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Oncologie : Article pp.240-247 du Vol.9 n°4 (2015)

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ARTICLE ORIGINAL /ORIGINAL ARTICLE DOSSIER

Les nouvelles technologies en radiothérapie : RCMI, stéréotaxie, hadronthérapie … quel intérêt médical et quelles conséquences psychologiques pour les patients ?

New Technologies in Radiotherapy: IMRT, Stereotactic Body Radiation Therapy, Hadrontherapy… What Medical Interest and What Psychological Consequences?

A. Jouin · X. Mirabel · E. Rault · M. Reich · E. Lartigau

Reçu le 15 mai 2015 ; accepté le 15 juillet 2015

© Lavoisier SAS 2015

RésuméLa radiothérapie vit une véritable révolution tech- nologique depuis les années 1990, grâce notamment aux progrès de l’imagerie, à l’optimisation de la distribution de la dose délivrée au volume à irradier, par l’utilisation de la radiothérapie conformationnelle par modulation d’intensité (RCMI) ou par la diffusion de la radiothérapie stéréotaxique (RST), avec pour objectif l’augmentation du taux de guéri- son et l’amélioration de la tolérance des traitements. Après une présentation rapide des nouvelles technologies en radio- thérapie, nous nous intéresserons à leur impact psycholo- gique sur les patients mais également sur les soignants.

Mots clésRadiothérapie · Qualité de vie · Onco-psychologie · RCMI · Stéréotaxie

AbstractRadiotherapy oncology is a field that has rapidly advanced over the last three decades, thanks to the break- through of the diagnostic imaging, to the development of new radiotherapy techniques such as intensity-modulated radiation therapy (IMRT) and the stereotactic body radiation therapy (SBRT) with an enhanced ability to optimize the dose distribution. These technological advances aimed to increase survival rates and to improve tolerance of treat- ments. After a brief presentation of new technologies in radiotherapy, we focus on their psychological impact not only on patients but also on caregivers.

KeywordsRadiotherapy · Quality of life · Psycho-oncology · IMRT · SBRT

Introduction

La radiothérapie est l’un des trois traitements majeurs du cancer, aux côtés de la chirurgie et de la chimiothérapie.

La radiothérapie consiste à utiliser des rayonnements ioni- sants (rayons X pour l’essentiel) pour détruire les cellules cancéreuses. Chaque année, 365 000 nouveaux patients sont pris en charge pour un cancer. Environ 175 000 sont traités par irradiation. On considère que plus de 40 % des cancers guéris le sont grâce à la radiothérapie, seule ou associée aux autres traitements. La radiothérapie est utilisée dans le trai- tement des cancers et d’autres maladies depuis environ un siècle. En 1827, on envisageait une utilité pour le diagnostic et le traitement des rayons X. En 1912, Marie Curie publiait la théorie de la radioactivité. Les premières utilisations cli- niques de la radiothérapie remontent aux années 1920. La radiothérapie a vécu une véritable révolution technologique depuis les années 1990, les progrès observés permettant à la fois d’augmenter le taux de guérison et d’améliorer la tolé- rance. Elle bénéficie de trois axes d’optimisation technique dont la résultante est un bénéfice clinique effectif : le pre- mier axe étant une meilleure définition de la cible tumorale grâce aux moyens d’imagerie utilisés dans la préparation des traitements ; le deuxième, l’optimisation de la distribution de la dose délivrée au volume à irradier, grâce à l’utilisation de nouvelles modalités de délivrance (modulation d’inten- sité, radiothérapie stéréotaxique [RST], hadronthérapie) ; le troisième axe consistant à la prise en compte des varia- tions anatomiques en cours d’irradiation par les techniques de radiothérapie guidée par l’image (IGRT), l’adaptation du volume pendant l’irradiation ou la synchronisation respiratoire.

Ces nouvelles technologies se développent à l’ère des thé- rapies ciblées et de la médecine personnalisée guidée par la biologie de la tumeur. Les progrès de la radiothérapie s’inscrivent dans une époque où le traitement du cancer est

A. Jouin · X. Mirabel · E. Rault · M. Reich (*) · E. Lartigau (*) Centre Oscar-Lambret, 3, rue Frédéric-Combemale,

F-59000 Lille, France

e-mail : M-Reich@o-lambret.fr,

e-lartigau.oscar-lambret@medical59.apicrypt.org DOI 10.1007/s11839-015-0548-9

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avant tout multidisciplinaire, toute décision de prise en charge étant prise par des spécialistes, chirurgiens, oncolo- gues, radiothérapeutes, radiologues, anatomopathologistes, mais aussi médecins de soins de support avec une intégra- tion de plus en plus importante des équipes de psychologues dans les services et où la recherche clinique et l’evidence- based medicine sont également les piliers de toute prise en charge.

La place de la qualité de vie des patients et l’impact psy- chologique des traitements prennent une place de plus en plus importante et ce, à juste titre, dans le champ des mala- dies chroniques et en particulier du cancer où pendant une très longue période, seule l’efficacité des traitements en ter- mes de survie globale, de survie sans progression ou de taux de complications a été évaluée de manière unilatérale par les soignants. Les essais sur l’impact des soins en termes de qualité de vie se développent et notamment en termes d’impact psychologique.

Nous décrirons d’abord les nouvelles technologies utilisées en radiothérapie, puis nous décrirons leur impact psycholo- gique sur les patients à partir des données de la littérature, pour dans un dernier temps, décrire l’impact psychologique de ces changements sur les soignants.

Nouvelles technologies en radiothérapie Radiothérapie conformationnelle

La radiothérapie conformationnelle est une technique d’irra- diation dans laquelle les faisceaux d’irradiation sont confor- més au volume tumoral reconstruit en trois dimensions en exploitant les données du scanner dosimétrique. Grâce aux collimateurs multilames, on délivre la dose souhaitée dans un volume plus ou moins complexe défini avec précision par le radiothérapeute sur le scanner lors de l’étape de déli- néation, tout en épargnant les tissus sains et les organes à risque. Cette technique utilisée en routine depuis les années 2000 a permis d’augmenter la dose sur le volume cible et ainsi accroître l’efficacité du traitement.

Radiothérapie conformationnelle par modulation d’intensité

La radiothérapie conformationnelle par modulation d’in- tensité (RCMI) est une radiothérapie conformationnelle 3D dans laquelle on module la fluence (quantité de pho- tons par unité de surface) des faisceaux au cours de la séance de traitement. Cette technique nécessite de travail- ler avec un collimateur multilames piloté par une station de travail et un logiciel de planification inverse. La planifica- tion inverse consiste à d’abord définir les doses à délivrer aux volumes cibles et les contraintes à respecter aux orga- nes à risque, pour ensuite optimiser la balistique et l’inten- sité des faisceaux en fonction de ces contraintes. On obtient ainsi une variation de l’intensité du rayonnement sur la cible. Cette technique d’irradiation permet le traite- ment de volumes cibles complexes (par exemple concaves) enveloppant parfois les organes à risque. Elle permet de mieux protéger les tissus sains en ne les exposant qu’à des doses d’irradiation minimes ; elle permet de faire varier la distribution de dose au sein de la tumeur en déli- vrant une dose hétérogène dans un volume donné, ce que l’on appelle ledose painting.

La RCMI a déjà fait l’objet d’une première évaluation technologique en 2006 par la Haute Autorité de santé (HAS) qui avait émis un avis favorable pour l’inscription de l’acte pour certaines indications (tumeurs de la tête et du cou, tumeurs de la prostate, tumeurs du rachis, irradiation crâniospinale, tumeurs cérébrales et de la base du crâne, et irradiation corporelle totale), indications étendues récem- ment aux tumeurs du col de l’utérus et du canal anal [1].

En effet la RCMI permet, pour les cancers des voies aéro- digestives supérieures (VADS), une épargne parotidienne et donc une moindre xérostomie chez les patients [2]. Elle a également un intérêt majeur pour les cancers gynécologiques (cancer du col de l’utérus ou cancer de l’endomètre) pour lesquels elle permet une meilleure épargne des organes à risque (vessie, rectum, tube digestif) et une diminution signi- ficative des toxicités notamment aiguës [3] (Fig. 1).

Fig. 1 Exemple de patient traité en radiothérapie conformationnelle par modulation dintensité pour une tumeur des voies aérodigestives supérieures

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Radiothérapie stéréotaxique

La RST est une technique d’irradiation de haute précision utilisant un ensemble de minifaisceaux convergents avec des diamètres de champs de moins de 3 cm. Elle permet le traitement de volumes cibles de très petite taille avec une précision millimétrique, avec de faibles contraintes pour le patient, car le traitement est hypofractionné, c’est-à-dire de fortes doses de radiothérapie sont délivrées en quelques frac- tions (souvent trois séances de 20 Gy pour les tumeurs pul- monaires). Elle peut être réalisée sur des accélérateurs dédiés comme le CyberKnife®qui permet en plus untrackingde la cible en temps réel ou sur des accélérateurs linéaires conven- tionnels (Fig. 2). La HAS a estimé suffisant dans un rapport publié en 2007 le service médical attendu des actes de radio- thérapie en condition stéréotaxique extracrânienne pour les tumeurs primitives pulmonaires T1-T2N0M0, pour les méta- stases pulmonaires à croissance lente avec tumeur primitive contrôlée ainsi que pour les tumeurs du rachis. Le traitement des tumeurs hépatiques est également validé mais nécessite la poursuite des études cliniques [4].

Le CyberKnife®est un système complet de RST intra- et extracrânienne qui associe une table de traitement robotisée

à un bras robotisé qui porte l’accélérateur qui produit des faisceaux de photons d’une énergie de 6 MV, deux tubes à rayons X et deux détecteurs de silicium amorphe. Le robot peut s’orienter suivant six axes de liberté avec une précision de 0,2 mm, et la table possède cinq axes de liberté avec une précision dans ses déplacements inframillimétrique [5]. Ce système permet de traiter les tumeurs pulmonaires soit avec untrackingsur un repère appelé fiduciel, placé à côté de la tumeur, mais qui expose les patients à un risque de pneumo- thorax lors de la mise en place, soit grâce à un système appelé Xsight Lung Tracking System® qui permet de s’af- franchir de la contrainte de la pose du fiduciel pour les tumeurs localisées en plein parenchyme pulmonaire. Le sys- tème détecte le centre de gravité de la tumeur et suit ses mouvements en temps réel. Bibault et al. ont publié une série de 51 patients traités avec l’Xsight Lung Tracking System sur un accélérateur CyberKnife® pour des tumeurs pulmo- naires non opérables et ont retrouvé des taux de contrôle local de 92 et 86 % à un et deux ans [6], comparables aux résultats publiés dans la littérature. La RST des tumeurs bronchiques offre aux patients non opérables un traitement efficace dénué de tout geste invasif, avec de faibles taux de toxicité [6].

Fig. 2 Exemple de traitement par radiothérapie stéréotaxique sur un accélérateur de type CyberKnife®pour une tumeur pulmonaire clas- sée T1N0M0

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Protonthérapie

La protonthérapie est la technique la plus utilisée d’un grand domaine appelée l’hadronthérapie. L’avantage de cette tech- nique est une meilleure qualité balistique : le faisceau de protons ne cède l’essentiel de son énergie qu’en fin de par- cours, ce qui se traduit par un pic très étroit de dose en pro- fondeur (pic de Bragg) et permet ainsi d’épargner les tissus sains sur le parcours et au-delà de la cible. Cette technique nécessite des installations lourdes tant sur le plan matériel que financier, ce qui en fait une technique peu répandue (deux centres historiques en France : à Nice et à Orsay).

Ses principales indications sont les mélanomes choroïdiens, les tumeurs de la base du crâne, notamment pédiatriques. Les avantages dosimétriques de la protonthérapie et l’escalade de dose potentielle qu’elle représente font que ce traitement est intéressant pour d’autres types de cancer ou dans les contex- tes de réirradiation.

Radiothérapie guidée par l’image et radiothérapie adaptative

Les progrès techniques de la radiothérapie ont permis une distribution de dose optimisée et conformationnelle avec des gradients de doses importants en limite de tumeur, expo- sant à un risque de sous-dosage en cas de déplacement de la cible. La précision d’irradiation des techniques de radiothé- rapie conformationnelle, de RCMI ou de stéréotaxie exige donc une localisation et une définition des volumes cibles les plus exactes possible [7]. Pour répondre à ce besoin, de nouvelles techniques d’imagerie, regroupées sous l’appella- tion de IGRT, se sont développées aux différents stades du traitement du patient : en amont du traitement, le scanner de centrage avec l’imagerie biologique pour une meil- leure définition du volume cible ou la fusion avec l’IRM, les techniques d’imagerie quadridimensionnelle ; pendant le traitement des techniques d’imagerie embarquée sur l’accélérateur pour contrôler l’évolution et la localisation du volume cible et le repositionnement du patient.

Le but de l’IGRT est triple : rationaliser le choix des mar- ges optimales autour des volumes cibles par une meilleure quantification des variations anatomiques des volumes cibles en cours d’irradiation ; le bénéfice dosimétrique, c’est-à-dire augmenter la dose délivrée à la tumeur tout en protégeant mieux les organes à risque ; les deux premiers objectifs ayant pour but d’apporter un bénéfice clinique au patient [7].

Grâce à l’utilisation de l’IGRT, on observe des modifica- tions des volumes cibles tumoraux et ganglionnaires au fur et à mesure du traitement. De nombreux travaux sont en cours concernant la radiothérapie adaptative dans la sphère ORL et gynécologique [8]. Dans la sphère thoracique, des travaux ont mis en évidence des diminutions du GTV allant jusque

40 % à mi-traitement [9]. Ces modifications des volumes cibles soulèvent le problème de la radiothérapie adaptative, c’est-à-dire de la replanification en cours de traitement pour réadapter les doses aux nouveaux volumes et permettre ainsi une meilleure épargne des tissus sains et une escalade de dose. Ramsey et al. montraient qu’une replanification au cours du traitement pourrait diminuer la dose délivrée aux organes à risque [10].

Impact des nouvelles technologies pour les patients

La radiothérapie a un impact psychologique sur les patients ; de nombreuses études ont montré un impact négatif du trai- tement sur la qualité de vie de par l’apparition des effets secondaires aigus en cours de traitement et de la persistance parfois à terme de toxicités tardives.

Patients traités en RCMI

Un essai unicentrique a comparé l’impact en termes de qua- lité de vie et notamment psychologique des nouvelles tech- nologies en radiothérapie en cancérologie ORL, en utilisant trois méthodes différentes avec trois échelles différentes : une échelle générique Short Form-36 (SF-36), une échelle pour l’évaluation des pathologies néoplasiques (FACT-G et EORTC QLQ-C30) et une évaluation spécifique des cancers des VADS grâce aux échelles EORTC QLQ-HN35 et FACT- HN [11]. Les cancers des VADS sont intéressants pour traiter d’un tel sujet, car la radiothérapie représente un des piliers du traitement de ces cancers ; l’efficacité de la radiothérapie en ORL a été démontrée du temps de la radiothérapie 2D (RT2D), la radiothérapie conformationnelle, puis RCMI a permis d’améliorer les résultats fonctionnels tout en conser- vant une très bonne efficacité. La RCMI permet avant tout une épargne salivaire importante qui limite les toxicités au long terme de type xérostomie, et les patients ont donc un bénéfice en termes de qualité de la salive, ce qui retentit sur de nombreuses fonctions comme l’alimentation (dysphagie), l’expression verbale, mais aussi le sommeil, l’état dentaire au long terme…Des résultats plus récents ont mis en évi- dence que la RCMI, outre le fait d’améliorer les résultats en termes de toxicité, améliorait aussi les résultats en termes de contrôle local et de survie globale [12,13]. Cet essai réalisé sur 640 patients met en évidence que les patients traités par IMRT ont un contact social significativement supérieur à ceux traités en RT2D (échelles QLQ-HN35) et ont une qua- lité de vie globale (EORTC QLQ-C30) supérieure. Le ques- tionnaire (EORTC QLQ-C30) inclut un sous-questionnaire sur l’impact psychologique des traitements.

Ces questionnaires tout en étant très complets présen- tent des limites, car ils n’évaluent pas au long terme les

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symptômes de type surdité, déficit endocrinien, neuropathie radique ou nécrose du lobe temporal…

D’autres essais, comparant en prospectif la RCMI à la radiothérapie conformationnelle des cancers ORL, ont mon- tré une amélioration significative en faveur de la RCMI à différentes étapes du traitement de la qualité de vie (ques- tionnaire EORTC QLQ-C30), et en particulier de la fonction émotionnelle et du contact social [14].

L’hypofractionnement, c’est-à-dire le fait de réduire le nombre de séances de radiothérapie et de ce fait la durée de la radiothérapie, est un enjeu majeur en termes de qualité de vie, car les patients se sentent pénalisés dans leur quoti- dien quand ils doivent venir en traitement pendant six, sept parfois huit semaines consécutives. Le fait de diminuer la durée du traitement par radiothérapie permet au patient un retour à la vie active plus rapide et permettrait de raccour- cir les délais de prise en charge. De nombreux essais étudient la radiothérapie hypofractionnée, notamment dans le cancer du sein afin d’obtenir le meilleur compromis entre l’aspect cosmétique, les éventuelles toxicités et le contrôle locorégio- nal. Le fait d’augmenter les doses par fractions pourrait augmenter les effets secondaires du traitement notamment tardifs. Les nouvelles technologies telles que la RCMI ou la stéréotaxie permettent une meilleure conformation des faisceaux et donc de délivrer moins de doses aux tissus sains, ce qui est un atout majeur pour réaliser des traitements hypofractionnés.

Un essai a étudié l’impact psychologique de la radiothé- rapie hypofractionnée en RCMI (tomothérapie) sur trois semaines versus radiothérapie conventionnelle en radiothé- rapie 3D (RT3D) sur six semaines, évaluation réalisée grâce au questionnaire QLQC-30 et BR23. À trois mois de la fin de la radiothérapie, les patients traités en tomothérapie avaient un score fonctionnel social significativement amé- lioré et rapportaient une fatigue significativement diminuée.

Les scores fonctionnels de bien-être physique, cognitif et émotionnel progressaient plus rapidement chez les patients traités en tomothérapie hypofractonnée que chez les patients du bras standard [15].

Patients traités en stéréotaxie

L’impact psychologique de la RST a surtout été étudié pour le traitement des localisations pulmonaires ; localisation per- tinente, car c’est dans cette indication que la RST est le plus utilisée ; de plus, les patients traités en RTS sont des patients inéligibles au traitement chirurgical de par leurs nombreuses comorbidités, ces patients ont donc une espérance de vie courte, il est d’autant plus important de ne pas dégrader leur qualité de vie ; par ailleurs, le nombre de traitements de can- cers pulmonaires de stade I ou II en RTS va fortement aug- menter dans les prochaines années si le dépistage par scanner basse dose est proposé en routine aux patients fumeurs.

Un essai a évalué de façon prospective en unicentrique sur 39 patients l’impact en termes de qualité de vie de la RST pour des tumeurs pulmonaires non opérables (du fait des comorbidités) de stade I ou II [16] ; l’évaluation était faite grâce aux questionnaires QLQ-C30, avant le début du traitement, puis à trois semaines et à 2, 4, 6, 9 et 12 mois après le traitement. Cet essai a montré que la qualité de vie était maintenue au cours du traitement et qu’il existait une amélioration significative des fonctions émotionnelles après radiothérapie. Les auteurs attribuent cet effet positif aux très bons taux de contrôle local qu’ils ont obtenus et à la bonne survie globale, ce qui a dû donner aux patients un regard plus confiant sur leur avenir. À noter que ces résultats sont très encourageants, car dans cet essai tous les patients ont béné- ficié de la pose de fiduciels par voie transcutanée, endovas- culaire ou bronchoscopique, ce qui est un acte invasif, poten- tiellement angoissant et source de nombreux effets indésirables. Actuellement, les patients sont traités en RST par une technique appelée Xsight Lung, ce qui permet de s’affranchir dans la grande majorité des cas de la pose de tels marqueurs et de l’angoisse à juste titre que cela génère pour les patients [6].

L’équipe de Sun et al. a montré également en prospectif, sur une cohorte de 19 patients traités par RTS pour des lésions pulmonaires, une amélioration significative des symptômes émotionnels en particulier la nervosité et l’anxiété lors de l’évaluation à trois mois. Une explication hautement probable de l’amélioration de l’anxiété est que les patients soient anxieux avant leur scanner d’évaluation réalisé à trois mois, et que le fait que les résultats soient positifs (les taux de contrôle local sont très bons avec la RTS, comparables à ceux de la chirurgie [17]) modifie de façon favorable les scores d’anxiété. Cette étude rapportait également que 63 % des patients de la cohorte étaient en relation avec les équipes de soins de support au cours de leur traitement par RTS pour la prise en charge de leur symptomatologie physique ou psychologique.

Un autre essai a montré de façon prospective sur 21 patients qu’il n’y avait pas d’impact du traitement sur la qualité de vie des patients traités en RST pour des lésions pulmonaires, l’outil utilisé pour la mesure de la qualité de vie des patients était l’échelle FACT-L (Functionnal Assessment of Cancer Therapy-Lung) qui évalue quatre domaines de la qualité de vie que sont le bien-être physique, émotionnel, social et fonctionnel [18].

Un essai a comparé deux cohortes de patients traités d’une part en RT3D, et d’autre part en stéréotaxie pour des cancers du poumon localisés non opérables, et n’a pas mis en évi- dence de différence significative entre les deux cohortes en termes de qualité de vie mais une différence en termes de symptomatologie fonctionnelle à un an en faveur des patients traités par stéréotaxie. L’outil d’évaluation pour la

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symptomatologie fonctionnelle était le questionnaire EORTC QLQ C-30 [19].

Même si les différentes études suscitées ont montré que l’impact psychologique des nouvelles technologies était plu- tôt positif, et que ces nouvelles technologies permettaient une dégradation moindre de la qualité de vie au cours du traitement, il n’en reste pas moins capital de proposer une prise en charge psychosociale tout au long du traitement des patients. Une récente étude prospective réalisée sur 41 patientes bénéficiant de radiothérapie pour un cancer gynécologique par RCMI et/ou curiethérapie a montré que chaque interaction avec un psychologue ou une assistante sociale améliorait de façon significative son score de qualité de vie au cours du suivi [20].

En effet, l’altération, physique et morale, de l’état du patient, du fait de sa maladie ou des effets secondaires des traitements, ainsi que leurs conséquences sociales (isole- ment, perte d’emploi ou de revenu) peuvent amener à solli- citer un soutien psychologique. Selon la demande du patient, ce soutien doit pouvoir être organisé « en ville », à proximité de son domicile, ou au sein de l’établissement où il est pris en charge.

Les consultations de médecins psychiatres, certains spé- cialisés en oncologie au sein des établissements, répondent en partie à ce besoin. Une consultation auprès d’un psycho- logue clinicien soit au sein de l’établissement où est délivrée la radiothérapie, soit au sein d’un centre médicopsycholo- gique (CMP), soit auprès d’un psychologue clinicien libéral est également possible. Pour faciliter la prise en charge de ces soins (financièrement couverte dans le cadre de l’ALD30 pour les psychiatres et gratuite dans les CMP mais non rem- boursée auprès des psychologues libéraux), les réseaux de cancérologie ont passé des accords avec les psychologues consultants de leur territoire pour prendre en charge, sur leur budget, le coût de ces consultations en limitant le nombre par patient. Ces différents dispositifs représentent un indéniable progrès, mais il faut constater que la limitation dans le temps de cette prise en charge pose parfois problème et que les CMP, outre leurs délais souvent longs, s’avèrent peu adaptés au soutien psycho-oncologique [21].

Même si les technologies progressent et permettent de traiter les patients en altérant le moins possible leur qualité de vie, les radiothérapeutes ne doivent pas négliger la part capitale du soutien psychosocial dans la prise en charge des patients en oncologie.

L’information des patients écrite et orale doit également rester en première ligne, ce d’autant que l’offre thérapeu- tique se complexifie ; une étude avait montré que le fait d’acquérir des connaissances techniques et pratiques sur ce qui leur arrive permettait à 62 % des patients de se sentir rassurés, et pour 55 % d’être mieux préparés au traitement à venir [22]. Nous devons expliquer aux patients qui ont actuellement accès grâce aux médias à de nombreuses infor-

mations mais souvent non adaptées à leur cas, pourquoi et dans quel but, nous leur proposons telle ou telle technique de radiothérapie, et ce qu’elle leur apporte.

Impact psychologique des nouvelles technologies en radiothérapie pour les soignants

Les nouvelles technologies comme la RCMI ou la stéréotaxie consiste en un changement de toute la chaîne de traitement, elles nécessitent de nouvelles imageries plus performantes, souvent d’autres moyens de contention sous la machine, d’au- tres logiciels de planification, de nouveaux accélérateurs, d’autres contrôles qualité et un apprentissage des manipula- teurs. Tout le traitement est révolutionné, la dose par exemple en stéréotaxie n’est délivrée que sur quelques jours, le radio- thérapeute qui avait pour habitude de suivre ses patients au cours du traitement pendant plusieurs semaines, de gérer les effets indésirables, de parfois adapter le traitement, refaire une dosimétrie ou un centrage se retrouve parfois dépourvu devant un traitement délivré en trois séances, avec peu ou pas de possibilité de s’adapter.

Ces nouvelles technologies sont également difficiles à évaluer pour plusieurs raisons, à savoir l’absence de série historique, la constante évolution de la technologie et même en termes de recherche, elles nécessitent de nouvelles appro- ches méthodologiques et une adaptation constante des soignants.

Les nouvelles technologies en radiothérapie permettent de proposer une nouvelle thérapeutique potentiellement curative là où il n’y avait pas de traitement autre que palliatif. Par exemple, de nombreux patients présentent des cancers pul- monaires de stade local (stade I ou II) mais ne sont pas opéra- bles du fait de lourdes comorbidités induites par le tabac, vasculaires ou pulmonaires ; la stéréotaxie a révolutionné la prise en charge de ces patients, de nombreuses études ayant montré la faisabilité, l’innocuité et surtout l’efficacité d’un tel traitement.

De plus, ces nouvelles alternatives de type réirradiation présentent peu d’effets indésirables et sont faciles à mettre en place ; par exemple des essais de réirradiation en cancéro- logie ORL ont montré des résultats encourageants [23].

Un essai recensant l’utilisation de la stéréotaxie aux États-Unis en 2011 mettait en évidence qu’une des princi- pales raisons de l’utilisation de cette technologie était la réir- radiation [24].

Même si les soignants en radiothérapie sont constamment confrontés aux nouvelles technologies et aux innovations mises en avant par les industriels, ils ne doivent pas oublier d’évaluer cliniquement ces technologies et d’évaluer leur apport à la prise en charge des patients et ne pas accepter d’utiliser une technique avec un faible bénéfice à des prix

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déraisonnables. L’évaluation médicoéconomique de ces technologies doit rester une préoccupation importante des soignants avant de les utiliser en routine. Une enquête réali- sée auprès des jeunes radiothérapeutes européens [25] met en évidence, d’une part, que les jeunes praticiens s’imposent de maîtriser le mieux possible ces technologies tout en gar- dant un sens clinique très développé et, d’autre part, le fait qu’ils doivent intégrer ces techniques au traitement multidis- ciplinaire du cancer sans perdre de vue leur impact médicoé- conomique. Ils ont conscience également de l’importance de la recherche clinique et se forment en ce sens.

Ouverture

Les nouvelles technologies ont révolutionné nos pratiques de radiothérapie avec un élargissement des indications et un nombre croissant de patients traités chaque année.

La RCMI a permis de diminuer de façon importante les toxicités aiguës ou chroniques, notamment dans la prise en charge des cancers ORL et gynécologiques, ce qui permet en aigu de finir les traitements sans les interrompre, ce qui a un impact significatif sur le contrôle local et la survie des patients.

La RST permet de proposer à des patients non éligibles à un traitement curatif, un traitement dont l’étalement est court (moins de deux semaines), non toxique et efficace, notam- ment dans le cadre des cancers pulmonaires localisés.

La protonthérapie permet, pour des indications bien sélec- tionnées, souvent en oncologie pédiatrique de proposer au patient un traitement non toxique visant à épargner les tissus nobles et diminuer les séquelles à long terme par exemple cognitives (épargne des lobes temporaux, du tronc cérébral, de la moelle, du chiasma optique, de l’hypophyse dans les tumeurs de la base du crâne par exemple).

Ces nouvelles technologies, même si elles sont bénéfi- ques pour la prise en charge des patients notamment du point de vue psychologique, ne doivent pas éclipser la relation médecin–patient, notamment le besoin d’information des patients qui s’accroît au fur et à mesure que l’offre de soins se diversifie ; le traitement du cancer doit rester plus que jamais multidisciplinaire avec les équipes de soins de sup- port, dont les psychologues intégrés au sein des services.

Liens d’intérêts :les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.

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