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Oncologie : Article pp.230-239 du Vol.9 n°4 (2015)

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ARTICLE ORIGINAL /ORIGINAL ARTICLE DOSSIER

Développement de l ’ oncosexualité et de l ’ oncofertilité en France : pourquoi maintenant ? Aspects culturels et psychosociologiques

Development of Oncosexuality and Oncofertility in France: Why now? Cultural and Psychosociological Aspects

P. Bondil (Urologue, oncologue, sexologue, coordinateur du groupe expert « Cancer et sexualité » de l’Association Francophone des Soins Oncologiques de Support (AFSOS)) · D. Habold (Sexologue, coordinateur du groupe expert

« Cancer et sexualité » de l’AFSOS)

Reçu le 5 octobre 2015 ; accepté le 10 octobre 2015

© Lavoisier SAS 2015

RésuméEn cas de cancer, les conséquences sur la vie intime sont régulièrement ignorées ou assimilées à un problème secondaire. Les malades et leurs partenaires sont deman- deurs mais attendent des professionnels de santé (pourtant sensibilisés) qu’ils en parlent en premier. Ces décalages sont la conséquence d’importantes lacunes de savoirs, mais aussi de tabous et de fausses représentations socioculturelles. La réalité est qu’on vit de plus en plus longtemps avec un cancer (guéri ou non) et que les malades/couples sont mal préparés à faire face à la perte de leur fertilité et/ou de leur sexualité.

Deux ans après le diagnostic, deux tiers ont encore des séquelles dans leur vie sexuelle et intime. Malgré la forte demande, la réponse reste très insuffisante, reflet d’une iné- galité majeure de soins qui affecte davantage les femmes et les cancers non génitaux. Les demandes sociétales, les avan- cées médicales et les plans cancer ont permis de progresser.

Corriger les inégalités de santé, préserver la continuité et la qualité de vie, assurer des prises en charge globales et per- sonnalisées, réduire les risques de séquelles sont devenus autant de priorités du troisième Plan cancer en lien avec la problématique oncosexuelle. Prendre en charge les impacts du cancer et de ses traitements sur la santé sexuelle et la vie intime (oncosexualité) et la fertilité (oncofertilité) fait déjà partie du soin oncologique au titre de soins de support : a) informer est un devoir des médecins et un droit des mala- des, les impacts négatifs « oncosexuels » étant souvent bru- taux, prolongés et iatrogènes ; b) s’informer sur la santé sexuelle et la vie intime relève de la qualité de vie mais aussi

d’obligations déontologiques et médicolégales. En effet, progrès récent, l’évaluation oncosexuelle aide à mieux per- sonnaliser la prise en charge : elle facilite le diagnostic situa- tionnel initial (morbimortalité compétitive, besoins en édu- cation thérapeutique, santé globale) susceptible de modifier le choix et la stratégie du traitement. Si quasiment tous les traitements, cancers et âges sont potentiellement concernés, la demande oncosexuelle n’est néanmoins ni systématique ni uniforme. L’oncofertilité et l’oncosexualité s’appliquent dès la phase d’annonce, les objectifs carcinologiques et de qua- lité de vie étant souvent conciliables… si connus tôt. La morbidité « sexuelle/intime » doit être ensuite régulièrement évaluée tout au long du parcours de soins, puis de l’après- cancer pour faciliter le dépistage d’effets indésirables et/ou de complications (sexuels ou non). Son impact, souvent délé- tère pour le bien-être du malade (couple), peut l’être aussi pour le traitement du cancer via divers mécanismes (détresse, dépression, mauvaise observance/adhésion, ajustement défi- cient…). Malheureusement, la mise en place de l’oncoferti- lité/sexualité se heurte encore à des difficultés sociétales (freins socioculturels, ignorances) et médicales (inertie, rela- tion soigné–soignant, déficit de savoirs et d’organisation).

Son appropriation collective reste un challenge important puisque son implémentation, dans les soins de support et dans les parcours de soins et de vie, est une réponse médicale, humaniste et économique à l’exigence légitime (sociétale et médicale) des plans cancers de mieux traiter le cancer (pré- vention secondaire) et la personne malade (prévention ter- tiaire), tout en respectant ses valeurs et préférences.

Mots clésCancer · Sexualité · Fertilité · Effets indésirables · Soins de support

AbstractIn the event of cancer, the consequences of inti- mate life are regularly ignored or treated as a secondary

P. Bondil (*) · D. Habold (*) Centre de soins de support, ERMIOS,

centre hospitalier Métropole-Savoie, place Lucien-Biset, F-73011 Chambéry, France

e-mail : pierre.bondil@ch-metropole-savoie.fr, daniel.habold@ch-metropole-savoie.fr DOI 10.1007/s11839-015-0547-x

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problem. The patients and their partners are usually on demand but expect from healthcare professionals (yet aware) that they deal with it first. These deadlock and lag are the consequence of significant gaps in knowledge but also sociocultural taboos and false-representations. The reality is that many patients are living longer with cancer (cured or not) and that the patients/couples are unprepared to cope with the loss of their fertility and/or their sexual intimacy. Two years after diagnosis, two-thirds still have after-effects on their sexual health and intimate life. Des- pite strong requests, the healthcare response remains very poor, proof of a major healthcare inequality that affects more women and nongenital cancers. Societal requests, medical advances, and the Cancer Plans allowed to pro- gress. Thus, to correct the healthcare inequalities, to pre- serve both continuity and quality of life, to ensure the glo- bal and centered-person approach, and to reduce the risks of after-effects are now as many priorities of 3rd Cancer Plan in link with the oncosexual problems. To deal with the impacts of cancer and its treatments on both sexual health and intimate life (oncosexuality) and the fertility (oncofertility) is already part of supportive cancer care:

a) to inform is the responsibility of doctors and the right of patients as the“oncosexual”-negative impacts are often brutal, prolonged, and iatrogenic; b) to inquire about sexual health and intimate life is a quality-of-life issue but also a deontological and medicolegal duty. Recent progress on the oncosexual assessment helps to personalize the cancer treatment by facilitating the initial situational diagnosis (competitive morbi-mortality, requirements in therapeutic education, global health) likely to change the choice and/

or the treatment strategy. If almost all treatments, cancers, and age groups may be potentially involved, the oncose- xual demand is neither systematic nor uniform. The setting up of oncofertility/sexology must therefore start at the announcement phase as quality of life and oncological objectives are often reconcilable, if known early. Then, sexual/intimate morbidity must be regularly evaluated throughout the cancer care trajectory and the after-cancer pathway to facilitate the detection of adverse side-effects and/or of complications (sexual or not). Its impact is often deleterious for the well-being of the patient (couple) but also for the cancer treatment itself through various mecha- nisms (distress, depression, poor observance/adhesion/

adjustment, etc.). Unfortunately, the implementation of oncosexuality/fertility still tackles with societal (sociocul- tural brakes, ignorance) and medical (inertia, treated- caregiver relationship, lack of knowledge and organiza- tion) difficulties. Its collective ownership remains an important challenge as its integration into the supportive cancer care and also into care and life trajectories is a medical, humanistic, and economic response to the legiti- mate (societal and medical) requirement of Cancer Plans

to better treat both cancer (secondary prevention) and the patient (tertiary prevention), respecting his or her values and preferences.

Keywords Cancer · Sexuality · Fertility · Outcome · Supportive cancer care

Introduction

Guérir, si possible sans séquelles, étant (et restant) légitime- ment la priorité, les conséquences sexuelles des cancers et de leurs traitements ont été longtemps assimilées à un « détail » ou au mieux, à un « dommage collatéral » pour survivre [1–3]. Puis, ces dix dernières années, les avancées médicales [2,4] ont eu comme conséquence, plutôt inattendue, de faire évoluer la problématique « oncosexuelle » qui concerne deux populations : la fertilité pour les plus jeunes et la vie sexuelle/intime pour tous les âges en dehors de l’enfance [1–4]. Pourtant, cancer et sexualité ne sont ni antinomiques ni secondaires : 40 % des cancers sont génitaux (prostate et sein largement en tête), et les malades/couples, notamment les plus jeunes, sont mal préparés à faire face à la perte (réelle ou supposée) de leur intimité sexuelle. Quasiment tous les cancers et leurs traitements ont un impact négatif potentiel sur la fertilité, la santé sexuelle et la vie intime du patient et…du partenaire souvent négligé (quoique 76,6 % vivent en couple) [4]. Cette morbidité « sexuelle » est très dépendante du cancer (site, stade, pronostic, traitement) et du patient (âge, comorbidités, environnement, souhait et réa- lité de vie sexuelle) [1,3,5]. Les deux enquêtes nationales

« La vie deux ans, après le cancer » ont montré que :

deux tiers des malades rapportent encore des séquelles sexuelles ;

le maintien de l’activité sexuelle et le soutien du parte- naire avaient, notion nouvelle, un impact positif en termes d’ajustement au cancer ;

une réponse déficiente et une inégalité de soins (soignant et géodépendante) aggravées par une demande, en règle mal exprimée [2,6,7].

Toutes localisations confondues, les difficultés sexuelles sont, avec les douleurs, la fatigue chronique et les modifica- tions d’image corporelle, les séquelles ressenties les plus souvent rapportées dans l’enquête deux ans après [4,6,7].

Elles figurent ainsi parmi les principaux soins de support non satisfaits expliquant que près d’un patient sur deux surfe sur Internet à la recherche d’informations et de témoignages alors qu’il attend à juste titre du professionnel de santé une information validée [7]. Paradoxalement, toutes les enquêtes auprès de patients et de professionnels de santé témoignent, chez une très large majorité, d’une réelle sensibilisation et

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d’une forte demande d’information [1–3,5,8]. Quand près d’un adulte sur huit (malade, partenaire, parent) est poten- tiellement concerné, ce constat d’une forte demande et d’une faible réponse n’est plus acceptable. Pourquoi ce décalage quand le mot sexualité s’associe au mot cancer ? Peut-on corriger ces inégalités de soins tout en respectant les impé- ratifs carcinologiques et économiques ? La perte de la vie intime et/ou de la fertilité doit-elle rester encore un « petit prix à payer » dans la lutte contre la maladie cancéreuse ? La réponse est univoque : la fertilité, la santé sexuelle et la vie intime font partie intégrante de la prise en charge oncolo- gique pour des raisons sociétales, déontologiques et scienti- fiques majeures dont celle, prioritaire, de mieux traiter :

la personne malade au titre de la prévention tertiaire (action en aval de la maladie, afin d’en limiter ses réper- cussions et d’éviter d’éventuelles rechutes) ;

le cancer lui-même au titre de la prévention secondaire (action sur la maladie et sa prise en charge afin d’en réduire sa durée et/ou sa gravité) !

Des raisons épidémiologiques : le cancer n

est plus synonyme de mort !

L’image sombre du cancer dans l’imaginaire collectif ne correspond plus à la réalité avec un décalage total entre« la perception d’une mort annoncée et un vécu qui s’inscrit de plus en plus du côté de la vie »[4]. Il n’y a pas un, mais des cancers. La réalité épidémiologique est qu’on vit de plus en plus longtemps avec un cancer traité, surveillé, en rémission ou guéri (un sur deux actuellement) [4,9] ! Chaque année, 130 000 Français en guérissent dont, au moins, la moitié garde des séquelles à moyen et long termes, dans leur vie intime ou sexuelle [4,6,7]. Trois cancers sur quatre, notam- ment génitaux, se sont transformés de fait en « maladie chro- nique » (grave) [4]. Ce changement reste mal connu par nom- bre de malades et de… professionnels de santé ! Cette évolution positive a conduit à une nouvelle exigence, d’abord sociétale (coordonnée par les associations de patients après les états généraux de l’organisation de la santé), puis médicale : se préoccuper davantage des répercussions du cancer et de ses traitements sur la qualité de vie physique et psychosociale des malades et de leurs proches, au titre de la prévention tertiaire [2,4]. Le cancer s’inscrit ainsi dans la pandémie de maladies chroniques liées notamment au vieillissement et aux compor- tements de santé inadaptés [9]. Ce changement contemporain de santé publique a bouleversé le rapport à la maladie et au malade. Il est à l’origine de nouvelles approches soignantes (promotion de la qualité de vie et de la santé, éducation théra- peutique, e-santé, médecine 2.0, infirmier de coordination…) et organisationnelles (accréditation, prise en charge plus ambulatoire, protocole pluriprofessionnel, réseaux et parcours

de soins) [2,4]. Le malade cancéreux et ses proches doivent apprendre à vivre avec l’idée de vulnérabilité et d’un avenir incertain, marqué par des « hauts et des bas », en fonction de paramètres médicaux mais aussi psychosociaux ou environ- nementaux. Parallèlement, chaque médecin spécialiste concerné doit apprendre à sortir d’une logique d’organe et d’un mode de fonctionnement individuel qui produit avant tout des actes, alors qu’une équipe produit des parcours.

Compte tenu de l’âge moyen de la population cancéreuse (67 ans au diagnostic) [4], cette pandémie a un impact onco- logique majeur lié au concept de morbimortalité compétitive, encore trop sous-estimé [9,10]. Ne pas prendre en compte les comorbidités chroniques, pourtant significativement présen- tes chez un tiers des malades [9], relève d’une mauvaise pra- tique oncologique du fait de leur importance pour évaluer l’espérance de vie, critère majeur du choix de la stratégie opti- male de dépistage et de prise en charge de tout cancer [9,10].

Quelle que soit la maladie chronique en cause, le parcours de soins est de plus en plus multidisciplinaire, ce qui implique une coordination entre tous les acteurs concernés pour renfor- cer sa continuité, sa cohérence et sa pertinence. Ces demandes sociétales sous-tendent, en partie, les trois plans cancer suc- cessifs [4]. La problématique oncosexuelle doit s’intégrer dans ces nouvelles organisations pour ne plus être le parcours

« du combattant » actuel, mais au contraire, bien identifiée, structurée et visible [5]. Étant donné que de plus en plus de personnes vivent et vivront avec un cancer [4], l’organisation des soins doit répondre à deux exigences :

assurer une approche globale et non exclusivement cen- trée sur la tumeur et son traitement (d’où le rôle de l’infor- mation partagée et du dialogue médecin–patient) ;

réduire les inégalités d’accès, d’orientation et de qualité des soins, un axe prioritaire du dernier plan cancer et de la nouvelle loi de santé. Particulièrement fortes en oncose- xualité, ces inégalités varient beaucoup selon le cancer (les génitaux étant moins touchés), le niveau socio-écono- mique, le genre (les femmes étant très défavorisées) et… le médecin (selon son niveau de sensibilisation et de connaissances) [2,4–7].

Des raisons déontologiques : informer et s

informer sur la vie « sexuelle » est obligatoire

Si le premier Plan cancer a été axé sur la formalisation et l’organisation des soins, les deux suivants se sont davantage préoccupés des besoins et du bien-être du malade (et des proches) lors du parcours personnalisé de soins (PPS) et de l’après-cancer [4]. Préserver la continuité et la qualité de vie, assurer des prises en charge globales et personnalisées, réduire les risques de séquelles (prévention tertiaire) figurent

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ainsi (avec la correction des inégalités de santé) parmi leurs priorités pour« rajouter des années à la vie mais aussi de la qualité de vie à la vie ». Quel que soit l’âge, le cancer affecte la qualité de vie, d’où l’importance de prendre en compte la fertilité et la sexualité, ou plus précisément, la santé sexuelle et la vie intime [3–5,7,11], paramètres validés et pertinents pour une large majorité d’individus…, y compris âgés [12].

Si la sexualité est plurielle avec des logiciels qui diffèrent selon les individus, l’âge, le genre et les cultures, elle reste un moteur tout au long de la vie dans ses multiples dimen- sions (affective, conjugale, émotionnelle, relationnelle, iden- titaire, sociale…) [1–3,11,12]. Pour l’OMS et la WAS (World Association of Sexology) [11], la santé sexuelle se définit comme « l’expérience d’un processus continu de bien-être physique, psychologique et socioculturel concernant la sexualité…Elle ne réside pas uniquement dans l’absence de dysfonction, de maladie ou d’infirmité. Pour atteindre et maintenir les objectifs de la santé sexuelle, il est nécessaire que les droits sexuels de tous les individus soient reconnus… Elle implique une approche positive et respectueuse de la sexualité et une compréhension générale de la sexualité…».

Cette approche positive a été également soulignée par le… Comité consultatif national d’éthique [13] :«…la réussite d’une vie sexuelle participe au sentiment du bien-être… et inversement un sentiment de bien-être est généralement nécessaire à la vie sexuelle…, toute amélioration des troubles de la santé sexuelle contribue au bien-être de l’individu…».

Par conséquent, son abord n’est ni déplacé ni intrusif mais, au contraire, rassurant car témoin d’un souci de prise en charge globale (patient-centered care) et d’une meilleure efficacité par l’équipe soignante [4,5,7,8]. Ne pas informer des impacts potentiels (immédiats ou différés, transitoires ou durables, légers ou sévères) et des risques de séquelles relève là aussi d’une mauvaise pratique médicale avec des conséquences médicolégales potentielles [14] :

informer est une obligation légale (loi Kouchner), déonto- logique et éthique. Les malades et leurs partenaires doi- vent être prévenus qu’une majorité risque de ne pas retrouver leur vie sexuelle d’avant le cancer ;

sinformer déventuels projets de vie « intime » (parental, nouveau partenaire) et de l’état de santé du patient n’est pas une ingérence, mais une nouvelle obligation médico- légale :« comme tout débiteur d’une obligation d’infor- mation, le médecin est donc tenu de s’informer(sur l’état de santé) pour informer…, permettre de donner un consentement éclairé »[14].

Cette information à double sens est d’autant plus impor- tante que :

la morbidité sexuelle est fréquente, tout particulièrement en cas de cancers pelviens et du sein, de chimiothérapie, de thérapie ciblée ou d’hormonothérapie [1–3,5–7] ;

liatrogénie « sexuelle » est majeure, concernant quasi- ment tous les traitements et toutes les fonctions sexuelles [1–7] ;

les objectifs carcinologiques et de qualité de vie sont sou- vent conciliables si…connus tôt [1–5] ;

les malades et leurs partenaires sont presque tous deman- deurs, au minimum, d’information et de réassurance et, souvent, d’une prise en charge (préventive ou curative), notamment les plus jeunes [2,5–8].

Toutefois, la sexualité se vit plus qu’elle ne se parle. Rare- ment citée explicitement, elle reste un sujet tabou d’où une autocensure et un abord difficile tant chez le professionnel de santé :«…j’attends que le patient m’en parle…ce n’est pas mon job…» que le patient/partenaire :«…si personne n’en parle, c’est que je n’ai pas le droit d’en parler…j’ai peur d’être vu comme un(e) obsédé(e) » [1–3,5–8,12].

Quoique la sexualité soit omniprésente dans la société post- moderne, le monde médical ne semble pas avoir vraiment pris conscience de l’importance de la santé sexuelle et de la vie sexuelle/intime et des conséquences médicales et psy- chosociales en cas de troubles durables. Cependant, la demande/plainte oncosexuelle doit être relativisée. Nombre de couples, notamment âgés ou ayant une sexualité peu active, s’en accommodent. La sexualité est facultative et se caractérise par de considérables variations inter- et intra- individuelles en fonction de l’environnement et du temps [2,3,5–8]. Dans la vraie vie, elle n’est ni homogène ni systé- matique expliquant que près d’un malade sur deux (plutôt féminin, âgé et sans partenaire) soit peu ou pas concerné, temporairement ou plus longtemps [2,12]. Mais, préjuger de son importance est à l’évidence difficile si on ne le demande pas ! En termes d’effets indésirables, la morbidité sexuelle varie d’un grade de 0 à 3 selon la place accordée à la vie sexuelle et intime [2]. Elle peut sembler très accessoire pour le médecin, alors qu’en réalité cela peut être l’inverse pour le malade et le couple, source méconnue d’inquiétudes, de détresse, de perte de l’estime et de la confiance en soi qui sont autant de facteurs de syndrome anxiodépressif [1–7] ! Les médecins s’occupant de cancers sont trop souvent désar- çonnés par les demandes d’écoute et/ou de soins liées aux émotions négatives (souffrance, détresse, mal-être) engen- drées par le cancer et, a fortiori, par les difficultés intimes et sexuelles [2,4,7,15]. Insuffisamment préparés, ils sont plus à l’aise dans le contexte normatif, technique et objectif propre à l’évaluation carcinologique. En fait, malades et par- tenaires se heurtent à plusieurs problèmes largement parta- gés avec les soignants [2,6–8] :

difficultés de dialogue soigné/soignant mais aussi malade/

partenaire (à l’origine d’un sentiment d’isolement, de repli sur soi et de conduites d’évitement). Ces attitudes inadap- tées, pourtant facilement évitables, sont souvent mal comprises et une source d’incompréhension, de souffrance

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et de frustration à la fois, affective et sexuelle, dans le couple ;

lacunes de savoirs et de compétences ;

déficit majeur d’accès à l’information et d’orienta- tion dans le parcours de soins aggravé par l’illisibilité de l’offre de soins ;

persistance de puissants freins, tabous et stéréotypes socioculturels qui affectent en priorité la sexualité (la fer- tilité commençant à être mieux reconnue au niveau médi- cal et institutionnel) [1–7].

Pour briser ce « monde du silence », il faut légitimer la demande en libérant la parole [1,2,5,7,8] mais aussi, bien positionner la problématique cancer et sexualité qui relève du monde de l’oncologie et non de la sexologie (et a fortiori du « sexe ») [5] ! Ces deux préalables sont indispensables pour rassurer les professionnels de santé et corriger nombre de préjugés et fausses idées, notamment d’ordre séman- tique. Ainsi, les mots « sexe » et « sexualité » ne doivent pas être utilisés au profit de « santé sexuelle et ses dysfonc- tions » et de « difficultés de la vie intime/sexuelle » liées au cancer. Plus médicaux, ils impliquent de facto, une posture de soignant [2,5]. Le but n’est pas de transformer le profes- sionnel de santé en sexologue mais en acteur proactif de soins en cas de souffrance et/ou de plainte liées à des diffi- cultés de la vie sexuelle/intime. La profonde méconnais- sance concernant la santé sexuelle et ses troubles [1–4,6– 8,11] nécessite la mise en place d’une politique d’informa- tion et de formation des professionnels de santé. Simplifier et définir une sémantique commune, promouvoir et diffuser des savoirs partagés, identifier et faire connaître les compé- tences/ressources disponibles sont autant de points clés pour répondre efficacement aux attentes et aux disparités régio- nales [5,7].

Des raisons oncologiques : l

évaluation

« oncosexuelle » peut modifier la stratégie, le choix et le suivi du traitement

S’informer sur la santé sexuelle et sur la vie intime (réalité, projets, souhaits) en cas de cancer n’est pas qu’une question de bien-être et de prévention tertiaire ! Ce diagnostic situa- tionnel est nécessaire dès la phase d’annonce, pour mieux personnaliser le traitement et reconnaître les besoins éven- tuels d’éducation thérapeutique et les possibles personnes- ressources, puis tout au long du PPS et de l’après-cancer, pour mieux dépister les effets indésirables et/ou séquelles (sexuels ou non) et certaines complications (notamment car- diométaboliques, hormonales ou troubles de l’humeur) [2,5,15]. L’évaluation « oncosexuelle » peut interférer avec les trois critères décisifs du choix de la stratégie thérapeu- tique personnalisée, c’est-à-dire [2,10] :

le cancer (gravité et stade) ;

le terrain, autrement dit l’espérance de vie et la morbimor- talité compétitive (liées à l’âge, aux comorbidités chroni- ques, aux facteurs psychosociaux et au mode de vie) ;

les préférences, valeurs et histoire du patient, un des trois piliers de la médecine factuelle ou médecine fondée sur les preuves (EBM).

Très concrètement, un projet parental modifie la conduite à tenir initiale, la sexualité est un critère important en cas de cancer de prostate (tout particulièrement en cas de vie sexuelle active ou de nouveau partenaire) et l’oncoplastie (reconstruction ou symétrisation mammaire) peut être prise en charge en cas de cancer du sein [4,5]. Dans la vraie vie, évaluer la balance bénéfice/risque carcinologique par rap- port à l’espérance de vie et au risque de séquelles fonction- nelles invalidantes (sexuelles ou non) est devenu un enjeu quotidien chez le sujet polymorbide et/ou âgé, ou en cas de cancer peu agressif et/ou débutant, c’est-à-dire pour…une majorité de malades [2,4,10] ! La controverse du surdiagnos- tic et du surtraitement des cancers de prostate et du sein en est une bonne illustration, tout comme l’essor des traite- ments mini-invasifs. Progrès encore inconnu du monde oncologique, analyser la santé sexuelle aide à mieux évaluer la santé globale (physique et mentale, hygiène de vie) et l’iatrogénie non sexuelle grâce à deux symptômes sexuels [2,16,17] : la baisse du désir (homme/femme à tout âge) et les troubles de l’excitation (insuffisance d’érection pénienne avant 65 ans et de lubrification vaginale avant 50 ans) [16,17]. Très facilement décelable par un simple interroga- toire, leur présence chez un malade cancéreux n’est pas ano- dine mais, au contraire, très utile pour :

la morbimortalité compétitive : ils sont un signal d’alerte d’anomalies de santé (notamment cardiométaboliques, anxiodépressives, déficit d’observance médicamenteuse et/ou d’hygiène de vie), susceptibles d’engager…le pro- nostic vital à court ou plus ou moins long terme [2,16,17].

Certaines comorbidités, par exemple cardiométaboliques, peuvent avoir un risque de mortalité spécifique autant, sinon parfois plus élevé [9,10] ;

le dépistage d’effets indésirables non sexuels : malgré leur risque très documenté de dépression et de mauvaise obser- vance [4,15,18,19], ils sont trop souvent sous-déclarés par les malades et sous-estimés par les médecins [4,15,19–21].

Leur recherche (notamment du quatuor : troubles du som- meil, fatigue, douleur et détresse) doit être systématisée pour réduire la prévalence élevée de soins de support non satisfaits [4,20,21] mais aussi, dans l’intérêt bien compris, de mieux traiter le cancer (prévention secondaire) [2,4,20].

À titre d’exemple, le dépistage régulier et la prise en charge d’une dépression, présente chez 15 à 20 % des malades, sont devenus une recommandation [15,18] du fait de son

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impact délétère pour le pronostic carcinologique et vital [15,18,19] ;

le dépistage de complications plus tardives dans la popu- lation croissante des « survivants », notamment cardio- oncologiques et gonadiques, le cancer et/ou son traite- ment étant souvent un facteur délétère [4,5,22].

Point très important, ces effets indésirables/séquelles/

comorbidités fragilisent les plus vulnérables en favorisant les addictions, une hygiène de vie insuffisante, les troubles de l’humeur et/ou une mauvaise observance, c’est-à-dire autant de facteurs aggravants pour le bien-être, la santé glo- bale et…le cancer [2,4,19,23] ! Pour toutes ces raisons, la santé sexuelle, pour le versant biologique, et la vie intime, pour le versant psychoémotionnel et relationnel, doivent faire désormais partie intégrante du soin oncologique pen- dant et après le PPS [1–3,5–8]. Leur appropriation permet certes de mieux répondre aux plaintes sexuelles et intimes (paramètres validés pour la qualité de vie) des malades/cou- ples (prévention tertiaire), mais aussi d’optimiser leurs capa- cités d’adaptation et de résilience, l’adhésion thérapeutique et la santé globale (via la reconnaissance d’un mode de vie inadapté, de troubles somatiques et/ou psychiques mécon- nus, sous-estimés ou s’aggravant), autrement dit, autant d’actions de prévention secondaire [2,5]. Ces bénéfices ne sont en rien négligeables, car ces troubles de santé ont poten- tiellement tous un impact délétère sur la morbimortalité non spécifique et…spécifique !

Des raisons médicales : montée en puissance des soins de support

Au même titre que l’oncogériatrie ou la psycho-oncologie, l’oncosexualité et l’oncofertilité sont deux nouvelles compé- tences en oncologie. Qu’il s’agisse d’information, d’orienta- tion, d’accompagnement ou de prise en charge, elles se posi- tionnent tout naturellement dans les soins de support (primaires ou de recours) [2,5,24]. Définis comme« l’ensem- ble des soins et soutiens nécessaires aux personnes malades, tout au long de la maladie conjointement aux traitements oncohématologiques », leur organisation et leur accès sont des objectifs prioritaires des plans cancer [4]. Mais, quoique complémentaires, les cibles, les parcours de soins et les pro- fessionnels impliqués diffèrent totalement. L’échelon géo- graphique pertinent est le territoire de santé pour l’oncose- xualité et la région pour l’oncofertilité. Cette dernière s’adresse à une population restreinte, c’est-à-dire plus jeune (enfant, adolescent, femme < 45 ans et homme < 60 ans), atteinte de cancers génitaux ou pelviens traités par radiothé- rapie ou chirurgie ou, quel que soit le site du cancer, ayant une chimiothérapie et/ou une hormonothérapie qui ont des effets gonadotoxiques [1,3–7]. Le parcours se fait vers les

centres de procréation médicale assistée déjà identifiés et accrédités. Le principal problème actuel réside dans un défaut de sensibilisation et d’information des médecins et des malades (d’où la nécessité de le savoir tôt pour orienter et préserver plus efficacement) [3–5]. À l’inverse, l’oncose- xualité s’adresse à tout malade après l’enfance avec un par- cours de proximité territorial, encore non ou mal identifié [2,5]. Elle concerne tous les professionnels de santé (de pre- mière et deuxième lignes) susceptibles d’intervenir aux dif- férentes étapes du PPS et de l’après-cancer. Si l’impact sexuel et intime doit être régulièrement évalué à chaque phase, l’annonce, où débute de fait l’après-cancer, est le moment optimal pour s’informer des projets de vie « intime » tout en informant des éventuelles conséquences et des possi- bilités de traitement préventif (essentiel pour la fertilité) ou de réhabilitation [1,4,5]. La prise en charge d’effets indésira- bles (sexuels ou non) et de séquelles physiques, psychiques et/ou fonctionnelles (esthétiques, incontinences, stomie, modification du poids…) est devenue un marqueur pertinent d’une démarche qualité des soins [2,4,5,24]. À l’évidence, elle entraîne un mieux-être qui favorise à la fois la vie intime/

sexuelle et les capacités d’adaptation et de résistance au can- cer du patient et du couple [6,7,23] ! Par ailleurs, les soins de support sont en train d’acquérir une tout autre dimension [4,5,24]. Jusqu’à récemment, leur objectif prioritaire était d’améliorer la prise en charge des effets secondaires (liés au cancer/traitement) et la qualité de vie des malades et des soignants [4,23,24]. Avancée oncologique majeure, leur mise en place précoce permettrait de vivre mieux et plus longtemps… en cas de cancer pulmonaire métastatique [25], d’où la tendance croissante de les introduire dès la phase d’annonce plutôt qu’à la phase palliative [24]. Ce bénéfice inattendu peut s’expliquer par une prise en charge optimalisée (correction des effets indésirables, amélioration de l’hygiène de vie et de la santé physique et mentale, réduc- tion des difficultés psychosociales) qui favorise l’obser- vance/l’adhésion aux traitements carcinologiques, le soutien affectif et psychosocial, la santé mentale positive et proba- blement, la réponse immunitaire [23]. Quelle qu’en soit l’origine, ce progrès ouvre une nouvelle voie thérapeutique en s’intéressant aussi au malade (la « proie ») et non exclu- sivement, à la tumeur (le « prédateur ») [23]. La médecine de la personne et la médecine de précision ne sont pas en oppo- sition mais, au contraire, en synergie puisque les deux trai- tent le cancer ! Les soins de support ne doivent plus être considérés comme un simple auxiliaire des traitements clas- siques mais comme un nouveau traitement de prévention secondaire du cancer, à l’exemple des bénéfices validés en termes de survie de l’activité physique adaptée ou de l’adap- tation nutritionnelle pour divers cancers [4]. Ces progrès réinterrogent le modèle médical actuel trop imprégné par le « tout médicament » (logiquement soutenu par l’indus- trie pharmaceutique), notamment en oncologie. Comme

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l’activité physique adaptée, l’activité intime adaptée peut être assimilée à un « médicament naturel » [2,5] bien peu coûteux dans un contexte où les dépenses oncologiques explosent [4]. Elle aide le malade (et le couple) à mieux faire face en minimisant les conséquences négatives sur leur vie personnelle et de couple (prévention tertiaire), tout en amé- liorant (directement ou non) leurs mécanismes de défense (prévention secondaire). Par conséquent, la vie en couple, le soutien affectif et… l’activité intime/sexuelle sont des variables pertinentes tant pour la qualité de vie, le bien-être et la santé mentale positive que pour traiter le cancer [1–3,5– 7,26]. Pour toutes ces raisons médicales, tout médecin en charge de cancer a un devoir et une responsabilité particu- lière, en termes d’exemplarité et d’organisation des soins, pour promouvoir et faciliter l’appropriation d’une culture de soins de support (incluant l’oncosexualité) par l’ensemble des équipes soignantes tout au long du PPS [2,27]. Pour accompagner au mieux le patient et le couple, l’idéal est de s’appuyer sur un réseau de soins de support (informel ou non) qui intègre les professionnels de santé idoines préala- blement identifiés, ainsi que sur les réseaux de soins et/ou les associations de patients [2,5]. L’absence de visibilité rele- vant de la responsabilité des tutelles, celles-ci pourraient faire figurer une politique de soins de support rationnelle et équitable dans les plans régionaux de santé. Cela faciliterait les réponses au niveau des territoires de santé, via notam- ment la sensibilisation/formation des professionnels de santé concernés et la mise en place de parcours de soins de support intégrant des consultations spécialisées [5].

Des raisons « psychomédicales » : passer de l

implicite à l

explicite

Préserver ou retrouver des moments d’intimité, de compli- cité, d’harmonie amoureuse, de désirs, de plaisirs et de satis- faction sexuels et/ou intimes n’est pas accessoire lorsque le cancer rentre dans la maison, lieu de vie du couple. Cette

« calinothérapie » représente autant de « petits moments de bonheur » et de valeurs refuges qui aident nombre de patients (et de couples) à préserver une « normalité » quand leur vie conjugale, professionnelle et sociale est bouleversée au quotidien par cet accident de vie majeur [1,5–8]. Toutes les équipes soignantes doivent intégrer les faits suivants :

être en couple a un effet protecteur avec un bénéfice qui équivaudrait aux… chimiothérapies, d’où la nécessité d’être beaucoup plus attentif au statut « marital » [26] ! Le malade seul (8,4 % des hommes vs 20,5 % des fem- mes) [7] est plus vulnérable avec un risque accru de diag- nostic tardif ou au stade métastatique et de… mortalité spécifique [26] ;

lépreuve du cancer sépare rarement les couples. Au contraire, elle crée souvent une nouvelle dynamique en les renforçant dans près de 40 % des cas, conséquence d’une rehiérarchisation de leurs priorités de vie [6,7] ;

le maintien/récupération d’une vie intime/sexuelle amé- liore les capacités d’ajustement et de résistance au cancer ainsi que la cohésion du couple [6] ;

le partenaire ne doit pas être négligé, car son rôle n’est pas facile. En fonction de sa personnalité et de sa santé, il peut être une source de difficultés (si détresse ou incompréhen- sion) ou, au contraire, une personne-ressource parfois très aidante [2,4,6,7] ;

à la différence des femmes, les hommes vivent beaucoup plus en couple, se préoccupent davantage des conséquen- ces fonctionnelles érectiles que relationnelles et accordent plus d’importance à la sexualité [6,7,12] ;

avec lâge, la sexualité reste importante mais moins dans la performance (« tyrannie de l’orgasme ») et plus dans la tendresse [2,8,12] ;

la médecine sexuelle est scientifique, comme l’oncologie, avec des recommandations de type EBM [16,17].

Par conséquent, il ne faut plus hésiter à aborder ces thè- mes qui peuvent sembler a priori tabous ou non médicaux.

La réinsertion « intime/sexuelle » (en phase de traitement, de rémission ou de guérison) mérite les mêmes attentions que la réinsertion sociale ou professionnelle, car ses bénéfices potentiels apparaissent au moins équivalents [2,5,7]. Pour répondre aux besoins et aux attentes des malades et des cou- ples, il existe une boîte à outils « oncosexologiques » (effi- cace, individualisable et graduée) qui les aide à retrouver confiance en eux, en l’autre et en l’avenir, que la probléma- tique soit simple (situation de loin la plus fréquente) ou par- fois, plus complexe [1–3,5]. Multiforme, la réponse « onco- sexuelle » peut varier d’une simple information/conseil/

réassurance/soin esthétique/prescription médicamenteuse (proérectile, lubrifiant vaginal, antalgique, somnifère, anti- dépresseur…) accessible à une large majorité de soignants de première ligne [5]. Le recours à des compétences plus spécifiques de deuxième ou troisième lignes (injection intra- caverneuse, dilatation vaginale, chirurgie reconstructive, congélation du sperme, sexo- ou psychothérapies…) est par- fois nécessaire. La mise à disposition d’un annuaire (territo- rial/régional) actualisable des ressources est alors un point clé pour informer et orienter [2,4,5]. Cette diversité de trou- bles et de séquelles explique la part réduite des sexothérapies individuelles ou de couple [1,3,5] qui ne concernent que les patients/couples les plus en difficulté sur le plan psycholo- gique et/ou relationnel [1,2,5,8]. Malheureusement, la diffu- sion de tous ces bénéfices est encore entravée par :

une forte inertie médicale et les habituelles résistances aux changements [2,4,27], d’où des médecins plus réactifs que proactifs ;

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les trop nombreux mythes et fausses représentations col- lectives liés aux mots cancer et sexualité qui faussent la réalité et autoentretiennent les freins socioculturels et une

« chape de silence » [1–3,6–8,27].

Continuer à opposer la problématique « sérieuse » du can- cer à la problématique « futile ou accessoire » de la sexualité et de la vie intime n’est plus scientifiquement recevable. Au contraire, leur association reflète un vrai progrès, puisque le parcours de soins (spécifique et de support) peut et doit être vu aussi comme un parcours de vie et de santé (dans son sens OMS) [2,4,5,11].

Des raisons médicosociétales : répondre aux plans cancer et aux demandes des malades

L’approche soignante moderne, c’est-à-dire globale et per- sonnalisée, implique la prise en compte de cinq dimensions qui sont toutes des déterminants de santé : la santé physique, mentale et sexuelle, le mode de vie et le bien-être/qualité de vie (souhaits et réalité).« PPS…,rendre la vie pendant le cancer plus supportable…, réduire le risque de séquelles…, prise en charge globale et humanisée »sont autant d’enjeux forts des derniers plans cancer, car le malade n’est pas un simple objet de soins [4,28,29]. L’Académie de médecine l’a clairement rappelé :« un soin personnalisé doit prendre en compte les attentes de la personne soignée en s’adaptant à elle et à son environnement. Il nécessite savoir-faire et savoir-être, compétence technique et bientraitance »[28].

A contrario, une médecine non personnalisée risque d’être

« inhumaine », car l’humanisme se fonde sur le« dialogue singulier entre une conscience et une confiance librement consentie » entre deux êtres, l’un demandant de l’aide, l’autre la lui offrant [28,29]. Un humanisme médical bien compris commence donc par la compétence et le respect de la singularité. La promotion des soins de support et de l’édu- cation thérapeutique, priorités du troisième Plan cancer, s’inscrit dans cette évolution moderne d’un patient plus par- tenaire et plus acteur de sa santé [4]. Comme pour tout autre soin, l’oncofertilité et surtout l’oncosexualité exigent une maîtrise de la communication et du dialogue, condition indispensable pour une approche globale du malade et de son environnement. Dans le parcours de soins de support, chaque soignant doit être « professionnel de santé », c’est- à-dire suffisamment informé et informatif avec un souci per- manent de respecter la liberté, la dignité et la pudeur des individus [2,4,11,30]. Ne pas aller au-delà de la demande est d’autant plus important que :

les malades sont fragilisés et plus vulnérables, car exclus de leur statut de bien-portants ;

la priorité oncosexuelle varie considérablement selon les cancers (stade, pronostic, évolution et traitement), le PPS

et le temps expliquant que l’impact et la demande « inti- mes » évoluent tout au long des parcours de soins et de vie [1–3,5,7,20] ;

quasiment tous les malades sont demandeurs d’informa- tions, mais un tiers environ ne souhaite pas (temporaire- ment ou non) de prise en charge pour divers motifs médi- caux et/ou environnementaux (influence du partenaire) [2,5–8].

Cependant, la demande étant souvent masquée, les sujets les plus vulnérables (jeunes, sans partenaire, faible niveau socio-économique, femmes seules avec enfants, environne- ment socioculturel défavorable…) doivent être dépistés prio- ritairement [2,6–8]. Le professionnel de santé doit éviter les attitudes inadéquates et les communications « émotionnel- les » au profit d’une empathie neutre et d’une distanciation déontologique [30]. La qualité doit primer sur la quantité.

Si la compétence relationnelle fait partie intrinsèque de la compétence médicale, l’information fait partie du soin, de l’alliance thérapeutique et de la reconnaissance de l’autono- mie du patient…inhérente au processus de décision parta- gée : tout ce qui n’est pas exprimé ne peut pas être entendu ! Cette « bientraitance » oncosexologique concorde avec :

le code de déontologie : respect de la vie privée, de la dignité, de la liberté et du secret professionnel ;

les droits fondamentaux des utilisateurs (plutôt qu’usa- gers) de santé : droit à l’accès et à la qualité des soins, au principe d’autonomie, à la confidentialité, à la santé sexuelle, à l’information et à l’expression d’un consente- ment éclairé [2,4,11,30].

Des raisons éthiques : l

oncosexualité, nouvel outil pour l

humanisme médical.

L’oncosexualité s’intègre naturellement dans un humanisme médical au titre d’une « pratique de la médecine et des soins, absolument respectueuse à tous égards de la personne humaine, dans toutes ses dimensions physiques et métaphy- siques » [28]. Sa prise en compte est un indicateur d’une pratique médicale « bientraitante et bienveillante » (notam- ment vis-à-vis des plus vulnérables) [5] qui vise à minimiser une trop fréquente « maltraitance par inadvertance » dans ce domaine. En assurant, de la phase d’annonce à l’après- cancer, une veille humaniste, active et personnalisée, l’onco- sexualité associe une dimension :

médicale équivalent dupatient-centered careen intégrant le traitement (cure) et le « prendre soin » (care), l’accom- pagnement étant une dimension éthique et humaniste du soin [4,28] ;

(9)

relationnelle en réduisant l’asymétrie de savoirs entre soigné et soignant, enjeu de démocratie sanitaire, pour permettre de mieux avancer ensemble [4,29].

Cette approche soignante « bio-psycho-environnemen- tale », c’est-à-dire, technique, ouverte, empathique et huma- niste caractérise l’oncosexualité et les soins de support.

Elle développe, de facto, les qualités des soignants dans le domaine des « humanités » reconnues parfois faibles [4,28], d’où les recommandations des deuxième et troisième plans cancer de développer les sciences humaines et sociales.

Prendre en compte la dimension humaine et psychosociale est source de progrès puisqu’elle favorise l’esprit d’ouver- ture, le décloisonnement et la multi/transdisciplinarité, c’est- à-dire, autant de fortes attentes des malades. La prise en charge doit être personnalisée au patient et non… au soi- gnant (notamment médecin) ! Les médecins (avant tout spé- cialistes) doivent davantage s’approprier cette approche moderne, transversale et multidimensionnelle de la santé, caractéristique des soins de support [2]. Malgré les perspec- tives démographiques (plus de cancers et moins de méde- cins) [4], ils ne peuvent plus faire l’impasse sur leur rôle à propos de la qualité de vie et du retentissement psychosocial des malades. Éthiquement, ils doivent faire attention à ne pas privilégier une médecine technicienne (rapide et objec- tive) d’organe au détriment d’une médecine humaniste glo- bale, plus lente et plus subjective, mais qui incorpore la sin- gularité des personnes tout comme les dimensions de qualité de vie, de bien-être et d’environnement, le temps humain étant aussi important que le temps technique ou marchand [2]. Cette remise en question devient d’autant plus néces- saire que la tendance à l’hyperspécialisation, la rapidité des progrès, les problèmes de démographie médicale, la fas- cination pour l’imagerie et la technologie favorisent de plus en plus un manque de vision globale et une sous-estimation de la dimension clinique qui risquent de transformer le malade en objet et non en sujet [28]. La prééminence donnée au modèle économique et aux données numériques (les

« Big Data ») sont en train de détourner le label qualité de l’EBM. L’aspect exclusivement statistique est actuellement trop privilégié au détriment des valeurs/préférences du malade et de l’expérience du praticien. L’ingénieur techni- cien ne doit pas supplanter la parole et la clinique, c’est- à-dire, cette attention si particulière au corps et/ou à l’esprit en souffrance, en l’occurrence dans leur féminité/masculi- nité, et/ou dans leur vie de couple ou sociale [1–3,6–8].

Cette valeur ajoutée de l’oncosexualité n’est pas à sous- estimer, car informer, s’informer et se préoccuper des impacts possibles du cancer et de ses traitements sur la sexualité, la vie intime, les projets de vie et le bien-être sont autant d’opportunités de laisser « le malade exprimer libre- ment sa singularité, l’histoire de sa vie et de sa maladie » [28]. Elle facilite également l’éducation thérapeutique et la

promotion d’une meilleure santé. Comme pour la psycho- oncologie, l’appropriation de l’oncosexualité permet de rap- peler (ou à défaut, de promouvoir) que la culture de bien- veillance, principe d’universalité humaniste, est « au cœur du métier de soignant qui ne peut se satisfaire d’une simple expertise technique ou d’une gestion financière stricte » [29], car le « malade est aussi une personne ».

Conclusions

Plusieurs avancées médicosociétales ont fait « prendre plus au sérieux » les difficultés sexuelles et intimes liées au can- cer et à ses traitements, dans un premier temps pour la qualité de vie puis, de façon inattendue, pour la quantité de vie ! Désormais, une autre grille de lecture est nécessaire puisque le parcours de soins peut et doit être vu comme un parcours de vie, car on vit plus longtemps avec un cancer. Négliger cette problématique en 2015 est une perte de chance pour le malade (et le couple) et une mauvaise pratique médicale :

informer des risques et séquelles sexuels est un droit des patients et un devoir des médecins ;

sinformer sur la santé sexuelle, les projets (type parental) et souhaits de vie sexuelle/intime est une obligation déon- tologique et médicolégale pour mieux personnaliser la stratégie thérapeutique ;

prévenir ou corriger précocement les effets négatifs sur la vie sexuelle/intime fait scientifiquement et donc, déonto- logiquement, partie du traitement de tout cancer, au titre de la prévention secondaire et tertiaire ainsi que de l’accom- pagnement (soins de support) ;

la demande des professionnels de santé, des patients et des couples est très documentée et sa prise en charge souvent bénéfique ;

lactivité intime adaptée a un rôle positif en aidant à mieux faire face et en améliorant les mécanismes de défense (patient/partenaire).

L’oncosexualité s’inscrit ainsi dans une authentique démarche qualité des pratiques et des soins :

elle participe au processus de démocratie sanitaire en cor- rigeant les inégalités d’accès aux soins, tout en respectant les droits des « usagers » de santé, notamment le pro- cessus de décision partagée ;

elle favorise une culture « de bientraitance et de bienveil- lance » pour une prise en charge plus personnalisée ;

enfin et peut-être surtout, elle respecte les impératifs car- cinologiques et un humanisme médical proactif, fort sou- hait sociétal contemporain.

Malheureusement, la persistance de nombreux préjugés/

freins socioculturels, la résistance et l’inertie au change- ment aggravées par un déficit conjugué de connaissances

(10)

et d’organisation du système de soins entravent sa recon- naissance, sa diffusion et son appropriation. Pour en finir avec cette « politique de l’autruche », il faut modifier les comportements en levant les barrières organisationnelles et… psychosociales. À l’exemple de la douleur il y a 20 ans, une politique volontariste de sensibilisation, d’infor- mation et de formation est indispensable pour passer d’un niveau individuel à collectif normé. La demande oncose- xuelle doit être connue et légitimée, préalable indispensable pour que la perte de la vie intime/sexuelle ne soit plus consi- dérée comme un « petit prix à payer » en termes de vie personnelle, émotionnelle, affective, conjugale, relationnelle et sociale, autrement dit, de vie tout court.

Liens d’intérêts :les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.

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