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Un bouillon de culture pour les sciences de l'éducation? : Le Congrès international d'éducation morale (1908-1934)

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Un bouillon de culture pour les sciences de l'éducation? : Le Congrès international d'éducation morale (1908-1934)

CICCHINI, Marco

Abstract

En 1965, Jean Piaget considère que le Congrès international d'éducation morale (1908-1934) a été un vecteur important de l'émergence de la pédagogie comme discipline scientifique. Cet article examine la place de ce Congrès (six réunions internationales périodiques) dans l'émergence et le développement des sciences de l'éducation au début du XXe siècle. Fondé sur l'analyse des actes, des publications et de sources manuscrites, il montre l'importance de ce Congrès sur l'internationalisation du mouvement éducatif, mais conclut que son rôle dans l'émergence d'une véritable science pédagogique a été marginal.

CICCHINI, Marco. Un bouillon de culture pour les sciences de l'éducation? : Le Congrès

international d'éducation morale (1908-1934). Paedagogica historica , 2004, vol. 40, no. 5/6, p.

633-656

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:91718

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ISSN 0030-9230 (print)/ISSN 1477-674X (online)/04/050633-24

© 2004 Stichting Paedagogica Historica DOI: 10.1080/0030923042000293698

Un bouillon de culture pour les sciences de l’éducation? Le Congrès international d’éducation

morale (1908–1934)

Marco Cicchini Université de Genève, Suisse

Taylor and Francis Ltd CPDH400504.sgm 10.1080/0030923042000293698 Paedagogica Historica 0030-9230 (print)/1477-674X (online) Original Article 2004 Stichting Paedagogica Historica 40 5-6 000000October 2004

On aura donc à résoudre, par divers moyens, cette difficulté centrale qui consiste à parler d’une discipline qui n’existe pas encore, mais qui va exister, et pour laquelle il faut bien qu’il y ait, dans les temps de sa genèse, des éléments qui soient en train d’en préparer le surgissement. (Pierre Favre, Naissances de la science politique en France, 1870–1914 (Paris, 1989), p. 14)

This article deals with the International moral education congress during its life period, 1908–1934. More specifically it examines the possible relationship between this Congress and the development of the educational science(s) as a disciplinary field. The study is mostly based on the proceedings and publications of the International moral education congresses. Inspired by historians/sociologists of sciences stressing the importance of the international dimension of scientific recognition, the analysis investigates the possible emer- gence of the educational science(s) in the context of the Congress. Four parts constitute this paper. A short introduction stresses first the problematic link between a congress devoted to educational matters, without exclusive scientific ambitions, and the emergence of a disci- pline of education, during the first decade of the twentieth century. The article then focuses on the aims and ideals of the instigators of the international moral. It points out the ambivalence between the internationality of the Congress, and the internationalism expressed by the activists of the movement, very close to the agenda of the international reconciliation, before and after the First World War. The second part goes into the proceed- ings of the six international congresses of the movement and gives a view of the socio-profes- sional profiles of the congress participants. It deals with the dynamic tensions between on the one hand the scientific or academic dimensions of the movement (participants, status of the debates) and on the other the field of practice or administration in the education field.

The third part concerns the content of the discussions held in the Congress, the general evolution of working themes and in particular the place occupied by university researchers or professors in education. Piaget declared as evidence in 1965 that the International moral education congress had been a vector of pedagogy as a scientific discipline. This arti- cle proposes to consider this Congress as a plausible but little productive culture medium of this emerging disciplinary field of education.

Cette étude s’inscrit dans le cadre plus large d’une recherche sur l’émergence des sciences de l’éducation comme champ disciplinaire en Suisse entre la fin du 19ème et la première moitié du 20ème siècle.1 Dit autrement, elle participe à une

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réflexion plus générale sur le processus de disciplinarisation qui a vu la constitu- tion d’une communauté scientifique autour d’objets d’étude, d’institutions de recherche et de formation, d’instruments d’échanges (revues, périodiques, congrès) et qui a progressivement adopté le nom de “sciences de l’éducation”.2 La question qui traverse plus particulièrement cet article est la suivante: dans quelle mesure et à quelles conditions le Congrès international d’éducation morale (1908–1934) a-t-il pu servir de terreau au développement des sciences de l’éducation?3

Congrès et champ disciplinaire

En 1965, Jean Piaget considère comme établi que la recherche scientifique, par nature qualifiée d’internationale, a contribué à rendre précisément internationale la collaboration en matière d’éducation, avant la Seconde Guerre mondiale. Sans se prononcer sur les conditions d’émergence ou d’existence institutionnelle d’un tel champ scientifique, Piaget donne à cette assertion un exemple: des chercheurs en psychologie de l’enfant et en “pédagogie comme discipline scientifique” ont

“naturellement organisé”, entre autres choses, le Congrès international d’éducation morale.4

Bien que l’opinion de Piaget nous y autorise, recourir à la dynamique congres- siste internationale comme expression du développement scientifique de la (des) science(s) de l’éducation ne va pas de soi. En tant qu’objets professionnels, administratifs, moraux, il se trouve que l’éducation, l’instruction et la pédagogie

1La recherche est soutenue par le Fonds national suisse de la recherche scientifique (1214- 065300.01), dirigée par Rita Hofstetter et Bernard Schneuwly, avec la collaboration de Lucien Criblez, Valérie Lussi, Martina Späni et moi-même, soit l’Équipe de Recherche en Histoire des Sciences de l’Éducation de l’Université de Genève (ERHISE). Je tiens à remercier les commentaires critiques que les membres de l’équipe ont apportés aux diverses versions du présent article.

2Ce terme est en usage dès 1912 à Genève, cf. Rita Hofstetter & Bernard Schneuwly,

“L’avènement d’un nouveau champ disciplinaire. Ressorts de l’universitarisation des sciences de l’éducation à Genève. 1890–1930” in: R. Hofstetter & B. Schneuwly (Eds.), Le pari des sciences de l’éducation (Bruxelles, 1998), pp. 79–115. Toutefois, au cours de cet article, nous avons adopté une terminologie indéterminée pour évoquer ce champ disciplinaire mouvant, respectant en cela la pluralité des désignations qu’il reçoit au début du 20ème siècle, dans les différents idiomes du Congrès, oscillant par exemple en français entre pédagogie, pédagogie scientifique, éducation scientifique, science de l’éducation ou sciences de l’éducation.

3Aux yeux des acteurs concernés, le terme singulier avec majuscule Congrès désigne de manière générique l’ensemble du mouvement, les réunions et les organes du Congrès inter- national d’éducation morale. Ci-après sera utilisée l’abréviation CIEM ou le terme Congrès.

Le singulier et le pluriel minuscules désignent spécifiquement une, ou quelques unes, des six réunions en congrès de ce mouvement.

4“Les chercheurs en pédagogie ont naturellement organisé des congrès internationaux, tels que les Congrès d’éducation morale qui se réunissaient périodiquement, et ont surtout constitué des groupements avec congrès réguliers tels que la Ligue pour l’éducation nouvelle, longtemps animée par Beatrice Ensor, et dont les travaux ont eu une importance considérable et se poursuivent encore aujourd’hui”. Jean Piaget, Psychologie et pédagogie (Paris, 1969) p. 167.

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n’échappent pas à l’engouement en vogue pour les congrès internationaux.5 Mais au début du siècle dernier, la pédagogie ne connaît pas de congrès interna- tional spécifiquement scientifique. A cette époque pourtant, les sciences de l’éducation modernes tendent à émerger, en même temps que les sciences sociales en général.6 Un autre problème consiste à définir l’aune à partir de laquelle on veut mesurer ce qui fait science dans un ensemble de discours, d’institutions et plus spécifiquement dans un congrès. Ces précautions énon- cées, et en évitant les pièges de la téléologie,7 n’y aurait-il pas dans le Congrès international d’éducation morale les germes de ce qui se dessine alors comme un champ disciplinaire aux contours certes encore flous, mais dont le devenir est potentiellement celui d’une discipline “qui va exister”?

A l’orée du 20ème siècle, les congrès internationaux apparaissent comme des rendez-vous dont la pratique est extrêmement diffuse, avec des règles spécifiques et des fonctionnements bien rôdés. Si l’on peut considérer les années 1860–1914 comme un âge d’or des congrès, leur dissémination connaît à partir de 1900, selon Rasmussen, un tournant qui les placerait dans une phase “organisatrice”. Des struc- tures bien précises et plus délimitées se mettent en place qui cadrent les congrès, tels qu’expositions universelles, mais aussi organes permanents des congrès, associ- ations de coopérations intellectuelle et scientifique ou même “superstructures expertes comme celles dont l’acte de naissance date de 1901, l’Association interna- tionale des Académies et le système des prix Nobel”.8 Ainsi, sur le versant du champ scientifique, le développement des congrès s’inscrit dans une dynamique plus large d’internationalisation de la science, qui se manifeste dès la fin du 19ème siècle par le développement des revues ou le déploiement transfrontalier des modes de productions scientifiques ou des moyens de financement de la recherche.9 Les congrès internationaux stimulent la circulation des personnes, des textes et des pratiques scientifiques grâce notamment à l’essor des transports et des moyens de communication. C’est ainsi que durant les décennies qui précèdent la Première Guerre mondiale ont été organisés les premiers congrès internationaux dans presque chaque discipline.10

5Cf. dans ce volume la contribution d’Eckhardt Fuchs. Voir également Marc Depaepe,

“Le premier (et dernier) Congrès international de pédologie à Bruxelles en 1911”, Bulletin de la Société Alfred Binet et Théodore Simon, LXXXVII, 612 (1987), pp. 28–54, sur le congrès international de pédologie (1911) soit “science de l’enfant” et non de l’éducation.

6P. Drewek & C. Lüth (Ed.), History of Educational Studies – Geschichte der Erziehungswissen- schaft – Histoire des sciences de l’éducation (Paedagogica Historica, Suppl. Series III, Gand, 1998), et plus particulièrement la contribution de Heinz-Elmar Tenorth, “Geschichte der Erzie- hungswissenschaft: Konstruktion einer Chimäre oder Historie einer erstaunlichen Karriere?”, pp. 3–20.

7On pense ici à “l’effet tunnel” contre lequel met en garde Stephan Collini, “’Discipline history’ and ‘intellectual history’. Reflections on the historiography of the social sciences in Britain and France”, Revue de synthèse, 3–4 (1988), pp. 387–399.

8Anne Rasmussen, “Tournant, inflexions, ruptures: le moment internationaliste”, Mille neuf cent. Revue d’histoire intellectuelle, 19 (2001), pp. 27–41.

9Yves Gingras, “Les formes spécifiques de l’internationalité du champ scientifique”, Les Actes de la recherche en sciences sociales, 141–142 (2002), pp. 31–45.

10Elisabeth Crawford, Terry Shinn & Sverker Sörlin, “The Nationalisation and Denational- isation of the Sciences: An Introductory Essay”, in: E. Crawford, T. Shinn & E. Sörlin (Eds.), Denationalising Science: The Contexts of International Scientific Practice (Dordrecht, 1993), pp. 1–42.

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Méthode, questions et démarche

L’étude des congrès scientifiques internationaux a souvent été abordée par les discours détachés des contextes institutionnels de leur énonciation, et est parfois confinée à une vision commémorative des disciplines. A distance d’une histoire intellectuelle préoccupée par la vie des idées,11 Rasmussen a proposé un cadre de réflexion attentif aux inflexions institutionnelles ainsi qu’“aux réceptions et appro- priations des œuvres et des pratiques”.12 Dans cette optique, elle a apporté une réflexion critique sur les différents processus à l’œuvre dans ces dispositifs qui règlent une partie des lieux d’échanges – voire de transferts – de savoirs, de pratiques ou de personnes, que sont les congrès. L’intérêt de cette perspective est de mettre en lumière les possibilités de communication scientifique offertes par les congrès, à travers les conditions et paramètres institutionnels sans pour autant négliger les aspects cognitifs et les controverses théoriques.

Une telle mise en “relation entre les idées, les hommes et les institutions” est une démarche désormais familière des historiens des sciences sociales, pour des problé- matiques débordant les congrès internationaux.13 Avec la notion de disciplinarisa- tion,14 processus dans lequel “se forment et se transforment” des disciplines scientifiques, ces dernières sont abordées dans leur imbrication aux institutions, aux réseaux de communication, à des corps professionnels régis par des normes, produisant et transmettant des connaissances, par le maniement de concepts préal- ablement définis, à travers des modèles théoriques et selon des méthodologies communes. Considérée sous cet angle, l’émergence des disciplines est soumise à des tensions qui agissent comme différenciation progressive des divers champs discipli- naires, contribuant à agir sur leurs frontières mais aussi sur leurs lieux d’intersec- tions, à l’intérieur comme à l’extérieur du système disciplinaire. Selon l’approche fonctionnaliste de Stichweh, ce processus prend la forme d’une double différencia- tion “interne” et “externe”, au cours duquel se délimitent les situations particulières de communication spécialisée, se forment des rôles de production particuliers et se constituent des systèmes sociaux propres.15 Sous un angle théorique plus critique,

11L’approche d’Annick Raymond – L’éducation morale dans le mouvement de l’Education nouvelle. Comment éduquer moralement un enfant? (Paris, 2002) – est représentative d’une telle histoire puisqu’elle s’est intéressée à une “idée”, l’éducation morale, au sein des congrès de la Ligue internationale pour l’Éducation nouvelle.

12Anne Rasmussen, “L’hygiène en congrès (1852–1912): circulation et configurations internationales”, in: Patrice Bourdelais (Ed.), Les hygiénistes. Enjeux, modèles et pratiques (XVIIIe–XXe siècles) (Paris, 2001), p. 213; “Jalons pour une histoire des congrès internation- aux au XIXe siècle: Régulation scientifique et propagande intellectuelle”, Relations interna- tionales, 62 (1990), pp. 115–133. On se référera également à Christophe Prochasson (Dir.), Les congrès, lieux de l’échange intellectuel (1850–1914), Mil neuf cent, 7 (1989); Claude Tapia, Colloques et Sociétés. La régulation sociale (Lille, 1981).

13Philippe Gottraux, Pierre-Antoine Schorderet & Bernard Voutat, La science politique suisse à l’épreuve de son histoire: genèse, émergence et institutionnalisation d’une discipline scientifique (Lausanne, 2000), p. 42.

14Rita Hofstetter & Bernard Schneuwly (Eds.), Science(s) de l’éducation. 19e–20e siècles. Entre champs professionnels et champs disciplinaires (Berne, 2002). Cf. également Claude Blanckaert,

“La Société française pour l’histoire des sciences de l’homme. Bilan, enjeux et ‘questions vives’”, Genèses, 10 (1993), pp. 124–135.

15Rudolph Stichweh, Études sur la genèse du système scientifique moderne (Lille, 1991), p. 44.

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les modalités de différenciation et d’autonomisation des disciplines sont envisagées comme les éléments d’une fermeture progressive du champ autour duquel se constitue un “droit d’entrée” – la maîtrise de méthodes ou de concepts spécialisés – qui finit par définir un “habitus” disciplinaire, soit un système de schèmes de perception et d’appréciation.16 Ainsi, comme le rappelle Bourdieu, “une discipline est définie non seulement par des propriétés intrinsèques mais par des propriétés qu’elle doit à sa position dans l’espace (hiérarchisé) des disciplines”.17 Les tensions agissent à l’intérieur du champ scientifique entre disciplines, et progressivement au cœur même du champ disciplinaire dont les problèmes et les connaissances se spéci- alisent voire se déplacent: ces tensions s’incarnent dans les rapports aux contextes institutionnels, aux demandes sociales et politiques.

Dans ce sens, le CIEM et les travaux qu’il a produits entre 1908 et 193418 ont été ici saisis comme un espace des possibles: le devenir de la forme disciplinaire des ques- tions d’éducation – telles qu’elles seraient traitées par des acteurs du Congrès investis d’un mandat académique – a été perçu comme potentiel et non nécessaire. Une telle précaution méthodologique, si elle s’appuie sur le développement récent de l’histo- riographie des sciences sociales, trouve en réalité un écho dans le contexte univer- sitaire du début du 20ème siècle, en plein processus de restructuration et de spécialisation. Pour ne prendre qu’un exemple exprimé par Charle, le modèle de l’universitaire-chercheur n’est alors nullement universel et dépend autant des tradi- tions académiques nationales que de la communauté disciplinaire d’origine.19 Ainsi, le cœur de l’analyse porte sur l’identité des acteurs du CIEM, en dégageant la posture à partir de laquelle les avis sont exprimés et en pointant subsidiairement les thèmes de discussion. A partir de la masse documentaire fournie par les actes des congrès – contributions imprimées, comptes-rendus officiels et discussions – une base de donnée de 695 entrées enregistrant les interventions effectives (correspondant à 667

16Pierre Bourdieu, Science de la science et réflexivité (Paris, 2001), pp. 128–136; Rasmussen,

“L’hygiène en congrès”, p. 224.

17Bourdieu, Science de la science, p. 131.

18Voici, dans l’ordre chronologique, la liste des publications retrouvées: Record of the Proceedings of the First International Moral Education Congress (Londres, 1908); Gustave Spiller (Ed.), Paper on Moral Education [1908] (Londres, 1909); Attie G. Dyserinck (Ed.), Mémoires sur l’éducation morale présentés au deuxième congrès international d’éducation morale (La Haye, 1912);

American Committee of the International Congress (Ed.), Second International Moral Education Congress, The Hague, August 22–27, 1912: papers contributed by American writers and review of recent American literature on moral education. S.l.n.d.; Attie G. Dyserinck (Ed.), Compte rendu du Deuxième Congrès international d’éducation morale à La Haye 22–27 août 1912 (La Haye, 1913);

L’éducation et la solidarité. Travaux présentés au Troisième Congrès international d’Éducation morale (Neuchâtel–Paris, 1922); L’esprit international et l’enseignement de l’histoire: études présentées au troisième Congrès international d’éducation morale (Neuchâtel–Paris, 1922); Rapports et mémoires.

Troisième congrès international d’éducation morale. Rapports et mémoires. Genève, 28 juillet–1 août 1922 (Genève, 1922), 2 vols; IVème Congrès international d’éducation morale. Rome 1926 (Rome, 1926), 3 vols; The Executive Council’s Report to the Fourth International Moral Education Congress, Rome, 1926 (Londres, 1926); Frederick J. Gould (Ed.), International Moral Education Congress at Rome. Summary of Papers and Discussions (Londres, 1927); Cinquième congrès international d’éducation morale (Paris 1930) (Paris, 1930–1931), 2 vols; Ve Congrès international d’éducation morale. Paris (1930).Compte rendu et rapport général (Paris, 1930); Résumés de communications présentées au congrès de Cracovie. 1934 (Bydgoszcz, 1934), 2 vols.

19Christophe Charle, La République des universitaires. 1870—1940 (Paris, 1994), chap. 8.

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intervenants) a pu être constituée.20 A cet outil de mesure quantitative a été joint une analyse des propos tenus sur l’organisation du CIEM, sur ses objectifs, ses projets et son fonctionnement.21

Trois indicateurs d’un “bouillonnement” disciplinaire des sciences de l’éduca- tion au sein du CIEM sont explorés. Le premier indicateur est centré sur la réalité internationale du mouvement d’éducation morale, sur les fondements et les dével- oppements de son internationalité. Deuxièmement est interrogée la dynamique de la tension dite externe, entre champ scientifique et champ de l’administration ou de la pratique. Le troisième indicateur est construit autour des frontières discipli- naires au sein du système scientifique et de la spécialisation du discours péda- gogique par rapport aux champs disciplinaires voisins – ou en son sein même – soit la tension “interne”. Au total, on verra que le CIEM connaît de plus en plus un ancrage ambivalent au champ académique, en contribuant à définir un lieu de débat, de “bouillonnement”, pour le développement des approches scientifiques aux thématiques éducatives, mais ne demeurant finalement qu’un vecteur marginal du développement disciplinaire de la (des) science(s) de l’éducation.

L’éducation morale: dispositions et volontés internationales

Au cours de son existence, le CIEM s’est réuni en congrès international à six reprises dans autant de villes européennes: après Londres en 1908, il se retrouve à La Haye (1912), à Genève (1922), à Rome (1926), à Paris (1930) et finalement à Cracovie (1934). D’une impulsion enthousiaste anglaise est né un mouvement, organisé en Congrès, qui parcours l’Europe. C’est ainsi que F.J. Gould, membre très actif du mouvement dès 1908, écrira d’une formule lapidaire la réussite du CIEM au lende- main de la réunion de 1934. En ce sens, le bilan positif dressé par Gould renvoie à la volonté affichée dès le départ par les animateurs du mouvement en faveur d’un développement international du Congrès. La charte de principe adoptée en 1912 – servant à expliciter les objectifs et fondements du CIEM – ne dit-elle pas que “le Congrès a pour but d’organiser la coopération de tous ceux qui, sans acception de race, de nationalité ou de croyance, veulent travailler au progrès de l’éducation morale”? La “coopération” en matière d’éducation morale s’adresse à la diversité non pas seulement nationale mais inclut également ceux qui ne se reconnaissent pas dans le principe des nationalités (ou qui en sont privés), identifiés par une race ou une croyance. Le CIEM entend définir un espace d’échange qui se veut dénué

20Les interventions effectives sont celles dont la trace écrite subsiste, qui ont été faites lors des sessions officielles du CIEM et qui sont généralement identifiables par des titres de com- munications. Certaines interventions, à l’origine orales et dépourvues de titre, présentent un discours substantiel sur l’objet en débat et ont été également enregistrées. N’ont en revanche pas été saisies les interventions qui ont eu lieu lors des sessions de travaux administratifs ou lors des banquets (vœux, remerciements). Pour enregistrer l’évolution au fil des années des statuts individuels et professionnels, les identités des personnes ont été enregistrées pour chaque congrès et non une fois pour toute, mais une fois par congrès. Ce qui signifie que par

“intervenant” on entend une personne s’exprimant par une intervention au moins une fois dans un congrès du CIEM.

21Ce travail est fondé essentiellement sur le dépouillement des actes imprimés du CIEM, complété par le fonds des Archives Institut Jean-Jacques Rousseau à Genève.

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d’a priori, quels qu’ils soient, pourvu que la promotion de l’éducation morale soit à l’ordre du jour.

London calling

Comme tout mouvement d’envergure internationale, le CIEM n’émerge et ne vit pas dans un état de spontanéité: il est l’émanation de sociétés instituées et il va se doter d’organes pour assurer sa continuité par un essor international. A la base, le mouvement est essentiellement anglais, voire même londonien.

A l’instar de la plupart des pays européens, un débat sur une éducation morale distincte ou tirée de l’éducation religieuse est à l’ordre du jour en Angleterre au moment de l’obligation scolaire et du développement des écoles publiques.22 L’intérêt pour l’éducation morale à cette époque n’est certes pas l’apanage des pédagogues d’Outre-manche – il suffit de penser à l’intitulé des cours dispensés dès 1902 par Durkheim à la Sorbonne. Que ce soit pour suppléer aux cours de religion dans les écoles publiques de plus en plus nombreuses ou écarter les craintes d’anomie sociale, éducateurs et pédagogues s’inquiètent de l’éducation morale. A Londres, cette question est relayée par l’International Union of Ethical Societies – qui a comme objectif de promouvoir les facteurs éthiques dans toutes les relations de la vie humaine par l’entremise de sociétés morales – et surtout par la Moral Instruction League. Cette dernière, formée de pédagogues proches de l’organe international des sociétés morales, obtient d’ailleurs gain de cause auprès des pouvoirs publics avec la promotion officielle de cours d’éducation morale.23

Dès l’automne 1907, l’International Union, sous l’impulsion de Felix Adler, réunit un aréopage de personnalités politiques et pédagogiques européennes susceptibles de garantir la tenue d’un Congrès international d’éducation morale. Autour de ce premier groupe, sorte de ballon d’essai, se constitue un comité exécutif composé de pédagogues londoniens et animé conjointement par Gustave Spiller, secrétaire de l’International Union of Ethical Societies, et par St George Lane Fox Pitt, trésorier de la Moral Instruction League. Sous cette double impulsion d’individus et d’institutions, le premier véritable congrès a lieu en 1908 à Londres. Celui-ci est un franc succès en terme de participation et les congressistes se promettent de pérenniser le mouve- ment par la constitution d’un organe permanent en résidence dans la capitale anglaise.

Un Comité international, cellule permanente et coordinatrice du mouvement de l’éducation morale, est donc mis sur pied. Il se compose de six représentants britanniques issus de l’organisation du premier congrès (J.A. Adamson, S. Bryant, G. Spiller, M. Sadler, S.G.L. Fox Pitt, H. Johnson), de deux français (E. Boutroux, L. Bourgeois), de deux allemands (W. Foerster, G. Kerschensteiner), de deux

22Comme le signale en 1908 la Revue pédagogique, les autorités administratives anglaises pren- nent depuis quelque temps en charge l’enseignement primaire, ce qu’elles avaient laissé “le plus longtemps possible à l’initiative privée, et particulièrement à celle des diverses églises”, Revue pédagogique, LII (1908), p. 23.

23H.J. Bridges (Ed.), The Ethical Movement: Its Principles and Aims (Londres, 1911). Un décret du ministère de l’éducation de 1906 stipule que: “Moral instruction should form an important part of every school curriculum”.

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américains (F. Adler, N. Murray Butler) et d’un italien (F. Orestano).24 Si la représentativité géographique de ce Comité s’avère très parcellaire, la présence d’ambassadeurs de la réconciliation et de la coopération internationale au sein de l’organe centralisateur du CIEM est remarquable.25 Au fil des ans, le Comité, trans- formé entre-temps en Conseil exécutif international, continue de renforcer ses propres rangs sur des bases susceptibles d’assurer une assise structurelle, par l’élar- gissement des membres et donc des réseaux de soutien, tout en cherchant à souligner la dimension internationale du mouvement.26 En 1927, le Conseil exécu- tif international comprend près de cinquante membres de dix-neuf pays différents.

La diversité géographique est complétée par des membres originaires d’Europe centrale, de Scandinavie et d’Asie.27

Toutefois, les réunions du Conseil exécutif international ne sont qu’épisodiques et son action s’en trouve limitée. Pour coordonner les initiatives prises dans le monde entier en faveur de l’éducation morale, et pour constituer un centre d’infor- mation et de documentation, le CIEM, depuis 1908, tente d’instaurer un Bureau international d’éducation morale. Divers projets sont en discussion en 1912 et en 1914. Le Conseil exécutif international fait alors le vœu qu’un tel organe soit en lien avec un “general International Bureau of Education”.28 En veilleuse pendant la guerre, ces projets trouvent un premier écho dans la mise sur pied à La Haye d’un tel organe en 1921 que le CIEM avalise au congrès de 1922. Les difficultés de fonc- tionnement et de financement poussent le comité national néerlandais à y renon- cer. Sollicité pour reprendre le Bureau, Adolphe Ferrière accepte dès l’automne 1924 le transfert à Genève, dans la ville de la SDN, avec l’accord du Conseil exécutif international.29 Inauguré en décembre 1925, sous la direction de P. Bovet, l’institu- tion prend alors le nom de Bureau International d’Éducation.30 Si le congrès de

24Compte rendu du Deuxième Congrès international d’éducation morale à La Haye 22–27 août 1912 (La Haye, 1913), p. 202. Wilhelm Foerster est le père du pédagogue Friedrich Wilhelm Foerster.

25Il n’est pas inutile d’avoir à l’esprit le contexte favorable à l’entente internationale qui naît suite à la conférence pour la paix de La Haye de 1907. Ont participé activement à celle-ci des membres influents du Comité exécutif international comme Léon Bourgeois et Nicolas Murray Butler. On ne peut que signaler ici en passant que tous deux ont reçus le prix Nobel de la paix, respectivement en 1920 et en 1931. Ajoutons à ce palmarès Ferdinand Buisson, prix Nobel de la paix en 1927, qui participe activement aux deux premiers congrès du CIEM et qui devient membre du Conseil exécutif international au lendemain de la Première guerre mondiale.

26Les postes clefs de l’organe permanent (présidence, secrétariat, trésorerie) seront con- fiés uniquement à des Anglais, lesquels seront proportionnellement largement sur- représentés au sein du Conseil exécutif international. Gould justifie cet état de fait en rappelant que les réunions se tiennent à Londres (AIJJR, FG 4 D, “Minutes” du 23 avril 1922).

27AIJJR AF 141, “Minutes” du 21 juin 1927.

28Saint George Lane Fox Pitt (Ed.), Free Will and Destiny. With Open Letter on the International Moral Education Congress and League of Nations by Frederick Pollock. Appendix by Frederick J. Gould (Londres, 1920), pp. 77–79.

29AIJJR, Fonds Ferrière, 141, “Notes” de F.J. Gould du 28 octobre 1924.

30La question de cette paternité du BIE, ou du moins de cette parenté, reste à élucider dans le détail: son premier président Pierre Bovet n’évoque que les initiatives de Claparède et Zollinger présentées au CIEM à La Haye et à Genève: Vingt ans de vie. L’institut J.-J. Rousseau de 1912 à 1932 (Neuchâtel–Paris, 1932), pp. 160 et suivantes; pp. 171 et suivantes.

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Rome consent au transfert, il se trouve en réalité devant un fait accompli: le Bureau, qui prend alors les initiales de BIE, est indépendant et collabore selon son bon vouloir avec le CIEM.

A partir de 1927, les dissensions parmi les premiers coordinateurs du CIEM et les difficultés financières du Conseil exécutif international en détériorent l’action et en précipitent le déclin. D’une part, le problème du financement de ce Conseil, indépendant du financement de chaque congrès du CIEM, est récurrent.31 Pour pallier ce problème chronique, le Conseil nomme un trésorier, Fox Pitt, chargé de trouver les fonds nécessaire à son fonctionnement pour les années 1926–1930.

D’autre part, des tensions surgissent entre membres du Conseil exécutif interna- tional, qui prennent pour prétexte le but et la base du congrès mais qui portent en réalité sur les perspectives de survie du mouvement.32 Au moment du congrès de Paris, le Conseil est revivifié un temps par un Comité britannique dirigé par Gould et Spiller. En revanche, si le dernier congrès de Cracovie est organisé comme de coutume par un comité national, il n’a aucun lien avec Londres: c’est de Genève, du Bureau International d’Éducation, que viennent les instructions et les chevilles ouvrières du congrès.33 Paradoxalement, au moment où l’internationalité de l’éducation morale trouve un relais hors de la capitale anglaise, le mouvement s’effondre. Quelles sont les raisons internes et externes de ce dénouement? Pour- quoi le mouvement s’est-il dissout après le congrès de Cracovie de 1934? De telles interrogations, pour stimulantes qu’elles soient, dépassent le cadre de cette contri- bution et ne peuvent que signaler une lacune de l’historiographie à ce sujet:

l’histoire institutionnelle du CIEM reste à faire dans le détail.

Internationalité et internationalisme

Les appels du CIEM en faveur d’une participation internationale à la cause de l’éducation morale trouvent un écho non négligeable dans le public qui peut se mesurer à partir de la répartition par origine géographique des intervenants aux six sessions du CIEM (cf. tableau 1).

Globalement, les délégations nationales sont proportionnellement fidèles à l’origine géographique du Conseil exécutif international, à deux exceptions près:

les délégués états-uniens sont moins présents dans les congrès qu’au sein de l’exécu- tif, la distance ayant certainement joué un rôle négatif quant à leur investissement physique au sein du mouvement. A l’inverse, la Belgique est en grande partie absente de la direction du mouvement mais bien représentée dans les congrès.34 Si

31Pour l’essentiel, la coordination de Londres était financée par des dons ponctuels de ses membres. Venant en aide au Conseil en 1924, Sadler remet même le bénéfice des ventes d’une enquête internationale de 1907 qui avait servi de base au premier congrès d’éducation morale.

32Fox Pitt accuse Spiller de vouloir revenir sur la base du congrès. Le désaccord surgit entre Fox Pitt d’un côté et F.J. Gould et Gustave Spiller de l’autre. Gould renonce à son poste de secrétaire en novembre 1927 probablement en réaction à la solution de financement qui émerge avec la dotation Carnegie. Fox Pitt, en effet, trouve un accord financier, sous la condition de transférer l’organisation du congrès de Paris entre les mains de la fondation.

Cf. Lettre de la Ligue français d’éducation morale du 1 février 1928, AIJJR AF 142.

33Marie Sokal, Christian Tait. Cf. Bulletin du BIE, 1934, nos 30, 32, et 33.

34A l’exception de Joseph Corman, directeur général de l’enseignement primaire à Bruxelles, au Conseil exécutif international entre 1919 et 1923.

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la diversité des délégations est indéniable, il reste que la proportion des intervenants des différents pays paraît se manifester en grande partie en lien étroit avec les six pays d’accueil différents du CIEM. La diversité des lieux du Congrès a un effet direct sur la répartition géographique des intervenants.

L’organisation effective des congrès dans chacune des villes choisies est confiée à des comités nationaux, structurés en comités exécutifs ad hoc. Depuis Londres, le Conseil exécutif international, par les voix de ses présidents ou secrétaires, joue un rôle déterminant, déjà, sur le choix des pays et villes d’accueil: seuls les congrès de Rome et dans une certaine mesure Paris ont été décidés de manière publique lors des travaux administratifs d’un congrès. Ainsi le choix des villes procède le plus souvent de stratégies complexes plus que de la seule vivacité du questionnement sur l’éducation morale en un lieu déterminé. Alors que Paris est prévu pour succéder à Londres, d’abord l’acuité du conflit religieux puis la vivacité des tensions nationales au lendemain de la guerre mondiale reportent le 2ème congrès à La Haye, puis le 3ème à Genève. En février 1920, les membres français du CIEM sont encore à pied d’œuvre pour l’organisation d’un congrès à Paris en 1921. Sans que l’on en connaisse exactement les raisons, c’est un comité genevois qui hérite de l’organisa- tion de ce 3ème congrès au sein de la ville de la Société des Nations (SDN).35 Non par hasard, une session du congrès aura d’ailleurs lieu à la SDN.36

Une fois les lieux déterminés, l’organisation de chacune des sessions du CIEM revient à des comités nationaux du pays d’accueil. Ceux-ci n’ont cependant pas une totale liberté d’action dans l’organisation des réunions. D’une part, chacun

35“Minutes” du 5 février 1920, in Saint George Lane Fox Pitt (Ed.), Free Will and Destiny, p. 84. A. Reymond affirme que ce choix est déterminé par l’objectif “d’introduire plus de pratique dans les débats sur l’éducation morale”: Annick Raymond, L’éducation morale dans le mouvement de l’Éducation nouvelle, p. 39.

36Il est très vraisemblable que Genève est essentiellement perçu comme lieu emblématique de la réconciliation internationale: une raison hautement symbolique présiderait donc à cette destination. Signalons à ce propos que le Conseil exécutif international de Londres découvre les travaux de P. Bovet, A. Ferrière et E. Claparède alors que l’organisation du congrès est déjà attribuée à Genève: “Minutes” du 21 septembre 1921, AIJJR, FG 4D.

Tableau 1. Origine géographique des intervenants1 Grande-

Bretagne 99 Autriche 17 Finlande 3

France 91 États-Unis 12 Japon 3

Suisse 63 Espagne 11 Suède 3

Pays-Bas 60 Russie 10 Bulgarie 2

Pologne 42 Tchécoslovaquie 9 Égypte 2

Italie 40 Inde 8 Yougoslavie 2

Allemagne 36 Roumanie 7 Chine 2

Belgique 35 Danemark 6 Autres,

indéterminés 75

Hongrie 23 Norvège 6 Total 667

1L’origine nationale des intervenants est déterminée par le lieu d’exercice professionnel et non par la nationalité.

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des congrès s’organise en fonction de résolutions prises lors de sessions précé- dentes. D’autre part, le Conseil exécutif international et le comité national élaborent le programme et les thèmes à traiter d’un commun accord, le premier ayant sur ce point autorité. Le choix des thèmes procède alors d’un compromis subtil essentiellement piloté par le Conseil exécutif international, un des objectifs étant pour ce dernier d’intéresser autant de délégations nationales que possible.

Le rôle de F.J. Gould, secrétaire très actif du Conseil exécutif international entre 1919 et 1927, est par exemple déterminant durant la préparation du congrès de Genève. Suite à la conférence préparatoire de septembre 1921, il transmet une liste de suggestions thématiques provenant de France, des Pays-Bas, d’Angleterre et des États-Unis. On y trouve des thèmes concernant l’enseignement de l’histoire, l’éducation morale des adolescents, les questions de sexualité, l’action civique, et l’action de la SDN. Le consensus se forme pour aborder finalement les deux thèmes de “L’esprit international et l’enseignement de l’histoire” et “La solidarité et l’éducation” qui, adéquatement formulés, semblent favoriser l’inclusion des Allemands, encore sujets au boycott international.37

Ces quelques exemples, parmi d’autres, concernant le choix des villes ou des thématiques, sont emblématiques du volontarisme internationaliste des animateurs du mouvement. La promotion de l’éducation morale dans le concert des nations prime sur la congruence entre un objet, ses thèmes sans cesse réactualisés et un lieu institutionnellement actif au développement du débat. L’internationalité du mouve- ment apparaît en somme comme étant moins un effet de la vitalité des discussions sur la question de l’éducation morale qu’une véritable fin, voire un idéal, en soi. Une note de F.J. Gould adressée aux organisateurs du congrès de Genève permet d’illus- trer ce rapport de déséquilibre entre la volonté d’établir une configuration interna- tionale au Congrès, véritable priorité des leaders du mouvement, et la valorisation per se de la qualité ou de la pertinence des interventions. Alors qu’un contingent de vingt-cinq interventions est fixé pour traiter de l’une des thématiques du congrès (“Solidarité et education”), Gould affine le contingentement et préfigure de la manière suivante le profil des intervenants: “3 English (Indian), 3 American, 3 German, 3 French; and the rest selected for educational value, no matter from what nationalities”.38

Entre valorisation du Congrès par la science et validation scientifique dans le Congrès

Comme cela a déjà été dit en introduction, dessiner les contours institutionnels et conceptuels d’un congrès relève d’un délicat exercice de taxinomie. Au début du

37Entre la conférence préparatoire des 1–2 septembre et le 21 septembre 1921, Gould par exemple change les termes de “motive” par “spirit” arguant que ce dernier terme “will please the German” (AIJJR, FG4 D, 21 septembre 1921).

38AIJJR, FG 4D, Lettre de F.J. Gould à Henri Reverdin (secrétaire du congrès de Genève) du 3 octobre 1921. Dans un même souci de répartition internationale des interventions, Gould écrira le 29 décembre 1921 à Ferrière à propos du congrès de Genève à venir: “We note with some concern that (perhaps by accidental omission) no place is given to China, Brazil, Holland, Spain, Czeko-Slovakia, British Dominions (Canada, etc)”. Et il ajoute, pour bien souligner l’importance de sa remarque, “the more nationalities contribute to the publications of the Congress, the wider will by the interest created” (AIJJR, FG 4D).

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20ème siècle, l’éducation, et a fortiori l’éducation morale, est sans aucun doute un mot au carrefour de différents domaines du monde social: domaine administratif, pratique éducative ou champ académique lui réservent chacun une portion de leur espace. Dès lors, départir les inflexions scientifiques (produites par des scienti- fiques) d’autres modes d’appréhension de l’éducation morale revient à trier, classer des interventions et sans doute y a-t-il le risque de réifier les différents modes de participation au Congrès. Un autre problème, comme on le verra plus loin, concerne la division des fonctions professionnelles – universitaires, délégués gouvernementaux, militants associatifs – car la plupart des individus investissent le CIEM non sans une certaine ubiquité. En effet, même si les intervenants se départ- agent entre des délégués de sociétés éthiques, des ambassadeurs d’État, des péda- gogues reconnus, des philosophes, des juristes, etc. il arrive fréquemment que ces fonctions soient cumulées par une même personne.

Le mot d’ordre, dès les premiers congrès du CIEM, a fait valoir l’ouverture vers toutes les approches et toutes les personnes susceptibles d’être intéressées par l’éducation morale. La “base” du Congrès telle qu’elle est définie par la charte adoptée en 1912 indique qu’“à tous ceux qui s’intéressent à l’éducation morale, quelles que soient leurs convictions religieuses ou morales, leur nationalité ou leur point de vue, il donne une égale occasion d’exprimer leurs opinions et de les confronter avec celles d’autrui”. Le CIEM se garde bien de préciser quels types d’intervention, et sous quels angles d’approche, les points de vue sur l’éducation morale méritent d’être exprimés. A ce vœu pieu fait pourtant écho une première restriction qui intervient après la guerre: non seulement le nombre d’intervenants est volontairement limité mais surtout les objets de discussions sont désormais canalisés à travers des thèmes prédéfinis, et non plus laissés à la libre appréciation de chacun.39

A Genève en 1922, le CIEM invite donc à discuter de deux questions, déjà évoquées, qu’il soumet publiquement près d’un an avant la réunion. Si le premier thème (l’“Esprit international et l’enseignement de l’histoire”) résulte des motiva- tions internationalistes des membres du Conseil exécutif international et des espoirs mus par la création de la SDN, le second est une adaptation d’un thème prévu pour le congrès parisien de 1916 qui n’eut pas lieu. En compilant les diverses propositions de thèmes, le CIEM fait glisser la formation morale de l’adolescent à la “Solidarité et l’éducation”. A Rome en 1926, la question de l’enseignement de l’histoire est reconduite, aux côtés d’une interrogation sur la notion de personnalité et de la ques- tion d’un code moral universel pour l’éducation. Le congrès de 1930 à Paris s’intéresse à nouveau à l’enseignement de l’histoire, en même temps que sont soumis les problèmes de “La part à faire à la discipline et à l’autonomie dans l’éducation morale” et “Les divers procédés de l’éducation morale”.

Ainsi, en prescrivant les thématiques à l’honneur de chacun des congrès, le CIEM dévoile de la sorte les préoccupations qu’il considère comme prioritaires. Les thèmes abordés dans l’après-guerre reflètent en premier lieu la catastrophe de la Première Guerre mondiale. A travers l’enseignement de l’histoire, l’esprit de soli- darité et le code moral universel, les congrès de Genève et de Rome cherchent à panser par l’éducation les plaies du conflit mondial, se montrant proches des idéaux de la SDN. Paris, en questionnant la notion de liberté, place le débat sur le terrain

39Cf. le “Report of the preliminary conference”, octobre 1921, AIJJR, FG 4A.

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des méthodes dites “actives” ou de “l’éducation nouvelle”. Le dernier congrès de 1934 à Cracovie n’aborde plus qu’un thème, “les forces morales, communes à tous les hommes, leurs sources et leur développement par l’éducation” censé rappeler la

“foi fondamentale” qui anime le mouvement d’éducation morale. Au moment où l’œuvre de la SND paraît s’effriter et que les tensions internationales se ravivent, le congrès de 1934 propose pour thème une formule qui est “une profession de foi mais aussi un cri d’alarme”.40

Cette manière de plaquer les thématiques de discussion aux contextes socio- politiques plus qu’aux débats strictement d’éducation morale est a priori un para- doxe dans la mesure où dès le début des années 1920, les personnalités dirigeantes du CIEM cherchent à concentrer les discussions. Ce resserrement thématique est en fait le pendant d’un dispositif d’ensemble de limitations qui touchent également le nombre d’intervenants pour chaque congrès. Effet de cette fermeture ou processus indépendant, il apparaît parallèlement que le nombre total de participants aux congrès de l’après-guerre est nettement inférieur aux deux premières réunions.

Alors que les congrès de Londres et de La Haye réunissaient chacun autour de 2000 participants, le chiffre est de 500 en 1922, de 400 inscrits pour 1926 et de 350 en 193041 (cf. Tableau 2).

Mais la baisse de la participation ne se répercute qu’imparfaitement sur le nombre des interventions: alors que moins de 10% des participants prennent la parole aux congrès de Londres ou de La Haye, ils sont 20–25% à intervenir lors des congrès de Rome et de Paris. Face à la baisse de fréquentation générale mais à une plus grande proportion d’intervenants, on peut se demander si cette tendance à la concentration témoigne d’un désintérêt général pour l’éducation morale, voire pour les congrès internationaux en général, ou pointe une progressive spécialisation du CIEM?42

40“Avant-propos” de Joseph Mirski aux Résumés des communications présentées au congrès de Cracovie 1934, vol. 1, pp. XIX–XX.

41Chiffres tirés pour 1908 de Records of the Proceedings of the First International Moral Education Congress (Londres, 1908), p. 5; pour 1922, AIJJR, FG 4 F; pour 1926 AIJJR, Fonds Ferrière 141

“Minutes de la réunion du 27 septembre 1927”; pour 1930, Vème congrès international d’éducation morale. Compte rendu et rapport général (Paris, 1930), p. 8.

42Le problème paraît d’autant plus intéressant que la décrue de la fréquentation au sein du CIEM est un miroir inverse de l’essor de la fréquentation des congrès de la Ligue Interna- tionale pour l’Éducation Nouvelle: cf. la contribution dans ce volume de Kevin J. Brehony.

Ceci dit, le contexte politique et économique de l’après-guerre a pu peser sur la participation au CIEM. Une note parue dans L’Ere nouvelle, l’organe du mouvement de l’Education nou- velle, estime la fréquentation du CIEM “considérable, si l’on tient compte de la difficulté des voyages et du change” (L’Ere nouvelle, octobre 1922, p. 84).

Tableau 2. Nombre d’interventions et de participants par congrès Londres

1908 La Haye

1912 Genève

1922 Rome

1926 Paris

1930 Cracovie 1934

Interventions 144 214 96 96 72 73

Participants 2000 ? 500 400 350 ?

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Vers un mode de communication scientifique, par des scientifiques

La participation à un congrès international, au début du 20ème siècle, revêt un attrait de prestige non négligeable. Aussi, est-ce souvent bardés de mandats associa- tifs ou gouvernementaux, doublés de statuts professionnels plus ou moins précis que les participants et intervenants aux réunions s’inscrivent. Loin d’être anecdo- tiques, ces informations renseignent précieusement sur l’identité des orateurs ou plutôt les fonctions socioprofessionnelles qu’ils mettent en avant dès lors qu’ils participent activement au CIEM. Bien que la catégorisation ne s’applique qu’impar- faitement aux intervenants, du fait du cumul ordinaire des mandats, les données récoltées permettent de brosser à grands traits les domaines d’activité principaux susceptibles de trouver écho dans ce CIEM.43 Quatre profils se dégagent nettement des listes d’intervenants (cf. Tableau 3).

Avec près d’un orateur sur quatre, les universitaires, toutes facultés confondues, trouvent dans le CIEM une tribune d’intervention qui les accueille volontiers.44 A

43Il s’agit du statut de l’intervenant au moment de son intervention, sujet donc à variation d’un congrès à l’autre en fonction des promotions professionnelles. Les individus sont souvent porteurs de plusieurs origines professionnelles: pour simplifier et clarifier les données, ordre de priorité à été donné en fonction d’une hiérarchie conçue à partir du degré d’importance pour le champ scientifique: universitaires, puis fonctionnaires de l’instruction publique, directeurs d’établissement etc.

44La chaire ou l’enseignement universitaire n’est que rarement précisé dans les actes, ce qui limite les possibilités de connaître dans le détail la présence des professeurs de pédagogie ou d’éducation, par exemple.

Tableau 3. Profils socioprofessionnels du CIEM (1908–1934) Profils socioprofessionnels

des intervenants Nombre %

Représentant le champ

scientifique chercheurs, universitaires 208 31.2

Représentant le champ

scolaire 195 29.2

dont directeurs d’établissement

enseignants, maîtres

membres de syndicats enseignants fonctionnaires de l’Instruction publique

6760 685

Représentant le champ

associatif 136 20.4

dont délégués et membres de sociétés

directeurs de revues, auteurs 127

9 Représentant le champ

politique délégués, députés officiels 30 4.5

Autres 22 3.3

dont médecins

religieux 2

10

Indéterminés 76 11.4

Total 667 100

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proportion égale des universitaires, on trouve un groupe qui, bien qu’hétérogène, est identifiable de par son rapport au champ scolaire et à la pratique: il s’agit de fonctionnaires de l’instruction publique (avant tout des inspecteurs scolaires), de directeurs d’établissements, d’enseignants et de membres de syndicats d’enseig- nants. Quand le niveau de l’instruction concernée a pu être identifié, la balance penche nettement vers le secondaire qui est trois à quatre fois plus représenté que le secteur primaire. A cette différence s’ajoute le fait que beaucoup d’enseignants du secondaire investissent le CIEM, alors que pour le primaire, il s’agit le plus souvent d’inspecteurs scolaires. La troisième catégorie socioprofessionnelle que l’on distingue est formée de délégués d’associations ou de sociétés privées. L’impor- tance du nombre de ces personnes, dont la légitimité paraît moindre de prime abord pour participer à un congrès international, s’explique en réalité par l’origine même du Congrès et l’impulsion des sociétés éthiques. Le quatrième groupe est constitué des représentants politiques, généralement des députés ou des délégués dont les rapports à l’éducation ne sont pas explicités.

Dans la diachronie, on décèle quelques évolutions du profil des intervenants qui méritent attention. Du côté des délégués des sociétés ou des associations, si les effectifs globaux sont relativement stables durant les six congrès, leur identité évolue. Il y a certes les habitués du CIEM telles les Ligues de bonté de Mme Simon et le Congrès d’éducation familiale qui se font représenter très régulièrement. On retrouve également les délégués des sociétés morales, présents à toutes les sessions du CIEM. Mais ces derniers sont en net repli durant les années 20 par rapport aux deux premiers congrès. A La Haye, par exemple, on trouve des délégués des sociétés morales de cinq pays différents.45 Comblant le recul de ces sociétés, dès 1922, de plus en plus de représentants des mouvements scouts, de la Croix-rouge ou d’associations pacifistes viennent alimenter le CIEM d’une veine associative ouvertement internationaliste, voire promotrice des idéaux de la SDN.

Mais l’évolution la plus significative concerne surtout l’ancrage académique des intervenants, toujours plus sensible. Oscillant entre une proportion d’un quart à un cinquième pendant les trois premiers congrès, les universitaires procurent plus d’un tiers des interventions en 1926 et 1930, puis près de la moitié en 1934. Ce déplace- ment se fait essentiellement au détriment des praticiens du champ scolaire en repli quasiment constant depuis le premier congrès, passant de près de 40% des interve- nants à moins de 10% en 1934. Aux congrès de Rome, Paris ou Cracovie, tant les inspecteurs d’écoles, les représentants des ministères de l’instruction publique, les directeurs d’écoles que les maîtres se font plus rares (cf. Figure 1).

Figure 1. Évolution des profils socioprofessionnels au cours des six congrès du CIEM, en pourcentage des interventions à chacun des congrès

Le déplacement vers le monde scientifique n’est en réalité pas surprenant. Dès le départ, les communications au CIEM se sont faites pour la plupart sur le mode de la procédure scientifique. Significativement, tous les congrès se sont tenus dans des locaux scientifiques, les universités essentiellement, avec une exception lors de la réunion de La Haye qui s’est déroulée dans les salles de la société zoologique. Aux congrès de Londres et de La Haye par exemple, des leçons d’éducation morale ont été pratiquées in vivo par des éducateurs-théoriciens comme F.J. Gould ou C. Wagner comme moyens de faire preuve du discours tenu, comme pour remplacer l’interpré- tation des faits par l’exposition des faits eux-mêmes. Une salle de classe réunissant de petits élèves sert de lieu de démonstration telle une réplication expérimentale

45Neuf délégués en tout, provenant des États-Unis, d’Angleterre, d’Autriche, d’Allemagne et de Russie.

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destinée à un auditoire savant. Après-guerre, cette tendance au mode d’être scienti- fique est encore accrue par les appels à communiquer sur des thématiques prédéfinies diffusées avant le congrès: les propositions d’intervention sont alors recueillies par les organisateurs qui en déterminent la pertinence, certes, comme on l’a vu, à partir de critères internationalistes d’abord, mais pas uniquement. Gould fait par exemple savoir qu’il doute des compétences d’une intervenante “in the sphere of education” pour être promue en qualité de rapporteuse lors du congrès genevois.46

A ces modalités de “faire valoir de la science”,47 se développent des espaces dévolus au discours à proprement parler scientifique, et se construisent des attentes précises sur le rôle de la science. A partir du congrès de Genève, en effet, une distinction hiérarchique est faite entre les rapports de personnalités recon- nues, les mémoires discutés en séances plénières ou les communications faites dans des sections parallèles. Précisément dans ces lieux clefs du discours sur l’éducation morale, les scientifiques sont toujours plus représentés. Alors qu’à Londres le devant de la scène est occupé par des orateurs qui symbolisent la réconciliation internationale, chacun représentant une aire culturelle (Boutroux, Adler, Foerster), les séances plénières ou inaugurales de Genève et Paris offrent la moitié des voix aux universitaires. Le congrès de Paris se clôt par un discours sur la nécessité de renouveler l’étendue des “informations” par la science, jugée comme “le meilleur moyen de mettre sous les pieds de la pédagogie un terrain solide”. C’est sans doute durant ce congrès de 1930 que la place faite aux universi- taires devient plus explicite s’inscrivant dans l’horizon d’attente du renouvelle- ment et du développement de l’éducation morale. Comme mots conclusifs, au nom du Conseil exécutif international, H. Radlinska remercie le comité français d’avoir “su réunir les éducateurs au sens strict du mot avec les représentants des sciences qui élucident les voies du développement des hommes, des nations et l’humanité”. Le congrès de Cracovie, avec près de la moitié d’universitaires comme intervenants – signalons G. Bachelard, C. Bouglé, L. Brunschvicg,

46AIJJR, FG 4 D, Lettre de F.J. Gould à H. Reverdin du 4 mai 1922.

47Rasmussen, 2001 “L’hygiène en congrès”, p. 227.

Figure 1. Évolution des profils socioprofessionnels au cours des six congrès du CIEM, en pourcentage des interventions à chacun des congrès

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R. Dreikurs, A. Lalande, J. Piaget (représenté par sa collaboratrice A. Szeminska) ou P. Petersen – confirmera cette tendance. Au niveau du discours, la présence des scientifiques est revendiquée pour fournir un terrain solide et informé aux praticiens de l’éducation. Reste pourtant à savoir comment les dimensions scienti- fiques interviennent dans les débats et à quelles sciences l’on entend recourir pour consolider le terrain de l’éducation et former un corps de science(s) de l’éducation.

L’éducation morale au miroir des champs disciplinaires

Comme on l’a vu, les thématiques traitées au cours des six congrès ont évolué, non sans cristalliser l’attention sur quelques questions récurrentes, comme l’enseigne- ment de l’histoire. Mais si le questionnement se déplace, c’est également que la conception de l’éducation morale change, de même que la manière de la considérer: l’a priori qui fait au départ de l’éducation morale une nécessité est mis progressivement en sourdine quand il n’est pas tout simplement remis en question.

Plus précisément, il s’opère un glissement vers une plus grande ouverture du mouvement aux expériences extrascolaires: l’instruction morale encore très présente dans les deux premiers congrès cède largement le pas à la notion générique d’éducation morale, voire d’éducation tout court. Ce déplacement figure en quelque sorte moins la spécialisation des débats que leur pacification.

Entre controverses et consensus

L’objectif du congrès de Londres, à travers la thématique générale des principes de l’éducation morale, est alors de fonder la base d’un mouvement durable, capable de défendre l’éducation morale. Mais le souci de susciter une adhésion large, éminem- ment hétérodoxe quant aux finalités de l’éducation morale, atomise en réalité le débat. Prévu initialement pour discuter les dimensions “pratiques” de l’éducation morale, par les moyens, les techniques dont dispose celle-ci, le congrès de 1908 est noyauté par la tension entre les tenants de l’éducation morale non confessionnelle et ceux en faveur de l’éducation religieuse.

A La Haye, l’hétérogénéité des points de vue et des thématiques est encore accrue par plus de deux cents interventions menées en l’espace de cinq jours, toutes discutées en séances plénières. L’éducation morale est abordée du point de vue confessionnel, libéral, laïque, du point de vue social et national, à travers des questions pratiques ou par l’éducation physique, ainsi que par deux séances consacrées spécifiquement aux adolescents et aux enfants anormaux. Devant le flot des prises de parole, les positions radicales et dogmatiques de la plupart des intervenants, surtout sur la question religieuse, confirment a posteriori les craintes du comité d’organisation néerlandais et du Conseil exécutif international: les méthodes et les projets pédagogiques sont moins l’objet du débat que le rapport entre la morale et la religion.48

Pour des chroniqueurs du CIEM, tels que Mirski en 1924, Petersen en 1930 ou Gould en 1930 et 1935, le mouvement de l’éducation morale connaît un resserre- ment thématique toujours plus grand, se concentrant progressivement vers des

48Pour un rapide survol de ces deux congrès, cf. Saint George Lane Fox Pitt (Ed.), Free Will and Destiny.

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