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II.2/ Demande et besoin de formation par le prisme des acteurs :

II.2.2 besoins de formation des lieux professionnels et répercussion sur la formation initiale

Dans le présent chapitre, les lieux professionnels considérés sont ici les lieux romands. Deux raisons principales à cela : la première, c’est que nos étudiants se destinent à la quasi exclusivité au marché de l’emploi romand. Les répartitions sur ces cinq dernières années donnent des résultats relativement constants : moins de la moitié des diplômés restent en Valais romand, le reste se répartit essentiellement sur Vaud et Fribourg. La seconde raison tient à la différence des approches de formations selon les régions linguistiques que nous avons évoquée au-dessus. La formule romande est l’héritière du modèle du travail social interdisciplinaire enseigné au niveau ESTS, déclassé en ES au passage des HES. Dans la région alémanique en revanche, Valais germanophone compris, le métier est chevillé à une culture d’apprentissage, de niveau CFC. Le niveau ES existe certes, mais les terrains professionnels optent massivement pour le métier d’assistant socioéducatif. Pour ces raisons donc, l’étude ciblant les lieux romands nous semble la plus représentative de la relation demande/attente de formation liant un lieu et un stagiaire ou un futur professionnel dans le contexte réel de notre formation.

En termes de représentation, l’étude fait état de 304 réponses pour 925 envois, soit 33% de retour, et si l’on exclut Vaud qui affiche le taux de réponse le plus bas (19%) pour des raisons contextuelles, le taux de retours valides pour Fribourg, Genève, Jura, Neuchâtel, Valais, se tient à 54%. Parmi les répondants, les profils de diplômes se présentent comme suit :

Tableau 5 : profil de formation des directions d’institutions

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A noter la formation en éducation de l’enfance ES est récente, elle qui a remplacé d’autres formations plus anciennes telles que jardinière d’enfant ou nurse. Si l’on réunit ces titres comme étant une formation de base reconnue dans le domaine de l’enfance, le taux cumulé est de 76%

Quels besoins traduisent donc ces responsables de structures d’accueil, majoritairement des directeurs (59.7%), mais aussi des adjoints et des responsables de secteurs ? Puisque, pour reprendre Ardouin, la demande provient d’un manque, il est d’abord questions de ce qui, à leurs yeux, ne va pas. Un manque de temps manifeste, un manque de reconnaissance des tâches managériales dans le cahier des charges, un manque de reconnaissance salariale, en décalage marqué avec le niveau de responsabilité, l’absence de cahier des charges ou le manque de lisibilité des rôles et fonctions de chacun : en résumé et malgré un tableau global plutôt positif, « beaucoup de travail et d’énergie sont nécessaires pour arriver à obtenir des conditions de travail plutôt satisfaisantes. (…) les prestations fournies le sont au prix d’un investissement professionnel et personnel très important, de personnes qui ne comptent ni leurs heures ni leur énergie, mues en grande partie par leur vocation et leur amour de ce métier » (p.15). Discours vocatif, soit dit en passant, qui n’est pas le moindre des freins au statut de profession reconnue pour l’éducation de l’enfance.

Le tour des tâches qui occupent ces responsables donnent quatre pôles majoritaires donnés ci-après (tiré de la p.17) et qui s’articule, de manière diversement appréciée, à des tâches éducatives de terrains, situations dites de « double casquette » :

Tableau 6 : tâches centrales des directions d’institution selon elles

Partant du constat des manques, passés dès lors de manques à disfonctionnements, reste à les relier à des objectifs de formation explicite. Si la formation continue existe bel et bien et remporte une large satisfaction des répondants, ils notent les compétences clés qu’elle devrait continuer à affuter. Il est question, dans le quintet de tête, de communication et d’écoute, du sens de l’organisation, de gestion d’équipe, de flexibilité

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et de compétences pédagogiques. Il est intéressant de noter au passage que sur quinze items, l’analyse et l’esprit de synthèse ferme la marche, devancé de près par l’empathie et la patience. Il s’est ensuite agit pour les répondants de proposer des pistes d’amélioration. Tirées de la p.23 de l’étude, les voici représentées ici :

Tableau 7 : besoins exprimés par les directions

Le lecteur peut ici se dire qu’au fond, l’étude a fait l’état du besoin de formation des cadres des structures de l’enfance. Alors, quel lien avec les attentes en formation initiale ? Nous y venons. En réalité, si l’étude est intéressante pour elle-même, elle l’est davantage encore dans la façon dont elle est investie et utilisée, précisément au niveau des instituts de formation EDE ES. Les cadres des institutions de formation ont lu le même rapport et en ont tiré les mêmes observations que nous. Pas loin de 80% des responsables de structures sont « du sérail », et nonobstant les formations continues, des manques demeurent. Pressés par un environnement peu soutenant ou peu au clair sur la nature de leurs responsabilités, les tâches clés sont sous-dotées en temps et en effectifs, minorées dans les descriptions de poste, ou certains pôles comme les tâches administratives prennent une ampleur étouffante. Dans les préconisations, l’auteur demande de refuser certaines tâches, de déléguer, de travailler au développement de cadres intermédiaires là où c’est possible selon la taille et l’organisation des structures. En parallèle pour les écoles supérieures, demeure le climat compétitif évoqué en introduction et la nécessité de redessiner et affirmer le contour spécifique d’un éducateur de l’enfance. Conclusion entendue à différentes séances d’information : « il faut profiler des directions ». Nous comprenons ainsi qu’au carrefour de rhétoriques individuelles, de visions de métiers pas nécessairement partagées, naît en filigrane des options massives pouvant influer sur l’ensemble du curriculum, que nous aurons l’occasion de discuter plus largement dans le chapitre à cet effet. Il est

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intéressant de noter que sur ce point, nous sommes proche de la distinction de Sensévy entre offre et demande de formation d’un côté, et besoin et attente de l’autre. Ici, c’est bien l’institution qui définit le besoin « bon pour le métier » (que ce soit pour préciser sa plus-value ou même, à ce stade, survivre à la concurrence), postulant de facto que le futur étudiant s’attend bien à cela en signant pour se former en éducation de l’enfance. La réalité statistique du côté de nos étudiants en cursus ces deux dernières années, c’est que sur huit classes interrogées par nos soins oralement à l’occasion du cours « rôles et fonctions professionnels » (soit 131 étudiants) 102 ne se disent pas intéressés par une direction ou en tout cas pas dans un avenir proche, 14 ne savent pas trop, et 15 y songent très concrètement, à court ou moyen terme.