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Oncologie : Article pp.221-229 du Vol.9 n°4 (2015)

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ARTICLE ORIGINAL /ORIGINAL ARTICLE DOSSIER

Les défis de l ’ oncogénétique et ses applications médicales : nouvelles problématiques psycho-oncologiques ? Le modèle des prédispositions génétiques au cancer du sein et de l ’ ovaire

The Challenges of Oncogenetics and Its Medical Application: New Psycho-Oncological Problems? The Genetic Predisposition Model for Breast and Ovarian Cancer

C. Noguès

Reçu le 9 novembre 2015 ; accepté le 13 novembre 2015

© Lavoisier SAS 2015

Résumé L’augmentation des connaissances sur les facteurs de prédisposition génétique au cancer permet de donner des éléments de réponse aux interrogations d’un nombre croissant de familles et de leurs médecins, et également de mettre en place la prise en charge médicale adaptée. Un résultat de pré- disposition génétique a néanmoins des implications profondes pour les familles malmenées par les cancers. Le modèle de la prédisposition au cancer du sein (CS) et de l’ovaire (CO) est emblématique de certaines problématiques ou avancées en oncogénétique (OG) et de leur impact pour les patients et les soignants ; suivi au long cours des femmes à risque, ques- tionnements autour du projet parental, information à la paren- tèle, enjeux des consultations théranostiques, retombées des analyses de panel de gènes. La capacité du dispositif actuel à répondre aux demandes et à s’adapter aux nouveaux enjeux est réelle mais reste un challenge. La qualité des informations données et la préservation d’un accompagnement spécifique médical et psycho-oncologique paraissent essentielles.

Mots clésOncogénétique · Cancer du sein ou de l’ovaire · Enjeux psycho-oncologiques · Nouveaux enjeux

AbstractA raised understanding of genetic predisposition factors for cancer has enabled partial answers to be given to a growing number of families and their doctors, as well as allowing personalised medical treatments to be implemen- ted. A result indicating a genetic predisposition nevertheless has deep implications for families affected by cancer. The predisposition model for breast and ovarian cancer is emble- matic of certain problems and developments in oncogene- tics, and their impact for patients and their care providers;

long-term follow-up of at-risk women, questions around potential parenthood, information for relatives, problems of theranostic consultations and drops in gene panel analyses.

The capacity of the current genetic clinics organisation to meet the needs and adapt to new issues is evident, but it remains a challenge. The quality of information given and retaining specific medical and psycho-oncological support appears to be vital.

Keywords Oncogenetics · Breast or ovarian cancer · Psycho-oncological issues · New challenges

Le cancer en héritage, c’est la préoccupation de chacun dans les familles malmenées par les cancers et où la peur de déve- lopper un cancer ou d’être confronté à ceux de leurs proches peut être très présente. À côté des interrogations sur la cause des cancers familiaux, le souci du niveau de surveillance et des possibilités de prévention à adopter pour contrer les ris- ques de cancer alimente les questions récurrentes qui nous sont posées.

Les 20 dernières années ont été marquées par l’augmen- tation considérable des connaissances sur les facteurs de pré- disposition génétique au cancer. Il est devenu possible de donner des éléments de réponse aux interrogations d’un nombre croissant de familles et de leurs médecins, et égale- ment de mieux définir et mettre en place la prise en charge médicale de ces familles vis-à-vis de risques identi- fiés. L’annonce de la découverte d’une mutation délétère prédisposant à un cancer particulier n’en reste pas moins singulière, difficile, tant pour la personne elle-même que pour ses proches. Une telle découverte impose la mise en place de véritables stratégies de dépistage sur les organes cibles, à des rythmes plus rapprochés, à des âges bien plus jeunes et avec des modalités souvent plus lourdes que dans la population générale. Des stratégies alternatives de préven- tion peuvent être proposées, voire recommandées dans

C. Noguès (*)

Oncogénétique clinique, institut Curie, hôpital René-Huguenin, F-92210, Saint-Cloud, France

e-mail : catherine.nogues@curie.fr DOI 10.1007/s11839-015-0549-8

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certains syndromes conduisant parfois à des chirurgies pré- ventives mutilantes.

Un résultat de prédisposition génétique a donc des impli- cations profondes et peut modifier des représentations de la vie, le rapport à la maladie et à la mort des personnes concer- nées ; entraîner un sentiment de culpabilité vis-à-vis de la transmission à sa descendance ; et cela, même si le résultat a été souhaité, même si les enjeux pour la personne et pour les membres de sa famille en ont été anticipés et parus compris.

Pour accompagner au mieux ces personnes dans leur démarche personnelle et familiale, des équipes médicales pluridisciplinaires spécialisées se sont constituées et travail- lent en réseau au niveau régional et national, rendant plus facile l’harmonisation des pratiques et des parcours des patients/personnes à risque.

Ce dispositif a l’objectif de permettre un meilleur service rendu aux membres d’une même famille qui se voient pro- poser et aider à mettre en place des prises en charge selon des référentiels similaires quelle que soit la région où ils résident.

Il existe ainsi des consultations d’oncogénétique (OG) sur tout le territoire français, dont les coordonnées sont disponi- bles sur le site de l’Institut national du cancer (INCa) [plus de 125 sites]. La prescription et la réalisation d’analyse constitutionnelle des gènes incriminés à la recherche d’une mutation se font, en France, dans le cadre d’un dispositif légal et organisationnel bien codifié [1]. Le circuit dédié (consultation d’OG, laboratoire OG, équipes pluridiscipli- naires de prise en charge comportant un soutien psycholo- gique) garantit l’information sur les enjeux et les limites des analyses génétiques, l’autonomie de la réflexion et l’accom- pagnement. Enfin, des réseaux régionaux pluridisciplinaires de prise en charge des personnes prédisposées complètent le dispositif [1,2].

C’est la possibilité d’analyses pour les prédispositions génétiques aux cancers fréquents (cancers du sein, cancers gynécologiques et digestifs) qui a permis l’essor de l’OG et qui a rendu « visibles » ces personnes à risque tant pour la communauté médicale que pour le grand public, en particu- lier au travers des médias. Pour exemple, au travers du dis- positif de l’INCa, plus de 17 000 personnes porteuses de mutationsBRCA1/2prédisposant au cancer du sein (CS) et de l’ovaire (CO) ont été identifiées en dix ans depuis 2003.

Le modèle de la prédisposition au CS et au CO est emblé- matique de l’évolution de la discipline, des enjeux actuels pour les femmes et leurs proches mais aussi des enjeux et défis à venir. C’est au travers de cet exemple que seront illustrées certaines problématiques ou avancées en OG et leur impact pour les patients et les soignants ; le suivi au long cours des femmes à risque, les questionnements autour du projet parental, l’information à la parentèle, les enjeux des

consultations théranostiques, les retombées de la mise en place des panels de gènes.

Connaissances et prises en charge actuelles pour les prédispositions génétiques au cancer du sein et de l

ovaire

Cet éclairage sans être exhaustif vise simplement à porter à connaissance les données débattues en milieu spécialisé et souligner l’étendue et la complexité des informations médi- cales à donner aux personnes que nous recevons lors des consultations d’OG ou lors des consultations de prise en charge médicale.

Bases biologiques

Les anomalies des gènesBRCA1etBRCA2ont été identi- fiées comme étant responsables d’histoires familiales de CS et/ou de CO. La transmission de cette prédisposition se fait selon un modèle mendélien autosomique dominant, indi- quant que les hommes sont tout autant concernés que les femmes. Le risque de transmission d’un individu porteur à sa descendance est de 50 %.

Une mutation délétère dans l’un de ces deux gènes majeurs du CS n’est identifiée que chez environ 10 % des cas index en 2013 [2]. Connaître la MD en cause dans une famille permet la réalisation d’un test ciblé sur l’anomalie spécifique pour les apparentés.

L’analyse in extenso de BRCA1ou deBRCA2retrouve également dans environ 8 % des cas une variation de séquence rare dont la signification biologique, donc clinique est inconnue (VSI). N’étant pas considérés comme délétères, les VSI ne permettent pas les tests ciblés pour les apparentés de la famille. Des efforts importants de classification des VSI (neutres ou causaux) sont en cours.

Par ailleurs, les mutations des gènesCDH1, TP53, PTEN, STK11qui sont impliquées dans une prédisposition au can- cer à d’autres localisations que le sein et l’ovaire jouent éga- lement un rôle. Un phénotype ou une histoire familiale par- ticulière oriente vers le syndrome héréditaire correspondant : syndrome de Li-Fraumeni etTP53, maladie de Cowden et PTEN, syndrome de Peutz-Jeghers etSTK11, formes hérédi- taires de cancer gastrique à cellules isolées etCDH1. Ils sont exceptionnels (quelques dizaines de familles en France), tous de transmission autosomique dominante et comportent un risque de CS souvent mal estimé.

En plus de ces gènes « syndromiques », une part impor- tante des CS familiaux pourrait être due à des mutations rares dans de nombreux gènes et associée à un risque de CS dit

« intermédiaire » (RR ~ 3). La meilleure connaissance des fonctions des protéines BRCA1 et BRCA2 et des mécanis- mes de carcinogenèse a permis la réalisation d’études sur des

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gènes candidats codant pour des protéines intervenant dans les mêmes voies de réparation des cassures double brin par recombinaison homologue (RH) et/ou dans le complexe pro- téique « Fanconi », ou encore dans le contrôle du cycle cel- lulaire. C’est le cas entre autres des gènesPALB2, CHEK2, ATM,RAD51. L’introduction des nouvelles technologies de séquençage à haut débit qui permettent le séquençage simul- tané de plusieurs gènes, de l’exome, voire du génome entier, a permis l’identification de gènes commeXRCC2etRINT1.

Pour tous ces gènes, le risque de CS associé est soit inconnu, soit biaisé ou imprécis. L’analyse de ces gènes au niveau constitutionnel est pour l’heure encore du domaine de la recherche, mais ces données peuvent évoluer rapidement pour certains d’entre eux. L’analyse dePALB2est en cours d’implémentation à titre diagnostique en France. Tous font partie de la plupart des panels de gènes en cours de consti- tution (à titre diagnostique ou de recherche).

Données épidémiologiques

Les mutations constitutionnelles délétères de BRCA1 ou BRCA2sont rares, elles sont responsables de seulement 2 à 4 % des CS et 5 à 15 % des CO.

Les femmes indemnes porteuses d’une mutation délétère sur l’un de ces gènes sont à très haut risque de développer l’un ou l’autre de ces cancers au cours de leur vie [3–5]. Ces risques sont plus élevés et les cancers surviennent plus pré- cocement avecBRCA1. Les risques cumulés de CS à 70 ans associés à une mutation sur ces gènes sont estimés à environ 60 % pourBRCA1et à environ 50 % pour BRCA2. L’âge médian au diagnostic est de 40–42 ans pour BRCA1et de 43–45 ans pour BRCA2. Les risques cumulés de CO à 70 ans sont estimés à environ 40 % pourBRCA1et environ 15 % pourBRCA2.

Chez les femmes atteintes d’un premier CS, le risque de CS controlatéral est très élevé par rapport aux cas de CS sporadiques [6,7]. Par ailleurs, si le risque de récidive homo- latérale est similaire à celui des sporadiques pour les cinq premières années de suivi, il semble plus élevé ensuite [8].

Indications de consultation et de prescription de test génétique

Les critères d’indication de consultation d’OG les plus consensuels comprennent avant tout des critères familiaux reposant sur l’existence d’au moins deux ou trois cas de CS dans une même branche et assortis de critères d’âge au diagnostic et en l’absence d’histoire familiale évocatrice les critères individuels suivants :

CS < 36 ans ;

CS médullaire, CS triple négatif de moins de 51 ans ;

CS chez lhomme, quel que soit l’âge ;

CO et CS chez une même patiente, quels que soient les âges de survenue, CO de moins de 71 ans (hors mucineux, borderline, tumeurs germinales).

C’est au cours de la consultation d’OG que sera précisé la probabilité a priori de la prédisposition suspectée en tenant compte de l’informativité générale de la famille (taille, nom- bre et âge au diagnostic des femmes atteintes, nombre et âge des femmes indemnes) et confirmé l’indication d’une ana- lyse génétique.

Il est souhaitable d’adresser en consultation d’OG pour une première analyse BRCA1/2 familiale, le meilleur cas index, c’est-à-dire la personne ayant le phénotype le plus évocateur d’une prédisposition génétique au CS et/ou de CO. Sauf rares exceptions, la première analyse familiale est faite chez une patiente ayant développé une tumeur. La mise en évidence d’une mutation délétère dans une famille permet la réalisation de tests ciblés sur cette anomalie spécifique pour les apparentés.

Prise en charge individuelle dans les familles où une mutationBRCA1/2est identifiée

Pour les femmes porteuses d’une mutation délétère de BRCA1/2(analyse cas index positive ou test ciblé positif) Établies selon les recommandations INCa [9,10] en cours de réévaluation et rejoignant globalement celles émises par les différentes sociétés savantes internationales (NCCN, US Preventive Task Force, NICE, ESMO…) [11,12]. Les déci- sions (en particulier de chirurgie prophylactique) sont prises dans le cadre d’une démarche pluridisciplinaire concertée et partagée.

Prise en charge du risque mammaire

Dépistage : on recommande une palpation mammaire semes- trielle à partir de l’âge de 20 ans, associée à la réalisation d’un bilan d’imagerie annuel par IRM mammaire + mammogra- phie (deux incidences par sein) +/- échographie mammaire à partir de l’âge de 30 ans. Les trois examens doivent être réa- lisés dans une même structure pouvant prendre en charge les prélèvements à effectuer, débuter par l’IRM mammaire, plus sensible, et être réalisés dans un intervalle de temps limité.

Prévention : seule la prévention du risque mammaire par mastectomie prophylactique est proposée en France. C’est une option choisie par 10 % des femmes françaises porteuses d’une mutation de BRCA1/2 (données de 2012, cohorte nationaleBRCA[Genepso], non publiées), mais qui diminue le risque de CS de plus de 90 %. Cette option est envisa- geable à partir de l’âge de 30 ans. Une reconstruction mam- maire doit être systématiquement proposée. Aux États-Unis et au Royaume-Uni notamment, il est possible de prescrire une hormonoprévention, par tamoxifène, raloxifène ou

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exemestane. L’intérêt de cette approche est en cours de dis- cussion par le groupe expert de l’INCa.

Prise en charge du risque ovarien

Dépistage : il est réalisé un examen gynécologique annuel, associé à partir de l’âge de 35 ans à une échographie pel- vienne par voie endovaginale annuelle.

Prévention : une annexectomie prophylactique bilaté- rale (ablation des trompes et des ovaires) est recommandée à partir de 40 ans pour les femmes porteuses d’une muta- tion deBRCA1ouBRCA2. Ces recommandations sont évi- demment variables en fonction de l’histoire familiale et personnelle des patientes. De nombreuses équipes diffèrent à 45–50 ans cette recommandation pour les femmes por- teuses d’une mutation de BRCA2. La réduction de fré- quence du CS (de l’ordre de 50 %) et celle de sa mortalité qui sont rapportées en cas d’annexectomie augmentent encore l’impact de cette intervention [13].

Pour les femmes déjà atteintes d’un cancer

Au moment du traitement : aujourd’hui, la détermination du statut BRCA1/2 pour les patientes atteintes d’un CO en rechute permet de compléter l’arsenal thérapeutique avec la possibilité d’utiliser les nouvelles thérapies ciblées, les inhi- biteurs de poly(ADP-ribose) polymérase (PARP). Pour le CS, les inhibiteurs de PARP sont encore en évaluation et ne sont proposés que dans le cadre d’essais thérapeutiques.

La nature du geste chirurgical (exérèse complète) peut être discutée en RCP pour un CS accessible à un traitement conservateur ou après chimiothérapie néoadjuvante.

Après le traitement : un renforcement de la surveillance mammaire avec ajout d’une IRM mammaire à la surveil- lance habituelle des femmes traitées pour un CS est requis.

Une chirurgie prophylactique mammaire controlatérale sera également discutée. L’annexectomie bilatérale reste recom- mandée selon les modalités d’âge définies ci-dessus.

Pour les femmes non porteuses de la mutation délétère deBRCA1/2responsable de leur histoire familiale (test ciblé négatif).

Elles ne nécessitent pas de surveillance accrue et restent dans le cadre du dépistage organisé [14].

Prise en charge individuelle dans les familles où l’histoire de cancer reste inexpliquée

C’est une situation fréquente et qui pose notamment le pro- blème de l’ajustement du niveau de dépistage dans la famille eu égard au risque résiduel lié aux antécédents familiaux.

L’évaluation du risque de cancer dans ces familles et consé- cutivement l’adaptation du niveau de surveillance pour les apparentées sont complexes et non consensuelles à l’heure

actuelle. Pour certaines de ces familles, l’agrégation familiale est possiblement fortuite ; en revanche, pour d’autres, l’exis- tence d’autres facteurs génétiques est fortement suspectée, qu’il s’agisse de gènes rares mais à forte pénétrance ou à péné- trance intermédiaire ou de facteurs de susceptibilité fréquents à pénétrance faible. L’absence d’identification de mutations sur les gènesBRCA1/BRCA2(et éventuellement sur des gènes de prédisposition plus rares) est considérée comme un résultat non informatif dans les familles évocatrices.

L’estimation du risque résiduel revient aux équipes d’OG qui peuvent s’appuyer sur des calculs de risque selon diffé- rents modèles qui ont chacun leurs propres hypothèses et leurs limites. Plusieurs modèles sont disponibles : Gail, Claus, BRCAPRO, BOADICEA ou IBIS [15]. BODICEA est le plus communément utilisé. Tous restent imparfaits. En atten- dant des versions plus élaborées de ces modèles, une évalua- tion multicritères des familles paraît le plus pragmatique.

Des recommandations récentes de la Haute Autorité de santé [14] permettent d’avancer dans la prise en charge de ces familles en structurant, au moins en partie, la démarche d’évaluation de risque, afin de conduire à l’homogénéisation du niveau de surveillance mammaire dans ces familles. À l’issue d’un processus effectué en consultation d’OG éven- tuellement complété par une RCP dédiée, deux intensités de dépistage mammaire sont définies : risque élevé ou très élevé de CS. Dans un tel contexte, à ce jour, l’ensemble des don- nées de la littérature ne conduit pas à recommander de dépis- tage ovarien particulier ou de chirurgie préventive. Là encore les décisions (en particulier de chirurgie prophylactique) sont prises dans le cadre d’une démarche pluridisciplinaire concertée et partagée.

Problématiques émergentes dans la prise en charge des familles où une prédisposition au cancer du sein et de l’ovaire est avérée

Tout d’abord, c’est celle dusuivi au long cours des femmes à risqueà qui l’on va proposer un programme personnalisé de suivi selon les référentiels sus-cités sur plusieurs dizaines d’années : par exemple, un résultat de test BRCA1+ à 25 ans en 2015, la mise en place d’une surveillance mammaire avec IRM à 30 ans, une indication de chirurgie préventive possible au niveau mammaire après 30 ans, recommandée pour les annexes dès 40 ans, soit en 2030…De nouveaux événements personnels et familiaux peuvent modifier la « feuille de route » ; un nouveau cas de cancer dans la famille peut faire resurgir l’idée de recourir à une chirurgie préventive mam- maire. Avec qui en reparler ? Qui contacter ? De nouvelles possibilités de réduction du risque peuvent s’ouvrir dans les années qui viennent (hormonoprévention par exemple).

Comment recontacter et en prévenir ces femmes ? Quelle va être l’adhésion réelle à ces programmes au long cours ?

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Autant de questions qui soulignent l’importance de permettre à ces personnes et à leurs proches, l’accompagnement et le recours aux équipes les plus entraînées tout au long de leur vie et des événements émaillant leurs parcours.

L’attention qui a été portée par les professionnels à l’ac- compagnement pendant la procédure du test génétique et à relativement court terme doit se poursuivre au long cours dans le cadre de réseaux organisés et élargis.

Par ailleurs, l’augmentation croissante des tests généti- ques ciblés chez les jeunes adultes fait émerger denouvelles questions autour du projet parental. Les jeunes couples dont l’un des membres est confronté à ce type de prédispo- sition n’hésitent pas à poser à voix haute des interrogations sur un projet de grossesse. Certains peuvent s’interroger sur les possibilités de diagnostic préimplantatoire ou prénatal (DPI/DPN). Les attentes ne sont pas les mêmes chez les fem- mes atteintes de cancer [16]. Dans une étude conduite en 2012 [17], les résultats du test génétique BRCA ont influencé le projet parental des personnes interrogées ; inter- ruption d’un projet à venir (pas de nouvel enfant), modifica- tion de la dynamique avec le plus souvent une accélération, modification du désir d’enfant, problèmes psychologiques (sentiment de culpabilité sur la transmission), procréation assistée. Cette même étude révèle que l’information sur les possibilités de DPN/DPI devrait être donnée de façon systé- matique au moment des résultats des tests pour 85 % des personnes interrogées, seulement au moment d’un projet d’enfant pour 45 % d’entre elles.

Une demande de DPI ou DPN n’est a priori pas recevable en cas de mutations BRCA1ou BRCA2. Cependant, dans certains cas, la gravité de la situation familiale peut rendre acceptable une telle demande par un centre pluridisciplinaire de diagnostic prénatal (CPDPN) [18].

Nouvelles problématiques concernant l

information sur les enjeux des tests génétiques

L’information sur les enjeux et les limites des analyses géné- tiques, l’autonomie de la réflexion et l’accompagnement doi- vent être garantis aux personnes qui nous consultent.

Les cliniciens en charge de patients atteints de pathologies tumorales agissent le plus souvent en première ligne, car ils réfèrent les patients en consultation d’OG. Ils apportent à leurs patients une information préalable, qui les aidera à s’orienter ou non vers une démarche génétique. L’accultura- tion du grand public à ces problématiques via une médiatisa- tion croissante renforce les demandes spontanées. Il n’y a souvent aucune urgence pour réaliser cette démarche dont les retombées s’inscrivent dans la durée. C’est pourquoi la consultation de génétique peut être proposée à n’importe quel moment du parcours de soins, voire à distance de la prise en

charge initiale, lorsque le patient est demandeur. Il s’agit le plus souvent, pour le cas index, de démarches longues qui peuvent prendre plusieurs mois, voire une année (rendez- vous en OG, réalisation du test, résultat lors d’une nouvelle consultation, propositions d’accompagnement psychologique à chaque étape). En effet, il est le plus souvent proposé à un patient une période de réflexion avant la réalisation d’un test génétique, même si sa décision, qui repose sur le principe de l’autonomie et d’une réflexion non contrainte, est prise dans la plupart des cas lors de la consultation initiale. Les analyses moléculaires sont souvent longues, de l’ordre de plusieurs mois en l’absence d’enjeux thérapeutiques. Ces délais de réa- lisation vont rapidement diminuer avec l’arrivée des nou- velles techniques (Next-Generation Sequencing [NGS]). La personne qui se soumet à cette analyse transmet à ses proches l’information sur la nature de son résultat. Dans les situations où une mutation a été identifiée dans une famille, une période de réflexion est aussi proposée, mais l’analyse moléculaire chez les apparentés est beaucoup plus rapide, de l’ordre de quelques semaines, car ciblée.

Information à la parentèle

L’un des rôles de l’oncogénéticien est de s’assurer de la dif- fusion de l’information concernant la prédisposition identi- fiée à l’ensemble de la famille (les apparentés concernés). Le

« messager » de l’information est la personne qui a réalisé le test génétique (le cas index).

En France, le droit de ne pas savoir (la volonté d’ignorer telle ou telle, voire même une quelconque prédisposition génétique) reste un pilier de notre questionnement éthique, mais a-t-on le droit de ne pas vouloir savoir ? Dans ces dif- férents avis, le CCNE a souligné qu’il est difficile d’établir un équilibre entre l’autonomie de la personne (et le respect de cette autonomie) et le devoir de solidarité qui s’exprime également dans la mise en garde et la prévention d’un risque ou d’un danger. Dans ces familles, le fait de savoir est perçu comme un besoin avant même d’être un droit et Gondray souligne que les femmes l’ont sans doute même perçu comme un devoir au sein et vis-à-vis de leur famille [19].

Il existe, depuis la loi du 7 juillet 2011, une obligation d’information à la parentèle en cas de diagnostic d’une mala- die génétique héréditaire grave. Mais comment annoncer un risque de cancer à une parentèle qui n’est pas toujours en demande ? Les débats ont été nombreux tant chez les profes- sionnels que parmi les associations de patients, mais le décret d’application de 2013 confirme cette obligation, encadre cette procédure et prévoit qu’en cas de difficulté et/ou de refus, cette information doit s’effectuer par l’intermédiaire du méde- cin selon des modalités très particulières (courrier avec AR respectant l’anonymat de la personne et ne dévoilant pas spé- cifiquement la prédisposition en cause mais enjoignant à prendre contact avec un généticien) [20].

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Ce texte doit être appliqué et expliqué avec « tact et mesure » par les professionnels dans les familles que nous suivons afin de ne pas faire renoncer à cette démarche des personnes qui pour certaines n’auraient pas encore révélé leur cancer ou qui craindraient les réactions de leur famille ou de certains de ses membres, voire qui redouteraient d’engager leur responsabilité civile. D’autres au contraire pourraient pri- vilégier trop vite l’annonce « anonyme » par un généticien.

L’annonce familiale est toujours un processus long et réalisé par étape ; on informe le cercle le plus proche (dont la plupart ont été associées d’emblée à la démarche familiale), puis les nouvelles personnes ayant fait le test avertissent à leur tour leur propre cercle ; ainsi, les apparentés les plus éloignés sont contactés en fonction des relations existantes. Des documents d’information sont systématiquement remis lors du résultat afin d’aider à la diffusion de l’information dans la famille.

Néanmoins, avant même le résultat, il est très important de faire anticiper à la personne que nous recevons et tout au long de sa démarche les retombées pour ses proches de la décou- verte d’une mutation et de l’encourager à les en prévenir. Le suivi par le généticien de la diffusion de cette information à la famille est prévu, mais il doit être avant tout perçu comme un soutien. L’expérience acquise dans les équipes au fil des his- toires familiales est bien souvent un témoignage précieux pour ceux qui nous consultent. La possibilité d’une interven- tion directe d’un médecin selon les modalités du décret doit rester exceptionnelle.

Information génétique et nouveaux enjeux thérapeutiques

Des circuits rapides d’accès aux consultations d’OG et de délai de réalisation des tests génétiques ont été mis en place quand les conditions de prise en charge le nécessitent.

En cas de chimiothérapie néoadjuvante pour un CS, les équipes d’oncologie (et/ou leurs patientes) peuvent se demander si l’étendue du geste chirurgical doit être modifiée par la prise en compte de l’histoire familiale (mastectomie d’emblée). Les retours d’expérience de ces premiers circuits rapides ont montré la difficulté pour les patientes d’appré- hender l’ensemble des informations données dans un contexte d’annonce diagnostique et thérapeutique et, en tout cas, la difficulté d’entendre également la portée familiale d’un examen prescrit en plein bilan thérapeutique.

Plus récemment, le développement de tests théranostiques pour les traitements par inhibiteurs de PARP a conduit de nouveau, et avec une « injonction thérapeutique » forte, à revoir les circuits afin d’obtenir le statut génétiqueBRCA1/

2 dans des délais compatibles avec la mise en place des traitements.

Quel est le support biologique des projets de traitements ciblés ? Les tumeurs des femmes porteuses d’une mutation constitutionnelle (ou germinale) deBRCAcontiennent une

perte somatique du deuxième allèle BRCA. Il en résulte une perte de la fonction deBRCA1/2avec déficience de la RH. Cette altération induit l’activation de systèmes de répa- ration moins fidèles, comme celui de réparation simple brin par excision de base, impliquant l’action des protéines PARP-1 et PARP-2. L’intérêt de l’approche—appelée léta- lité synthétique—par inhibition des PARP dans les tumeurs présentant une déficience de la RH et conduisant à une cyto- toxicité sélective puis à l’apoptose, a été validé sur des modèles in vitro et in vivo. Ce concept s’étend probablement à toute tumeur avec déficience de la RH. Plusieurs signatures génomiques sont en cours de développement (phénotype HR-ness), mais les mutations deBRCAsont actuellement le seul biomarqueur de sensibilité aux inhibiteurs de PARP qu’elles soient identifiées à partir de l’ADN germinal ou de l’ADN tumoral [21]. L’olaparib est le premier inhibiteur de PARP pour lequel le concept a été validé cliniquement. Il vient en 2015 d’obtenir l’AMM en monothérapie dans le traitement d’entretien des CO séreux de haut grade, avec une mutation de BRCA (germinale ou somatique), en réponse à une chimiothérapie à base de platine. Pour le CS triple négatif à haut risque de rechute, des évaluations sont en cours en monothérapie chez les patientes BRCA, en situa- tion métastatique et en situation adjuvante après chimiothé- rapie. Des AMM sont espérées à moyen terme dans ces der- nières indications.

Les défis thérapeutiques bousculent les notions de tempo- ralité développées jusqu’alors dans la démarche génétique.

D’ores et déjà, dans un contexte éprouvant de rechute de CO, l’enjeu est donc bien de connaître rapidement un statut géné- tique qui peut ouvrir une voie thérapeutique, tout en répon- dant aux exigences d’information liées à ce type d’analyse.

Quelle est l’autonomie d’une personne pour prendre une décision d’analyse génétique dans un tel contexte ? Dans un cadre théranostique, le maintien d’un temps de consulta- tion/d’information génétique distinct du temps de consulta- tion thérapeutique est souhaitable. À distance de la décision thérapeutique, une reprise des informations plus centrées sur le risque familial et tenant compte de la teneur du résultat devra être faite. Des recommandations de l’INCa sont atten- dues dans ce contexte très prochainement. Dans la mesure du possible, il faut bien entendu veiller à anticiper ce type de situation. Dès qu’un diagnostic de CO est posé (critère indi- viduel suffisant), il faut penser à proposer cette démarche en OG. Celle-ci pourra alors être réalisée par la patiente dans des conditions plus compatibles avec la réflexion nécessaire tout en évitant le « télescopage » des temps et des annonces.

Enjeux des analyses réalisées dans le cadre de panels de gènes, voire d’exomes ou de génomes

Jusqu’à présent un phénotype familial évocateur conduisait à une analyse génétique spécifique (par exemple BRCA1 et

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BRCA2devant une histoire familiale associant quatre can- cers du sein entre 40 et 50 ans sur deux générations). Une innovation technologique a été à la base de la recherche d’autres gènes de prédisposition majeure au CS et/ou de CO. Il s’agit du séquençage haut débit ou NGS [22]. Cette technologie permet une réduction des délais de réalisation des analyses. Elle permet par ailleurs de tester des séries de patients simultanément sur un ensemble de gènes au lieu de les tester sur un ou deux gènes successivement. Le choix des gènes à incorporer au(x) panel(s) est important, car la frontière entre diagnostic et recherche n’est pas toujours évidente. L’interprétation des données biologiques est complexe. Compte tenu de l’implication des gènesBRCA1/

2dans la réparation de l’ADN par RH, cette voie a été parti- culièrement étudiée sur le plan moléculaire. Néanmoins, il faut définir quels seront les gènes dits « actionnables » dont les résultats seront rendus en diagnostic et ceux qui seront analysés pour la recherche. Le choix des tests génétiques utilisés en routine ne doit pas être guidé par la seule faisabi- lité technologique mais bien par le bénéfice pour la prise en charge des patients ; le continuum entre validité scientifique et utilité clinique n’est pas toujours évident, a fortiori l’infor- mation à délivrer au patient. Il faut noter que la mesure 6.1 du Plan cancer 2014–2019 prévoit l’implémentation dans le dispositif d’OG des tests génétiques recherchant des muta- tions de nouveaux gènes de prédisposition dès que leur uti- lité clinique est avérée. L’identification d’une mutation constitutionnelle dans un gène retire son importance du fait qu’il s’agisse d’un actionable gene, c’est-à-dire que l’on peut définir une prise en charge spécifique chez les apparen- tés porteurs ou non d’une mutation constitutionnelle dans le gène considéré. À l’heure actuelle, le bénéfice clinique de l’analyse de la plupart de ces gènes reste à évaluer.

C’est donc un changement important qui est en train de s’opérer dans la façon de présenter les enjeux des analyses génétiques en consultation et de recueillir le consentement.

Nous amorçons une dynamique, aujourd’hui avec les panels de gènes, demain avec l’analyse de l’exome, voire du génome mais nous sommes encore dans la phase de transi- tion [23]. Le monde scientifique et médical promeut actuel- lement l’utilisation raisonnée de panels de gènes connus plu- tôt que de l’exome. Il vaut mieux garder une porte d’entrée clinique correspondant finalement à la demande exprimée en consultation (comment expliquer mon histoire familiale de cancers du sein ?) [24,25].

Une femme candidate jusqu’à aujourd’hui à une analyse des gènesBRCA1/2va dorénavant se voir proposer une ana- lyse en panels de gènes. Selon les choix des gènes introduits dans le panel, cette femme pourra se voir proposer en plus de BRCA1/2, l’analyse d’autres gènes impliqués dans des syn- dromes rares où le CS est l’une des localisations cibles de la prédisposition. Elle pourra également dans certains panels obtenir des résultats concernant la prédisposition au CS mais

aussi à des prédispositions d’autres types de cancer dont l’utilité clinique est démontrée (par exemple les gènes impli- qués dans les prédispositions aux cancers digestifs). Dans les années futures, cette femme pourrait avoir accès à des infor- mations génétiques concernant d’autres pathologies que le cancer. La possibilité de découvertes « non prévues » (secon- dary or incidental findings) sera envisagée avec elle [26].

À chaque fois devra être respecté le niveau d’analyse et de résultat qu’elle souhaite, ce qui sous-tend pour cette per- sonne une vision globale des enjeux de ce type d’analyse aussi claire (informée) que possible. Il ne sera pas possible de présenter en consultation les syndromes gène par gène.

De nouvelles modalités et supports d’information devront être identifiés.

Les évaluations du risque tumoral ont été faites à partir de phénotypes familiaux particuliers. Le mode de recensement de la famille impacte forcément sur le risque absolu « appa- rent ». Le phénotype familial inclut non seulement le gène

« identifié » comme gène de susceptibilité, mais aussi tous les autres facteurs (génétiques, épigénétiques, environne- mentaux, style de vie, etc.) encore inconnus, le tout détermi- nant notre « exposome » comme introduit récemment par Wild [27]. Tant qu’on n’estimera pas mieux les risques, les recommandations pour la prise en charge des patients seront difficiles et les référentiels à venir devront être adaptés et orientés par l’histoire familiale de cancers (phénotype fami- lial). Devant l’histoire familiale de CS décrite ci-dessus, appliquera-t-on sans « sourciller » un référentiel correspon- dant au syndrome de Lynch (coloscopie tous les deux ans en particulier) devant la découverte d’une mutationMLH1ou à celui des cancers gastriques familiaux (gastrectomie préven- tive) en cas de découverte de mutationCDH1? Des discus- sions pluridisciplinaires soigneuses devant chacun de ces cas seront nécessaires. Là encore les enjeux médicaux et psychi- ques pour les patients et leurs proches devront être soigneu- sement évalués. En cas de résultat inattendu, une « retenue » dans le discours médical est souhaitable ; les informations à donner peuvent être amenées à changer assez vite [24].

Tentation des tests génétiques commerciaux

Une offre de tests génétiques commerciaux via Internet s’est mise en place ces dernières années avec un champ d’action allant des maladies les plus communes aux plus fréquentes des maladies rares. Les résultats fournis correspondant à une véritable boîte noire allant de profils de risque utilisant des marqueurs (SNPs) à des recherches de mutations généti- ques délétères. Pour beaucoup, cette offre est le reflet d’une société consumériste ; une question, une réponse, une solu- tion (un traitement, un dépistage, une prévention) et pour- quoi pas un accès à des tests commerciaux en adressant un échantillon biologique. Cette offre peut également refléter des approches sociétales dites direct to consumer, direct

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research[28]. L’Agence de biomédecine explique sur son site à destination du grand public [29,30] le caractère non légal de ce type de tests en France. L’Agence souligne :

limportance des explications et de l’accompagnement par des spécialistes, de la qualité des tests réalisés par les labo- ratoires agréés : ces éléments sont essentiels pour protéger les patients et leurs familles ;

que pour ce qui concerne les tests proposés sur Internet, la plupart d’entre eux n’ont pas de pertinence médicale. De plus, les résultats sont délivrés en dehors de tout encadre- ment médical et psychologique ;

que dautre part, au-delà du stress inutile engendré par ces tests, il faut s’interroger sur les sociétés privées, souvent mal identifiées, qui réalisent les analyses : que font-elles des résultats ? Où les stockent-elles ? Que font-elles de notre patrimoine génétique après les tests ? Autant de questions qui justifient le strict encadrement des tests génétiques en France.

Conclusion/perspective

En France, depuis plus de dix ans, le nombre de consulta- tions d’OG et parallèlement des prescriptions de tests géné- tiques ne cessent de croître de plus de 10 % par an, témoi- gnant par là même d’une demande et d’un adressage toujours amélioré de ces familles et d’un élargissement des critères d’accès. Ainsi, en 2013, environ 10 000 femmes ayant eu un CS ou un CO ont consulté un oncogénéticien dans l’un des 126 centres du Réseau national du Groupe génétique et cancer, soutenu par l’INCa et ont réalisé des prélèvements dans les laboratoires de diagnostic du même réseau. Près de 4 000 apparentés à des famillesBRCA1/2+

ont été testés de façon ciblée [2].

La capacité du dispositif à répondre aux demandes et à s’adapter aux nouveaux enjeux (tests théranostiques, panels de gènes) est réelle mais reste un challenge. La qualité des informations données et la préservation d’accompagne- ment spécifique médical et psycho-oncologique paraissent essentielles.

Pour l’ensemble des personnes concernées et leur famille, si des progrès constants et significatifs ont été réalisés dans la prise en compte de leur risque et les modalités de prise en charge qui en découlent, le challenge à venir consiste d’une part à garantir l’adhésion à ce suivi au long cours, l’accès aux nouvelles informations concernant le syndrome et d’autre part à les aider à diffuser l’information au plus juste dans leur famille. Enfin, par ailleurs, il est espéré qu’un plus grand nombre de ces histoires familiales seront expliquées par la découverte de nouvelles altérations génétiques ; leur utilité clinique aura dû être démontrée néanmoins.

Une grande vigilance des professionnels est souhaitable face à la demande légitime d’explications sur la cause des cancers et la façon d’en prévenir leurs proches, des familles souvent éprouvées par les cancers. Il faudra faire distinguer toujours plus les enjeux personnels et les enjeux familiaux.

L’accroissement des demandes de consultations, une cer- taine forme de banalisation de la démarche dans certains milieux médicaux pourraient mettre à mal le principe de tem- poralité et l’intégration progressive des informations don- nées qui sous-tendent les enjeux d’information loyale et adaptée de la démarche génétique.

Remerciements Je tiens à remercier mon collègue, le Dr Gilles Marx, pour sa relecture attentive, ses encouragements, et pour le travail accompli ensemble au quotidien.

Liens d’intérêts : l’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts.

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