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Oncologie : Article pp.53-57 du Vol.9 n°1 (2015)

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ARTICLE ORIGINAL /ORIGINAL ARTICLE DOSSIER

Psychose et cancer : le groupe de parole comme ressource face à une situation clinique épuisante

Psychosis and Cancer: Supportive Groups Face an Exhausting Clinical Situation

A. Paillet-Caidengduoerji

Reçu le 13 janvier 2015 ; accepté le 5 février 2015

© Lavoisier SAS 2015

RésuméL’accompagnement de résidents atteints de cancer s’analyse de manière spécifique dans les institutions médico- sociales qui accueillent ces personnes. La situation clinique d’un résident psychotique décédé d’un cancer est présentée dans le cadre d’un groupe de parole instauré à la demande de l’équipe. Cette situation illustre bien les questions qui émer- gent dans ces espaces, et plus particulièrement : la perception du cancer, celle de la maladie mentale, de la mort et enfin les éléments théoriques d’analyse groupale et institutionnelle qui peuvent aider les professionnels à dénouer ces probléma- tiques si singulières.

Mots clésCancer · Psychose · Institution médico-sociale · Groupe de parole

Abstract The care of cancer residents is specific in the medico-social institutions where they live. The clinical situa- tion of a psychotic resident died from cancer is presented in the context of a supportive group established on the request of the professional health team. This situation illustrates the issues emerging in supportive groups, in particular: the perception of cancer, mental illness, death, and finally the theoretical cha- racteristics of groupal and institutional analysis that can help health professionals to resolve singular issues such as death.

KeywordsCancer · Psychosis · Medico-social institution · Supportive group

Spécificité du cadre de travail

Cet article s’inscrit dans le cadre d’un travail de psycholo- gue clinicienne exerçant au sein d’une association qui crée

et gère des établissements médico-sociaux. Sa mission s’adresse essentiellement aux professionnels qui y travail- lent. Cet organisme a été à l’initiative d’une Direction des sciences humaines et sociales créée et dirigée par une psy- chologue clinicienne. L’objectif principal est de conserver au centre des préoccupations de l’association et de son dévelop- pement la dimension de l’humain, dimension travaillée à deux niveaux : la bientraitance des résidents qui sont accueil- lis dans ces établissements et le bien-être des professionnels y travaillant. Dans ce but, un dispositif global d’intervention a été initié dans chaque établissement, comprenant la mise en place de groupes d’analyse des pratiques professionnelles (GAPP) et des réunions pluridisciplinaires d’analyse institu- tionnelle. Ces différents temps de rencontre institutionnali- sés s’inscrivent dans le temps et la régularité. Ils concernent des groupes de professionnels volontaires. Ils sont donc ani- més par les psychologues extérieurs aux établissements, rat- tachés à la direction des sciences humaines et sociales. Dans ces espaces de formation, d’échanges et d’analyse sont mis au travail les aspects psychologiques en jeu aux niveaux individuel et institutionnel autour de situations cliniques ren- contrées au quotidien par les professionnels dans l’accompa- gnement des résidents. Comme le définit Ouzilou [1], ce dispositif global d’accompagnement des institutions et des professionnels «délimite un espace qui se situe dans l’insti- tution mais n’est pas soumis aux règles et habitudes du fonc- tionnement institutionnel».

Parallèlement aux GAPP et réunions d’analyse institu- tionnelle, des groupes de parole peuvent être mis en place de manière ponctuelle et à la demande des établissements, lorsque l’ensemble de l’équipe vit une situation « de crise » spécifique (suicide, vague de décès, crise institutionnelle…) et souhaite s’exprimer sur les difficultés induites par la situa- tion. Ce sera le cas de la situation présentée.

L’accompagnement de résidents atteints de cancer n’est pas une clinique habituelle pour les professionnels du sec- teur médico-social. Il fait l’objet d’un travail de groupe de manière ponctuelle et spécifique dans ces institutions qui

A. Paillet-Caidengduoerji (*) ADEF Résidences, 1921, rue Baudin, F-94200 Ivry-sur-Seine, France e-mail : alice.paillet@gmail.com, alice.paillet@adefresidences.com DOI 10.1007/s11839-015-0504-8

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sont le lieu de vie et le domicile des personnes accueillies.

En effet, si la dimension du soin est présente, ce sont bien des lieux de vie, et la plupart des soins sont dispensés dans des établissements sanitaires extérieurs.

Présentation de la situation clinique

Il s’agit d’un résident psychotique, décédé rapidement d’un cancer. Cette situation a entraîné une demande de groupe de parole en urgence par l’équipe d’une structure accueillant des adultes psychotiques.

J’interviens au sein de cet établissement depuis quelques années pour des GAPP et réunions pluridisciplinaires d’ana- lyse institutionnelle avec les professionnels. Lors de l’une de mes venues programmées pour une réunion institutionnelle, un chef de service m’interpelle avant la réunion pour me pré- venir qu’un résident est décédé la veille, que l’équipe le vit difficilement et me demande donc s’il est possible exception- nellement d’ouvrir la réunion à l’ensemble des professionnels souhaitant s’exprimer sur ce décès. Nous convenons de pro- poser un « groupe de parole » à la place de la réunion prévue pour parler de cette situation. Je comprends en effet que l’équipe a profité de ma venue pour pouvoir aborder spécifi- quement et rapidement cette situation. À ce moment-là, il m’a semblé important de permettre une certaine souplesse du cadre compte tenu de la demande de l’équipe qui semblait en difficulté et parce que je connais la plupart de ces profes- sionnels depuis un certain temps, ainsi que l’histoire institu- tionnelle. Je reviendrai sur ce point dans la discussion.

Lors de ce groupe de parole, une dizaine de profession- nels de fonctions différentes sont présents (aides-soignants,

éducatrice, psychologue de la structure, chef de service édu- catif, aide médico-psychologique, animatrice).

Dans un premier temps, je fixe le cadre avec eux : durée (une heure et demie), modalités de fonctionnement (sur la base du volontariat, ouvert à l’ensemble des fonctions, réu- nion ponctuelle pour aborder une situation spécifique à un instant T, liberté de la parole, absence de jugement et respect de la confidentialité). Les professionnels exposent ensuite la situation.

Très rapidement, plusieurs difficultés sont évoquées autour de l’annonce du décès de M. A., difficultés tant au niveau individuel qu’au niveau groupal. Les participants préci- sent que l’annonce du décès de M. A. aux professionnels et aux résidents a eu lieu la veille.

Au niveau individuel, chacun s’exprime sur son rapport à la mort, à la maladie et l’impact sur son identité profession- nelle, son rôle de « soignant » au sens large. Le psychologue de l’institution, quant à lui, se positionne différemment, davantage comme un coanimateur.

Au niveau groupal, plusieurs difficultés rencontrées sont évoquées autour, notamment, de la manière dont l’institu- tion, et plus particulièrement la hiérarchie, a « géré » cette situation. Ils sont heurtés du fait, qu’en réunion, l’équipe cadre évoquait M. A. au présent alors qu’il était déjà décédé, au lieu de les en avertir. Tous s’accordent pour dire leur colère d’avoir été informés «quasiment en même temps que les résidents» du décès de M. A. Ils se sont sentis en dif- ficulté face aux résidents, car ils étaient eux-mêmes « en état de sidération » par rapport à cette annonce. Ils n’ont pas pu se préparer et « digérer l’information » pour pouvoir accompagner au mieux les résidents. Abasourdis, ils ont le sentiment d’avoir été mis en situation de fragilité, alors Résumé de la situation

M. A. résidait au sein de létablissement depuis quelques années.

Auparavant, il vivait en hôpital psychiatrique (comme beaucoup de résidents accueillis). Insuffisant rénal, il devait se rendre à lhôpital trois fois par semaine pour une dialyse pendant quatre heures. Plu- sieurs résidents étaient au courant de ses problèmes de santé et pensaient, tout comme les professionnels, que «cétait un miracle quil soit toujours là» au regard de la gravité de son état de santé depuis des années. Ainsi, sil mourait, ce serait à cause de ses reins.

Environ deux mois auparavant, M. A. apprend quil est atteint dun cancer. Il en fait part en premier lieu à sa référente, aide- médico-psychologiqueprésente à la réunionqui laccom- pagnait au quotidien et à ses rendez-vous extérieurs. Il se serait également beaucoup exprimé au sujet de son cancer auprès de plusieurs résidents et professionnels de la structure.

Étant à un stade très avancé de son cancer, M. A. est rapidement hospitalisé. Au bout dun mois et demi, il est décédé. Il sagit du premier décès dun résident de létablissement.

Par ailleurs, la référente de M. A. accompagne dans la même unité de vie de la structure lamie de cœur de ce dernier, Mme B., rencontrée au sein de la structure. Or, Mme B. a appris récem- ment quelle serait elle-même atteinte dun cancer mais, contrai- rement à M. A., ne veut pas en parler. Elle se montrerait en effet beaucoup moins expansive à ce sujet, seulement pour signifier que sa situation est différente et quelle va sen sortir.

Il lui a été annoncé individuellement le décès de M. A., contrai- rement aux autres résidents.

Enfin, il est précisé que plusieurs résidents pensaient que M. A.

était hospitalisé pour ses reins, quil était «juste parti pour un examen» et quil reviendrait comme à chaque fois. Or, il nest pas revenu et est décédé à cause dun cancer.

Au terme de cette présentation, les professionnels évoquent la peur de certains résidents par rapport au cancer qui, disent-ils,

«arrive comme ça », et léquipe sinterroge alors sur limpact que cela peut avoir sur eux, compte tenu de leur pathologie.

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qu’en tant que « professionnels », ils doivent être en capacité de «pouvoir porter la souffrance des résidents». Et en même temps, ils précisent : «on est humain et on a le droit d’être triste. C’est difficile de ne pas montrer ce que l’on ressent».

Les professionnels expriment ainsi leur appréhension à accompagner les résidents de manière adaptée tout en gérant leurs propres émotions, leurs ressentis.

Le groupe exprime également son incompréhension concernant l’utilisation de la chambre, dans l’institution, de M. A., donc son domicile, lorsqu’il était hospitalisé. En effet, sa chambre a été proposée à un autre résident, «car on savait que M. A. ne reviendrait pas». Des questions émer- gent à propos de ce que représente pour chacun la chambre des résidents en institution : comment préparer la chambre pour un nouveau résident alors que M. A. est toujours en vie ? À qui appartient cette chambre : M. A. ? Le nouveau rési- dent ? L’institution ? Chez qui est-on ? Comment accueillir le nouveau résident ?

Le groupe de parole fait apparaître plusieurs ques- tionnements :

Quel est le rôle de chacun en fonction de la spécificité du métier autour de cette question des décès, et en amont celle de l’accompagnement des résidents psychotiques atteints d’une maladie somatique grave comme le cancer ? Qui doit/peut faire quoi ? qui doit/peut savoir quoi ?

Ces résidents, parce qu’ils sont psychotiques, sont-ils plus

« vulnérables » face à la question de la maladie, de la mort ?

Comment annoncer de la « meilleure » façon le décès d’un résident aux autres résidents : en groupe ? en indivi- duel ? par unité ?

Face à un résident triste, en colère…Comment l’accom- pagner sans crainte d’un effondrement ou d’une décom- pensation ? Pourquoi vouloir porter/supporter « à la place des résidents » leur souffrance ?

Quelle place pour le deuil ? Comment faire son deuil ? Comment tenir compte de la temporalité de chacun face au travail de deuil, les uns étant sur leur lieu de vie, les autres sur le lieu de travail ?

Finalement que signifie « accompagner » un résident sur son lieu de vie ? Quelle est la mission spécifique des professionnels ? Quelles sont les limites de l’institution médico-sociale ? Peut-elle répondre à tout ? À quel moment passer le relais ?

Discussion

Quelle a été la dynamique groupale ?

Ce temps de parole a été bien investi par les professionnels et riche en échanges. En prenant un temps pour s’exprimer sur les difficultés induites par cette situation spécifique, ce

groupe de parole semble avoir permis à chacun de «retrouver chez autrui ses propres défenses et d’exposer les représenta- tions inconscientes qui président à certains préjugés» [2].

Notons que le chef de service s’est absenté une grande partie de la réunion, ce qui a probablement influé sur le contenu des échanges. Néanmoins, les autres professionnels se sont auto- risés, en partie, à exprimer devant leur cadre leur ressenti face à la situation évoquée : « les conflits interpersonnels [ont pu] trouver des compromis afin de faciliter la poursuite des relations» [2]. Ce groupe de parole s’est ainsi déroulé en trois temps :

évocation de la situation ;

vécu des professionnels et leurs questionnements ;

pistes danalyse et de réflexion.

Le contenu de cette séance peut s’analyser à différents niveaux

Au niveau des résidents, on constate d’une part que dans cet espace, même s’ils ne sont pas directement présents, ils

«prennent vie dans le groupe »[3] et sont mis à une place de sujet pensant et désirant. D’autre part, les réactions et questionnements des résidents cités, rapportés par les profes- sionnels n’évoquent pas des angoisses psychotiques en l’oc- currence autour du cancer, alors que c’était leur inquiétude première. La question de la psychose ne se pose finalement qu’à travers les craintes des professionnels et non par rapport à la description des comportements des résidents. Ainsi, qu’est-ce que les professionnels viennent projeter de leurs propres peurs ?

Au niveau des professionnels, ces derniers manifestent de manière insistante leur besoin de se différencier des résidents

« psychotiques » ou « en situation de handicap », différences qui semblent disparaître face aux questions comme la mort ou la maladie. Ici, les professionnels sont en colère parce qu’ils ont été d’une certaine manière « assimilés » aux résidents en étant prévenus quasiment en même temps du décès de M. A.

Au cours du groupe de parole, ils vont insister sur ce « laps de temps trop court » qui les a mis dans cette situation inconfor- table, car ils se sentent aussi « vulnérables » que les résidents, ce qui ne leur permet pas de prendre le recul nécessaire pour

« porter » et « supporter » la souffrance de ces derniers.

Au niveau institutionnel, les notions spécifiques de l’ins- titution médico-sociale que sont le domicile et le lieu de vie influencent également ces thèmes de vie et de mort pour des professionnels, majoritairement formés comme soignants, avec l’objectif de guérir, ce qui n’est pas la mission d’une institution médico-sociale. Cette situation a ainsi permis de s’interroger sur les notions de « lieu de vie » et de « lieu de soin », sur les limites de l’institution médico-sociale par rap- port à l’accompagnement d’une personne atteinte d’une maladie somatique grave.

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Qu’a apporté un dispositif comme le groupe de parole ?

Ce groupe de parole a permis à chacun de s’exprimer sur ce que cette situation venait questionner de leur identité pro- fessionnelle, de leur positionnement dans l’équipe et sur leur besoin d’un cadre institutionnel étayant et contenant qui leur permette à leur tour de proposer un cadre d’accom- pagnement adapté aux résidents. Chacun a pu s’exprimer sur sa souffrance et être entendu par le groupe. Certains ont pu investir cet espace de parole comme lieu de « dépôt » de ce qu’ils pouvaient vivre de la situation, d’autres encore comme moyen de montrer leurs ressources (réconfort d’une résidente). Ainsi, ils ont pu s’autoriser à être autonomes psychiquement (autrement dit, s’autoriser à penser par eux-mêmes, à fantasmer, à attaquer). L’objectif de ces dis- positifs groupaux est de permettre aux professionnels d’être entendus dans leurs vécus de professionnels sou- cieux de réfléchir à l’accompagnement des résidents, ici d’une institution médico-sociale. Il s’agit de les amener à analyser régulièrement leur pratique et réfléchir à la place qu’eux-mêmes laissent aux résidents comme sujets à part entière, pensant et désirant dans leur lieu de vie.

Un groupe de parole est le lieu où les professionnels peuvent « faire groupe » en partageant un même vécu de la situation, ici leur colère d’avoir été « pris au dépourvu », de ne pas avoir été informés en amont, d’avoir été mis en difficulté.

De la même manière, le psychologue dans ce contexte doit également s’adapter rapidement à une situation d’ur- gence dans la mesure où il y a eu un changement de cadre et la création d’un nouvel espace de parole en urgence avec l’ensemble de l’équipe et pas seulement les membres de l’équipe qui étaient censés assister à la réunion prévue.

Lors de tout groupe de parole, le défi est de «faire tenir ensemble, d’unifier le groupe professionnel et de permet- tre simultanément que les différences se trouvent à être reconnues ; cela sans que le groupe professionnel ne bas- cule dans l’excès : excès du même sur le versant de la fusion, excès du différent sur celui du morcellement» [4].

Au regard des différents échanges, il semble que les pro- fessionnels aient été en demande d’une « différenciation claire entre les rôles de chacun des professionnels et entre résidents et professionnels. La prise en charge “institu- tionnelle” [serait] venue bousculer cette distance entre résidents et professionnels, et troubler les marqueurs anté- rieurs de la différenciation, obligeant à un remaniement des identifications professionnelles» [4].

Conclusion

L’expérience montre qu’un groupe de parole isolé ne suffit pas en lui-même mais doit s’inscrire dans une dynamique

institutionnelle plus globale [2] qui comprend la création d’espaces d’échanges au sein de l’équipe permettant écoute, communication et reconnaissance à la fois des col- lègues et de la hiérarchie, essentiel au bien-être des profes- sionnels [5]. Ainsi, ce groupe de parole s’inscrit dans un cadre plus global, notamment celui d’une pratique de psy- chologue dont la mission principale est précisément insti- tutionnelle et transversale à différents établissements, ce qui permet d’offrir différents types d’espaces groupaux à ces derniers et de travailler à la fois le niveau individuel (celui de chaque professionnel) et le niveau institutionnel (interaction avec l’organisation du travail). Ces deux niveaux se retrouvent dans ce que Gaillard et al. [4] déve- loppent en parlant de « registres ». Un registre concernant

«les dynamiques qui se développent au sein des espaces de reliaison et de mise en sens» comme les GAPP. Ils préci- sent que «ce dont il est question dans de tels espaces, c’est de mettre la pensée en commun autour de “prises en charge”, d’articuler les différences en se centrant sur les liens aux usagers (patients, résidents, etc.) sur la clinique dans sa quotidienneté ». L’autre registre, qui se travaille dans les réunions institutionnelles, « a trait au projet que l’institution met en œuvre, au discours qu’elle se tient à elle-même sur cette mise en œuvre et au discours qu’elle adresse à“l’autre social”». Les auteurs ajoutent à ce pro- pos qu’« outre le fait de travailler ensemble, pour qu’un groupe professionnel s’identifie comme tel, son projet doit en effet faire l’objet d’une représentation partagée (sans être uniformisée pour autant). Chaque professionnel se doit d’internaliser ce projet comme partie constituante de son cadre interne, dans la mesure où c’est à partir de cette référence commune que se constitue son apparte- nance au groupe, qu’il peut déployer sa professionnalité et s’y identifier. »

Ainsi, ce qui fait la pertinence de ces dispositifs groupaux variés animés par des psychologues dont c’est la mission principale—tels les GAPP, les réunions d’analyse institu- tionnelle mais aussi les groupes de parole ponctuels—vient du fait qu’ils appartiennent à une autre temporalité psy- chique venant rompre avec la pratique du quotidien. Cela est permis par l’espacement des séances et par le fait que le psychologue qui les anime est extérieur à l’établissement (donc ne connaît pas les résidents, ne sait pas comment travaillent les professionnels au quotidien…). Ainsi, les pro- fessionnels peuvent-ils s’y exprimer différemment et autre- ment. En ce sens, ces groupes peuvent ainsi être vus comme des espaces transitionnels au sein de l’institution, comme des espaces de créativité.

Le fait que le psychologue soit à la fois en dehors des institutions mais exerce au sein de l’association qui gère l’ensemble des établissements influe très certainement sur les projections dont il peut faire l’objet. Il est régulièrement attaqué, mis à mal mais aussi désiré, remercié, interpellé tel

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que le sont les « objets transitionnels » de Winnicott. Ce n’est pas une position toujours facile à tenir, et cela exige, pour le psychologue, d’être tout particulièrement au clair par rapport à son positionnement professionnel, ses attentes et son cadre d’intervention notamment par le biais d’une super- vision régulière avec un psychanalyste de groupe. Cela lui permet de donner du sens à sa fonction parfois mise à mal et de garder ainsi toujours vivants et constructifs ces espaces de parole.

Liens d’intérêts : L’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts.

Références

1. Ouzilou C (2002) Approches et développement clinique de l’inter- vention en institution. In: Falguière J (ed) Analyse de groupe et psychodrame. Eres, pp 279–314

2. Bacqué MF (2011) Soigner autrui, une sinécure ? Rev Fr Psycho- Oncol 5:756

3. Mellier D (2002) Le groupe d’analyse de la pratique (GAP), la fonction « à contenir » et la méthodologie du groupe Balint. Rev Psychothérapie Psychanalytique de Groupe 39:85–102

4. Gaillard G, Pinel JP, Diet E (2009) Autoreflexivité et conflictualité dans les groupes institués. Nouvelle revue de psychosociologie 8:199213 5. Colombat P, Altmeyer A, Rodrigues M, et al (2011) Management

et souffrance des soignants en oncohématologie. Rev Fr Psycho- Oncol 5:83–91

Références

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