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Pluridisciplinarité, interdisciplinarité, transdisciplinarité : quelles perspectives en éducation ? Etude du discours des professeurs de la Section des sciences de l'éducation de l'Université de Genève

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Pluridisciplinarité, interdisciplinarité, transdisciplinarité : quelles perspectives en éducation ? Etude du discours des professeurs de la

Section des sciences de l'éducation de l'Université de Genève

REGE COLET, Nicole Mary

REGE COLET, Nicole Mary. Pluridisciplinarité, interdisciplinarité, transdisciplinarité : quelles perspectives en éducation ? Etude du discours des professeurs de la Section des sciences de l'éducation de l'Université de Genève . Genève : Université de Genève Faculté de psychologie et des sciences de l'éducation, 1993, 95 p.

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:92969

Disclaimer: layout of this document may differ from the published version.

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Elude du discours des tmlfesseurs

1k la Seci.ion ales Sciences de i'Educat.ion clc l'Université de Genève

Nicole REGE COLET Préf'ace de Piene FURTER

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UNIVERSITE DE GENEVE FACULTE DE PSYCHOLOGIE ET DES SCIENCES DE L'EDUCATION, SECTION DES SCIENCES DE L'EDUCATION

PLURIDISCIPLINARITE, INTERDISCIPLINARITE, TRANSDISCIPLIN ARITE:

QUELLES PERSPECTIVES EN EDUCATION?

Etude du discours des professeurs de la Section des Sciences de l'Education de l'Université de Genève

Nicole REGE COLET

Préface de Pierre FURTER

Cahier No 71 Pour toute correspondance:

Section des Sciences de l'Education 9, rte de Drize

1227 CAROUGE (Suisse)

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Le Groupe-Publications remercie la Présidence de la Section des Sciences de l'Education qui a soutenu financièrement la publication de cet ouvrage

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TAilLE DES MATIERES

PREFACE, par Pierre Furter p. 4

INTRODUCTION À L'ITINERAIRE D'UN TRA V AIL p. 10

LA COLLABORATION ENTRE DISCIPLINES SCIENTIFIQUES p. 15

De l'histoire d'une idée... p. 16

... aux définitions courantes... p. 19

... à l'architecture conceptuelle. p. 26

Questions et hypothèses de recherche p. 34

L'UNIVERSITE EN QUESTION p. 39

L'espace universitaire p. 39

Les conditions sociales et institutionnelles de production des connaissances: la place de l'interdisciplinarité p. 43

Les sciences de l'éducation p. 46

La Section des sciences de l'éducation p. 48

METHODE D'INVESTIGATION p. 51

LE DISCOURS SUR LES SCIENCES DE L'EDUCATION p. 55 LE DISCOURS SUR LA COLLABORATION DISCIPLINAIRE p. 63

CONCLUSIONS p. 86

BIBLIOGRAPHIE p. 91

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PREFACE

Il y a exactement vingt-cinq ans - soit le temps que l'on accorde parfois à une génération pour se substituer à une autre - des foules d'étudiants et de lycéens transgressaient les frontières de leurs ghettos scolaires pour transporter jusque dans la rue leurs insatisfactions dans de spectaculaires manifestations. Ils s'arrogeaient ainsi le droit d'interpeller tout un chacun puisque -pensaient-ils -leurs revendications apparemment "pédagogiques"

mettaient en ultime instance en cause le modèle de société vouée alors à une croissance exponentielle sans qu'on y distinguât ciairement un projet de civilisation auquel auraient pu adhérer et surtout participer activement leurs jeunesses. Aujourd'hui nous savons que "ce mai parisien" qui nargua tous les pays francophones, n'était qu'une étape d'un vaste mouvement social et culturel qui avait déjà bouleversé les campus nord-américains avant de submerger la quasi totalité des pays de l'Europe occidentale et dont la dernière (?) vague ébranla même la quiétude des villes suisses­

alémaniques lors de violents affrontements autour de l'existence de centres autonomes de jeunes. Comme l'avait prédit, dès 1967, P. H. Cuornbs, alors Directeur de l'Institut Intemationai de Pianification de î'Education de

!'Unesco, et au grand dam des responsables de cette Organisation, on se retrouvait au beau milieu d'une "crise mondiale de l'éducation".

C'est pourquoi lorsque Madame Nicole Rege Colet situe, à juste titre, l'émergence de la problématique de sa recherche "dans les années '60", il convient aussi de rappeler le climat dramatique de ce contexte historique qui explique aussi bien l'âpreté des disputes que le jaillissement d'idées originales (de la conscientisation de Paulo Freire à la déscolarisation d'Ivan

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Illich en passant par l'éducation permanente selon Bertrand Schwartz ... ) ou une véritable frénésie pour expérimenter et surtout innover. Dans ce formidable bouillon de culture de l'éducation reconnue (enfin) comme un \ problème qui concerne toute la société commença à déborder les limites d'un savoir strictement "pédagogique" et devint le thème - et paifois le prétexte - de multiples savoirs spécialisés (économique, sociologique, psychologique, etc ... ). Ces regards multiples engendrèrent un ce1tain malaise quant à ce qu'il fallait dorénavant entendre par "objet(s) éduca­

tif(s)", un malaise qui, selon Madame Rege Colet, subsiste aujourd'hui encore. Ainsi, et par exemple, il y a ceux qui conçoivent l'objet éducatif comme un champ ouvert à toutes sottes d'interventions disciplinaires;

d'autres qui l'identifient à un projet interdisciplinaire qui viserait à intégrer les multiples "sciences de l'éducation"; sans oublier ceux qui s'obstinent à croire qu'il est le point de départ pour la construction systématique d'un savoir spécifique à l'éducation.

Même si ces enjeux épistémologiques n'étaient pas alors perçus avec toute l'acuité souhaitable et suitout qu'on n'en avait pas encore distingué toutes les implications, la nécessité d'une collaboration entre les différents spécialistes de l'éducation et surtout l'intégration de leurs savoirs souvent empruntés à de multiples disciplines distinctes était déjà perçue empirique­

ment comme une condition sine qua non pour sortir de cette crise: preuve en soit l'évolution critique des différents apports successifs de P. H.

Coombs à une autocritique de la planification de l'éducation et à une conception d'une éducation pour le déveloJ212§._ment _en __ g_énéral et_pour le dévelo12p�ment_Jural en partic11licr.

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Tout d'abord, et à la différence d'autres responsables de l'éducation qui s'affolèrent face à une crise qu'ils se représentaient comme une catastrophe qui ne pourrait conduire qu'au chaos, cet économiste américain, partisan convaincu de l'analyse de système, ne l'envisagea jamais comme un malheur. Pour lui, cette crise devait agir comme un révélateur corrosif sur toutes les illusions qu'une planification excessivement unidimensionnelle avait suscitées et entretenues. En particulier, elle dévoilait les impasses dans lesquelles se retrouvaient les systèmes éducatifs dont le dynamique avait été orientée surtout en fonction d'une croissance quantitative et rapide. Il proposa donc de mieux tenir compte des autres dimensions - dites

"qualitatives" - dans le pilotage du développement de ces systèmes par le biais d'une révision radicale des buts et des méthodes utilisées jusqu'ici par les planificateurs de l'éducation. Une rupture qui marqua profondément la première Conférence "mondiale" sur la planification de l'éducation de 1970 où, à Paris, l'UNESCO proposa aux Etats-membres un bilan des expérien­

ces accumulées jusqu'ici dans la perspective d'une "planification qualitati­

ve". Pour l'essentiel, il apparut que les planificateurs devaient dorénavant être:

- plus critiques quant à l'usage des ressources mises à la disposition des éducateurs;

- plus attentifs aux relations systémiques qui s'établissent entre les différents facteurs mis en jeu dans les processus de formation;

- plus favorables aux innovations et aux réformes qui pourraient dynamiser des structures trop souvent sclérosées par la routine.

Bref, planifier c'était aussi évaluer le fonctionnement interne des systèmes éducatifs et par conséquent remettre directement en cause les tendances des

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responsables de l'éducation à concevoir leur gestion de manière autonome et parfois même autarcique. D'où le mot d'ordre caractéristique de ce moment: l'éducation est une affaire trop importante pour la laisser uniquement dans les mains des pédagogues! Non seulement il fallait être plus efficient, mais le démontrer puisqu'il fallait dorénavant rendre des comptes aux autres partenaires sociaux. Dans une telle perspective, le

"système" éducatif était aussi réinterprété comme un sous-système dont les résultats (positifs ou négatifs) et surtout les effets à long terme ne pouvaient plus être seulement jugés par rapport aux projets et aux objectifs des éducateurs mais en fonction de leurs interactions avec des conditions non-pédagogiques (structures et mobilités sociales, distributions des revenus, évolution du marché de l'emploi et de l'organisation du travail, etc ... ).

Cette vaste mise en rappo1t systémique des interventions éducatives avec leurs contextes s'imposa encore plus lorsqu'on prit conscience que l'éducation scolarisée pourrait bien n'être que la partie la plus visible et assurément la plus importante des formes institutionnelles de la formation tout en n'englobant pas et de loin toutes les forces qui contribuaient à la formation et au perfectionnement des ressources humaines indispensables au développement, c'est-à-dire à ce que l'on appelait souvent à cette époque "le capital humain" d'une société. En effet, à côté des "écoles", il existe de multiples situations et interventions (d'éducation des adultes, d'éducation extrascolaire, de formation informelle, etc ... ) jusqu'ici peu conuues, peu étudiées et clone peu valorisées. Or celles-ci ont comme caractéristique fondamentale de dépendre directement des conditions de vie des intéressés. Par conséquent l'intégration de ces projets de fmmation au sein de projets plus globaux qui pourraient transformer l'insertion clans la

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vie active, le statut social, la participation politique ou culturelle de leurs acteurs devient un enjeu capital. Ces perspectives d'une planification intégrée -qui trouvent leurs racines dans l'utopie de la "cité éducative"

supposent un travail complexe d'analyses et d'évaluations des situations de formation dans leurs contextes qui ne peut être que le résultat d'une collaboration intellectuelle au sein d'équipes multidisciplinaires. Et lorsqu'il s'agit de traduire ces diagnostics dans des programmes d'action, elle doit être accompagnée par une coopération des spécialistes et une coordination institutionnelle entre les agences (de santé, de l'emploi, de l'habitat, etc ... ) concernées.

Il apparut peu à peu que ces nouvelles exigences, tant au niveau de la réflexion que de l'action, obligeaient à remettre en question aussi bien la formation de ces spécialistes que celles de ces intermédiaires obligés que sont les enseignants. Sans eux comment pourrait-on implanter des plans?

Mais comment pourraient-ils comprendre leurs interlocuteurs s'ils n'avaient pas été initiés au cours de leur formation ou de leur perfectionnement à la multiplicité des regards possibles, ni à leur possible intégration? La reconnaissance par l'Université de Genève au début des années 70 d'un e�pal;t: autonome de recherche er àe formation pour des sciences de l'éducation fut l'une des réponses institutionnelles que l'on imagina à cette époque.

Rien de plus légitime par conséquent qu'une étudiante ait consacré son travail de fin d'études à comprendre "la gestion de la pluralité des disciplines et les modalités de la collaboration entre les disciplines" qui peuvent être envisagées dans notre Section des Sciences de l'Education.

Dans son mémoire - dirigé par M. Carton, plusieurs fois remanié pour

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devenir ce cahier - Madame Regc Colet s 'est concentrée avant tout sur la confrontation d'un cadre conceptuel avec les points de vue ("les discours") de la quasi totalité des professeurs. Elle a pu mettre ainsi en évidence, d'une part, que le débat autour de la collaboration disciplinaire renvoie à une réflexion épistémologique qui concerne toutes les sciences mais qu'il est aussi et peut-être surtout un projet social lié aux conditions sociales et institutionnelles de la production des savoirs. D'autre pait, que ses interlocuteurs parmi toutes les modalités possibles de collaboration privilégiaient l'interdisciplinarité. Un point de vue certes majoiitaire et positif qui n'est peut-être pas suffisant pour faire face à de profondes divergences quant à la définition de "l'objet éducatif'. Quoi qu'il en soit l'apport de Madame Rege Colet sera certainement utile dans la mutation actuellement en cours de notre Section lorsqu'il s'agira de redéfinir la place de nombreux apports disciplinaires clans une formation intégrée pour les enseignants primaires.

Pierre Furter

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INTRODUCTION A L'ITINERAIRE D'UN TRA V AIL

Le présent ouvrage a été conçu comme un voyage, un itinéraire qui traverse plusieurs paysages, des îlots de connaissances et de savoirs qu'il faut déchiffrer et apprivoiser. Trois tableaux sont visités lors de l'examen de la collaboration entre disciplines scientifiques. La première étape vise la construction d'un espace épistémologique de référence qui encadre la pluridisciplinarité, l'interdisciplinaiité et la transdisciplinarité. Il s'agit de comprendre ces concepts et de les situer dans l'histoire des idées. Un autre moment explore l'espace universitaire dans une approche pius socioïogique.

C'est une phase de contextualisation qui cherche à pénétrer l'univers universitaire et à placer l'éducation clans cet univers. Finalement, la dernière étape conduit à une étude du discours des professeurs de la Section des sciences de l'éducation de l'Université de Genève. L'enquête s'efforce de superposer les deux espaces cités précédemment pour comprendre les interactions possibles entre la collaboration disciplinaire et l'université en matière d'éducation. Par ailleurs, cette enquête sert d'illustration à cette œnCûntre entre des idées el ùes perspectives de concrétisation. Le fii conducteur de ï'enquête est donc la pertinence de la pluridisciplinarité, de l'interdisciplinarité ou de la transdisciplinarité pour l'éducation ainsi que les conditions de production de ces modalités de collaboration.

L'analyse de l'enquête a le souci de combiner deux niveaux: d'une part le plan épistémologique avec ses exigences qui favorisent ou gênent la collaboration et, d'autre part, le plan social et ses besoins qui, à leur tour, encouragent ou freinent la collaboration. L'articulation de l 'épistémologique

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et du social, comme cadre de référence pour la compréhension des enjeux de la collaboration disciplinaire, est une préoccupation forte qui devient, au terme de la démarche, un argument central.

Le premier objectif de la recherche consiste clone à élaborer une réflexion épistémologique sur la question de la collaboration entre disciplines scientifiques. Or cette épistémologie doit être pensée, réfléchie et définie.

Je me détache de la position de Bunge (1983) qui considère que toutes les sciences doivent se construire sur le paradigme des sciences exactes en privilégiant la mathématisation des propositions et les méthodes quantitati­

ves. Dans cette perspective l'épistémologie garantit le statut scientifique des activités de recherche. Je me rapproche davantage du point de vue de Ban-eau (1990) pour qui l'épistémologie est un concept dynamique au carrefour des études sur les sciences, de l'anthropologie et de la sociologie des sciences.

Dès lors il est évident que l'épistémologie est un concept complexe. Elle a une histoire et occupe une place conséquente dans les activités scientifi­

ques. Premièrement, c'est de la théorie de la connaissance, cette réflexion sur les relations entre l'objet et Je sujet (la distinction entre l'obse1vateur et !'observé ainsi que les effets de l'observation); deuxièmement, c'est de la philosophie des sciences, la réflexion sur les sciences, leur développe­

ment, leur fonctionnement, l'axiologie, l'ontologie; troisièmement, c'est une réflexion critique sur les aclivités scientifiques, la méthodologie, la logique, l'éthique; f inalement, c'est aussi une réflexion sur les conditions de production des connaissances. Ces conditions sont multiples: historiques, institutionnelles, strnclurellcs ou sociales, elles nous montrent que les connaissances ne peuvent pas être considérées comme les produits privilé-

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giés d'activités de recherche détachées de toute réalité. Les sciences sont une activité sociale élaborée parmi tant d'autres. L'épistémologie c'est aussi un outil de réflexion commun à toutes les sciences ou disciplines; elle doit favoriser le développement des recherches et des activités scientifiques et elle ne doit pas encourager une approche au détriment d'autres possibles.

L'objectivité, la neutralité ou encore l'impartialité de l'épistémologie sont des idées à mettre au débat. Les différences entre les conceptions de Bunge et de Barreau en sont d'ailleurs l'illustration. En effet, la conception de l'épistémologie est également tributaire des conditions dans lesquelles elle est produite. Ainsi une épistémologie définie comme un concept complexe, dynamique, conçue cornme un système ouvert en interaction avec d'autres activités sociales, en évolution permanente, voilà, en quelques lignes, la conception qui convient mieux à mes visées.

C'est dans cette optique que j'ai choisi de traiter la collaboration discipli­

naire ou, plus précisément, la gestion de la pluralité disciplinaire à travers des modalités différentes comme la pluridisciplinarité, l'interdisciplinarité et la transdisciplinarité. Par ailleurs, les sciences de l'éducation se présentent comme une science au pluriel, une pluralité qui s'exprime par la mise en présence de plusieurs disciplines scientifiques réunies autour d'un même champ d'étude, l'éducation. C'est en tout cas l'option et la pratique universitaire que nous pouvons observer à Genève, où les sciences de l'éducation forment une section au sein de la Faculté de Psychologie et des Sciences de l'Education (FAPSH), et où le corps professoral reflète un large éventail de disciplines scientifiques p1incipalement issues des sciences sociales et humaines (philosophie, sociologie, psychologie, politologie, théologie, économie). Si cette unité institutionnelle est certes arbitraire, elle n'a pas été laissée au hasard; d'une part, peut-être, peut on y lire une

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volonté de se distinguer de la pédagogie, une discipline ambiguë, souvent assimilée à la didactique. D'autre part, l'appellation "sciences de l'éduca­

tion" peut coJTespondre aussi à une intention de ne pas attribuer à une seule discipline la préoccupation de l'éducation. On peut donc supposer que c'est l'objet d'étude ou le champ d'étude, l'éducation, qui nécessite un rassemblement disciplinaire. Ainsi l'éçlucation, de par sa complexité, ne se satisfait pas d'une approche monodisciplinaire et incite à la collaboration disciplinaire.

Le thème du travail porte donc sur la gestion de la pluralité des disciplines dans ce contexte. A partir d'une situation de fait, où plusieurs disciplines scientifiques se côtoient, rassemblées autour de l'éducation comme objet complexe de connaissance, quelles modalités de collaboration (niveau de coopération et de coordination entre les disciplines) peuvent être envisa­

gées? Quels sont les liens entre les objets de connaissance et les nécessités exprimées d'une collaboration disciplinaire? A partir du regroupement disciplinaire de la Section des sciences de l'éducation, quelles sont les modalités de collaboration disciplinaire retenues par le corps professoral?

Ces premières questions servent de support à l'élaboration du cadre théorique. Elles pem1ettent d'identifier les modalités et de les comprendre dans une perspective diachronique. Elles précèdent la seconde partie qui oriente la réflexion sur le terrain. A partir de la conceptualisation jusqu'à l'enquête les différents paliers de l'étude se succèdent et se complètent pour devenir un tout, l'itinéraire; la réflexion épistémologique, la contex­

tualisation, la relativisation et l 'enquête s'assemblent autour de cette question de la collaboration entre disciplines scientifiques illustrée par l 'exemple de la Section. J'espère, par ailleurs, que cette étude pourra alimenter les réflexions sur le stalut des sciences de l'éducation en met.tant

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en relief, entre autres, les liens entre les objets de connaissance, dans ce cas précis les objets éducatifs, et les manières et les contextes, multiples et diverses, pour appréhender ces objets.

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LA COLLABORATION ENTRE DISCIPLINES SCIENTIFI­

QUES

Aujourd'hui la pluridisciplinarité, la transdisciplinarité et surtout l'interdis­

ciplinarité, qui est la plus évoquée, ·sont des thèmes discutés dans des milieux scientifiques ou académiques. Le débat se centre sur la question de savoir si la collaboration doit être avant tout l'objet d'une réflexion théorique ou si, au contraire, il faut examiner la faisabilité et la mise en pratique de projets. Bien entendu les avis sont partagés et, à travers des textes variés, on trouve autant les opposants farouches que les convaincus.

En effet, généralement, à l'idée d'une collaboration, on est encouragé à prendre position pour ou contre. Parmi les adeptes il n'est pas rare de sentir comme une profession de foi, à l'extrême, pourquoi pas, une forme de militantisme intellectuel. Toujours est-il que, le plus souvent, les textes traitent exclusivement d'une modalité, en particulier de l 'interdisciplinarité;

ce parti pris pour une fonne de collaboration au détriment des autres rend difficile l'examen du problème de la collaboration et de ses modalités de gestion. La subjectivité sous-jacente dans ces démarches freine l'accès à une com1aissance plus objective.

Même si la collaboration n'est pas une idée largement répandue, elle soulève néanmoins des sentiments très partagés. Au delà des prénotions, des idées toutes faites, des jugements expéditifs, il esl certainement possible de construire un référentiel qui situe et définit cette notion. Il est donc temps de mettre un peu d'ordre clans ces idées qui fw;ent et d'organiser, un peu, l'ensemble des données disponibles.

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De l'histoire d'une idée ...

La pluridisciplinarité, l'interdisciplinarité, ainsi que la transdisciplinarité sont des concepts qui apparaissent et se développent, ainsi formalisés, dès les années '60. Cependant l'idée d'une collaboration entre les disciplines scientifiques émerge d'une ancienne question de philosophie, l'unité de nos savoirs et de nos connaissances. Cette question a traversé l'histoire depuis la civilisation grecque jusqu'à nos jours prenant forme dans la réalité sociale sous des manifestations très diverses. Par ailleurs, ces concepts, comme tant d'autres, sont tributaires de ia configuration du savoir que nous reconnaissons aujourd'hui, soit de l'évolution de l'épistémè: il y a bien ancrage historique. Il s'agit maintenant de comprendre comment la collaboration disciplinaire a été portée par l'histoire des idées, d'une part, à travers l'épistémè et, d'autre part, sous l'angle de la question de l'unité des savoirs et des connaissances.

C'est à Foucault (1969) que nous devons l'étude de l'évolution de l'épistémè vers l'éclatement des savoirs que llùus recùrmaissons au­

jourd'hui. Seion îui, dans l'histoire du savoir, une première rupture intervient au cours du XVIIe où le savoir ne s'organise plus sur le principe de la recherche des similitudes mais se base sur l'identification des différences, soit une épistémologie de la comparaison. Cette orientation inédite conduit à l'émergence de nouvelles méthodes d'examen des faits et des phénomènes, de même elle construit une représentation différente du monde. C'est dans ce contexte que peuvent se développer les sciences et se forger une nouvelle organisation des savoirs. Ce mouvement se confirme au cours du XVIIIe et à partir du XIXe siècle le champ épistémologique

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se morcelle et s'éclate dans trois directions; les sciences mathématiques et physiques, les sciences qui "procèdent de la mise en rapport d'éléments discontinus mais analogues" et la réflexion philosophique. C'est l'envol des sciences humaines que Foucault voit comme un ensemble de disciplines aux frontières effacées, aux disciplines intermédiaires et mixtes, et dont l'épistémologie est périlleuse.

A travers son analyse, Foucault montre non seulement les différentes étapes qui nous amènent à l'organisation du savoir telle que nous la reconnaissons aujourd'hui, mais il nous livre une lecture possible de l'émergence des sciences humaines et de l'éclatement des disciplines scientifiques en trois axes qui formeraient le domaine de l'épistémè moderne. Mais nous voilà, aujourd'hui, face à des savoirs tenus pour éclatés et morcelés; que pouvons-nous comprendre de l'adaptation et des modifications de l'idée de l'unité des connaissances et des savoirs au cours de ce parcours? De même, que pouvons-nous comprendre des concrétisations envisagées pour répondre aux diverses préoccupations pendant les différentes phases identifiées?

C'est auprès de Gusdorf (1983) que nous pouvons chercher quelques éléments de réponse à ces questions. Il développe l'idée que l'exigence interdisciplinaire est inscrite dans le signalement de la connaissance depuis les origines du savoir en Occident et qu'elle est un facteur important dans le développement de la connaissance. Pour illustrer cela il renvoie à la science grecque et à l'université médiévale construites sur le principe d'un enseignement circulaire. Lui aussi associe à la Renaissance 1e développe­

ment de la science moderne et le début du démembrement du savoir. Il cite, en contre partie, les telltatives de Francis Bacon, de Leibniz et de Commenius de maintenir un senti ment d'unité. Au cours du XVIII la

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dislocation de la connaissance se poursuit et l'exigence interdisciplinaire se traduit par l'institutionnalisation avec la création des Académies et des Sociétés Royales, lieux privilégiés du rassemblement des savoirs. L'Ency­

clopédie de d'Alembert et de Diderot peut être aussi considérée comme un projet de regroupement des connaissances. Le XIXe confirme bel et bien le concept de savoir éclaté et la faillite de l'unité de la science. Gusdorf revendique alors un remembrement de l'espace mental dans son ensemble dont l'interdisciplinarité serait le support. Cependant, la réactualisation du thème interdisciplinaire n'est pas à considérer comme un progrès épistémo­

logique mais comme un "symptôme pathologique" lié à la "désagrégation de l'espace mental moderne".

Pour ce qui concerne les concrétisations contemporaines signalons le holisme dans les années '20 ou la cybernétique dans les années '50. Côté théorique, nous trouvons la théorie des jeux de Von Neuman et Morgens­

tein ainsi que la théorie générale des systèmes de Van Bertananffly et, côté méthodologique, le structuralisme développé par Lévi-Strauss et Piaget. A partir des années '60 divers centres pluri, inter ou transdisciplinaires sont créés, dont le plus proche de nous est sans doute le Centre d'Epistémologie Génétique de Piaget, considél'é comme un exeITIJJie piiuLe ùe Lrnvail interdisciplinaire.

Rappelons que la collaboration disciplinaire et ses modalités n'ont été formalisées, comme telles, que dans· la deuxième moitié de ce siècle. Par contre, comme nous l'avons vu, l'unité de la connaissance est un vieux thème. C'est à Gusdorf que revient une conclusion possible:

"Ces jalons anciens attestent que le thème de l'unité du territoire de

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la connaissance est une constante épistémologique. La revendication interdisciplinaire, chez nos contemporains, n'est que la réaffirmation de l'intégrité perdue; le projet d'un avenir de la science meilleur que le présent dissimule la nostalgie d'un passé oublié. Le projet de l'interdisciplinarité dessine d'âge en âge l'un des grands axes de l'histoire de la connaissance." (p.32)

... aux définitions courantes ...

Ce n'est pas les définitions sur la pluridisciplinarité, l'interdisciplinatité et la transdisciplinarité qui manquent. Tantôt succinctes et brèves, tantôt complexes et élaborées, elles présentent, lorsqu'on les met ensemble, une hétérogénéité surprenante. Chacun y va de son point de vue, de sa préoccupation et seuls quelques éléments se retrouvent d'un auteur à un autre. Face à cette diversité j'ai décidé d'analyser les différentes définitions recueillies dans l'idée de dégager les dimensions, les composantes éventuelles et les indicateurs utilisés pour l'illustration. C'est donc le résultat condensé de ce travail que je m'apprête à restituer.

Beaucoup de disciplines s'intéressent à celte question de la collaboration.

Dans les sciences exactes c'est une réflexion sur la pratique et la recherche qui domine alors qu'en philosophie l'approche est plus théorique et <1nalysc la collaboration en référence à l'unité des savoirs et des connaissances. Elle utilise donc dav,mtage la démarche diachronique (Gusdorf, 1 983; Res weber, 1981). L'approche théorique, développée par Piaget ( 1970) et Morin ( 1 990), porte essentiellement sur l'étude des relations entre les disciplines,

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notamment avec l'examen des frontières entre les disciplines et leur degré de perméabilité. Par ailleurs, ils évoquent l'idée d'une hiérarchisation des disciplines et des activités scientifiques. La collaboration disciplinaire est posée comme un moteur de la reconfiguration moderne des sciences et des savoirs. D'autre part, la démarche pragmatique, illustrée par Bottomore (1983), Karpinski (1972) & Palmade (1977), ou dont on trouve trace dans les actes de colloques, par exemple, travaille plus sur la notion de faisabilité ou sur la concrétisation de la collaboration disciplinaire sous une forme ou une autre.

Les termes de piuridiscipîinarité et de muîtidîsciplinarité apparaissent dans le courant des années '60 et sont considérés comme proches ou synonymes. Toutefois, le terme de pluridisciplinarité est plus fréquemment utilisé. La définition de la pluridisciplinarité, quel que soit le point de vue adopté, demeure simple et s'organise autour de deux dimensions, le niveau relationnel, c'est-à-dire le type de relation entre les disciplines, et la fonction de cette collaboration. L'idée centrale demeure la simple juxtaposition des disciplines. Cette juxtaposition, modeste mise en présence de plusieurs sciences, sans grande ambition, ne présente pas un grand intérêt méthodologique ou épistémologique et, c'est pourquoi, la pluridisci­

plinarité ne fait pas l'objet d'un examen exhaustif. La fonction de la pluridisciplinarité se résume à la convergence vers un même objet formel ou matériel par différentes approches. Le plus souvent, elle est explicitée en vue d'une comparaison avec l'interdisciplinarité afin d'appuyer les limites de la pluridisciplinarité par opposition à la richesse et aux possibilités prétendument illimitées de l'interdisciplinarité.

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"La pluridisciplinariLé est l'association des disciplines qui concurrent à une réalisation conunune, mais sans que chaque discipline ait à modifier sensiblement sa propre vision des choses et ses propres méthodes." (Delattre, 1977, p. 386)

Le terme d'interdisciplinarité appar�ît à la fin des années '60, soit en même temps que les termes de pluridisciplinmité et de multidisciplinarité.

Sa définition s'appuie sur cinq dimensions. D'abord on retrouve le niveau relationnel qui se traduit par une intégration des disciplines (Delattre, 1976; Piaget, 1972; Smirnov, 1983). Ensuite l'interdisciplinarité a des fondements dont la complexification et l'émiettement des savoirs et des connaissances, et des fonctions telles la réorganisation des domaines du savoir et la mise au point d'un cadre de connaissance plus global, ou encore l'épistémologie du complexe (Gusdorf, 1983; Morin, 1983; Piaget, 1972; Resweber, 198 1). L'interdisciplinarité s'applique à des domai11es théotiques avec les schémas conceptuels, par exemple, (Gusdorf et Morin) ou à des domaines pratiques avec la recherche (Bottomore, 1 983).

Finalement, l'interdisciplinarité peut avoir recours à un formalisme particulier pour assurer une bonne communication entre les disciplines.

Pour Piaget il s'agit des instruments logico-mathématiques et Morin opte, lui, pour le langage de la philosophie.

L'idée principale, qui apparaît comme une constante, est que l'interdiscipli-­

narité correspond à une intégration de cieux ou de plusieurs disciplines, une association en vue de produire une nouvelle connaissance pl11s élaborée et complète. Les raisons fondamentales du développement de l'i11Lerdisciplina­

rité seraient la complexification des savoirs et l'émiettement des connais­

sances ainsi que la sur-spécialisation des disciplines. Les fonctions premiè-

(24)

res sont la réorganisation des domaines du savoir et le développement d'une approche de la complexité de la réalité sociale.

L'interdisciplinarité est "la rencontre et la collaboration entre deux disciplines ou plus, chacune de ces disciplines apportant (au niveau de la théorie ou de la recherche empirique) ses propres schémas concep­

tuels, sa façon de définir les problèmes et ses méthodes de recherche.

... L'interdisciplinarité se développe à partir des disciplines elles­

mêmes, sans que l'on puisse prédire ni planifier son évolution: mais elle peut également modifier des disciplines, apportant parfois - ne serait-ce que tempornin,ment - une ceïtaine unité des Cûliuaissanœs, ou encore suscitant de nouvelles disciplines." (Bottomore, 1 983, pp. 9 &

18)

L'interdisciplinarité vise l'intégration des disciplines scientifiques ainsi que la production, à partir de cette rencontre, d'un plus, supérieur à la somme des parties.

Le terme de transdisciplinarité date des années '70. Précisons que le préfixe trnns- vient du lalin el siguifie au-delà <le, par-dessus. Le traitement de ce concept n'est pas aussi étoffé que celui de l'interdisciplinarité.

D'origine plus récente et faisant, actuellement, moins l'objet d'une réflexion systématisée, il présente une certaine fragilité et s'offre comme une ébauche qu'on souhaiterait voir se développer. La dimension, "champ d'application", est absente dans la littérature; en effet, la concrétisation d'un tel concept appartient encore à l'avenir ou est considérée, par les opposants, comme une illusion. La transdisciplinarilé prend ses racines dans l'interdisciplinarité mais se veut une étape supplémentaire dans la

(25)

démarche d'intégration des disciplines, celle qui consisterait à faire éclore une méta-science ou méta-discipline, avec une méthodologie et une épistémologie communes, capables de s'affronter à une pluralité de situations et de problématiques (Morin, 1983; Piaget, 1 972). La méthode et le langage transdisciplinaire visent donc la réunification des connaissan­

ces, unification basée sur l'utilisation de concepts et de théories communs.

"A l'étape des relations interdisciplinaires, on peut espérer voir se succéder une étape supérieure qui serait "transdisciplinaire" qui ne se contenterait pas d'atteindre des interactions ou des réciprocités entre recherches spécialisées, mais situerait ces liaisons à l'inté1ieur d'un système total sans frontières stables entre les disciplines." (Piaget, 1972, p. 144)

Pour conclure j'ai choisi de présenter les définitions qui ont été retenues par l'OCDE ( 1972). En effet, ces définitions ont beaucoup marqué les 20 dernières années et bien des auteurs y font référence.

"Phuidisciplinaire: juxtaposition de disciplines plus ou moins voisines dans un domaine de connaissances.

Interdisciplinaire: interaclion existant entre deux ou plusieurs discipli­

nes: cette interaction peut aller de la simple communication d'idées jusqu'à l'intégration mutuelle des concepts directeurs, de l'épistémolo­

gie, de la tem1inologie, de la méthodologie, des procédures, des rlonnées et de l'orga11isation de la recherche et de l'enseignement s'y rapportant. Un groupe interdisciplinaire se compose de personnes qui ont une formation clans différentes connaissances (disciplines) ayant

(26)

chacun des concepts, des méthodes données et des termes propres.

Transdisciplinaire: mise en oeuvre d'une axiomatique commune à un ensemble de disciplines." (OCDE; 1972, pp. 23-24)

Notons au passage que la pluridisciplinarité, l'interdisciplinarité et la transdisciplinarité s'organisent dans une logique allant vers une plus grande interpénétration des disciplines scientifiques.

Hormis la réflexion épistémologique centrée sur la conceptualisation de la collaboration, les textes indiquent également une réflexion sur la pratique et sur l'objectif d'action. Une préoccupation sociale autour de l'inter­

disciplinarité prend forme: on s'interroge sur les équipes interdisciplinaires en travail social ou dans les professions de la santé, on réfléchit à des expériences d'enseignement interdisciplinaire, et, surtout, on évalue la recherche interdisciplinaire. A partir de diverses expériences, menées au cour des dernières années, chacun cherche à dégager les obstacles théoriques, institutionnels ou pratiques de la recherche interdisciplinaire. De plus il fâut identifieï les conditiûns nécessaiïes püur atteindre un taux de faisabilité satisfaisant.

Karpinski (1972) avec sa revue des différents bilans qu'il a recueillis propose quelques recommandations pour les chercheurs à venir. Il identifie quatre types d'obstacles.

1. Les obstacles épistémologiques, soit les difficultés de communication entre chercheurs autour des connaissances théoriques, des concepts,

(27)

des cadres conceptuels, des méthodologies, des doctrines et des théories;

2. Les obstacles liés à la sous-culture disciplinaire: la principale difficulté, et celle qui compromet souvent la collaboration interdisci­

plinaire, est la loyauté à. la discipline d'origine. Lorsqu'un chercheur reste trop proche du paradigme de sa discipline, la communication et l'interfécondation disciplinaires sont mises en échec. La loyauté disciplinaire, selon Karpinski, semble liée à des conflits d'appaite­

nance (le chercheur ne sait plus de quelle discipline il est le représentant) ou à des sentiments de perte d'identité professionnelle, voire sociale;

3. Les problèmes structurels comme le statut professionnel des chercheurs ou la hiérarchisation dans le groupe, les procédures de prise de décision, la taille de l'équipe, les délais posés, les conditions de travail et de production;

4. Les problèmes institutionnels: les options retenues pour entreprendre la recherche interdisciplinaire peuvent différer. L'entreprise vise+

elle une orientation service/action ou une orientation recherche? La mesure de l'efficacité peut se heurter au coût de la démarche. La structure et les enjeux de l'institution, qui est le support de la recherche, peuvent avoir des effets sur l'organisation du travail (prise de décision, financement, clc).

(28)

... à l'architecture conceptuelle.

L'exploration des différents textes et l'étude des différents points de vue m'a amené à construire mon propre cadre théorique de référence. En premier lieu il convient de distinguer deux niveaux dans la collaboration entre disciplines scientifiques. Le premier, le niveau général, signale la présence ou la co-existence de plusieurs disciplines scientifiques. Cette pluralité disciplinaire peut être désignée sous le terme de co-disciplinarité.

Le deuxième niveau est celui des modalités différentes de collaboration, c'est-à-dire les différentes gestions possibles de cette pluralité.

NIVEAU GENERAL NIVEAU DES MODALITES POSSIBLES

PLURIDISCIPLINARITE

CO-DISCIPLINA RITE INTERDISCIPLINARITE

TRANSDISCIPLINARITE

(29)

Pour définir les différentes modalités de collaboration, j'ai opté pour une construction inductive des concepts, structure qui tienne compte de l'ensemble des dimensions et des composantes identifiées lors de l'analyse des textes. En effet ce n'est pas parce que les auteurs ne parlent pas des fondements de la pluridisciplinarité ou du formalisme en transdisciplinarité qu'ils n'existent pas a p1iori . .J'ai donc reconstruit les trois modalités de collaboration en utilisant la même structure conceptuelle. Ainsi, pour chaque concept j'ai assigné les cinq dimensions suivantes:

1. Le niveau relationnel ou l'organisation des relations entre les disciplines. Cette dimension renseigne sur le niveau de coopération et de coordination des disciplines;

2. Les fondements, distingués entre fondements sociaux et/ou fonde­

ments épistémologiques: ils expriment les arguments qui encouragent à la collaboration ainsi que les justifications avancées pour expliciter l'exigence d'un regroupement;

3. Les fonctions, également sociales et/ou épistémologiques, donnent les objectifs et les buls d'une modalité de collaboration. Elles sont souvent tributaires des fondements et forment, avec eux, un tout qui traduit la relation entre les nécessités et les finalités poursuivies pour chaque modalité;

(30)

4. Les domaines d'application qu'on peut répartir dans les champs théoriques (théorie) ou dans les champs pratiques (praxis): ils indiquent les lieux ou les concrétisations envisagés pour une collaboration disciplinaire;

5. Le formalisme reflète l'exigence ou non d'un langage commun, éventuellement le langage privilégié, ou d'autres moyens sélection­

nés en vue de développer la communication entre disciplines.

J'ai estimé que ces cinq dimensions et leurs composantes éventuelles étaient pertinentes pour les trois concepts et que seuls les indicateurs variaient. En fait ces dimensions fondent la co-disciplinarité, les variations marquent la différenciation associée aux modalités de collaboration. Les indicateurs qui figurent dans les tableaux ci-dessus ne sont pas exhaustifs, mais représentent un échantillon des positions possibles dont la sélection a été inspirée par les textes et des rencontres infonnelles.

(31)

. juxtaposition des disciplines NIVEAU RELA-

TIONNEL . cofüboration des sciences où chacun garde sa spécificiié

SOCIAUX . les demandes sociales

p FONDEMENTS

L . complexification des

u

connaissances

R EPISTEMOLOGI-

I QUES . surspécialisation dis-

D ciplinaire

s

I

C . répondre il des be-

I soins sociaux

p SOCIALES

L . réaliser un projet

commun I

N FONCTIONS

A R . convergence vers 1111

I même objet formel ou

T EPJSTEMOLOGI- mntériel

E QUES , élaboration de con-

naissances plus corn- lètcs

THEORIQUES

*

DOMAINES D'APPLICATION

PRATIQUES . prnjct de rc0cherchc

FORMALISME *

(32)

. intégratio11 des savoirs NIVEAU RELA- des disciplines

TIONNEL

. élaboration d'un cadre conceptuel . intégration de la

SOCIAUX technique à la vie sociale

FONDEMENTS �

I . complexification

N YEPISTEMOLOGT-� des connaissances

T QUES

E , sur spécialisation

D ''-

I . mettre les savoirs au

s

SOCIALES service de l'humanité C I

p

t

L FONCTIONS . r'éorganisalion de.5

I domaines du savoir

N A �EPISTEMOLOGI- . répondre à la corn- plexité

R QUES

I . création d'une unité

T di,s s:woirs

E

. méthodes, théories THEORIQUES et cadres conceptuels DOMAINES f-

-

D'APPLJCA TION

PRATIQUES • projets de recherche . techniques logico-

LJ

mathématiques

FORMALISME

. philosophie

(33)

T

R

A N

s

D I

s

C p L N A R I T

. concepts t:L 11 ones communs à toutes les

NIVEAU RELA- sciences

TIONNEL . axiomatique corn- mune aux sciences

SOCIAUX *

FONDEMENTS

. existence présuméè EPISTEMOLOGI de concepts généraux

QUES . unification des savoirs SOCIALES

FONCTIONS . rassembler les préoc cupations des dlvcrses EPISTEMOLOGI disciplines

QUES . théorie générale des connaissances

théorie des systèmes THEORIQUES

cybernétique DOMAINES

D'APPLICATION

PRATIQUES . recherche FORMALISME • mGlhématiques

* l'absence d'indicateurs pour certaines climensions est à mellre sur le compte de l 'avancement de la réflexion; si aujourd'hui il n'existe pas d'indicateurs précis, ces lacunes pourraient très bien se combler à l'avenir.

(34)

En dernier lieu, j'utilise la notion de facteurs d'influence, c'est-à-dire les éléments susceptibles de favoriser ou de freiner la collaboration entre disciplines ou encore d'influencer le choix d'une modalité ou d'une autre.

Pour cela je me suis inspirée des comptes rendus sur les expériences restituées et j'ai retenu quatre facteurs possibles:

1. Les facteurs épistémologiques: des questions méthodologiques, conceptuels ou théoriques;

2. Les facteurs structurels: les conditions et l'organisation du travail;

3. Les facteurs institutionnels: l'ancrage institutionnel, les options et les orientations poursuivies;

4. Les facteurs liés à la loyauté à un champ disciplinaire: l'apparte- nance à un chan1p disciplinaire ûü la lûyauté disciplinaire traduit l'identité de soi dans le champ d'une activité scientifique, identité qui est le produit d'une co-construction entre l'individu et les interactions sociales associées au champ ou à l'espace social qui les englobe. J'aurai l'occasion de reveni.r plus dans le détail sur cette notion.

(35)

Voilà les quelques composantes que j'ai retenues pour constrnire la structure conceptuelle. Les liens que j'établis entre ces éléments, pour repréciser ma problématique spécifique sur la collaboration disciplinaire en sciences de l'éducation et pour construire le modèle d'analyse, donnent le cadre théorique suivant: les sciences de l'éducation, organisées autour d'un objet complexe de connaissance, l'éducation, incitent à un regroupement disciplinaire. Ce regroupement désigne l'acte ou le projet de rassembler des disciplines scientifiques alors que la co-disciplinarité exprime le résultat de cette démarche, la co-existence observée et établie de plusieurs disciplines.

Se pose ensuite la question de la modalité de cette collaboration: le refus ou la disciplinarité, la pluridisciplinarité, l'interdisciplinarité ou la transdisciplinarité. L'option choisie peut être déterminée par des facteurs d'ordre épistémologique, structurel, institutionnel ou encore d'appartenance au champ disciplinaire. La modélisation du cadre se présente de la manière suivante:

(36)

OPTIONS DE COLLABORATION DISCIPLINAIRE

LES SCIENCES DE L'EDUCATION

EXIGENCE D'UN REGROUPEMENT

DISCIPLINAIRE 1

1 p N I

L T E

OBJET COMPLEXE DE CONNAISSANCE:

L'EDUCATION

u

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I I

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L p L I

1 L N

N I A

A R T E I N A R T I R T E I

E ._

-

FACTEURS INFLUENCANT L'OPTION DE CO[.,LABORATION EPISTEMOLOGIQUES

LOYAUTE DISCIPLINAIRE STRUCTURELS

INSTITUTIONNELS

R A N D

s

I

s

C p I L I N A R T I E

(37)

Questions et hypothèses de recherche

Ce travail a été initié par des questions sur les types de collaboration envisagés à ce jour et sur les modalités retenues par le corps professoral face au regroupement disciplinaire dans la Section des sciences de l'éducation. D'autres questions sur la pratique au sein des professeurs ont orienté l'enquête. Quelles sont les raisons évoquées pour expliciter le regroupement disciplinaire en sciences de l'éducation? Je voulais compren­

dre comment les professeurs expliquent la pluralité des sciences de l'éduca­

tion, le pourquoi de cette option et ce qui, selon eux, la fonde. Ensuite, existe-t-il, chez les professeurs, une notion de hiérarchisation de ces différentes modalités de collaboration? Cette question renvoie à la notion de la logique de l'interpénétration des disciplines. Finalement, quels sont les facteurs avancés pour argumenter le(s) choix d'une fonne de collabora··

tion entre les disciplines? Cette question cherche à identifier les obstacles et le degré de faisabilité d'une collaboration disciplinaire.

Suite à ces questions et sur la base de la construction théorique précédente j'ai avancé les hypothèses suivantes:

Hypothèse générale

La complexité et l'envergure de l'objet de connaissance, c'est-à-dire

! 'éducation, encouragent le regroupement disciplinaire.

(38)

Hypothèses spécifiques

Hypothèse No 1:

Les professeurs envisagent 4 options de collaboration disciplinaire: le refus ou la disciplinarité, la pluridisciplinarité, l'interdisciplinarité et la transdisciplinarité.

A partir du moment où des modalités différentes de collaboration sont nommées il s'agit de voir si la formalisation est identique à celle que j'ai exposée dans le cadre théorique, ce qui conduit à la deuxième hypothèse.

Hypothèse No 2:

On peut observer, dans le discours des professeurs, des écarts (glisse­

ments de langage) entre la modalité de collaboration nommée et le type d'intégration des disciplines développé.

L'écart se mesure par rapport à mon modèle de différenciation entre la pluridisciplinarité, l'interdisciplinarité et la transdisciplinarité. Ainsi ce que quelqu'un appelle inierdisciplinariié pourrait n'être que de la pluridiscipli­

narité, de mëme que la transdisciplmarité pourrait ëtre utilisée pour évoquer de l'interdisciplinarité.

Hypothèse No 3:

Les professeurs organisent ces modalités de collaboration hiérarchique­

ment dans une logique de plus grande interpénétration des disciplines et avec des degrés de faisabilité plus ou moins forts pour chaque cas.

(39)

Hypothèse No 4:

Les facteurs avancés pour justifier le choix d'une option s'agencent autour de problèmes épistémologiques, institutionnels, structurels et d'appartenance à un champ disciplinaire. Par exemple:

a. Les facteurs épistémologiques sont perçus comme des moteurs de la collaboration entre disciplines.

b. Les facteurs institutionnels et structurels sont des freins à la collaboration disciplinaire.

c. L'identité de soi dans une discipline influence, dans un sens comme dans l'autre, le degré de collaboration disciplinaire souhaité.

Le choix de ces exemples a été fait a priori et, par conséquent, est tout à fait arbitraire ou, au mieux, intuitif. L'enquête devrait amener des informations complémentaires pour comprendre dans quel sens les facteurs d'influence agissent sur les options.

Le modèle théorique s'achève ici avec la formulation d'un système d'hypothèses. Ces dernières ont été élaborées et posées, telles quelles, avant J'enquête. Elles conespondent à la conclusion de l'exploration bibliographi­

que. Il était important pour moi de conclure ce travail avant d'entamer les entretiens. En effet, rencontrer des professeurs d'université et m'entretenir avec eux sur l'épistémologie des relations entre disciplines n'est pas une démarche commune et facile. Il me semblait nécessaire de m'approprier d'un espace théorique, quelle que soil sa valeur, et d'en faire le mien avant

(40)

de me confronter aux repères théoriques de mes interlocuteurs. De plus, mon itinéraire à travers ce travail, consistait à construire un espace référentiel autour de la question de la collaboration entre disciplines scientifiques.

(41)

L'UNIVERSITE EN QUESTION

Quittons un moment la réflexion épistémologique pour nous rapprocher plus du terrain de l'enquête. C'est le moment d'aborder l'espace universi­

taire, les sciences de l'éducation et l'histoire de la Section. Cette contextua­

lisation correspond à la deuxième étape de la recherche. Après la construc­

tion des concepts qui s'enchevêtrent pour tisser le cadre théorique, vient le moment de la relativisation. A ce stade on peut inscrire les concepts dans un espace social défini par des institutions et des acteurs. La collaboration disciplinaire ne se pratique pas in abstracto et une réflexion sur les dimensions épistémologiques ne suffit pas pour cerner l'ensemble des enjeux. La relativisation nuance un peu les concepts et permet de se préserver d'une glorification des activités scientifiques, où les sciences seraient présentées détachées des milieux qu'elles nourrissent et qui les entretiem1ent: c'est la question des conditions sociales et institutimmelles de production des connaissances. De plus nous empruntons une voie qui s'apparente à la sociologie des sciences qui, selon Barreau (1990), est une dimension importante du concept complexe d'épistémologie.

L'espace universitaire

Il existe plusieurs lectures possibles de l'espace universitaire. En premier on peut se référer à l'histoire de l'institution universitaire comme le fait J.

Verger (1 98 1 ). Celle-ci prend forme au Moyen-,âge en Europe et a pour

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fonction l'enseignement des arts libéraux et de la théologie. Très vite elle se détache des autorités locales et obtient son autonomie de la papauté dont elle devient un interlocuteur privilégié et direct. Ces privilèges et ces libertés lui accordent un statut particulier et enviable dans la société. De la Renaissance au XVIIIe l'institution universitaire végète; l'enseignement se sclérose et l'université s'adapte mal aux transfom1ations sociales. Cepen­

dant elle reste garante de la reproduction sociale et assure la fonnation en théologie, en droit et en médecine.

A partir du XIXe, avec l'industrialisation, l'université se réfonne radicale­

ment. Verger obser,e qu'elle s'organise autour de deux fonctions, le développement de l'enseignement supérieur et la recherche scientifique. Les universités européennes se diversifient selon les contextes culturels. Par exemple, en France c'est la séparation avec l'Eglise qui marque l'institu­

tion; cette dernière cherche à créer une unité administrative d'enseigne­

ment. En Allemagne l'université évolue au coeur du romantisme et du nationalisme et elle valorise la fonnation théorique au détriment de la fonnation professionnelle. Au comraire, en Angleterre, l'université dispense une formation scientifique et technologique pour répondre aux besoins de

l ' � n rl1 1 C'h•·;,...1 ; ,., ,... . ; .,..., l UJ.UU..)'"J. .l(.Ul."JC.ll.lVll,

Marcacci (1988) nous rappelle que l'Université de Genève a pour ancêtre l'Académie de Calvin fondée en 1559. Celle-ci répond aux nécessités de la Réforme et au besoin d'enseigner la nouv.elle théologie. L'établissement garde son nom jusqu'au XIXe. L'école de théologie avec sa dogmatique calviniste atlire les étrangers et contribue au renom de Genève. L'Académie ne prend pas le statut d'université qui seul peut être octroyé par la papauté.

Au cours du XVIIe et du XVIIIe l'innovation intellectuelle et la recherche

(43)

scientifique échappent à l'Académie et la communauté scientifique gene­

voise se développe en marge. Avec l'avènement du radicalisme et de la Confédération Helvétique, le Grand Conseil vote en 1872 le statut d'Université. La réforme, dirigée par Carl Vogt, donne deux fonctions à cette nouvelle université, l'enseignement et la recherche. Cette option s'inspire des hautes écoles allernandes et respecte la tradition européenne des universités du XIXe.

A travers ce bref survol on peut comprendre comment les fonctions de l'université se sont modifiées au cours du temps. Au départ elles se centraient exclusivement sur l'enseignement et, dès le XIXe, intègrent la recherche scientifique. Qu'en est-il aujourd'hui du rôle et des finalités de l'université?

Le CERI (1982) (Centre pour la Recherche et ] 'Innovation dans l'enseigne­

ment), à travers une enquête auprès des universités des pays membres de l'OCDE, identifie trois fonctions: l'enseignement, la recherche et les services. Si les fonctions d'enseignement et de recherche sont connues, reste à définir la notion de service. Le CERI retient deux acceptions possibles: "Dans un premier sens, elle recouvre l'ensemble des activités de l'université et traduit simplement le fait qu'à la limite toute activité de recherche ou de formation est un service à l'égard de la collectivité". (p.

3) Cette orientation évoque les implications des autres fonctions de l'université. "La deuxième grande acception de la notion de service insiste au contraire sur l'autonomie de celle fonction." (p. 39) Dès lors le service a une fonction bien distincte des deux autres, parallèle, différente sur le plan structurel et dans ses finalités. Le développement du secteur <les services conduit à une redéfinition de la mission de l'université, mais elle

(44)

n'est pas sans poser la question du nouveau statut de l'objectivité, de la neutralité et du non-engagement traditionnellement attribués à l'université.

Il devient alors nécessaire de réfléchir sur la notion de besoin, sur le fonctionnement de l'université et sur le rayon d'action des services et de la complexité du réseau des échanges en refondant les relations que l'université entretient avec la collectivité.

Il n'y a pas que les fonctions qui permettent de définir l'institution universitaire. L'approche de Bourdieu (1984), qui considère l'université comme un champ, offre une autre lecture des interactions. Le champ universitaire est un espace à plusieurs dimensions construit autour du pouvoir. Lieu des luttes des classements, il s'agit de conserver ou de transformer les rapports de force, où les stratégies utilisées dépendent des positions de chacun.

Cette analyse montre que la compréhension de la structure du champ universitaire passe par l'identification des différentes positions, par l'étude du rendement des divers types de capital qui contribuent au capital universitaire et au capital de notoriété scientifique, par l'étude des jeux et des enjeux du pouvoir. Les différentes pïatiques, pïises entre le pôle mondain et le pôle scientifique, s'organisent en stratégies et les jeux du pouvoir donnent un sens aux activités. L'université n'est pas seulement des fonctions, l'enseignement, la recherche et les services, c'est aussi des individus (des agents) en interaction et dont les échanges évoluent autour d'un objectif, occuper une position favorable au sein du champ universitai­

re.

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Cette approche de Bourdieu, qui construit le champ universitaire en un espace à plusieurs dimensions évoluant autour du pouvoir et des positions des individus, permet un autre éclairage de la notion de loyauté discipli­

naire évoquée par Karpinski (1972). En effet, la loyauté disciplinaire est de l'ordre de la co-construction. Les positions individuelles, les rapports aux objets de connaissance inscrit� dans une discipline spécifique, se jouent dans l'espace complexe des relations universitaires et autres. La loyauté disciplinaire ne peut pas se lire comme une simple option personnelle, détachée de toute interaction. On n'est pas loyal ou déloyal; il vaudrait mieux parler de degré de loyauté qui oscille entre un attachement fort au paradigme de la discipline et le détachement. La position entre ces deux pôles est tributaire alors des types de capital (social, scolaire, universitaire, par exemple), de leur combinaison et de l'investissement des acteurs.

Les conditions sociales et institutionnelles de production des connaissances: la place de l'interdisciplinarité

L'institution universitaire s'inscrit dans une réalité sociale et ses activités font partie des activités sociales et humaines. Il est alors légitime de penser que la production des connaissances est liée à des conditions sociales et institutionnelles. En effet il est difficilement imaginable de pratiquer des activités scientifiques en suivant des règles précises pour garantir à coup sür l'émergence de nouvelles connaissances. L'histoire et le social vont également contribuer à l'évolution cles connaissances: par exemple, il est des objets qui sont valorisés par la recherche. On peut aussi évoquer l'idée d'une maturité des sciences qui favoriserait ou non les découvertes. Bref,

(46)

cette production des connaissances se réalise dans un espace complexe, historique, social et épistémologique.

Pour en revenir à la préoccupation de la collaboration disciplinaire, un certain nombre de questions sont envisageables autour de la production des connaissances. Certains pourraient voir une analogie entre la division du travail dans la production (le taylorisme) et l'émiettement des savoirs consécutif à la croissance exponentielle des connaissances. L'interdiscipli­

narité interviendrait alors comme un changement dans les rapports de production. Elle peut aussi être conçue comme un outil de la communica­

tion avec le milieu du financement de la recherche; clic revêtirait alors une fonction heuristique en vue d'améliorer la communication. Finalement, l'interdisciplinarité peut aussi conduire au décloisonnement de l'université.

Il me semble intéressant, dès lors, de discuter quelques articulations possibles entre l'interdisciplinarité et l'université.

Resweber (1981) pense, par exemple, que l'université a une place à jouer dans la gestion des savoirs et qu'elle est responsable de la synthèse des connaissances. L'interdisciplinarité devient une nouvelle méthode pour reconstruire la place de l'université dans l'espace cultuïel. La réflexlùn ûe Resweber demeure très philosophique et ce sont plutôt les finalités de l'université qui sont abordées. Un autre travail du CERI, plus empirique, fonde ses commentaires sur une étude du rôle de la pluridisciplinarité et de l'interdisciplinarité dans les universités.

Les résultats de leur enquête montrent que l'activité interdisciplinaire permet d'éclater le cadre des facultés et des départements universitaires.

Parmi les activités recensées on trouve l'enseignement et la recherche.

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