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Inscrire un curriculum de formation au carrefour des demandes et besoins de formation des différents acteurs : le cas de la filière éducation de l'enfance ES de Sion

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Reference

Inscrire un curriculum de formation au carrefour des demandes et besoins de formation des différents acteurs : le cas de la filière

éducation de l'enfance ES de Sion

GOLLUT, Sébastien Edmond

Abstract

La démarche du présent mémoire MAS, inscrite dans le cadre d'une recherche action, vise à repenser le curriculum de la formation ES en éducation de l'enfance de Sion...

GOLLUT, Sébastien Edmond. Inscrire un curriculum de formation au carrefour des demandes et besoins de formation des différents acteurs : le cas de la filière éducation de l'enfance ES de Sion . Master d'études avancées : Univ. Genève, 2019

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:136196

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MAS théories, pratiques et dispositifs de formateur d’enseignants 2017-2019 : mémoire

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Inscrire un curriculum de formation au carrefour des demandes et besoins de formation des différents acteurs : le cas de la filière éducation de l’enfance ES de Sion

Universités de Genève, Lausanne et Fribourg Faculté de Psychologie et des Sciences de l’Éducation Section Sciences de l’éducation

Jury : Danièle Périsset (directrice de mémoire), Valérie Lussi Borer, Lydia Héritier

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Résumé général :

Changement du cadre légal, adaptation à un modèle de formation plus récent, la refonte du plan de formation de la filière éducation de l’enfance s’impose de fait comme une nécessité. Mais plus qu’une contrainte, nous la vivons comme une opportunité : celle de rapprocher plus encore une intention de formation avec un dispositif en adéquation avec une représentation paradigmatique du métier d’éducateur de l’enfance, des décisions prescriptives au niveau de la Confédération, et du réel de l’activité pédagogique des étudiants.

La démarche, inscrite dans le cadre d’une recherche action, se déroule selon la logique suivante : il s’agit tout d’abord d’aller à la rencontre des éléments qui fondent la nécessité du changement. Mue des cadres prescriptifs, changement de profil des candidats qui constituent un nouveau profil d’entrée, mutation des formations voisines, ces éléments donnent un cap initial incontournable.

Partant de là, il convient de convoquer l’ensemble du cadre conceptuel nécessaire à la conception d’un nouveau curriculum : une définition paradigmatique du profil d’éducateur de l’enfance, à la manière de ce que Paquay (1995) a pu produire au travers de ses paradigmes concernant les enseignants, afin de pouvoir modéliser les compétences à mobiliser. Les notions de demandes et besoins de formation, par le filtre des différents moyens concernant différents acteurs (le prescripteur national au travers du processus PEC, les terrains professionnels au travers d’une étude romande en matière d’attentes de formation, et les étudiants en cursus au travers d’entretiens). Mais également d’andragogie, de pédagogie active, de projet de formation, de formation duale afin d’appréhender les opportunités et les limites de ces différents champs.

Ces éléments conceptuels visent à répondre à une question de recherche momentanément fixée sous la forme suivante : Comment adosser un curriculum de formation aux demandes et besoins de formation : le cas de la filière éducation de l’enfance de Sion.

Le mémoire s’arrêtera à l’organisation générale de l’institution (modèle d’alternance, proposition de définition des modules, dispositif de régulation de la formation) et un répertoire des principes et des dispositifs pédagogiques les plus susceptibles de répondre aux demandes et besoins de formation.

L’organisation plus fine du programme, de l’ingénierie de formation à l’intérieur des modules mêmes, est déléguée après ce travail à la responsabilité des enseignants qui en ont la charge sur le site.

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Table des matières

Résumé général : ... 2

I/ Introduction : contexte et moteurs du changement ... 5

II/ Cadre conceptuel ... 6

II.1/ Définition paradigmatique de l’éducateur de l’enfance type : ... 6

II.1.1 Un pédagogue : ... 8

II.1.2/ Un co-éducateur : ... 10

II.1.3/ Un travailleur social : ... 11

II.1.4/ Un agent de prévention : ... 13

II.1.5/ Un spécialiste du champ de l’enfance : ... 14

II.1.6/ Un praticien réflexif : ... 15

II.2/ Demande et besoin de formation par le prisme des acteurs : ... 18

II.2.1 Vision du prescripteur national ... 20

II.2.2 besoins de formation des lieux professionnels et répercussion sur la formation initiale ... 22

II.2.3 / demande de formation des étudiants actuellement en cursus ... 25

II.3/ Andragogie ... 27

II.4/ Approche compétence ... 30

II.5/ pédagogies actives ... 34

II.5.1 Le travail de groupe ... 36

II.5.2 L’enseignement par projet ... 37

II.5.3 La classe inversée et ses avatars ... 40

II.5.4 Le modèle d’alternance ... 41

III/ Objet et question de recherche : ... 43

IV/ Méthodologie : ... 44

V / mise en tension de principes fondamentaux en contexte de formation : discussion et revue de pistes d’actions pour le futur curriculum EDE ES ... 48

V.1/ Profiler des directions ? ... 48

V.2/ Bilan des acteurs : convergences et divergences des discours et des intentions autour d’un métier ... 49

V.2.1/ À propos des rôles EDE : ... 50

V.2.2 / Exploitation des données :... 58

V.3/ Modèle dual : quelles opportunités selon les effets recherchés ... 63

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V.4/ Formation d’adultes : en est-ce ? et après ? ... 66

V.4.1/ discussion issue du cadre conceptuel ... 66

V.4.2/ représentation de la formation d’adulte issue de la confrontation au discours des étudiants : ... 68

V.5/ un maintien de la notion de compétence malgré des temps de formation raccourci : quelles pistes ? ... 71

VI/ Point sur l’opérationnalisation à ce jour : ... 74

VII/ Généricité de la démarche : ... 75

VIII/ Pour ne pas conclure : ... 76

IX/ Répertoire des tableaux : ... 76

X/ Liste des références bibliographique : ... 77

XII/ Annexes ... 84

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I/ Introduction : contexte et moteurs du changement

Depuis quelques années déjà, la loi sur la formation est claire quant aux durées de formation prescrites dans les différents domaines. En formation professionnelle, le quota d’heures est fixé à 5400 heures (soit trois ans) pour les candidats hors du domaine, et 3600 (deux ans) pour les candidats porteurs d’un titre issu du même champ professionnel. Au sein notre école bien entendu, la mesure a été annoncée, anticipée, elle n’a pourtant pas été suivie d’effets vu le nombre très bas de candidats compatibles aux portes des admissions, quota qui rendait impossible la création d’une voie spécifique. Or, les temps changent, les formations également. Les candidats éligibles sont chaque année plus nombreux, en témoigne le tableau ci-dessous issu d’une analyse des volées de ces quatre dernières années :

Tableau 1 : statistique des candidats éligible à une formation de 2 ans

Plus encore, une nouvelle voie de formation en Valais massifie les candidats potentiels. Si elle existe déjà sur Vaud depuis quelques années, la voie École de Culture Générale (ECG) avec une année supplémentaire débouchant sur un CFC d’assistant éducatif a démarré à Sierre en automne 2017. Couramment désignée formation 3+1 (pour trois ans de culture générale et une année professionnalisante), la dénomination officielle de cette voie de formation titre Maturité Spécialisé Social - MS (So). Un entretien avec les responsables du projet nous renseigne sur le profil attendu dans ces volées : si les CFC classiques ciblent des candidats désireux de sortir de la scolarité obligatoire pour se mesurer au monde du travail, les maturités spécialisées profilent plutôt des professionnels pour qui le CFC n’est qu’un point de passage, et

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se destinent particulièrement soit aux filières santés et sociales des HES, soit au diplôme d’éducation de l’enfance ES. Combien se dirigeront dans quelles voies ? Impossible de le prévoir en l’état. La volée actuelle formée à Sierre compte 27 candidats en classe pilote, formé pour moitié à l’ECG dans un contexte plutôt académique, et pour moitié à Châteauneuf, réalisant durant la moitié de la semaine le programme de toute une semaine des apprentis. La cible à moyen terme, c’est quatre sites comptant 25 étudiant par classe, soit une cohorte de cent diplômés potentiels chaque année. Si leur présentation aux portes de la formation EDE est difficile à quantifier, il paraît inévitable que les chiffres partent néanmoins à la hausse. Avec toutes les réserves de rigueur quant à la comparabilité des situations, l’introduction de la voie 3+1 à Lausanne a eu un effet significatif sur les effectifs, puisqu’ils ont doublé.

Un autre changement de taille concerne les prescrits : le plan d’étude est en passe d’être intégralement refondu, harmonisé dans la forme aux formations proches de même niveau (éducation de l’enfance, action socioprofessionnelle, éducation sociale ES, et action communautaire) tout en demeurant spécifique à chacune des voies. Sous la pression de formations proches et potentiellement concurrentes (CFC d’assistant socioéducatif, Bachelor HES d’éducateur social, etc.), aussi bien que des mutations du champ professionnel (nouveaux paradigmes de la sociologie de la famille, du travail, ou d’enjeux devenus prégnants dans la société comme l’inclusion ou l’interculturalité), le métier est poussé à affiner et réaffirmer ses contours essentiels.

C’est donc l’ensemble de ces données qui nous pousse à une mise en mouvement et adapter en conséquence un curriculum de formation avec une visée opérationnelle à l’été 2020. Pour autant, si ces éléments sont circonstanciels et touchent en l’état une formation dans une école en particulier, le présent travail prétend à plus qu’une simple réponse locale à un problème ponctuel : la démarche se veut transversale et applicable en diverses circonstances. La pression mise sur la relation formation-travail, la focale massivement portée sur l’efficience des formations, sur la justification de leur coût, la mue des publics-cibles aux portes des écoles, des enjeux professionnels et des terrains maintiennent une exigence constante de mises à jour et de réformes. Le traitement de ce cas local ambitionne de se poser en exemple de démarches possibles pour des établissements mis dans des situations proches ou similaires.

II/ Cadre conceptuel

II.1/ Définition paradigmatique de l’éducateur de l’enfance type :

Un cap général :

Quels sont les grands rôles qui contribuent à cerner le métier d’éducateur de l’enfance ? Dans le champ de l’enseignement, c’est Paquay qui s’est proposé cet exercice (1995) avec le succès que nous lui connaissons.

C’est donc largement inspiré de sa démarche que nous entamons cet exercice à notre tour. Que dire de ce métier d’éducateur de l’enfance afin de le contenir au mieux ? Bien sûr, Cyrulnik (2011) ne se trompe pas quand il conclut dans l’ouvrage qu’il a dirigé que, « alors qu’il y a un siècle il était demandé aux puériculteurs, puis aux pédiatres, de faire en sorte que les petits ne meurent pas, il est maintenant demandé à un corps plus éducatif de pédagogues, psychologues, éducateurs de jeunes enfants, de faire en sorte qu’ils deviennent des adultes de qualité, capable de construire le monde de demain ». Un grand cap est donné,

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mais on n’en a encore peu dit sur les qualités propres de l’éducateur de l’enfance au cœur de cette mission dont il a la coresponsabilité. Il manque la lisibilité des éléments forts qui constituent son métier.

Des intentions plus précises :

Sylvie Rayna les ébauches sans que ce soit son propos central dans son article « besoin des familles : une mise en perspective » (2007). Concernant un rapport de l’OCDE qui compare les politiques en faveur de la petite enfance dans vingt pays, elle note ceci : « il interroge la pertinence de ces réponses au regard de certaines valeurs transnationales, le bien-être de tous (des tout-petits, des parents, des professionnels) ou les droits de chacun (à l’accueil, au jeu, à son enfance, à la participation, etc.), émettant quelques recommandations qui croisent les objectifs de qualité et d’équité » (p.51). Nous tirons différents éléments de ce passage. À la fois l’émergence de domaines sur lequel l’éducateur de l’enfance est attendu : la citoyenneté (ici en suscitant la participation), l’éducation (à de grands principes, ici l’égalité des chances, le droit à l’enfance ou plus largement la sensibilisation aux droits de chacun), le soin (au travers de la notion de bien-être), le travail social (puisque cette « promotion » du bien-être ne s’adresse pas qu’à l’enfant, mais également aux parents, aux professionnels). Autre élément fort de ce passage cité, c’est l’idée de réponses spécifiques à des enjeux transnationaux : l’idée donc qu’il puisse certes y avoir des éducateurs de l’enfance différemment colorés selon les régions et/ou les pays, mais bien un territoire commun. Des enjeux et des rôles qui en découlent qui puissent être consensuellement admis. Jusqu’ici, ces différents rôles propres au métier d’EDE1, internationalement admissibles, n’ont à notre connaissance pas encore fait l’objet d’un travail de recensement systématique. Ils ressortent en partie des enjeux présents et à venir dans les différents ouvrages et articles belges, français, canadiens et suisse romands consultés.

Une somme d’indicateurs et un classement :

Pour le collectif d’auteurs derrière l’ouvrage « l’évolution du contexte et de la prise en charge de la petite enfance, une approche intercantonale » (2003), trois enjeux sont notés comme prépondérants pour l’avenir (p.25) : allier conjointement les besoins de la communauté, de la famille et de l’enfant, agir dans une perspective à la fois sociale, éducative et préventive, et enfin faire preuve de la souplesse suffisante pour répondre aux besoins spécifiques de chacun. Giampino (2017) propose en regard de ce que l’on sait aujourd’hui du jeune enfant cinq dimensions de son accompagnement selon ses besoins : se sécuriser, prendre soin de soi, être en relation(s), se déployer, se socialiser. Le même auteur, dans « l’Accueil en crèche » cette fois (p.145), définit l’accueil de l’enfance comme une « quadrature d’un cercle, une valse décalée à quatre temps » que sont les dimensions psychologique, sociologique, politique et éducative. Dans le même ouvrage (p.87), Thollon-Behar dessine un portrait un creux du professionnel tel qu’il se voit aujourd’hui, en pointant les effets délétères des réformes françaises impactant les normes d’accueil, les critères de qualité ou encore le profil des professionnels sur le terrain : « de nombreux professionnels ont l’impression de revenir en arrière, au temps où les enfants étaient confinés dans leurs lits, où les jeux étaient absents, les parents bloqués au seuil de la crèche, et les professionnels peu formés ». Verba (2014) intègre à son ouvrage des récits de professionnels sensés cerner le champ du métier tel que perçu par ses praticiens : les axes qui ressortent du sommaire relèvent le CARE, l’écoute, le lien, composer au lieu de sanctionner, réassurer, la prévention par l’observation et enfin la démarche du projet. Chez nos voisins français, Le Capitaine et Karpowicz (2014) se sont essayés à définir finement l’éducateur de jeunes enfants.

Ils le définissent comme un spécialiste de l’action socio-éducative et situent son travail aussi bien auprès de

1 Dès à présent, l’acronyme EDE signifiant « éducateur de l’enfance » remplace son expression complète.

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l’enfant, largement outillé pour soutenir son développement global, que dans l’environnement professionnel. Puisqu’il est question d’accueil de l’enfant, ils exposent les sens qui selon eux sont contenus dans ce verbe, à savoir faire une place, relayer, suppléer, inclure dans un projet, socialiser, éveiller.

Professionnel du lien et de la mise en lien, l’éducateur de jeunes enfants relie l’enfant à sa sphère proche, puis l’accompagne dans une l’insertion harmonieuse dans des milieux toujours plus larges. Plus loin de nous les Canadiens ont également des ouvrages de référence sur le métier et le présentent tel qu’ils le conçoivent au-delà de l’Atlantique. Berger, Héroux et Sheridan (2017) décrivent dans leur ouvrage le profil d’un éducateur à l’enfance, tel qu’on le nomme là-bas, et lui assignent trois mandats : le rôle éducatif, en lien avec le développement global de l’enfant et la posture de partenaire des familles, les soins de bases, en lien avec la santé, l’alimentation, l’hygiène et les besoins particulier, et enfin la prévention, marquée par différentes missions, coopérer avec le parent, observer et consigner, communiquer, soutenir et faire participer. Sans constituer un mandat en soi, disent les auteurs, la pratique réflexive est omniprésente dans chacune de missions professionnelles (p.83). Déjà, par accrétion de ces différentes sources encore générales, se dégagent des rôles communs que nous posons ainsi :

L’EDE se définit en tant que…

1. Pédagogue 2. Co-éducateur 3. Travailleur social 4. Agent de prévention

5. Spécialiste du champ de l’enfance 6. Praticien réflexif

Dans la partie qui suit, nous défendrons et étofferons avec la théorie idoine les choix de cette répartition.

II.1.1 Un pédagogue :

De nombreux auteurs définissent l’éducateur de l’enfance comme l’acteur déterminant dans la finalité pédagogique de l’activité de l’enfant.

Une intention matérialisée pas des cadres formels :

Pédagogie, éducation, apprentissages socio-éducatif, soutien au développement, dans la foison de termes, proches sans pour autant être remplaçables, et pourtant souvent utilisés indifféremment, en privilégier un n’est pas anodin. Il y a pourtant bien pédagogie du jeune enfant, nous disent Chartier et Geneix (2006) « dès qu’il y a un corps de savoirs et de valeurs, collectivement assumé et transmis, concernant les soins et la prise en charge éducative des jeunes enfants, comme c’est le cas dans toutes les sociétés traditionnelles (Malinowski 1927, Mead 1928, 1966). Cependant, dans le cadre d’une étude internationale, constituée sur la base de publications, on considérera qu’on peut parler de « pédagogie de la petite enfance », si - et seulement si - on trouve une mise en forme discursive de pratiques collectives et instituées » (p.4). Cette dernière mise en forme existe à différents niveaux, que ce soit au niveau national comme le cadre d’orientation pour la formation, l’accueil et l’éducation de la petite enfance en Suisse de l’unesco (2016 pour

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sa 3ème édition), jusqu’au niveau institutionnel avec ce que l’on nomme projet pédagogique dans la plupart des lieux romands, ou projet d’établissement en France plus particulièrement. L’éducateur ne « subit » pas le cadre institutionnel, mais il est au contraire formé à le co-définir. La compétence du plan d’étude fédéral met en évidence cette « « capacité à élaborer le projet pédagogique et de se porter garant de son application ». La dimension pédagogique de projet, au sens de transmission de savoirs, est y évidente : de fait, une grande majorité des projets pédagogiques des institutions d’accueil de l’enfance se réclament d’une approche pédagogique particulière. Sur 37 projets pédagogiques auxquels nous avons eu accès par le prisme de collaborations avec le lieu de formation, 33 font état d’inspirations pédagogiques explicites.

Parmi celles-ci nous recensons Montessori, Freinet, Reggio Emilia, ou encore la pédagogie de la nature.

Au-delà des cadres, des gestes conscients et explicites :

L’approche par les cadres présentées au-dessus est définie par Chartier et Geneix (2006) comme une pédagogie prescriptive. Elle se distingue du geste qui rend l’intention pédagogique effective, dénommée par les auteures comme de la « pédagogie réelle ». En effet, plus proche de l’activité professionnelle de l’éducateur de l’enfance, la définition du geste du pédagogue est parfois brouillée par la nature pluri- signifiante de l’activité de l’enfant aussi bien que de la relation qui le lie à l’adulte. Le jeune enfant joue, s’exprime, se déplace, autant de situations dans lesquelles il développe ses schèmes. Brougère2 (2011) définit le jeu comme « l’activité centrale dans la partie éveillée de la vie du jeune enfant ». Toujours selon l’auteur et en contrepoint de l’idée du jeu comme opportunité relationnelle à l’enfant, le jeu est un enjeu central d’éducation et d’apprentissage. Il met en avant la notion d’apprentissage informel (p.66) auprès des enfants de moins de trois ans, apprentissages comme coproduit de l’activité au quotidien, citant ici Pain (1990). Coproduit dont, au demeurant, le professionnel doit être conscient. Il doit être en mesure d’anticiper et travailler dans le sens des bénéfices attendu d’un quotidien en structure d’accueil, différent du cadre familial. Il doit également assumer un « rôle d’adulte comme éducateur informel » (p.67). Si

« l’enfant ne joue pas pour apprendre, mais il apprend parce qu’il joue » (Epstein 1999), il n’empêche qu’il joue à ce qui lui est mis à disposition, et dans une large mesure selon la manière induite par les opportunités prévues et souhaitées par l’EDE. L’activité du jeu est donc anticipée et planifiée avec une intention pédagogique par l’adulte.

La notion de CARE (développée plus loin) et celle des apprentissages sont intriquées, mais l’un ne doit pas pour autant cacher l’autre. Le souci de l’autre, les interactions positives, le vivre-ensemble, ne passent pas que par un travail relationnel, mais également par un ensemble d’apprentissages formalisés travaillés avant trois ans : il s’agit de « socialisation dans ses deux dimensions : interactions sociales et éducation.

Apprendre à communiquer, à parler, à collaborer avec autrui, adultes et pairs » (Tholon-Behar 2011)3. Ce travail sur les contextes est explicitement défini comme un enjeu de formation au travers du référentiel de compétence du métier (PEC EDE 2015) si l’on considère « la capacité à poser un cadre, à la construire pour et avec les enfants, à le faire respecter », ou encore la « capacité à organiser l’environnement et à proposer des activités adaptées aux compétences de l’enfant ». Si le rôle de l’adulte en matière de pédagogie, d’apprentissages sur versant socio-éducatif, est en partie défini par sa capacité à concevoir et développer un environnement favorable à l’exploration, aux apprentissages spontanés et à la structuration des interactions entre les acteurs du système (Legendre (1997), Fontaine (2011), …), la dimension plus active de la pédagogie est elle aussi largement soutenue, a fortiori auprès d’enfants plus grands. Le référentiel de compétence de la formation est en ce sens assez explicite sur la notion d’apprentissage initiés et portés par

2 L’accueil en crèche p.62

3 L’accueil en crèche p.93

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une intention de l’adulte notamment la « capacité à utiliser les tâches quotidiennes comme support d’apprentissage » (p.9). Par ailleurs, la demande des parents en la matière est explicite selon Paola Richard- De Paolis et ses collègues (1992) qui, à l’occasion d’une enquête régionale (p.96) écrivent que « l’autre apport en matière de éducative des lieux d’accueil, plus spécifiquement des institutions, est liée à l’encadrement pédagogique, qui permet de réaliser avec les enfants des activités créatrices souvent difficilement réalisables dans le cadre familial, lieux ou la notion d’apprentissage est prépondérante allant même jusqu’à la préscolarisation » (p.96).

L’accueil de l’enfance ne concerne pas que les enfants préscolaires, puisque la tranche d’âge concernée est de 0 à 12 ans. Le travail de l’éducateur s’inscrit dans un cadre pré et parascolaire. Pagani, Ghosn et leurs collègues (2005) font le constat d’apprentissages forts en structure d’accueil au Québec, qui vont dans le sens d’une meilleure intégration à l’école pour les enfants allophone en situation de pauvreté notamment.

Concluons donc que l’éducateur de l’enfance est un pédagogue, au sens où il s’inscrit dans un discours et des pratiques de transmission directe et indirecte de savoirs et de valeurs portées par la société, ceci en agissant aussi bien sur le contexte de vie de l’enfant qu’en créant des situations d’apprentissages explicites.

II.1.2/ Un co-éducateur :

L’éducateur de l’enfance est un pédagogue, nous l’avons vu et avons pris soin de détacher ce terme de l’éducation. L’intention est de dissocier le pédagogue comme « l’usager d’un ensemble des méthodes pour éduquer les enfants et les adolescents » (Larousse 2018), de l’éducateur dans un rôle moins instrumentalisé, comme « personne qui conduit ou influence la formation de l’enfant ou de l’adulte » (Larousse 2018). De la même manière, le document « cadre d’orientation pour la formation, l’accueil et l’éducation de la petite enfance en Suisse » distingue « formation et développement » (p.28), de même manière que le document de travail qui profile le nouveau plan d’étude de la formation dans son état actuel.

Une ressource complémentaire pour le parent autour de l’enfant en croissance

Comme le présente Thollon-Béhar (2010) citant pour l’occasion Dupraz (2005), «Il n’est pas facile d’être parent aujourd’hui, quand les modèles éducatifs variés ne posent plus avec certitude le cadre d’une « bonne éducation » ». Ce rôle particulier aux côtés du parent, différents auteurs le formalisent, notamment Jésu (2010) qui le dessine comme « une utopie réaliste qui fait le pari d’une relation de côte à côte entre les acteurs de l’éducation ». Cette alliance pédagogique vise à faire corps dans la formation de cet « enfant contemporain » que Jésu dans le même article définit comme le « détenteur pour lui-même de l’ensemble de ses potentialités d’adulte ainsi que d’une série de droits : droits à être protégé en tant qu’enfant, certes, mais aussi à bénéficier des conditions et des moyens de son émancipation progressive » (p.67). « L’enfant requiert donc la coopération raisonnée de tous les adultes qui, d’une façon ou d’une autre, au quotidien et dans la proximité relationnelle, participent à son éducation » note-t-il à cette même page. Ce « côte à côte » n’est pour autant pas tout à fait horizontal, puisque qu’ainsi que le note Thollon-Béhar (2010) « [les acteurs]

ne sont donc pas des « pairs » et ne sont pas éducateurs au même niveau. Plus que jamais, parents et professionnels ont à faire avec la complexité d’une telle tâche, en prenant chacun leur place ».

Il est question jusqu’ici de la co-éducation de manière générale mais pas encore du rôle particulier de l’éducateur de l’enfance. À ce titre Coutu, Lavigueur, Dubeau et Beaudoin (2005) recensent les formes

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prises au Québec par ce partenariat éducateur/parent. Ils identifient les points suivants directement issus de leur article :

 La communication ou l’échange d’informations entre les parents et les éducatrices (à propos de l’enfant mais aussi sur des sujets tels que la routine de vie, les progrès réalisés, les sources d’insatisfaction ou d’inquiétude, les attentes de chacun, les activités proposées, le vécu familial)

 La prise de décisions communes (notamment pour ce qui est de la nature des soins à prodiguer et des stratégies éducatives à adopter face à certaines conduites de l’enfant)

 Le soutien social, émotionnel ou instrumental (écoute et entraide dans les situations difficiles, dépannage lors de situations imprévues, échange de documentation ou de matériel, partage d’équipement)

 La participation aux activités du milieu (assistance lors des sorties, animation d’activités, participation à des corvées de nettoyage de jouets ou des espaces éducatifs, présence aux rencontres d’informations et aux causeries)

 La mise en œuvre d’un projet spécial conjoint (p. ex. : une sortie parents-enfants-éducatrices dans le cadre du Salon du Livre, la préparation d’un « concert » ou d’un spectacle)

 La gestion administrative du milieu de garde (participation aux réunions du Conseil d’administration et aux assemblées générales, examen des bilans financiers, préparation de demandes de financement de projets spéciaux).

Concluons que l’EDE est un co-éducateur, au sens où il épaule le parent dans la transmission à son enfant de valeurs, de normes sociales et culturelles depuis sa place particulière de référence hors de la famille, en tant que spécialiste de l’accueil collectif et du développement de l’enfant.

II.1.3/ Un travailleur social :

Une définition consensuelle

Avant d’affirmer que l’EDE est un travailleur social, il est préalablement utile de cerner les contours de cette notion. Le travail social est, au niveau international, défini depuis 2014 par l’IASSW4 comme « une pratique professionnelle et une discipline. Il promeut le changement et le développement social, la cohésion sociale, le pouvoir d’agir et la libération des personnes. Les principes de justice sociale, de droit de la personne, de responsabilité sociale collective et de respect des diversités, sont au cœur du travail social. Etayé par les théories du travail social, des sciences sociales, des sciences humaines et des connaissances autochtones, le travail social encourage les personnes et les structures à relever les défis de la vie et agit pour améliorer le bien-être de tous. »

Des intentions explicites dans les prescrits de formation :

Rélié à cette définition, l’EDE l’est par la nature du prescrit de son métier. Le plan d’étude, orienté profil de sortie, définit les compétences nécessaires à son activité, parmi lesquelles « il-elle encourage et valorise la rencontre avec les autres, le partage, le jeu, l’échange des connaissances et les découvertes » ou encore

« il-elle favorise les relations des enfants et leur intégration sociale » (p.9) pour les aspects de cohésion social ou d’autonomie des individus. Ou encore « adapte l‘organisation pour permettre l‘accueil et

4 International Association of Schools of Social Work

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l‘intégration d‘enfants besoins spécifiques » (p.9) pour les aspects liés à l’inclusion, ou enfin « actualise le concept pédagogique et les objectifs institutionnels » (p.12) ou « prend position par rapport aux problématiques liées au champ professionnel et à la pratique professionnelle » (p.12) pour ce souci de rendre compte au travers de la construction et de l’ajustement continu du cadre de travail des enjeux de sociétés locaux aussi bien que globaux. Le prochain plan d’étude5, encore en travail et auquel nous participons, met en avant de manière plus explicite les notions d’encouragement précoce, de participation et de citoyenneté, ou encore l’idée d’un EDE capable de saisir et d’intégrer à son cadre de travail les tendances de la société qui l’entoure.

Le champ d’action varié du travailleur social :

Ce sont par ailleurs des champs dans lesquels l’EDE est attendu de la part de nombre d’auteurs. Sur un plan de participation à son espace de vie, Rayna, Bouve et Boisset (2009) relèvent que « depuis les années 1990, la question de l’accès pour tous les enfants aux services d’accueil a commencé, également, à être posée en termes de « droit ». Ce principe suppose, notamment, de ne pas séparer les enfants en fonction d’appartenances sociales ou autres ». Plus loin même que la question des droits, encore mal ou inégalement tranchée dans les politiques familiales de France, de Belgique, de Suisse ou du Québec ou encore de Suède ou Allemagne (Rayna, Boisset, (2009) ; Japel et al. (2005) ; Montanaro (2007) ; Rayna et Brougère (2005) ; Giampino (2017) ; Bueche et al. (2003) ; Ludwig (1998), ; Daune-Richard (1998), etc.), les auteurs demandent « d’ouvrir l’espace des contenus éducatifs et pédagogiques, et positionner cet espace comme un véritable enjeu politique. Car tout acte pédagogique est un acte politique » (p.8). Politique, encore, quand Boisset (2009) définit le lieu d’accueil comme un espace social démocratique « régi par une conception précise de ses composantes (ce sont des individus et des individus égaux), par une conception précise des relations entre ses composantes (ces individus doivent se respecter, s’articuler, leurs interactions sont source d’apprentissages du fait qu’elles sont inscrites dans un horizon démocratique). Et notamment entre ses composantes adultes et enfantines » (p.63). Cet espace, ajoute-t-il, est culturellement et historiquement situé. Sur les préjugés induits par cette situation historico-culturelle, Tochon (1997) attend de l’EDE qu’il aide l’enfant à « concentrer [leur] attention sur les différences d’attitude à l’égard de certaines valeurs et de certains comportements en accord avec un arrière-plan culturel », afin « d’aider les enfants à développer des valeurs et attitudes démocratiques ».

Préparer un monde juste :

De fait, la société dans laquelle nous vivons n’est pas parfaite (ou elle ne l’est que pour certain) et la volonté de faire du travailleur social l’outil d’un monde plus juste est manifeste (en témoigne la définition en tête de chapitre). Au rang des enjeux de la formation préscolaire qui y contribuent, Tochon (1997) décrit des

« mesures prises pour favoriser une éducation interculturelle [qui] concernent l’intégration des contenus, la construction partagée des connaissances, l’équité et l’appropriation culturelle » (p.328). Cet enjeu de justice sociale et d’équité est bien entendu brûlante dans une perspective d’action, et apparaît nécessairement en formation : au Québec Vaatz-Laroussi (2007) s’interroge sur la place de la question interculturelle des paradigmes qui la sous-tendent en formation. Elle note que « ces positions pédagogiques et sociales sont avant tout politiques et à réfléchir ensemble sur les fondements du travail social et de la pédagogie du travail social dans des contextes et des rapports profondément inégaux où la diversité peut être un prétexte à la reproduction des inégalités tout comme un moteur pour les transformer ».

5 Commandé conjointement par Savoir Social, l’organe faîtier du monde du travail dans le domaine social en Suisse, et la SPAS, plateforme suisse des formations du domaine social, le travail est prévu pour aboutir à l’été 2020

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Concluons que le rôle de travailleur social est à la fois enseigné et largement attendu de la part de l’EDE, vu de manière très résumée comme acteur œuvrant pour un vivre ensemble juste et équitable au sein de la cité. Si la forme n’est guère plus précise, c’est qu’elle est conditionnée par une actualité à la fois changeante particulière des contextes de vie des personnes.

II.1.4/ Un agent de prévention :

Le CARE comme cadre de référence :

La notion de CARE est largement répandue dans les métiers socio-médicaux. Elle est définie par Brougère (2011) comme le terme réunissant de manière indissociable « soin » et « sollicitude ». Verba (2014) cite Fischer et Tronto (1991) qui définissent les métiers du CARE comme « toutes les professions qui cherchent à maintenir, perpétuer et réparer notre monde, en sorte que nous puissions y vivre aussi bien que possible », partant de « l’hypothèse que nous sommes tous vulnérables et par conséquent tous dépendants les uns des autres » (pp. 18-19). Cette forme de « dépendance solidaire » colore largement notre vision d’un agent de prévention, qui cible moins ce qui sort des normes que toute forme de détresse individuelle ou collective. Elle contient les deux notions de « réparation » et « prévention ». Le rôle dépend à notre sens de deux registres conjoints. Un registre postural tout d’abord. L’éducateur, par son attitude, par sa capacité à concevoir un espace accueillant et à l’habiter, crée ce que Cyrulnik (2011) appelle une niche sensorielle, un lieu sécure, dans lequel l’enfant peut s’inscrire dans une histoire positive, dans un réseau de liens favorables. Dans ce contexte, rappelle Cyrulnik évoquant Bowlby « ce qu’il y a de plus protecteur du développement d’un enfant, ce sont les attachements multiples » (p.27). Le second registre est instrumental. En référence au plan d’étude, les outils sont nombreux : observation, actions pédagogiques, communication, écoute, analyse de pratique, travail en réseau, gestion de projet, etc.

Des enjeux répertoriés :

Les enjeux de préventions sont nombreux et de différents niveaux. Se référant au référentiel national de compétences sur l’encouragement précoce (2016), un premier niveau est individuel. Il couvre les cinq axes du développement global de l’enfant, soit physique, affectif, cognitif, social et émotionnel (Giampino, 2017, pp. 32-33). Il peut s’agir de soutenir le développement normal de l’enfant à son propre rythme, mais aussi de le soutenir dans sa santé défaillante ou dans ses difficultés spécifiques, momentanées ou durables. Le second niveau se situe à l’échelle du groupe. Les actions professionnelles visent essentiellement l’intégration harmonieuse de l’enfant dans un collectif. Que ce soit dans le travail quotidien ou au sein de programmes ciblés auxquels les crèches sont associées, tels que le présentent Turcotte, Saint-Jacques, St- Amand et Dionne pour le Québec (2005), il s’agit de « stimuler le développement affectif et social des jeunes, à développer leurs stratégies de gestion des conflits, à les amener à acquérir des habiletés sociales et à mieux gérer leur stress ». En Suisse également, des programmes ou dispositifs sont mis en place en lien avec les lieux d’accueil, nous songeons notamment aux labels Fourchette Verte pour le soutien à une alimentation équilibrée ou Youp’la bouge pour la promotion du mouvement, ou des dispositifs utilisés par les lieux pour favoriser l’un ou l’autre aspect développemental en particulier, par exemple la méthode

« signe avec moi » (Acredolo et Goodwyn, 1996) pour favoriser l’accès à un langage partagé avec l’adulte et ses pairs, ou la méthode « tounelivres » (Praplan, Rochat et al., 2010) pour sensibiliser les plus jeunes à l’objet du livre, au monde de l’imaginaire et prévenir l’illettrisme.

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Concluons que l’EDE est un agent de prévention en agissant selon deux axes forts : pour reprendre les notions mises en exergue un début de chapitre, il s’agit de « réparer » en travaillant de manière individuelle ou collective sur des difficultés avérées, et également de « prévenir » en mettant en place un contexte d’accueil suffisamment riche, soutenant et stimulant pour anticiper et « désamorcer » des problématiques individuelles ou collectives pouvant survenir.

II.1.5/ Un spécialiste du champ de l’enfance :

Un statut défini par les prescriptions en vigueur et la formation… en Suisse

Spécialiste du champ de l’enfance en Suisse, l’EDE l’est par sa situation sur l’échiquier des formations et des prescriptions y afférentes. Formation professionnelle de niveau supérieure, elle est explicitement reliée au CEC6 et au CNC7 et située au niveau 6 de compétences, (comme les bachelors HES et HEP ou les brevets fédéraux). Il y est mention de spécificités attachées aux domaines des savoirs, des aptitudes et des compétences selon la terminologie propre au CEC. En matière de savoirs, il est question de « savoirs approfondis dans un domaine de travail ou d’études requérant une compréhension critique de théories et de principes » (p.12). Les aptitudes attendues sont « avancées, faisant preuve de maîtrise et de sens de l’innovation, pour résoudre des problèmes complexes et imprévisibles dans un domaine spécialisé de travail ou d’études » (p.13), et enfin pour les compétences, il est à la fois question de « gérer des activités ou des projets techniques ou professionnels complexes, incluant des responsabilités au niveau de la prise de décisions dans des contextes professionnels ou d’études imprévisibles » que de « prendre des responsabilités en matière de développement professionnel individuel et collectif ». En Suisse, la formation dure 5400 heures, 3600 pour les titulaires d’un titre du domaine.

…en France :

De son côté, la France n’est pas entrée dans la classification des certificats européens et a maintenu une nomenclature particulière8. L’histoire de la formation d’EJE9 en France, écrit Verba (2014), se façonne au gré de réformes qui traduisent une recherche de qualité et de légitimité animée par le débat entre généraliste et spécialiste pointu, pour s’arrêter à un partenariat méfiant avec l’université, mais se trouve reconnue au niveau III, soit BAC+2 de manière générale (licence 2, BTS10, DUT11), dans une échelle allant du niveau V (le plus bas) au niveau I (le plus élevé). C’est bien « un spécialiste de la petite enfance12» qui est présenté, formé de manière interdisciplinaire avec les assistants de service social, éducateurs spécialisés, éducateurs techniques spécialisés et moniteurs éducateurs au long d’une formation de 3600 heures (plus 1440 dédiée à du travail personnel), dont 2100 de pratique. C’est d’ailleurs ce regroupement des professions proches qui, pour certains professionnels du secteur, est vécu comme une perte pour la

6 Cadre européens des certifications, documents classant les différents niveaux de savoirs, compétences et aptitudes en fonction du niveau de formation

7 Cadre national des certifications, qui classe les formations suisses selon l’étalonnage européen proposé par le CEC

8 Présentée sur le site officiel de l’administration française : https://www.service- public.fr/particuliers/vosdroits/F199 (consulté le 14.08.2018)

9 Educateur de jeunes enfants

10 Brevet de technicien supérieur

11 Diplôme universitaire de technologie

12 Ainsi présenté sur le site officiel français des formations en éducation : http://www.info- educateur.fr/metier/metier-educateur-jeunes-enfants-eje.php (consulté le 14.08.2018)

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spécificité du métier (Verba 2014). Présentée en 2014 par Le Capitaine et Karpowicz, la formation dans sa version la plus récente est passée en ECTS, pour une reconnaissance de 180 crédits, glanés dans une formation couvrant quatre domaines : accompagnement du jeune enfant et de sa famille, action éducative et direction du jeune enfant, communication professionnelle, dynamiques institutionnelles, interinstitutionnelles et partenariales.

…en Belgique

Pour la Belgique, c’est le titre puériculteur-trice qui prévaut pour une fonction comparable, quand bien même le niveau est moins élevé et les enseignements moins spécifiques que dans le reste de la francophonie. La formation et présentée de niveau secondaire supérieur et alterne les savoirs généraux et spécifiques à la branche ; le diplôme d’état (DQ7) qui s’obtient en une année qui doit obligatoirement faire suite à deux années préalables en aspirant(e) en nursing et puériculture.13

…au Canada

Pour le Canada francophone, le titre délivré est éducateur à l’enfance et se situe au niveau de diplôme d’études collégiales (DEC technique), soit une formation supérieure de 2490 heures de cours sur 3 ans, dont 660 en formation générique et 1830 en formation spécifique, ainsi que des stages pratiques organisés de manières spécifiques selon les instituts de formation. Selon les accords-cadres l'Accord-cadre franco- québécois sur la reconnaissance des diplômes et la validation des études14, le BAC français rend admissible l’étudiant au DEC en technique à l’enfance, et donne ainsi un point de comparabilité des niveaux d’études.

À noter au Québec que le DEC offre un pont direct sur les universités, ce qui n’est pas le cas dans les autres pays examinés.

Il résulte de ce tour d’horizon de régions francophones un consensus relatif autour d’une formation de niveau supérieur gravitant autour de deux axes forts : les contenus techniques spécifiques (à diverses intensités, la Belgique ayant le programme spécifique le moins chargé en heures, et la suisse romande le plus dense), et la pratique professionnelle. Toutes les formations se prévalent via leurs sites ou leur littérature de former explicitement des spécialistes.

II.1.6/ Un praticien réflexif :

Un principe général :

La notion semble aller de soi aujourd’hui dans le paysage des formations supérieures, elle est par ailleurs intimement liée aux descripteurs des niveaux de formation du CEC. Le niveau 6 sur 8 reconnu à la formation d’éducateur de l’enfance le positionne comme un utilisateur critique des cadres théoriques, d’un professionnel avec un haut niveau d’aptitudes faisant peuvent de maîtrise et d’innovation dans les situations complexes et imprévisibles. Cela présuppose un regard analytique sur la nature et les effets de sa pratique professionnelle, c’est en tout cas ce qu’en concluent les concepteurs du plan d’étude EDE actuel, puisqu’il y est noté (p.6) « L‘éducation d‘un enfant soulève des questions pédagogiques que I‘EDE prend en

13 Formation présentée sur le site belge de la formation : https://formations.siep.be/formation/fiche/sec/204/

(consulté le 14.08.2018)

14 Le site officiel des reconnaissances internationales des diplômes se trouve à cette adresse :

https://www.uqar.ca/admission/a-propos-Be-l-admission/reconnaissance-B-acquis-Bec-bac-et-passerelles (consulté le 17.08.2018)

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considération également dans leurs dimensions philosophiques, éthiques et sociales. Il/elle doit développer une pratique réflexive permettant un ajustement constant aux diverses circonstances et particularités des situations dans lesquelles il/elle est impliqué ». Suffit-il pour autant de dire que l’éducateur de l’enfance est un praticien réflexif parce que les prescriptions de formation en ont décidé ainsi ? Sans doute pas, il reste à entrer dans la nature de ce rôle et la légitimité de l’accoler à la profession qui nous intéresse.

Une approche légitime en regard des fonctions de l’EDE :

Qu’est-ce qui justifie que l’EDE entre dans ce paradigme complexe qui, selon Perrenoud (2001), « distingue mais articule réflexion dans l’action et réflexion sur l’action, deux modes, deux temps » ? Il y a tout d’abord un enjeu de professionnalisation évident (Bourdoncle, (2000) ; Maroy (2005) ; Giampino (2017) ; Lang (2010), …), mais également deux éléments qui nous semblent essentiels. Le premier, c’est le constat d’un réel besoin de ce type de démarche sur le terrain. Critique et distance nécessaires pointées par Giampino (2011) de l’EDE vis-à-vis d’une politique de l’enfance trop normative en France, acteur critique de l’émergence d’une nouvelle politique familiale pour Verba (2014), nécessaire adaptation à une montée d’exigence des sociétés et des familles en matière d’accueil (Giampino 2017) et un professionnel solide face à un contexte sociologique de la famille toujours plus complexe (Buèche, Combe, Durest Waeber et al.

2003). Les voix ne manquent pas pour dire que l’EDE ne peut pas se contenter d’exécuter une tâche : il s’agit d’évaluer, analyser, ajuster, décider, assumer, tout en étant plongé dans une forme de quotidienneté.

L’autre aspect tient à cette spécificité d’être soi-même son principal outil ; certes, ce n’est pas le propre de l’EDE, l’on pourrait dire de même de l’enseignant (Perrenoud le dit d’ailleurs en 1996 quand il décrit l’enseignant comme n’étant « pas une machine à instruire dépourvue d’émotions, de préjugés ethnocentriques, de désirs, de compte à régler avec son enfance »), ou encore de l’acteur de théâtre. Pour autant, les métiers qui ne font pas leurs preuves dans un production en dehors de soi ne sont pas si nombreux.

Pratique réflexive, un jeu de miroir ?

Le terme pratique réflexive peut-être ainsi sensiblement détourné, réflexif étant compris comme une forme de « miroir de soi au travers de l’activité professionnelle ». À la manière d’un jeu de reflets, le travail auprès d’êtres humains, au contact de valeurs, de normes, de cultures différentes, renvoie l’image d’un « soi en action », avec ses propres biais, son propre bagage. La question des savoir-être est ici centrale. Défini par De Carlo (2013) comme une capacité à visiter le territoire d’autrui, et d’en revenir à la fois changé et réaffirmé dans ses repères, cela veut dire que la rencontre avec l’altérité nous change, et une analyse des déterminants de ces changement est plus que nécessaire. La notion met ceci en évidence : l’EDE comme praticien réflexif n’a pas « que » ses gestes professionnels et leurs effets comme objet d’analyse, mais aussi et tout aussi centralement, un « soi agissant », des déterminants personnels de son action et des opportunités légitimes de changements intimes. À propos de la relation à l’autre, d’un accompagnement sécure, Debras et Renard (2008) parlent d’un « cheminement en soi-même, qui va introduire l’ouverture à l’autre. Il faut pouvoir accueillir cette mise en tension de soi qui est également une mise en relation, l’accueillir avec tout ce que cela peut apporter comme émotions, comme troubles, bouleversements, projections, transferts, phantasmes, questionnements ».

Concluons que l’EDE est un praticien réflexif, non seulement dans le but de mieux concevoir les aspects techniques de son travail au quotidien, mais également pour percevoir ce que le travail dont il est le principal outil change en lui. Il lui faut produire une analyse critique pour accueillir ou orienter de manière constructive ces modifications intimes.

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Tableau 2 : présentation synthétique des différents rôles de l’EDE :

éducateur- trice de l'enfance en

tant que...

co-éducateur

-accompagne les familles dans leurs tâches éducatives -propose, soutient et appuie les

démarches visant à l'éducation de l'enfant -conçoit et anime un lieu stimulant et complémentaire au

milieu familiale et/ou scolaire

agent de prévention

-vigie et acteur du bon développement global de

l'enfant -membre proactif d'un réseau

autour du développement harmonieux de l'enfant

pédagogue -conçoit, met en oeuvre et

explicite des dispositifs comme opportunités

d'apprentissage -conçoit et anime un espace

pensé pour favoriser les apprentissages formels et

informels travailleur social

-s'inscrit activement dans un champ de travail interdisciplinaire -travaille dans le sens d'une mise en lien des acteurs jugés

bénéfiques à l'enfant en croissance et/ou au groupe

d'enfants -promeut un modèle de participation citoyenne et de

justice sociale

spécialiste du champ de l'enfance

-utiilsateur critiques des modèles de référence -personne ressource et de conseil dans les savoirs pointus associés au champ de l'enfance

praticien réflexif

-réfléchit dans et sur sa pratique -réfléchit sur la nature et les

effets de son action professionnelle -réflchit sur un "soi dans

l'action"

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18 II.2/ Demande et besoin de formation par le prisme des acteurs :

Une notion qui appelle des précisions

Il y a bien ici quelque chose à préalablement éclairer en matière de besoin et demande de formation : le terme de besoin de formation ou besoin en formation émerge dès les années soixante en France avec Schwartz tout d’abord, puis de manière plus formelle avec Lesne et Barbier (1977). Sans que cela ait échappé à ses auteurs non plus qu’à leurs critiques (Meignant (1992) ; Soyer (1998) ; Sensévy (2001)) que ce terme de besoin est bien imprécis. Le besoin est de quelle nature ? De qui émane-t-il ? Cette notion de besoin de formation peut apparaître comme un fourre-tout commode pour défendre tant bien que mal de nouvelles impulsions en formation, à quel niveau que ce soit. Précisons donc différents éléments, en premier lieu l’idée même de besoin.

Quelques points de repères conceptuels :

Le Boterf (1990) décrit ce besoin de formation comme l’expression « de l’écart de connaissances ou de compétences existant entre le profil professionnel requis et le profil professionnel réel », en conséquence de quoi les « les besoins de formations sont exprimés en termes d’objectifs opératoires de formations » (p.96). La définition, qui a le mérite de la clarté technique, postule néanmoins l’existence d’une entité abstraite et absolue que l’on nommerait le Métier, et qui serait un mètre-étalon fiable. Le Métier est pourtant une construction sociale tissée d’intérêts individuels, ainsi que le présente entre autres Lang (2010) dans son article « les rhétoriques de la professionnalisation ». Ainsi donc, les « requis » du Métier, peuvent fluctuer selon l’acteur qui les réclame. Postulons donc que la notion de besoin s’articule certes sur le profil d’un « professionnel minimalement efficace », mais pas seulement. Sensévy (2001), qui se préoccupe de besoins et offres de formation dans une perspective de régulation des pratiques professionnelles des enseignants positionne les acteurs dans ce jeu en tension. Il analyse ainsi le passage du syntagme « offre Vs. demande » à « besoin Vs. attente » comme un déplacement de l’attention sur les acteurs : offre et demande renvoyant à une logique de marché dans laquelle, pour le dire ainsi, un formé- roi viendrait faire ses emplettes de cours. D’un autre côté, la paire « besoin/attente » brouille les cartes et joue d’une forme de superposition : dans le cas traité par Sensévy (2001) concernant l’enseignement, la rhétorique institutionnelle suppose qu’elle est première dans la définition des besoins, et que si le formé veut devenir enseignant, il est au meilleur endroit possible et ainsi besoins et attentes vont nécessairement se confondre. Comment en effet pourrait-on avoir des attentes formelles pour des cours que l’on n’a encore jamais fréquentés. Ces deux postures sont bien entendu toutes deux chargées de bon sens, mais n’engagent pas nécessairement la même démarche d’élaboration d’un programme.

Une nomenclature pour orienter le travail :

Il est encore insuffisant, à ce stade, de n’adosser les notions de besoins et attentes de formation et ses notions proches qu’à une forme d’adéquationnisme à la nécessité d’un opérateur efficace, ou qu’à un discours de prééminence du formé ou de l’organe formateur sur la nature et la forme des enseignements.

Il manque une vision analytique qui précise du vocabulaire univoque et en lien avec différentes facettes de ces notions sibyllines. À cet effet, Ardouin (2017) donne un cadre éclairant : il décrit le besoin comme « un manque ou un état de manque » (p.81), et précise au travers du graphique reproduit ci-dessous et inspiré des travaux de Johari (1967) la nature de ce manque :

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Tableau 3 : besoin de formation selon les travaux de Johari Situation/problème

Non visible/implicite

Situation/problème Visible/explicite Objectif de formation

Non exprimé

manque dysfonctionnement

Objectif de formation exprimé

attente demande

Mais là où la question prend sa dimension nécessaire, c’est lorsqu’il s’agit de pointer cette question : de qui provient le besoin identifié ? Ardouin distingue d’emblée deux grands pôles : les besoins de l’entreprise, en termes de qualifications, postes, compétences, et ceux du salarié, pour se maintenir en poste, se développer, mais tenant également compte du fait que la personne intervient avec une dynamique individuelle.

Les besoins de formation donc, s’inscrivent dans un différentiel entre un état attendu et un état réel, et sont conditionnés par l’acteur qui soit les exprime, soit les perçoit sans les nommer. Ils sont encore, souligne Ardouin (p.83-84), classés en différents niveaux : macro pour les enjeux globaux, méso pour les enjeux de l’entreprise, et micro selon deux axes, le premier selon les besoins du poste et le second sur les aspirations personnelles de développement.

Un enjeu large :

La notion de demande de formation dépasse les frontières des formations, qu’elles soient primaires, initiales, continues etc., tout en prenant une coloration particulière dans chacun de ces espaces de formation ; mise à niveau des compétences dans un contexte professionnel qui évolue rapidement, maintien des seniors en activité, définition des savoirs minimaux pour les plus jeunes dans une société en mutation rapide, pont entre les exigences émergentes des institutions, des publics, ou des professionnels eux-mêmes, les axes de traitement ne manquent pas. S’il n’est pas question ici de proposer une étude définitive sur les demandes et attentes de formation du métier, il convient néanmoins d’en donner différents caps suffisamment fonctionnels pour mettre en mouvement la construction d’un curriculum, puisque telle est ici la question centrale. Pour ce faire et en reprenant la terminologie d’Ardouin, il s’agit donc de croiser les objectifs de formations et les situations en fonction des différents acteurs mobilisés, et ce à différents niveaux, macro, méso, micro, et tenter autant que possible de faire basculer l’implicite et le non visible dans le visible et l’explicite afin de pouvoir en faire une donnée exploitable.

Au niveau macro, nous nous pencherons sur l’interprétation du besoin de formation au travers des prescriptions nationales. Au niveau macro et méso, largement nourri de la vision de Le Boterf d’un opérateur efficace, nous nous fions à l’étude « enquêtes auprès des directions et des cadres d’institutions de la petite enfance en Suisse romande » d’Emilie Flamand-Lew (2016), pour Evaluenda15 sur mandat de l’ARDIPE16 via Pro Enfance17. Et enfin, au niveau méso et micro, deux portes d’entrées : d’une part nous avons entendu quatre étudiants en cursus avec un double souci, celui de vérifier si l’offre de formation telle que conçue produit actuellement les fruits attendus, et ensuite de matérialiser leurs attentes de formation en ayant la possibilité de défendre le changement ou le maintien de processus de formation tels qu’ils les

15 Bureau d’études privé et indépendant, spécialisé dans l’évaluation de projet et des programmes d’action, l’analyse et le conseil organisationnel, ainsi que la réalisation d’enquêtes : http://evaluanda.ch/

16 Association romande des directeurs des institutions pour l’enfance : http://www.ardipe.ch/

17 Plateforme romande pour l’accueil de l’enfance : http://plateformeproenfance.ch/

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vivent aujourd’hui. Et dans un second temps, nous avons synthétisé les projets de formation de tous les étudiants qui démarrent en septembre 2018, selon une méthodologie décrite dans le chapitre y relatif.

II.2.1 Vision du prescripteur national

Impulsé par le cadre européen et les accords de Bologne, les plans d’études sont aujourd’hui largement inspirés d’un méta-cadre commun, issu du CEC pour l’Europe, le CNC pour la Suisse. Le souci mis en avant sont à la fois une nécessité de comparabilité entre les certifications de différents pays ou différentes régions, pour promouvoir les perméabilités entre les formations et la circulation des travailleurs, aussi bien qu’un document rendant lisible les acquis à des fins de formation tout au long de la vie. Un premier plan d’étude sur ce format est édité pour l’éducation de l’enfance en 2007. Le document suit un processus établi de révisions successives, certaines dites « petites révisions » tous les trois à quatre ans, et une « grande révision » à dix ans, étape transitoire dans laquelle nous nous trouvons présentement.

Le plan d’étude actuel :

Le plan d’étude actuel présente aujourd’hui un visage très proche de sa première version, légèrement remaniée en 2015. Les acteurs centraux en sont les écoles supérieures de l’éducation de l’enfance, l’Ortra du domaine social, Savoir Social, avec une place particulière des écoles romandes alors à la pointe dans ces formations.

Tableau 4 : Les heures allouées aux différents modes de formation extraites du plan d’études18 (p.24)

Les axes de formation sont donnés au travers de cinq grands domaines, à savoir les domaines « accueil et soutien de l’enfance », domaine « social », « pédagogie et éveil culturel », « méthodologies professionnelles » et enfin le domaine transversal de la « pratique réflexive ». Ces domaines sont déclinés en dix processus de travail, processus définissant ici un ensemble de compétences proches. Ils sont ainsi définis :

 Processus 1 : Accueillir I’enfant dans une structure collective extra-familiale

 Processus 2 Soutenir le développement de I’enfant dans sa globalité

 Processus 3 Observer et documenter l’évoIution et les apprentissages de I’enfant

18 L’erreur de total au terme de la colonne « plein temps sans CFC ASE » devrait être de 5'400 heures, mais le tableau est ainsi présenté dans le plan d’étude et nous ne l’avons pas retouché.

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 Processus 4 Elaborer et mettre en pratique le concept pédagogique

 Processus 5 DéveIopper une action réfIexive sur la fonction, ses tâches et son rôle

 Processus 6 Gérer le travail en équipe

 Processus 7 Collaborer avec les familles et accompagner la parentalité

 Processus 8 Collaborer et coopérer avec les réseaux externes

 Processus 9 Garantir une action professionnelle conforme au cadre IégaI

 Processus 10 Assurer le travail administratif et organisationnel du groupe éducatif

La cible pour chacune de ces compétences est au niveau 6 selon l’échelle du CEC. Le candidat entrant typique est issu d’un parcours soit académique avec une maturité, soit professionnel avec un CFC. En regard de ce dernier, il passe, selon la typologie issue du CEC, d’un professionnel lui permettant d’agir de manière encadrée (niveau 4 de compétence) à un professionnel appelé à agir de manière critique et autonome (niveau 5 et 6). Il dispose, selon la même source (p.12) de « savoirs approfondis dans un domaine de travail ou d’études requérant une compréhension critique de théories et de principes », dépassant ainsi les

« savoirs factuels et théoriques dans des contextes généraux dans un domaine de travail ou d’études » avec lesquels il se présente aux portes de la formation. Nous devons à ce stade demeurer conscient, non sans ironie, de la difficulté du réel à entrer correctement dans les cases qu’on lui prévoit. Néanmoins à ce stade, la demande de formation (demande explicite pour des objectifs identifiés) est limpide du côté du prescripteur. Elle s’exprime donc comme une montée significative et quantifiable en compétences dans les aspects pédagogiques, éducatifs et préventifs auprès de l’enfant, dans le soutien aux familles, la collaboration harmonieuse dans une équipe, la collaboration avec d’autres corps professionnels, la tenue d’un rôle administratif et de gestion, et dans tous ces domaines, décider, pondérer, critiquer, assumer, porter, défendre et argumenter, agir de manière réfléchie et construite entre autres. Ces verbes ne sont pas anodins : si le plan d’étude -si bien l’actuel que son successeur-, fait l’économie d’une taxonomie telle que celle de Bloom par exemple, il prétend néanmoins fixer le niveau d’atteinte au moyen de la technicité induite par le verbe d’action choisi.

Le plan d’étude en préparation

Évidemment, à ce stade, difficile d’en dire quoi que ce soit de définitif, sinon que cette refonte globale répond à l’évolution de nos sociétés et la reconnaissance d’une évolution des services. Si à l’heure où nous écrivons ces lignes le texte part en consultation et est susceptible de subir de nombreux changements, différents éléments sont aujourd’hui suffisamment solides pour être transmis de manière fiable :

Le souci de comparabilité des formations est plus marqué qu’auparavant, peut-être moins dans un souci de circulation des travailleurs que dans le sens d’une meilleure perméabilité entre les métiers du social concernés, ici éducateur de l’enfance, maître socioprofessionnel, animateur communautaire et éducateur social ES, mais aussi un meilleur alignement avec le niveau inférieur, puisque le plan d’étude du CFC d’assistant socio-éducatif est lui aussi en profond remaniement. C’est en tout cas les principaux éléments que l’on voit se dégager de la communication officielle19. De fait, les plans d’études de ces formations auront désormais cinq domaines de compétences en commun et un vocabulaire harmonisé. La demande de formation qui transparaît concerne les aspects interdisciplinaires, évoqués dans le PEC20 précédent mais plus massivement mis en avant dans cette version. Son origine n’est pas signifiée, mais on peut y voir aussi bien la volonté des institutions d’induire une plus grande flexibilité chez le futur professionnel, que la réalité

19 Projet « Grande révision des plans d’études cadres des Ecoles supérieures dans le domaine social»

État d’avancement du projet et informations, document produit en annexes

20 Abréviation pour plan d’études cadre

Références

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