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V. 2.2 / Exploitation des données :

V.3/ Modèle dual : quelles opportunités selon les effets recherchés

Le modèle dual est globalement très bien perçu dans son principe général. En effet, pour B l’alternance dans sa forme plein temps avec activité professionnelle, soit trois jours sur le terrain et deux à l’école, est le fruit d’un choix prioritaire (21/7-B), et le modèle es perçu comme étant plus positif parce que mieux régulé entre théorie et pratique (12/3-D, 19/5-D). Pour A, C et D, si le principe de l’alternance n’est pas à remettre en cause en soi bien au contraire, c’est son organisation qui pose problème. Même s’ils ont conscience du problème logistique de stages-blocs pour trois années27 (explicitement B et C), les soucis sont à corréler avec la répartition générale entre théorie et pratique, si distants que les liens sont rendus difficiles à opérer (34/4-D). Autres inconvénients pointés, A estime qu’en n’ayant que peu de contenu théorique entre la fin

27 Toute l’école ne pouvant pas être en stage en même temps, ne serait-ce qu’en raison des places de stage disponibles, les périodes sur le terrain alternent selon les années entre le premier et le deuxième semestre.

Concrètement, les étudiants dans un modèle plein temps avec stages enchainent grosso modo le stage de première et celui de deuxième, puis ont un an sur les bancs entre le stage de deuxième et celui de troisième.

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du stage de première année et le début de celui de deuxième, elle n’est pas sentie promue d’une année à l’autre, ni significativement mieux équipée pour faire face à un nouveau contact avec le terrain (24/4-A, 24/10-A). Et de son côté, C qui rejoint une critique en filigrane de B et D, constate que les plages théoriques entre les stages sont longues et denses, parfois concentrées sur un thème central vécu comme lourdement surligné (26/4-C, 26/6-C). D reconnaît néanmoins au système de stages une plus grande variation d’expériences (32/7-D, 33/6-D) tandis que B pointe avec lucidité le risque d’un modèle en emploi où certains collègues ne connaissent qu’un seul groupe trois ans durant.

Au fond, si l’on se penche sur le cadre théorique, l’on constate que les aspirations des étudiants sont raccords avec les principes centraux qui font le socle d’une expérience de formation constructive.

L’étudiante en formation en emploi, B, surligne c’est aspect de récursivité des aspects théoriques et pratiques, cette circularité qui permet de travailler sur des situations authentiques en cours théoriques, et de mettre rapidement les concepts vus sur les bancs à l’épreuve du réel. Les risques, les étudiants en pointent deux : B perçoit le piège d’un enfermement dans un rôle de productivité pure (10/7-B et suivants).

Dans ce cas, le temps de pratique n’est plus exactement du temps de formation, mais du temps passé à accumuler de l’expérience, expérience entendue comme un cumul d’heures consacrées à des tâches sans intention formative explicite. Ce temps deviendrait alors arbitrairement long et peu efficient en termes d’acquis de formation. Autre piège, C’est D qui le relève, c’est une surspécialisation liée à un seul type d’activité (32/9-D). Cette approche sur-contextualisée distingue pour le coup des projets différents pour l’étudiant selon que l’on se place du côté de l’institution, qui pourrait souhaiter un opérateur efficace dans le poste qu’il occupe, ceci dans une visée très utilitariste, et la formation, qui souhaite voir advenir un généraliste pour qui son emploi actuel n’est qu’une facette du profil souhaité.

Nous voyons bien en filigrane se dessiner les enjeux tels que décrits dans le cadre théorique, soit en un jeu d’emboîtement de différents niveaux. Au niveau macro, il est indéniable que l’organisation institutionnelle produit des approches différentes, et même significativement différentes selon les voies à plein temps avec stage ou avec emploi. Il apparaît évident au travers du discours de B que son quotidien est rythmé par des impératifs de tâches (en particulier minutes 10 et 11), tâches liées à son statut d’engagement, soit officiellement ASE et non pas « éducatrice en formation ». Elle dit même (10/7-B) qu’elle est la seule diplômée sur son lieu et donc qu’elle assume les tâches de responsabilité en conséquence. Pourtant bien sûr, elle n’est pas diplômée de ce métier qu’elle est en train d’acquérir, elle est simplement la plus « capée » de l’équipe en termes de niveau de formation à ce jour. D’un autre côté, sur le versant stages, l’organisation produit selon les dire de A en particulier, l’absence d’un sentiment de progression régulier, puisque le stage de deuxième intervient si vite après celui de première qu’il est vécu comme une extension du premier stage plus qu’une nouvelle expérience engagée avec un bagage supplémentaire significativement consistant.

S’il ne fait aucun doute que l’organisation générale donne des orientations déjà à ce niveau, le niveau méso, à savoir la façon dont les acteurs institutionnels comprennent et instrumentalisent de dispositif, cela instille également son lot de voies particulières. Il en est peu fait mention dans le discours des étudiants mais transparaît en filigrane en particulier dans le discours de B. Au fond, derrière une étudiante en formation et engagée avec un statut d’ASE, c’est une étudiante qui a le plus haut niveau de spécialisation auprès des enfants dans l’institution où elle travaille, et l’on en déduit des intentions de professionnalisation du lieu qui sont plus manifestes que la professionnalisation de l’étudiante elle-même.

Au niveau micro, les manière dont les étudiants sont en capacité d’intégrer les apprentissages propres au dispositif d’alternance sont, nous l’avons vu, corrélés à des aptitudes ou des traits de personnalités individuels, et sans doute également à une relation pédagogique unique entre des personnes incarnant des

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valeurs, des attitudes, des aptitudes particulières. Si cet élément semble bien difficile à maîtriser, il est sans aucun doute intimement relié à la clarté des niveaux supérieurs. Si C peut lancer une étude sur les besoins des parents au moment des retours alors que l’institution en a sans doute sa propre vision fort claire, tandis que B court d’une responsabilité administrative à l’autre en perdant de vue le travail auprès des enfants et des familles, c’est à notre avis d’abord et avant tout le fruit d’une organisation et d’une régulation des missions au niveau institutionnel.

Pistes d’actions : Ainsi qu’évoqué, il semble que chacune des options de formation pratique actuelles offrent leur lot d’avantage et d’inconvénients. Si la voie à plein temps avec activité professionnelle semble idéale vis-à-vis de la circularité des savoirs théoriques et pratiques, le risque est bien présent de l’utilisation de l’étudiant comme une main-d’œuvre quasi qualifiée et utilisée comme telle, avec un horizon d’expériences plutôt limité. Si la voie plein temps avec stages offre en revanche une palette d’expériences diversifiées dans des institutions différentes avec des tranches d’âge différentes, son organisation en plages temporelles concentrées parfois trop proches ou trop éloignées les unes des autres, nuit au cycle d’intégration théorie/pratique, sinon même à la mise en sens des savoirs enseignés loin des terrains. En termes de socialisation au sein même de l’école, le discours ségrégatif de B (19/1-B, 19/5-B, 21/3-B) nous pousse même à nous méfier de deux organisations qui fabriquent de la différence au sein d’une même formation avec des effectifs pourtant peu élevés. Au fond, puisque le modèle dual engage également une dynamique de socialisation, de transition de valeurs et de modes de travail entre école et métier, la question centrale. Pour un métier qui se vit en équipe, le pli d’une ouverture à l’autre devrait s’amorcer largement au travers de la formation et la valorisation d’une communauté de pratique, a fortiori dans une formation qui se prévaut de travailler sur une identité de travailleur social. Une organisation qui produit de la division doit à notre sens être considérée selon l’effet qu’elle produit en termes de socialisation, soit ici comme moteur initial d’un habitus de travail recroquevillé sur son identité que nous serions les premiers à déplorer.

En conséquence de quoi, nous proposons donc une fusion des deux modèles actuels vers un fonctionnement uniforme qui ne distingue les étudiants avec emploi ou avec stage seulement par le statut sur le terrain et la manière de trouver un lieu de formation (l’école cherche et attribue les stages, alors que les étudiants en voie avec activité professionnelle se présentent avec un emploi). Il s’agirait de filer les stages sur dix mois selon un rythme typique d’étudiants en emploi. Puisque désormais la formation normale -entendue par-là la formule regroupant le plus gros des candidats prévus-, se présente désormais sur deux ans, nous proposons pour les lieux de couvrir la semaine et l’année en alternant un étudiant de première et un autre de deuxième, selon le schéma ci-dessous.

Tableau 19 : projection du dispositif d’alternance

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En ce qui concerne la variabilité des situations de travail, nous pourrions au travers des directives de formation pratique exiger un changement de groupe d’une année sur l’autre, permettant ainsi aux étudiants avec emploi d’expérimenter une autre tranche d’âge à défaut d’une autre institution.

V.4/ Formation d’adultes : en est-ce ? et après ?