13 DÉFINITION DU CONTRAT DE TRAVAIL 5 4. Notion de contrat de travail; travailleur ou mandataire?; « independent

consultant» ; travail à temps partiel (CM, 19.9.1972).

T. a été engagé comme « independent consultant» par E. Selon le contrat, il devait se tenir à disposition d'E. à raison d'un jour par se·

maine pendant une année moyennant une rémunération de Fr. 2500 par mois. Tout travail supplémentaire était payé pro rata temporis. C'est dans les locaux d'E. et selon l'horaire d'ouverture de ces bureaux que T.

s'adonnait à sa tâche, en général le mardi. Ce qui apparaît ainsi primor- dial, c'est que T. devait consacrer son temps à E., et non pas qu'il devait accomplir une tâche déterminée. En outre, E. lui avait laissé expressé- ment la liberté d'exercer des activités pour le compte d'autres per- sonnes: une telle précision n'aurait pas eu sa place dans un contrat de mandat, puisqu'elle allait de soi, mais pouvait être utile dans le cadre d'un contrat de travail. En définitive, T. n'était pas le conseiller indépen- dant que l'on va consulter en cas de besoin et qui aurait droit à une ré- munération forfaitaire pour ses services: il devait son activité pour un temps défini; c'est la durée qui déterminait sa rémunération. L'obliga- tion de consacrer un temps déterminé et périodique à E. manifeste ainsi sa subordination envers ce dernier; T. ne disposait pas de la liberté, quant à l'organisation de son travail, qui est la caractéristique du , mandat.

S. Notion de contrat de travail; travailleur ou mandataire?; administra- teur à plein temps d'une petite société (CA, IX, 10.10.1968).

T. a été engagé par E. en qualité d'employé le 7 octobre 1965. Il a été nommé fondé de procuration dès janvier 1966 et, en février de la même année, il est devenu administrateur de la société, assumant dès juin 1966 les fonctions de président du conseil d'administration ou plus exacte- ment d'administrateur unique. Par une décision de l'assemblée générale tenue au début d'avril 1967, le mandat d'administrateur de T. a été révo- qué. T. réclame un arriéré de salaire, ainsi qu'une indemnité pour renvoi abrupt. E. soutient que, devenu administrateur de la société dès février 1966, T. n'était plus un salarié et que, par conséquent, ses prétentions ne relèvent pas du contrat de travail.

La jurisprudence aussi bien que la doctrine admettent que les fonc- tions d'administrateur peuvent se fonder, selon les cas, sur un contrat de travail ou sur un contrat de mandat (A TF 25 II 346, 75 II 153; Schuka- ny, ad art. 705 ; Bürgi ad art. 705 n. 19). Il se justifie particulièrement de reconnaître l'existence d'un contrat de travail s'agissant d'une petite so- ciété anonyme dont la direction est professionnellement exercée par une seule personne qui y voue tout son temps (Bürgi, ad art. 708 n. 13).'

Ici, T., bien que devenu administrateur unique, est resté à l'égard des actionnaires dans un rapport de subordination manifeste, recevant d'eux des instructions précises sur la façon dont il devait traiter les af- faires qui lui étaient confiées. Il est d'ailleurs évident que les action- naires, de nationalité étrangère, avaient besoin d'un Suisse pour assumer officiellement la fonction d'administrateur, mais que ce dernier se bor- nait à exécuter leurs ordres. Au surplus, lorsque T. est entré au conseil d'administration, E. n'a aucunement exprimé l'intention de modifier son statut réel; le contrat de travail n'a pas été résilié. Il faut donc con si-

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6 CONTRAT DE TRAVAIL 14 dérer que les rapports entre E. et T. sont restés gouvernés par les disposi- tions concernant le contrat de travail.

6. Notion de contraI de travail; travailleur ou mandataire?; actionnaire minoritaire, administrateur et directeur général d'une société anonyme (CM,2.2.1979).

T., administrateur d'E. SA, dont il est actionnaire minoritaire (il dé- tient 20% des actions), a été engagé comme directeur général de cette dernière. Un litige ayant éclaté entre les parties, E. conteste la compé- tence des tribunaux de prud'hommes: le contrat en cause ne serait pas un contrat de travail, mais un contrat de mandat.

Pour caractériser le contrat de travail, il faut prendre en considération le degré de dépendance de l'employé vis-à-vis de l'employeur, son mode de rétribution et l'activité que le salarié peut avoir en dehors de ses rela- tions contractuelles (SJ 1943, p.58 et 1944, p. 350). L'étroitesse et la ri- gueur du lien de subordination varient selon la nature de la profession et des services rendus (SJ 1953, p. 273 et 1955, p. 310, notamment 315, ch.

3). Le salaire, élément caractéristique du contrat de travail, peut consis- ter en tout ou partie en commissions, parts de bénéfices ou prestations en nature. Enfin, l'élément de durée et de continuité dans l'exécution du travail constitue un critère décisif (voir aussi SJ 1961, p. 514; 1967, p.

507; 1974, p. 153 et 1977, p. 449).

Ici, le rapport de subordination, quoique étant celui d'un cadre supé- rieur, directeur général ou administrateur délégué, se révèle indiscutable.

T. devait exercer ses fonctions de bonne foi, en accord avec la politique décidée par le conseil d'administration. Sa situation d'actionnaire et d'administrateur ne lui conférait aucun pouvoir spécial et ne supprimait pas sa subordination, dès lors qu'il se trouvait minoritaire sur les deux plans. L'art. 7\3 CO consacre d'ailleurs ce rapport de subordination du directeur général vis-à-vis du conseil d'administration. En fait, la gestion de T. était surveillée de près par le conseil d'administration.

T. touchait un salaire fixe annuel de Fr. 120.000. A titre de rémunéra- tion supplémentaire, il avait droit à 10% du bénéfice net calculé selon des règles précises et à une indemnité de Fr. 600 par mois pour l'utilisa- tion de sa propre voiture.

T. était engagé pour une durée fixe de cinq ans, avec possibilité de re- nouvellement tacite. Pendant cette période, il devait tout son temps à E.

E. a intégralement payé les cotisations A VS pour T. De plus, le contrat renfermait une clause d'interdiction de concurrence. Même si cette clause figure dans d'autres contrats (notamment celui de remise de commerce), elle n'en constitue pas moins, dans le cas présent, un indice qui, joint aux autres, confirme l'existence d'un contrat de travail. Il en va de même des dispositions concernant les vacances auxquelles T. avait droit et son salaire en cas de maladie.

7. Notion de contrat de travail; travailleur actionnaire de la société qui l'emploie (CM, 26. 6. 1984).

T. détient, depuis sa fondation, quarante-cinq des cent actions qui constituent le capital social d'E. Il a entièrement libéré les actions sous-

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15 DÉFINITION DU CONTRAT DE TRAVAIL 8 crites; il n'esl pas chargé de l'administration de la société. Conformé- ment à un accord passé avec l'administrateur unique d'E., T. a travaillé pendant de nombreux mois pour E. ; il a reçu chaque mois un montant déterminé en contrepartie de son activité. A l'égard des assurances so- ciales et du fisc, E. traitait T. comme l'un de ses employés. En tout cas pour les mois de juin et juillet 1983, E. lui a adressé un décompte de sa- laire. L'administrateur unique d'E. a licencié T., lequel, s'inclinant de- vant cette décision, a mis fin à son travail, mais réclame des arriérés de salaire.

L'actionnaire d'une société anonyme n'est tenu envers la société qu'à la libération des actions qu'il a souscrites (art. 680 al. 1 CO). A la diffé- rence des sociétés de personnes (art. 530 al. 1, 552 al. 1 CO) la société anonyme est une pure société de capitaux, qui ne suppose qu'un apport financier de ses membres, à l'exclusion de tout apport en travail. T., qui avait entièrement libéré les actions souscrites, ne travaillait donc pas pour la société en sa qualité d'actionnaire, puisqu'une prestation en tra- vail est étrangère à l'actionnariat. Il ne travaillait pas non plus en qualité d'administrateur, puisque le seul administrateur était X. Son travail avait donc une autre cause juridique, distincte de sa qualité d'action- naire.

A la suite d'un accord passé avec l'administrateur unique de la socié- té, agissant au nom et pour le compte de celle-ci, T. a travaillé durable- ment pour E., moyennant une rémunération mensuelle. S'il est vrai qu'en sa qualité d'actionnaire minoritaire T. était l'un des propriétaires économiques de la société, il se trouvait néamoins subordonné à l'admi- nistrateur de cette dernière, pour tout ce qui concernait son travail. Il re- cevait des ordres aux'quels il obéissait (ce qui est apparu notamment lorsqu'il fut congédié). Compte tenu de ce rapport de subordination, il y a lieu d'admettre qu'E. et T. se trouvaient liés par un contrat de travail.

8, Notion de controt de travail .. travailleur ou mandataire? .. enseignant ..

travail à temps partiel (CM, 10.10.1977).

T. a été engagé comme maître d'allemand aux Cours E. L'engage- ment, pour seize heures par semaine, devait avoir effet de mi-septembre

1973 à mi-janvier 1974, la rémunération étant fixée à Fr. 25 l'heure. Le contrat a été renouvelé pour le semestre d'été 1974, soit à partir du 15 fé- vrier, pour douze heures par semaine. Il a été renouvelé encore et en der- nier lieu pour l'exercice 1974-1975, toujours pour douze heures par se- maine, la rémunération étant portée à Fr. 29 l'heure. E. soutient que T.

n'était pas lié aux Cours par un contrat de travail, mais par des mandats successifs. A ses yeux, il n'y avait pas de lien de subordination, puisque T. avait la faculté d'organiser librement son enseignement, de reporter certaines heures avec l'accord des étudiants; il avait en outre le droit (et l'obligation) de se trouver un remplaçant en cas d'empêchement de tra- vailler. T. a effectivement été remplacé quelquefois: cependant, le rem- plaçant désigné par lui a toujours été agréé par E. ; T., d'ailleurs, remet- tait à ce dernier des certificats médicaux. De plus, T. exerçait une autre activité rémunérée.

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9 CONTRAT DE TRAVAIL 16 On ne saurait soutenir que le travail de T. s'exécutait à titre indépen- dant. Certes, T. jouissait, comme le veut la nature de l'activité, d'une cer- taine indépendance dans son enseignement proprement dit; il n'en était pas moins soumis aux instructions d'E. et à ses directives (quatre pages), qui devaient être « suivies avec précision ». T. devait donner ses cours pendant un nombre d'heures déterminé et à un rythme fixe; la situation aurait peut-être été différente s'il lui avait incombé de préparer les élèves à un examen en procédant comme il l'entendait, répondant du résultat et non pas de sa propre activité. De plus, le droit de se faire remplacer occasionnellement n'est pas incompatible avec les termes de l'art. 321 CO.

Au surplus, il ressort manifestement des rapports entre les parties que T. n'aurait pas été en droit de cesser en tout temps son activité, comme peut le faire un mandataire. Enfin, peu importe que T. n'ait consacré qu'une partie de son temps à E. : rien n'exclut qu'un contrat de travail soit conclu à temps partiel.

9. Notion de contral de travail; travailleur ou mandataire?; architecte;

travail à temps partiel (CM, 14.9.1982).

E., X., Y. et Z., architectes, ont été chargés par la Ville de Genève d'étudier un projet dans le quartier des Grottes. Faute de l'accord d'X., Y. et Z., T. n'a pas été associé aux quatre responsables de l'étude. Toute- fois, du 13 septembre 1973 au 26 septembre 1975, il a collaboré avec E.

pour la préparation de ce dossier. Il lui a consacré environ la moitié de son temps. Il était rétribué mois pa:r mois sur la base d'un salaire ho- raire. Etant lui-même architecte, il bénéficiait d'une grande indépen- dance dans l'exécution de son travail. Par la suite, l'existence d'un contrat de travail a été contestée.

T. devait fournir une prestation personnelle de travail; il a mis la moi- tié de son temps, pour une durée indéterminée, au service d'E. ; il rece- vait un salaire horaire; enfin et surtout, il existait un rapport de subordi- nation entre E. <et T. (G. Aubert, La compétence ... , SJ 1982, p. 202). Au sujet du critère de subordination, il est bon de rappeler que l'étroitesse et la rigueur du lien de dépendance de l'employé vis-à-vis de l'employeur varient selon la nature de la profession considérée et des services rendus (SJ 1953, p. 273). Or, en l'occurence, il est constant, ce qui est seul déci- sif, que T. travaillait sous les ordres d'E. ou des associés de ce dernier, lesquels peuvent être assimilés à des auxiliaires d'E. par rapport à T.

Ainsi, compte tenu de la nature de l'activité assumée par T. (celle d'un architecte), il est sans importance en définitive qu'il ait pu organiser li- brement son travail et fixer lui-même son horaire (Aubert, op.cit., p. 204 et 205). Il s'agit donc bien d'un contrat de travail.

10. Notion de contrat de travail; travailleur ou mandataire?; pouvoirs de gestion (CM, 29.12.1976).

E. a confié à T. une procuration sur son compte à la banque X. Il lui a promis 15% des bénéfices de sa gestion. Cette dernière s'étant révélée dé- ficitaire, il a retiré ses pouvoirs quelques mois plus tard. T. réclame un salaire.

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17 DtFINITION DU CONTRAT DE TRAVAIL 12 Certes, E. a souvent fait venir T. à son bureau et l'a parfois laissé at- tendre longuement. Mais il lui a toujours refusé la conclusion d'un contrat de travail. Prenant semble-t-il ses désirs pour des réalités, T. s'est mis à la disposi!ipn d'E. plus que celui-ci ne pouvait le lui demander et sans qu'il existe entre eux un rapport de subordination qui aurait pu être concrétisé par un horaire de travail ou des obligations régulières et pré- cises. Dans ces conditions, l'éventuelle rémunération de T. ne pouvait reposer que sur un contrat de mandat.

2. TRAVAILLEUR OU ENTREPRENEUR?

11. Notion de contrat de travail; travailleur ou entrepreneur sous-traitant?

(CA, Il,14.9.1976).

E., artisan indépendant, avait recours occasionnellement à des connaissances pour faire face à certains chantiers trop importants pour lui. T. a demandé du travail, en indiquant qu'il ne voulait pas apparaître officiellement, car il avait des difficultés personnelles (poursuites, etc.).

Une rémunération horaire de Fr. 20 a été fixée. T. travaillait irrégulière- ment. avec ses propres outils. Il arrivait occasionnellement que T. et E.

travaîllent sur le même chantier; T., dont les compétences profession- nelles sont reconnues, n'exécutait pas les ordres d'E., mais accomplissait le travail de manière autonome. T. était assuré auprès de l'Assurance Générale de France en vertu d'une police personnelle, dans laquelle il avait indiqué travailler « à son compte ».

Les rapports de subordination entre E. et T. ne sont pas suffisamment étroits pour correspondre à la figure du contrat de travail. Le salaire de Fr. 20 parait notoirement supérieur à la rémunération qu'aurait norma- lement obtenue à l'époque un ouvrier déclaré. On se trouve vraisembla- plement en présence d'un contrat de sous-traitance, lequel n'exclut pas une rémunération à l'heure. La juridiction des prud'hommes est donc in- compétente pour connaître du litige_

12. Notion de contrat de travail; travailleur ou entrepreneur?; tâcheron (CM,1.I0.1968).

T. effectuait divers travaux dans l'immeuble X. Il agissait en rapport direct aveC le mandataire général de la société E., un certain Z. Il jouis- sait d'une relative autonomie, Z. se trouvant souvent en Argentine. T.

s'est occupé du remplacement de planchers et du déblaiement de maté- riaux. Le premier travail lui était payé à raison de Fr. 9 le m', au fur et à mesure de son avancement; le second à l'heure. D'autres travaux ont été exécutés par T. et par un tiers; ils ont été facturés et payés sur la base d'un forfait. E. n'a pas alloué de vacances à T; il ne versait pas de coti- sations sociales pour lui. Au surplus, T. travaillait également pour d'autres personnes.

L'autonomie dont jouissait T. est incompatible avec le rapport de su- bordination qui caractérise le contrat de travail. Du reste, T. pouvait faire accomplir sa tâche par d'autres. Il répondait d'un certain résultat envers E., mais ne lui consacrait pas son temps. Il ne s'agit donc pas, ici, d'un contrat de travail.

(17)

13 CONTRAT DE TRAVAIL 18 13. Notion de contrat de travail; travai/leur

9

0U entr

5e)preneur?; responsable de l'entretien de courts de tennis (CM, 1 .1.196 .

'T. a été engagé p~r E. pour entretenir les courts de tennis de cette as- sociation pour la saIson du 15 aVril au 15 octobre 1964, moyennant ~.ne

rémunération totale de Fr. 5000, SOIt Fr. 800 par mOIs plus Fr. 200 d In-

demnité de vacances. Actionné devant le Tribunal des prud'hommes par T. E. soutenant qu'il ne s'agit pas d'un contrat de travail, conteste la co'mpètence de cette juridiction.

T. était chargé essentiellement de balayer, d'arroser et de passer un fi- let avant l'ouverture, après la fermeture et dans le courant de la journée.

Il ~'était pas tenu à un horaire particulier; en fait, néanmoins, l'exécu- tion correcte de son travail lui imposait des heures de présence détermi- nées. Même s'il avait la possibilité de se faire suppléer et assister, il de- vait exécuter ses obligations d'une manière régulière et se trouvait sou- mis à un contrôle. Les instruments de nettoyage étaient mis à sa disposi- tion par E., qui lui remboursait au surplus les fournitures qu'il pouvait être appelé à acheter. Il apparaît incontestable, dès lors, que la rémuné- ration prévue l'a été en fonction d'un nombre d'heures présumé, et non pas d'un résultat. Bien que T. ait été engagé en vue d'un certain résultat, c'est le travail nécessaire à l'obtenir qu'il a promis et qui fait l'objet du contrat. En effet, E. pouvait donner des instructions sur la façon d'exé- cuter ce travail. La considération du travail effectué l'emporte donc sur celle du résultat. En conséquence, les règles du contrat de travail sont applicables. Le fait que T. ait dû, lui-même, sur sa rémunération, cotiser totalement pour l'A VS et l'A 1 ne revê( pas un caractère déterminant.

14. Notion de contrat de travail; contrat de vignolage (TF, rr, 17.1l.l981 ; ATF 107 11430= SJ 1982, p. 241 = JT 1982 194).

15. Notion de contrat de travail; travail/euro entrepreneur ou manda- taire?; danseùse et strip-teaseuse (CA, VIII, 17.12.1970).

T. a été engagée par E., propriétaire d'un cabaret, comme danseuse et strip-tease use pour la période allant du 1er février au 31 mars 1970, moyennant un salaire journalier de Fr. 110. Ses services ayant été refusés le premier jour, T. agit en réparation devant le Tribunal des prud'hommes. E. conteste la compétence de cette juridiction.

T. devait fournir son travail durant une période strictement délimitée et selon un horaire fixé à deux passages par soir, selon les instructions de la direction, en principe de 21 heures à la fermeture. De ce fait, il existait bien un rapport de subordination entre E. et T. De plus, le contrat renferme une clause d'interdiction de concurrence, qui est typi- que du contrat de travail.

16. Notion de contrat de travail; contrat d'entreprise; animateur de caba- ret (CM, 14.1.1964).

T. a été engagé en qualité d'animateur au cabaret X., du 1 er août 1962 au 30 juin 1963, avec une interruption d'un mois et demi. Un litige ayant

(18)

19 DtFINITION DU CONTRAT DE TRAVAIL 17 éclaté entre les parties, E. a contesté l'existence d'un contrat de travail.

Pour lui, les rapports contractuels ressortissaient au contrat d'entreprise.

L'accord conclu entre E. et T. prévoit la présence de ce dernier au ca- baret de 21 heures à la fermeture, moyennant une rémunération de Fr.

50 par jour de travail. L'activité de T. consistait essentiellement à contrôler les artistes, à les présenter et à faire régner l'ordre dans la salle.

Il était soumis aux instructions d'E. Certes, il s'agit-là de prestations où beaucoup est laissé à l'initiative et à l'imagination de T., mais qui s'effec- tuent régulièrement, pendant un temps défini, dans l'établissement d'E., sous la surveillance directe de ce dernier, lequel peut en tout temps don- ner des ordres.

T. n'a donc pas promis un ouvrage défini, tel qu'une production parti- culière à accomplir, mais bien son temps, qu'il consacrait au cabaret E., où il exerçait diverses fonctions. On se trouve ainsi en présence d'un contrat de travail.

17. No/ion de COn/raI de Iravail .. travailleur. entrepreneur ou manda- laire? .. orches/re .. musiciens (CA, VIII, 13.9.1979).

Le 13 décembre 1979 était signé un contrat entre E., d'une part, et, d'autre part, T. (1), chef d'orchestre «avec son duo X composé d'orgue, synthétiseur, accordéon, batterie et chant ». T. (1) et T. (2), formant le duo, avaient été auparavant auditionnés par E. Le contrat était conclu pour la période du 1 er mars 1979 au 31 mai 1979; le duo devait jouer environ cinq heures par jour et recevoir un gage de Fr. 250 par représen- tation quotidienne. A la suite d'un différend entre les parties, T. (1) et T.

(2) agirent l'un et l'autre contre E. en paiement de salaire.

Le contrat par lequel une partie s'oblige à fournir non seulement sa propre activité artistique, mais celle d'autres parties dont elle est le chef et qu'elle choisit et rétribue elle-même sans que leur identité soit spéci- fiée se caractérise comme un contrat d'entreprise (SJ 1961, p. 167; 1938, p. 217). Le fait de s'engager à fournir le travail et les services de tiers est incompatible avec la notion de contrat de travail (SJ 1959, p. 66). Il peut arriver, en revanche, qu'un artiste passe un contrat d'engagement collec- tif avec un employeur, en intervenant à ce contrat tant à titre personnel que comme représentant et mandataire de l'autre membre ou des autres membres de l'orchestre (SJ 1959, p. 69).

Le contrat spécifie de manière claire que T. (1) a été engagé avec son duo. Or, E. a admis que ce duo avait été préalablement auditionné et qu'il lui était donc connu. E. savait donc d'une maniére précise quelles étaient les personnes qui le composaient et dont elle pouvait exiger la présence. Il est d'ailleurs constant que le duo jouait depuis de nombreux mois dans la même composition sous la dénomination de X. Enfin, par leurs demandes identiques, les deux musiciens démontrent qu'ils se par- tageaient par moitié les prestations versées par E. Il faut donc admettre que T. (1) a signé le contrat tant en son nom personnel qu'en qualité de représentant de son duettiste et ami T. (2).

Ce contrat ayant créé un lien de droit direct entre E. et les musiciens, il faut constater que les rapports obligationnels qui en découlent présen- tent les caractéristiques essentielles du contrat de travail. En effet, les

(19)

18 CONTRAT DE TRAVAIL 20

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membres du duo ont été engagés pour une période déterminée; ils ,"

étaient astreints à un horaire fixé dans le contrat; des règles de compor- tement précises leur étaient imposées. Tout cela met en évidence un rap- port de subordination (SJ 1960, p. 153 ; 1948, p. 231).

18. Notion de contrat de travail .. travailleur ou entrepreneur .. artistes de variétés (CA, VIII, 30.5.1968).

T. (1) a signé le 1 er février 1966 un contrat négocié par l'intermédiaire d'un impresario. Selon ce contrat, T. (1) et T. (2) étaient engagés comme artistes de variétés, pour une durée d'un mois à compter du 1er novem- bre 1966; les appointements étaient de Fr. 150 par jour. Le texte précise que les répétitions, obligatoires, devaient avoir lieu le jour des débuts à 15 heures et que le numéro passerait en semaine deux fois par soirée et trois fois le samedi au choix de la direction. L'impresario a invitéT. (1) à lui communiquer l'identité de T. (2) et à lui adresser des photographies des deux artistes, en vue de les transmettre à E.

T. (1) ne s'est pas engagé à titre personnel en promettant la prestation d'un ensemble; il a agi comme représentant de T. (2), dont E. connais- sait l'identité et avait reçu la photographie. Certes, le degré de dépen- dance, caractéristique du contrat de travail, varie suivant la nature de la profession et des services promis (SJ 1953, p. 273). Il importe peu que T.

(1) et T. (2) fussent libres de régler l'ordonnance et la présentation de leur numéro. Ce genre de liberté, inhérent au métier, n'exclut pas l'exis- tence d'un rapport de subordination: lequel résulte de l'obligation pour les artistes de se conformer à un horaire déterminé, imposé par la direc- tion. Est également typique l'élément de durée et de continuité dans l'exécution du travail, dès lors que l'engagement a été conclu pour une durée d'un mois et que les artistes devaient se trouver les soirs fixés à la disposition d'E. Au surplus, ce dernier, auteur du contrat, a prévu une période d'essai et une clause d'interdiction de concurrence, qui, à titre d'indices, confirment l'une et l'autre l'existence d'un contrat de travail.

19, Notion de contraI de travail (TF, rr, 15.6.1976; ATF 102 II 211 = SJ 1977, p. 449 = JT 1977 1127).

Le joueur de football non amateur engagé par un club contre un sa- laire est lié par un contrat de travail.

3. VOYAGEUR DE COMMERCE OU AGENT?

20. Notion de contrat de travail .. voyageur de commerce ou agent? .. direc- teur régional (CM, 13.1.1982).

Selon contrat du 28 novembre 1978, T. devenait directeur régional d'E. pour le Nigéria et le Libéria; il devait y développer les possibilités de marché et de vente pour les produits d'E. Le contrat était prévu pour une durée indéterminée, le délai de congé étant fixé à deux mois. Deux

(20)

21 DÉFINITION DU CONTRAT DE TRAVAIL 20 fois par semaine, T. devait adresser le rapport détaillé de ses activités à E. ; il ne pouvait travailler que pour le compte de ce dernier. La rémuné- ration consistait dans une commission de' 8% sur les ventes, après déduc- tion de celles dues aux agents. Cette commission comprenait le rem- boursement des frais professionnels assumés par T. et de trois voyages par année à destination de Genève.

T. devait établir, maintenir et développer la liaison entre E., qu'il re- présentait, et la clientèle. Dès lors, même s'il était investi du titre de di- recteur régional, ce qui n 'est nullement déterminant, T., en bonne logi- que, assumait en réalité soit le rôle d'un voyageur de commerce, soit celui d'un agent, l'une et l'autre de ces deux fonctions étant de nature identique sur le plan économique. Comme l'a rappelé le Tribunal fédé- ral, le critère essentiel de distinction réside dans le fait que l'agent exerce sa profession à titre indépendant, tandis que le voyageur de commerce se trouve dans un rapport juridique de subordination à l'égard de son employeur. La liberté d'organiser son travail comme il l'entend et, corré- lativement, de disposer de son temps à sa guise, est un élément qui ca- ractérise l'agent, commerçant indépendant; l'absence de cette liberté implique un certain rapport de subordination et permet par conséquent de qualifier le rapport juridique de contrat d'engagement d'un voyageur de commerce. En effet, à la différence de l'agent, le voyageur de com- merce est lié aux instructions et directives de son employeur; l'obliga- tion d'adresser des rapports périodiques à la maison représentée est ca- ractéristique du rapport de subordination dans lequel il se trouve (ATF 99 Il 313).

T. devait adresser un rapport bi-hebdomadaire détaillé quant à ses ac- tivités et, en particulier, quant à l'organisation de son travail. Il n'était pas libre de disposer de son temps à sa guise et de prendre en particulier des vacances comme il l'entendait. Certes, T. était payé à la commission, mais un tel mode de rémunération des services rendus n'est pas détermi- nant (SJ 1960, p. 157), dès lors en particulier que le taux de la commis- sion englobait le remboursement des frais professionnels et de voyage incombant à T. (qui, de surcroît, pouvait se rendre à Genève trois fois par an) et que des primes d'assurance continuaient à être prises en charge par le groupe E. (SJ 1956, p. 524; JT 1980 1 83). D'autre part, T. a consacré de manière exclusive tout son temps à E. pendant environ deux ans. Or, l'élément de durée et de continuité dans l'exécution du travail constitue aussi un critère décisif quant à l'existence d'un contrat de tra- vail (cf. SJ 1953, p. 277 ; SJ 1974, p. 156). Le fait que T. ait déclaré, lors d'une audience, avoir eu le statut d'agent libre ne joue pas de rôle, étant donné que la dénomination d'un contrat par ceux qui l'ont conclu n'est pas déterminante quant à la nature juridique de ce dernier. En effet, il faut chercher, en application de l'art. 18 CO, la réelle et commune inten- tion des parties, telle qu'elle résulte en premier lieu du contenu contrac- tuel lui-même (A TF 99 II 313). On doit donc admettre que les rapports entre E. et T. rélèvent du contrat de travail. Cette conclusion s'impose d'autant plus qu'E., à tort ou à raison, se plaint de l'inobservation par T.

de ses instructions et surtout de ce que, après deux années de travail en Afrique, T. ait pris des vacances sans y avoir été autorisé. E. donne ainsi la preuve de ce que, dans son esprit, T. était son subordonné.

(21)

21 CONTRAT DE TRAVAIL 22 21. Notion de contrat de travail; voyageur de commerce ou agent? (CA,

X, 17.10.1979).

T. a été engagé par E. comme «agent ». Il devait tout son temps à E.

Son travail était organisé de manière stricte par ce dernier, qui exerçait une surveillance étroite sur l'activité de ses collaborateurs. Sa rémunéra- tion consistait en des commissions, auxquelles s'ajoutait une prime men- suelle fixe. T. se trouvait affilié à la caisse-maladie de l'entreprise; E. re- tenait les cotisations de l'AVS ; le contrat prévoyait un délai de résilia- tion d'un mois pour la fin d'un mois durant la première année et, par la suite, de deux mois pour la fin d'un trimestre (les trois premiers mois étant considérés comme période d'essai).

Bien que, selon le texte de l'accord, T. soit qualifié d'agent, il n'y a pas lieu de s'en tenir aux termes erronés dont les parties ont pu se servir (art.

18 CO). Ici, les rapports de travail révèlent une subordination si étroite que T. doit être considéré comme un voyageur de commerce, collabora- teur de l'entreprise.

22_ Notion de contrat de travail; voyageur de commerce ou agent?; cour- tier en publicité (CM; 22.6.1982).

T., domicilié à Annemasse, travaillait comme courtier en publicité pour E. A la suite d'un litige entre les parties, E. a soutenu que les rela- tions contractuelles avec T. n'étaient pas régies par les dispositions sur le contrat de travail, mais qu'il s'agissait d'un contrat d'agence.

L'obligation d'adresser des rapports périodiques à la firme représen- tée manifeste la subordination du représentant, laquelle est caractéristi- que du contrat de travail, soit, ici, de cette forme particulière du contrat de travail qu'est le contrat d'engagement d'un voyageur de commerce (ATF 99 Il 313; JAR 1980, p. 314). Or, T. protocolait dans des rapports écrits les contrats établis avec la clientèle, ainsi que leur résultat. E. s'en entretenait avec lui lors de séances hebdomadaires. Il a exercé de la sorte un contrôle tant sur la nature des démarches effectuées que sur le temps consacré à,son travail par T., ce qui dénote un rapport de subordi- nation caractérisé. .

Le mode de rémun~ration (laquelle consistait uniquement en des com- missions) n'est pas décisif. En effet, le salaire de l'employé peut être constitué entièrement de commissions sur les affaires faites par lui (art.

322b CO et 349a, al. 2 CO; SJ 1960, p. 153). D'ailleurs, le taux relative- ment bas des commissions (en-dessous de 20%) parle aussi en faveur d'un contrat de travail.

A cela s'ajoute que T. bénéficiait d'une autorisation de travail en tant que frontalier. Il n'aurait pu travailler en Suisse à son propre compte sans se mettre rapidement en contradiction avec cette autorisation, qui n'avait été accordée que pour une activité salariée dépendante.

Il faut donc considérer qu'E. et T. étaient effectivement liés par un contrat de travail.

23_ Notion de contraI de Iravail; voyageur de commerce ou agent? (CA, X, 10.10.1979).

Le 14 juillet 1977, E., entrepreneur, et T. ont signé une convention aux termes de laquelle T. était engagé <<à titre de vendeuf», rémunéré uni-

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23 DÉFINITION DU CONTRAT DE TRAVAIL 24

quement sur la base de commissions de l'ordre de Fr. 6000 pour chaque villa vendue, soit Fr. 4500 lors de la signature du contrat d'entreprise préliminaire et Fr. 1500 lors de la signature du contrat définitif, ces com- missions étant « considérées comme salaire ». Le texte précise que « la somme versée lors du contrat d'entreprise préliminaire restera en prin- cipe acquise au vendeur ». Toutefois, s'il était imputable à ce dernier des erreurs techniques, l'intégralité de la somme devait alors être rembour- sée. Les charges sociales (AVS, chômage) étaient retenues par l'em- ployeur. Il était convenu une période d'essai de trente jours à partir du 1er août 1977. Par lettre du 15 novembre 1977, T. a été chargé de super- viser les nouveaux vendeurs engagés «pour les morcellements ... à Com- mugny et à Vandœuvres ». En contrepartie, il devait recevoir une rému- nération sous forme d'une somme forfaitaire de Fr. 500 pour chaque contrat négocié par un nouveau vendeur.

T. a négocié la signature d'onze contrats d'entreprise préliminaires portant sur la construction de villas à Vandœuvres ou dans le morcelle- ment de Commugny, ce du 24 octobre 1977 au 23 février 1978, alors qu'un autre vendeur, Z., obtenait la signature de huit contrats pour des villas sises dans les mêmes morcellements. E. n'ayant pu acheter les ter- rains, les contractants aux contrats d'entreprise préliminaires ont été remboursés de leurs avances.

T. a introduit le 23 mai 1978 une demande portant d'une part sur Fr.

49.500 et d'autre part sur Fr. 4.000 (commissions de Fr. 4.500 sur onze villas et de Fr. 500 sur huit villas).

La question qui se pose est de savoir si les parties étaient liées par un contrat de travail. La caractéristique essentielle de ce contrat est le rap- port de subordination qui existe entre l'employeur et le travailleur (SJ 1955, p. 311-315; SJ 1974, p. 399). L'agent, lui, se trouve dans un statut juridique indépendant (Bideau, FJS 585).

Le contrat qui liait E. et T. était un contrat de travail. En effet, T. de- vait tout son temps à E. Il n'était pas libre d'organiser son travail à sa guise. De plus, le contrat a été conclu pour une durée indéterminée. A la base, il prévoyait un temps d'essai (ATF 90" 483, 485; SJ 1948, p. 231).

Enfin, la convention mentionne expressément un salaire. Or, ce dernier peut être versé en totalité sous forme de commissions (SJ 1953, p. 277 ; SJ 1960, p. 153, 157). Il suit que T. n'était pas un indépendant, mais un travailleur au service d'E. La juridiction des prud'hommes est donc compétente pour connaître du litige.

24. Notion de contrat de travail .. voyageur de commerce ou agent? (CA, X, 6.10.1976).

Selon une lettre d'engagement de juillet 1975, T. a été engagée comme

«déléguée commerciale », la prise d'emploi étant prévue pour le 1 er oc- tobre 1975. La rémunération était fixée sur la base de commissions, étant toutefois précisé que, durant les deux premiers mois, T. se voyait garan- tir un minimum de Fr. 2.000 par mois. T. était tenue de faire rapport, de se présenter régulièrement à ses supérieurs, de visiter des clients selon un plan de travail; elle répondait directement devant ses chefs. Les cotisa- tions AVS n'ont pas été déduites de la rémunération de T. Les rapports

(23)

25 CONTRAT DE TRAVAIL 24 de travail ayant été résiliés, T. réclame des arriérés de salaire à E., qui conteste la compétence de la juridiction des prud'hommes.

L'activité de l'agent est économiquement identique à celle des voya- geurs de commerce (ATF 99 II 313). La différence se situe sur un plan juridique. Ce qui est décisif, c'est que l'agent organise son travail comme il l'entend et dispose de son temps librement (SJ 1951, p. 321). Au contraire, le voyageur de commerce est lié aux instructions et aux direc- tives de son employeur, à qui il a l'obligation d'adresser des rapports pé- riodiques, de sorte qu'il se trouve dans un rapport de subordination en- vers lui (ATF 99 Il 314; SJ 1955, p. 315; 1948, p. 231). Le salaire, élément caractéristique du contrat de travail, peut consister en tout ou partie dans des commissions, dans une participation au bénéfice ou dans des prestations en nature (SJ 1953, p. 273). L'existence d'un temps d'essai plaide aussi en faveur de la figure du contrat de travail (SJ 1948, p. 231); il en va de même lorsque les parties ont prévu un délai de congé (SJ 1960, p. 156): le contrat de travail est en effet conclu pour une cer- taine durée. Le défaut de paiement par l'employeur des cotisations AVS ne constitue qu'un indice, qui ne suffit pas à exclure l'existence d'un contrat de travail.

Ici, T. était étroitement subordonnée à E. De plus, elle se trouva,;t au bénéfice d'une lettre d'engagement visant une prise d'emploi à date fixe; elle a reçu son congé dans le délai légal, aussi à date fixe. La réu- nion de ces critères permet de considérer qu'il s'agit ici d'un contrat de travail et que la juridiction des prud'hommes est compétente pour en connaître. Peu importe que T. n'ait été ,rémunérée qu'à la commission.

2S. Notion de contrat de travail; voyageur de commerce ou agent? .. repré- sentant (CM, 7.5.1968).

T. travaillait comme représentant pour E. 1\ utilisait la voiture de l'en- treprise, qui lui payait une partie de ses frais de voyage et qui retenait elle-même l'A VS .sur les commissions. E. versait en outre un salaire de vacances. Toutefois, ces circonstances, qui militent en faveur d'un contrat de travail, ne.sont pas décisives. En effet, T. était totalement li- bre dans son travail; il' n'avait pas d'horaire à respecter; il ne faisait pas de rapports à ,E. ; il voyageait où bon lui semblait et quand il le voulait.

C'est dire qu'il ne se trouvait pas dans un rapport de subordination en- vers E. Ausurplus, T. ne recevait pas un salaire fixe et n'avait pas un mi- nimum de rémunération garanti. Aucun délai de congé n'a été prévu lors de son engagement; il lui était loisible de s'en aller quand il le vou- lait. Enfin, T. pouvait travailler pour d'autres maisons, ce qu'il a effecti- vement fait. On ne saurait donc dire qu'E. et T. étaient liés par un contrat de travail.

26, Notion de contrat de travail .. voyageur de commerce ou agent? (CA, X, 6.3.1979).

T. s'est engagé envers E., école par correspondance, à recruter des clients pour cette dernière. T. se présente, sur son papier à lettre, comme agent de commerce diplômé. Son bureau porte le nom d'" étude ».1\ se

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25 DÉFINITION DU CONTRAT DE TRAVAIL 28 charge aussi de recouvrements et de contentieux, de régie d'immeubles et de renseignements commerciaux. T. n'avait pas à suivre les instruc- tions d'E. Il n'avait pas à lui rendre quotidiennement des comptes sur l'exécution de sa mission. Le rapport de subordination qui caractérise le contrat de travail faisait défaut. Peu importe, dès lors, qu'E. ait retenu les cotisations A VS sur les commissions versées à T. (et qu'il en ait ac- quitté la moitié). Peu importe, également, qu'E. ait conclu une assurance perte de gain, garantissant à T., en cas de maladie, le 80% d'un « salaire forfaitaire» de Fr. 2000 par mois.

27. Notion de contrat de travail; voyageur de commerce ou agent; acqui- siteur d'assurances (CM, 6.6.1966).

Depuis 1933, T. était lié à E. comme acquisiteur d'assurances. Les par- ties ont notamment signé en 1946 un contrat d'agent professionnel, dont elles sont d'accord pour admettre qu'il se caractérise comme un contrat de travail. En 1952, ensuite de difficultés entre l'agent général d'E. et T., ces derniers établirent un nouveau contrat, intitulé contrat d'agent. Se- lon ce texte, T. se trouve libéré de toute obligation d'adresser à l'agent général d'E. à Genève des rapports réguliers sur son activité. Ce contrat a été remplacé par un autre texte, de 1963, qui ne le modifie guère. Les rapports contractuels ont pris fin en 1964. Un litige ayant surgi entre E.

et T., ce dernier prétend avoir été lié par un contrat de travail.

Dès 1952, T. a été libéré de cet élément de subordination dont il ne voulait plus, à savoir l'obligation de présenter à l'agent général d'E. à Genève des rapports hebdomadaires. En contrepartie, la rémunération se faisait désormais exclusivement à la commission, sans qu'un salaire fixe de base lui fût garanti. Certes, T. se voyait interdire toute activité pour une autre société d'assurance sur la vie et toute autre occupation accessoire lucrative; cependant, une telle réglementation n'est pas in- compatible avec le contrat d'agence, qui connaît la notion d'agent lié à un seul mandant (art. 418a CO). De plus, le fait, courant dans les rap- ports entre mandant et agent, que T. ait été tenu de respecter dans son travail certaines directives qu'il recevait d'E. ou de son agent général à Genève, ne permet nullement de conclure que, malgré la volonté des parties de donner un statut indépendant à T., ce dernier serait resté lié par un contrat de travail.

Il est vrai qu'en matière d'assurance les agents de district, les inspec- teurs ou acquisiteurs sont en général des employés et non pas des agents.

Toutefois, ici, T. a acquis une position spéciale et même unique au sein de la compagnie E. D'ailleurs, E. ne lui délivrait plus d'attestation de sa- laire pour les autorités fiscales; il ne versait pas de cotisations A VS ; il ne fixait pas de vacances à T. ; il n'a pas affilié ce dernier à l'assurance- accidents obligatoire instituée à Genève. Les rapports entre les parties ne relèvent donc pas du contrat de travail.

28. Notion de contrat de travail .. voyageur de commerce ou agent? .. « re- présentant libre Il (CM, 29.4.1963).

Selon contrat rédigé par T. le 31 mai 1961, ce dernier est devenu re- présentant libre du garage E. T. organisait son travail de prospection

(25)

29 CONTRAT DE TRAVAIL 26 comme il l'entendait et ne recevait pas d'instructions précises et impéra- tives pour la visite des clients. Il n'avait aucune obligation d'adresser des rapports périodiques sur son activité. En réalité, T. avait le droit d'opé- rer des ventes pour E., mais n'en avait pas véritablement l'obligation_

Non seulement aucun salaire fixe n'a été garanti et stipulé, mais au- cune retenue pour les cotisations sociales n'a été effectuée.

Sur la place de Genève, les vendeurs d'autos sont engagés en vertu d'un contrat de travail en bonne et due forme. Même dans l'établisse- ment E_, les autres vendeurs se trouvaient au bénéfice d'un tel contrat.

Ici, c'est T. lui-même qui a tenu à son statut d'indépendant, puisqu'il a rédigé le contrat. S'il fallait admettre que ce dernier présentait une ambi- guïté quant à la nature juridique des rapports contractuels, il convien- drait de l'interpréter contre T., qui en est le rédacteur.

On ne se trouve donc pas ici en présence d'un contrat de travail.

29. Notion de contrat de travail; voyageur de commerce ou agent?; «col- laborateur libre» (CA, X, 24.3.1982).

Le 26 août 1980, E., faisant du commerce dans le domaine de l'audio- visuel, a engagé T. en qualité de collaborateur libre, rémunéré unique- ment à la commission. T. devait établir une facture globale périodique- ment; dans la mesure où il réalisait un chiffre d'affaires minimum de Fr.

15.000 par trimestre, E. pouvait mettre à sa disposition une place dans ses locaux, ainsi que des facilités de secrétariat.

T. soutient avoir été astreint à un horaire régulier; il admet toutefois avoir travaillé chez lui vers la fin. Se)on lui, E. aurait promis un salaire fixe après trois mois de collaboration. Quant à E., il reconnaît que les rapports hebdomadaires étaient détaillés; cependant, T. n'est plus reve- nu à partir du mois de décembre 1980: il ne travaillait qu'irrégulière- ment. Le 10 juillet 1981, T. a intenté contre E. une action en paiement d'arriérés de salaire.

La question à trancher est de savoir si les rapports contractuels en cause ressortissen.t au contrat de travail ou au contrat d'agence. La diffé- rence entre ces deux figures juridiques se révèle difficile à marquer.

L'activité du voyageùr de commerce et de l'agent est identique; le cri- tère de distinction réside dans l'existence ou dans l'absence d'un rapport de subordination. L'agent organise son travail comme il l'entend; le voyageur de commerce, en revanche, est lié par les instructions et les di- rectives de son employeur, à qui il adresse des rapports périodiques. La dénomination du contrat n'est pas déterminante: il faut rechercher la réelle et commune intention des parties (ATF 99 II 313 - SJ 1974, p.389).

Ici, les plaideurs ont passé un accord de collaboration qui prévoit ex- pressément la « qualité de collaborateur libre» rémunéré sur la présenta- tion d'une facture périodique. Certes, dans un premier temps, T. était fort assidu à cette tâche et venait souvent dans les locaux d'E. Mais cette assiduité n'a pas duré. Ce qui démontre la grande liberté de T., c'est qu'il ait pu travailler chez lui pendant une certaine période. Ce fait ma- nifeste son indépendance, par opposition au lien de subordination ca- ractéristique du contrat de travail. T. ne démontre pas, par la présenta-

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27 DÉFINITION DU CONTRAT DE TRAVAIL 31

tion de rapports réguliers, qu'il ait travaillé avec continuité; au reste, le rendement de son activité a été très faible. Les deux parties semblent s'être accommodées durant de longs mois de cette situation; E. ne s'en est pas préoccupé, dès lors que T. était un collaborateur libre. Sans doute T. fait-il état de promesses de rémunération comprenant un sa- laire fixe, mais il n'a ni exigé ni obtenu qu'un contrat précis de travail soit passé. En conséquence, il faut admettre que les éléments caractéristi- ques d'un tel contrat ne sont pas réunis.

JO. Notion de contrat de travail; voyageur de commerce ou agent?; direc- teur des ventes; société simple (CA, V, 7.11.\ 974) .

. T. (1) et T. (2) ont été engagés par E. comme directeurs des ventes. Ils pouvaient organiser librement leur activité, sans adresser de rapport à

E. ; il ne leur incombait pas de justifier de l'emploi de leur temps et ne se

trouvaient astreints à aucun horaire fixe et précis. Ils prenaient leurs congés et leurs vacances à leur guise. T. (1) et T. (2) avaient la liberté de décider d'avoir ou non recOurs à des sous-agents, chargés de rechercher la clientèle; certes, E. devait donner son approbation quant au choix du personnel, mais la charge de la rémunération incombait à T. (1) et à T.

(2). Ces derniers supportaient en outre le loyer de leur bureau et acquit- taient tous les frais (secrétariat; déplacements; charges: chauffage, élec- tricité, téléphone). Leur rétribution revêtait la forme d'une commission de 28% du chiffre d'affaires. T. (1) et T. (2) étaient liés entre eux par un contrat de société simple (ils se partageaient les commissions par parts égales). Enfin, E. a déclaré T. (1) et T. (2) au service des allocations fami- liales en qualité de salariés et leur retenait l'AVS, l'impôt à la source et les primes pour l'assurance-accidents.

Les éléments ci-dessus démontrent la volonté des parties de conclure entre elles un contrat d'agence. Est déterminante, à cet égard, l'absence de lien de subordination, de même que l'obligation pour T. (1) et T. (2) de supporter l'ensemble des frais engendrés par leur activité. De plus, le taux de la commission, élevé, serait insolite dans le cadre d'un contrat de travail. Il en va de même des rapports internes de société simple "entre T. (1) et T. (2). Certes, certains éléments militent en sens contraire, en particulier les dispositions prises par E. dans le domaine des assurances sociales. Toutefois, il peut s'agir là d'erreurs administratives ou d'un procédé visant à avantager T. (1) et T. (2) malgré l'absence de rapports de travail. La juridiction des prud'hommes est donc incompétente pour connaître du litige opposant E., d'une part, et T. (1) et T. (2), d'autre part.

31. Notion de contrat de travail; voyageur de commerce ou agent? (CA, IX, 13.6.1974).

Au contraire du voyageur de commerce, l'agent, en général, paie lui- même les frais résultant de son activité. Il est locataire des bureaux qu'il utilise et dont il acquitte les loyers; il engage des sous-agents et paie ses cOlisations à l'AVS comme indépendant.

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