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L'institution universitaire s'inscrit dans une réalité sociale et ses activités font partie des activités sociales et humaines. Il est alors légitime de penser que la production des connaissances est liée à des conditions sociales et institutionnelles. En effet il est difficilement imaginable de pratiquer des activités scientifiques en suivant des règles précises pour garantir à coup sür l'émergence de nouvelles connaissances. L'histoire et le social vont également contribuer à l'évolution cles connaissances: par exemple, il est des objets qui sont valorisés par la recherche. On peut aussi évoquer l'idée d'une maturité des sciences qui favoriserait ou non les découvertes. Bref,

cette production des connaissances se réalise dans un espace complexe, historique, social et épistémologique.

Pour en revenir à la préoccupation de la collaboration disciplinaire, un certain nombre de questions sont envisageables autour de la production des connaissances. Certains pourraient voir une analogie entre la division du travail dans la production (le taylorisme) et l'émiettement des savoirs consécutif à la croissance exponentielle des connaissances. L'interdiscipli­

narité interviendrait alors comme un changement dans les rapports de production. Elle peut aussi être conçue comme un outil de la communica­

tion avec le milieu du financement de la recherche; clic revêtirait alors une fonction heuristique en vue d'améliorer la communication. Finalement, l'interdisciplinarité peut aussi conduire au décloisonnement de l'université.

Il me semble intéressant, dès lors, de discuter quelques articulations possibles entre l'interdisciplinarité et l'université.

Resweber (1981) pense, par exemple, que l'université a une place à jouer dans la gestion des savoirs et qu'elle est responsable de la synthèse des connaissances. L'interdisciplinarité devient une nouvelle méthode pour reconstruire la place de l'université dans l'espace cultuïel. La réflexlùn ûe Resweber demeure très philosophique et ce sont plutôt les finalités de l'université qui sont abordées. Un autre travail du CERI, plus empirique, fonde ses commentaires sur une étude du rôle de la pluridisciplinarité et de l'interdisciplinarité dans les universités.

Les résultats de leur enquête montrent que l'activité interdisciplinaire permet d'éclater le cadre des facultés et des départements universitaires.

Parmi les activités recensées on trouve l'enseignement et la recherche.

C'est le domaine d'étude, en sciences exactes et en sciences humaines, qui favorise le regroupement et le nombre des disciplines est variable. Il n'y a pas de systématisation possible de la pratique de l'interdisciplinarité: pas de principes, pas de constantes. L'interdisciplinarité répond à cinq demandes: le développement des sciences, la demande étudiante contre la parcellisation des savoirs, les besoins de formation, les demandes sociales, les problèmes de fonctionnement et d'administration de l'université. Les motivations sont différentes selon les positions: les étudiants, les ensei­

gnants et les chercheurs, le système universitaire, les intérêts scientifiques.

Les objectifs de l'interdisciplinarité dans les milieux universitaires sont d'explorer les frontières des disciplines, d'adapter les activités de l'univer­

sité aux besoins socio-professionnels ou économiques du pays. L'interdisci­

plinarité peut être un outil d'une nouvelle collaboration entre l'université et les collectivités et mettre fin à la coupure université-société. Finalement elle peut relier la recherche et l'enseignement.

Le problème de la coupure université-société est repris par le CERI dans une autre enquête en 1982 sur l'université et la collectivité. Dans cette nouvelle analyse on constate que les structures de l'enseignement supérieur sont fondées sur le développement des connaissances et la pratique mono­

disciplinaire alors que la collectivité propose des situations complexes. Les premières conséquences de cette opposition sont, d'une part, des change­

ments dans les contenus interdisciplinaires dictés par les besoins de la collectivité et, d'autre part, des modifications clans les structures institu­

tionnelles de l'université avec la création de groupes de travail, de départe·

ments ou cl' écoles pluridisciplinaires orientés vers ] 'élude cl 'un problème ou encore l'orientation de l 'ensemble de l'université vers un problème majeur.

Les sciences de l'éducation

L'histoire des sciences de l'éducation nous apprend beaucoup sur la définition de ses objectifs et sur sa légitimation dans l'univers universitaire.

Au XIXe siècle la pédagogie, une sous-discipline de la philosophie, se développe. L'introduction des méthodes empiriques et analytiques, l'influence de la sociologie et de la psychologie qui s'affirment progressi­

vement comme sciences, permettent la transition vers les sciences de l'éducation. En France, par exemple, pendant longtemps les sciences de l'éducation étaient une spécialisation en philosophie et correspondaient rarement à une formation initiale; de ce fait elles étaient marginalisées dans l'espace universitaire. Les origines des sciences de l'éducation appartien­

nent à plusieurs disciplines (la philosophie, la sociologie, la psychologie, la pédagogie, les didactiques). Pour Cowen (1982) elles bénéficient des développements des autres disciplines et au coeur de ce développement émerge le concept d'éducation. Dans ce sens les sciences de l'éducation sont le fruit des additions de plusieurs disciplines d'où leur pluralité.

Trois raisons sont à l'origine de cette évolution; premièrement, l'évolution des sciences humaines depuis le XIXe siècle et leurs contributions envers l'éducation, deuxièmement, l'auto-critique sociale des années '60 et la valorisation du travail dans des perspectives globales, troisièmement, l'institutionnalisation de plus en plus fo1te ·des systèmes éducatifs dans la société.

Pour Furter (1983) l'objet des sciences de l'éducation est changeant. Au début la philosophie produit un discours théorique sur les phénomènes

éducatifs; c'est la tradition des philosophes éducateurs. A la fin du XIXe la création d'une institution publique universelle, obligatoire et gratuite, marquée par le normalisme, développe une pédagogie générale ou une théorie générale de l'éducation. L'éducation devient alors une maîtrise de la technique, une activité de recherche et une science appliquée.

Au cours des années '60 on observe une augmentation des institutions spécialisées de recherche en éducation et la création d'un réseau. L'ensei­

gnement primaire devient universel et les systèmes nationaux d'enseigne­

ment sont de plus en plus complexes. L'objectif primordial devient l'efficacité du fonctionnement: c'est l'ère de ce que Furter appelle le positivisme technocratique. La recherche s'implante au coeur des sciences de l'éducation et fonde les normes, une ingénierie sociale. Le radicalisme critique qui réfléchit au contexte institutionnel s'oppose à ce mouvement:

il se donne pour ambition de construire un nouvel ordre social, d'augmen­

ter le capital humain et de démocratiser la société.

Aujourd'hui les objectifs des sciences de l'éducation sont multiples dont voici quelques propositions. Pour Branger (1982), de l'Université de Leiden aux Pays-Bas, les cieux buts principaux sont les besoins éducatifs et sociologiques ainsi que les connaissances théoriques et méthodologiques.

L'intervention se situe à trois niveaux; Je premier (micro) concerne la théorie de l'apprentissage, le deuxième (méso) s'intéresse au contexte proche, les facteurs associés à l'apprentissage, le dernier (macro) étudie le contexte large, les facteurs socio-économiques. Mitter ( 1 982) cle l'Univer­

sité de Francfort attribue trois fonctions aux sciences c\e l'éducation: traiter l'éducation fondamentale (les concepts de base, les processus éducatifs, les méthodes et la recherche), une fonclion intégrative des différentes

disciplines impliquées (les disciplines de voisinage, les disciplines didactiques, l'éducation comparée) et une fonction de communication avec le terrain.

Les perspectives et les bilans européens en matière de sciences de l'éducation (Cavicchi-Broquet & Furter, 1982) nous apprennent qu'elles ont encore des difficultés à trouver leur place dans l'univers universitaire. Elles émergent, ainsi formalisées, au cours des années '60, mais doivent attendre les années '70 pour confirmer leur statut. Les problèmes de légitimation tournent autour de leur dépendance à l'égard d'autres disciplines et du statut incertain de la recherche. D'un pays à un autre ia situation est différente et les stratégies d'autonomisation sont toutes aussi variables.

Beaucoup admettent, cependant, que la situation de la Section des sciences de l'éducation à Genève, comme unité indépendante au sein d'une université, est plutôt circonstancielle.