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Oncologie : Article pp.246-247 du Vol.3 n°4 (2009)

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Texte intégral

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Psycho-Oncol. (2009) 3:246-247 DOI 10.1007/s11839-009-0157-6

EXTRAIT DE COMMUNICATION

Les séquelles comme actualisation du trauma

L. Ravanel

© Springer-Verlag 2009

Pour vous parler des effets des séquelles des traitements du cancer chez un jeune adulte, je vais prendre un exemple tiré de ma pratique, en ayant pris soin d’en préserver l’anonymat.

« Je ne pouvais plus, étais-je folle ? Personne ne m’écoutait ».

C’est une jeune femme de 23 ans qui m’adresse cet appel à être entendue dans une souffrance devenue insupportable d’être inaudible.

Soignée pour un cancer à 15 ans, elle n’éprouve pas d’angoisse à ce moment-là, n’a « pas peur du tout », elle vit cette maladie comme une angine.

Mais, environ deux ans après la fin de ses traitements, des séquelles apparaissent : otites, angines, dents très fragiles, prise de poids…

Peu à peu, s’installe en elle une peur qui devient envahissante : « j’avais peur de tout ».

Ce qu’elle entend de son entourage qui souhaite la rassurer–« ce n’est rien par rapport à ce que tu as vécu »– vient renforcer l’angoisse qui atteint un paroxysme et l’entraîne dans une tentative de suicide. C’est alors que le psychiatre du service d’oncopédiatrie où elle avait été soignée me l’adresse.

Je me suis donc demandé ce qui se noue avec la survenue de séquelles : quelle est l’angoisse en jeu, d’où vient la difficulté à la faire entendre, quel est l’enjeu sous-jacent pour un jeune adulte.

Lorène a donc 15 ans lorsque le cancer survient ; elle se forge aussitôt une certitude : guérir–portée en cela par une très forte pulsion de vie.

À ma connaissance, les traitements de chimiothérapie et radiothérapie se déroulent sans « encombre » sur le plan médical.

Lorène se pose des questions sur les causes de la survenue de sa maladie, dans différents registres : cause génétique possible, conflit dans le couple de ses parents, qui se résoudra au décours de sa maladie.

À la fin du traitement, elle pense vraiment ne plus en entendre parler : l’événement semble se clore de lui-même.

Elle réalise ses projets, s’engage dans ses études à la hauteur de ses choix et de ses compétences, est heureuse dans sa vie relationnelle et amoureuse.

Et pourtant, les angines et otites à répétition et la friabilité de ses dents ont peu à peu raison de sa « santé ».

Je m’aperçois alors que la nature et l’importance objective des séquelles ne suffisent pas à expliquer l’effet catastrophique pour elle. Cela peut même apparaître comme très paradoxal : une séquelle « peu importante » peut être subjectivement perçue comme envahissante et avoir un effet dévastateur.

C’est là une source fréquente de malentendus.

Qu’est-il en jeu à ce moment-là pour Lorène ? Au-delà des empêchements multiples occasionnés dans sa vie quotidienne, tout lui fait signe d’un retour de sa maladie.

L’angoisse d’une rechute ou même plus précisément de la présence du cancer, dont les séquelles seraient le signe, la trace, me fait penser que ces séquelles actualisent le cancer et son effet de trauma : une remémoration, une « mémoire » qui se manifeste dans le corps ; l’angoisse de mort « absente »,

« déniée », « refoulée » au moment de la maladie surgit avec violence.

Ce qui avait été surmonté, dans une nécessaire protection ne peut plus l’être.

C’est aussi le moment de « réaliser » que cela ne sera plus comme avant, qu’elle ne sera plus la même.

Alors comment vivre avec ce qui se rappelle quotidien- nement à vous dans les gestes élémentaires ?

Je prends l’exemple de manger : à la nécessité de s’alimenter se mêlent des sensations de plaisir multiples et tout un imaginaire.

Lorsque mâcher, mordre, déglutir deviennent très pro- blématiques et nécessitent toute une adaptation, des stratégies d’évitement…, cela entraîne davantage qu’une perte de jouissance, cela entraîne, à chaque repas, la réactivation de la peur–peur qui se focalise sur la peur de perdre ses dents.

C’est là que vont se condenser angoisse de castration– angoisse de mort, et des angoisses archaïques du bébé dans le lien à sa mère, avec premiers temps de l’allaitement.

Où et comment faire entendre cette douleur qui concerne autant l’oncologue que le psychiatre ou la psychologue ?

L’oncologue-pédiatre est interpellé comme celui ou celle qui a soigné l’enfant ou l’adolescent ; soigné et guéri avec une grande compétence médicale et humaine ; il a soigné et L. Ravanel

Espace Bastille-Henri-IV, Paris, France

Cet article des Editions Lavoisier est disponible en acces libre et gratuit sur archives-pson.revuesonline.com

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accompagné l’enfant et sa famille, et traversé cette énorme épreuve avec succès.

Quelques années plus tard, il retrouve l’enfant, devenu adulte, venu seul, souffrant de ses séquelles dont il demande à être guéri.

Exercice difficile pour ce pédiatre, dans son service pour enfants, d’accueillir une jeune femme, si forte au moment de sa maladie, aujourd’hui effondrée, demandant son aide.

Pour Lorène, en effet, cette très forte pulsion de vie, comme je l’ai dit, était ce qui l’avait portée à faire face à la maladie, et aujourd’hui, à chercher de l’aide, mais peut-être aussi ce qui pouvait y faire obstacle : « toi qui es si forte, ce n’est rien…».

Et du coup produire en elle ce sentiment d’abandon.

C’est à travers de nombreux échanges (e-mail, téléphones, réunions) entre le service de pédiatrie et notre équipe de l’Espace Bastille, que nous avons pu mettre en place pour quelques mois, une prise en charge pour cette jeune femme.

L’oncopédiatre l’a accompagnée et soutenue auprès des services adultes spécialisés nécessités par le soin de ses séquelles.

Je l’ai moi-même reçue très régulièrement au CMP–lieu d’extériorité par rapport à l’hôpital et aux soins.

C’est de là qu’elle « ose » rappeler le pédiatre et aller au bout de ses demandes.

C’est là qu’elle subjective ce qu’elle est en train de vivre, en me racontant par le menu chacune de ses rencontres médicales.

C’est là qu’elle se souvient de sa maladie et de toute cette période, de ce qui a alors été bouleversé au plan familial ; mais aussi lui reviennent des souvenirs très anciens qu’elle croyait à jamais oubliés, et elle s’interroge sur ses liens précoces à sa mère, et sur la nature de l’angoisse ravivée, là où son corps était endommagé par les rayons – autant de pensées qui n’ont pu à ce moment-là être dites ni même pensées.

Aujourd’hui, elle peut à nouveau faire des projets, sortir d’un présent traumatique. La « restauration » de son corps, accompagnée par le pédiatre, va de pair avec une restauration narcissique.

Prendre soin des patients avec séquelles nécessite, je crois, ce « tissage », en particulier pour de jeunes adultes se trouvant alors, sans la médiation de leurs parents, aux prises avec la « réalité » de leur maladie et ayant à élaborer à la fois la sortie du traumatique et la sortie de l’enfance.

C’est aussi l’occasion pour eux d’intégrer cette réalité qui fait partie de leur vie, et de pouvoir commencer à en construire un sens.

Ainsi, une autre jeune femme vient pour ne pas oublier :

« cette histoire n’est pas finie, je veux savoir ce qui m’est arrivé ; c’est bien que le pédiatre soit encore là : comme cela, ma maladie n’a pas disparu ».

« Ma vie n’est plus en jeu, mais c’est de mon existence qu’il s’agit ».

Psycho-Oncol. (2009) 3:246-247 247

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