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Oncologie : Article pp.5-8 du Vol.9 n°1 (2015)

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ARTICLE ORIGINAL /ORIGINAL ARTICLE DOSSIER

Fonction inconsciente de la plainte des soignants en oncologie

Unconscious Function of the Complaint for Oncology Staff

N. Bendrihen

Reçu le 13 janvier 2015 ; accepté le 26 janvier 2015

© Lavoisier SAS 2015

Résumé Quelle est la fonction inconsciente de la plainte, entendue si fréquemment dans les services de soins oncolo- giques ? L’auteur postule une fonction « pharmakon », à la fois traitement et poison, et en examine quelques conséquen- ces pour les soignants, mais aussi les psychologues et psy- chiatres exerçant en oncologie.

Mots clésPlainte · Réel · Impossible · Pharmakon AbstractWhat is the unconscious fonction of the complaint, so present in oncology units? We apply here a « pharmakon » function to the complaint, both treatment and poison, and exa- mine some consequences of this theory for oncology staff, also for psychologists and psychiatrists working in oncology departements.

KeywordsComplaint · Real · Impossible · Pharmakon Tous ceux qui font profession d’aider l’autre, dans le sens le plus large, qu’il s’agisse de le soigner, de l’écouter, de le recevoir dans sa plus complète particularité comme le font encore les psys, reçoivent la clameur de la plainte des sujets : expression de l’empêchement, des symptômes, de ce qui fait souffrir…

La plainte n’émane cependant pas uniquement des patients, mais aussi du corps soignant. Dans le champ de l’oncologie, on entend ainsi très fréquemment de la part des soignants une plainte lancinante : « On n’a pas le temps »,

« C’est trop dur », « On n’est pas reconnus »…Les psycho- logues et psychiatres qui exercent en oncologie s’en font aussi les porteurs, à l’occasion, bien que leur plainte ne porte pas tant sur le temps et la difficulté de leur tâche, que sur leur insertion dans l’institution et la reconnaissance qu’ils ne reçoivent pas, ou pas suffisamment des équipes médicales.

Le psychanalyste n’échappe surtout pas à la clameur de la plainte, quel que soit son lieu d’exercice, et les raisons qui amènent les sujets à se plaindre sont variées : il y a du « ça ne va pas », écho du « malaise dans la civilisation » dont parlait Freud au début du siècle dernier [1].

Sauf que l’analyste vise autre chose en écoutant, voire en recevant cette plainte—cette « autre chose » ouvre d’em- blée à une dimension inconsciente de la plainte, d’où le titre de cet article. C’est ce que nous allons essayer de déployer.

Au début était la plainte

Toute analyse commence par une plainte… mais toute plainte ne débouche pas sur une analyse, loin s’en faut ! Il y faut une rencontre toute particulière entre un sujet qui souf- fre, s’en plaint et se questionne, et un analyste qui pourra par son acte faire entrevoir au futur analysant sa part dans le

« désordre du monde » dont il se plaint [2], selon la belle expression de Lacan évoquant le cas Dora de Freud. Enga- gement d’un sujet, et acte analytique : il s’agit-là d’une ren- contre non écrite d’avance, où l’expression de la plainte, du malaise, trouvera peut-être un « partenaire qui a chance de répondre » [3].

Il y a un tout un champ de significations autour de ce terme de plainte. Le Littré en dénombre au moins cinq, que nous reprenons ici, tant ce champ-là montre un lien tout par- ticulier entre la plainte et la fonction de la parole.

La plainte, ce sont d’abord les paroles et les cris par les- quels on exhale sa peine. C’est aussi la plainte amoureuse, les doléances de l’amour. C’est ce qu’on dit ou écrit à l’oc- casion pour témoigner de son mécontentement et de son regret. C’est aussi, bien sûr, l’exposé d’un grief en justice.

Et c’est — plus confidentiellement— un ancien terme de littérature qui désigne une pièce poétique sur la mort d’une personne vivement regrettée.

Nous lisons donc que ces définitions nouent entre eux plusieurs registres, puisqu’il s’agit-là d’une parole d’un sujet, relative à la peine, au chagrin, au malheur, au manque, à ce qui ne va pas avec l’autre et dans le monde, adressée à

N. Bendrihen (*)

Docteur en psychopathologie, psychanalyste,

unité de psycho-oncologie, département des Soins de support, institut Gustave-Roussy, F-94805 Villejuif cedex, France e-mail : nicolas.bendrihen@gustaveroussy.fr

Psycho-Oncol. (2015) 9:5-8 DOI 10.1007/s11839-015-0500-z

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un autre, et à un Autre (dans ce qu’il peut représenter d’alté- rité pure, et même d’instance à laquelle on s’adresse et qui est censée répondre) dont on peut espérer, sans garantie, un retour. Est-ce que cela ne recouvrirait pas nombre de nos paroles quotidiennes ? Comme si la plainte n’était jamais loin de toute parole…

La psychanalyse n’en a pourtant pas fait un de ses concepts fondamentaux. Elle ne figure notamment pas dans la célèbre triade besoin–demande–désir, même si, nous allons le voir, elle s’y trouve là aussi en filigrane.

Ces trois termes sont articulés dans le processus « d’hu- manisation » du petit sujet, de son entrée dans le langage. Il y a d’abord une dénaturation du besoin, sa transformation en demande, par l’interprétation maternelle du cri de l’enfant, cri dès lors pris dans les filets du langage (« qu’as-tu ? Tu as faim ? Pourquoi pleures-tu ?... ») À partir de ce moment, la satisfaction du besoin passera par les défilés de la demande adressée à l’autre.

Dans cette transformation du besoin en demande s’ébau- che le désir (« dans la marge où la demande se déchire du besoin » [2]), désir de retrouver un état mythique de satis- faction d’avant le cri, d’avant le manque, d’avant le passage obligé par l’autre…Ce désir que Freud disait indestructible.

La plainte s’articule à ces deux dimensions de demande et de désir : elle s’adresse à l’autre, et elle peut avoir cette dimension d’insatiabilité, d’indestructibilité dans sa répéti- tion, au même titre que le désir.

Cette plainte, on pourrait alors la définir a minima comme l’expression d’une difficulté ressentie, adressée à un autre supposé savoir l’entendre, ou la résoudre, ou la laisser vive…Quelle est donc sa fonction, puisque nous en postu- lons une ? Il nous semble que cette fonction peut être double, au même titre que le pharmakon qu’avait décrit Derrida pour l’écriture, à la fois traitement et poison [4].

Pharmakon de la plainte

Évidemment, les deux dimensions de traitement et de poison peuvent se mêler. Nous choisissons cependant de les diffé- rencier dans le début de ce propos, avant de voir une situa- tion clinique qui montre leur intrication.

De par son expression même (« c’est trop dur », « on n’y arrive pas »), on peut dire que la plainte est le signe que du réel a été entraperçu. Le réel est là à entendre dans son accep- tion lacanienne d’impossible à supporter. L’exercice en oncologie ne manque pas de faire surgir ce réel au cœur des situations cliniques : dans la difficulté à soigner l’autre, voire l’impossibilité de le soigner ; mais aussi dans la soli- tude inhérente à la fonction soignante, bien que cette soli- tude soit toujours recouverte par les notions d’équipe, de décisions collégiales, de protocoles communs…Autant de notions essentielles et indispensables, certes, mais qui ne

recouvrent pas complètement l’horreur réelle de certaines situations, qui sont là vécues au un par un, individuellement et subjectivement.

Ce réel entraperçu est donc insupportable, et la plainte met en forme cet insupportable, cet indicible—c’est sa pre- mière fonction, et permet ensuite de le partager, de l’adresser à l’autre (ses pairs), comme à l’Autre (dans sa dimension plus globale d’institution, par exemple).

En en faisant un texte partageable, la plainte fait consister l’Autre. Elle fait d’abord consister un groupe, en forgeant une identité groupale. Notons que le sujet (au sens de la grammaire) de la plainte est fréquemment le « on » : c’est un remède contre la solitude et l’impartageable, puisque des sujets différents vont pouvoir se ranger sous ce « on » qui unifie. Elle fait ensuite consister un Autre comme lieu d’adresse de la plainte, un Autre censé répondre du malheur ainsi rencontré — quand justement ce qui est entraperçu, c’est l’inexistence d’un qui saurait, qui guérirait, qui répare- rait…L’Autre ainsi remis en scène peut prendre plusieurs visages : un Autre toujours incapable de faire quelque chose, un Autre toujours sourd aux remarques qu’on lui adresse, un Autre malveillant… La plainte peut aussi viser un Autre bienveillant, qui pourrait tout régler. Cela pourrait apparaître comme une chance d’avoir affaire à lui, mais en s’en remet- tant en permanence à une telle figure de l’Autre, y a-t-il vraiment une chance que cette plainte évolue ? Rien n’est moins sûr.

Côté traitement, les fonctions de la plainte pourraient donc être d’écrire l’histoire de l’insupportable entraperçu et éprouvé ; de donner forme et sens à cet indicible ; de le partager dans le groupe et de l’adresser, en désignant parfois un responsable.

Un tel « traitement » a donc ses effets indésirables, on les devine aisément. La plainte peut fixer le « roman des récri- minations », et constituer ainsi un socle dans le pire des cas inamovible, sur lequel le groupe se soude. Et là, c’est comme si une rupture dans la dialectique, dans la pensée, s’installait.

La plainte peut aussi se lier à une jouissance, celle de faire consister cet Autre qu’on tient pour responsable (en s’exo- nérant au passage de notre propre responsabilité), et répéter ad libitumla même plainte. Ici, c’est un circuit en boucle de la jouissance, récupérée à travers la plainte, plutôt que le questionnement et la recherche de solutions. Une situation clinique permet d’en prendre la mesure…

Le psychologue reçoit régulièrement en consultation un jeune homme atteint d’un sarcome de la mâchoire, et ce depuis le début de ses traitements. Alors qu’il se trouve dans un service de chirurgie ORL après une intervention chirurgi- cale qui s’est bien déroulée, les soignants du service font état d’une conviction qui va se révéler inébranlable : le patient est déprimé. Il est vrai qu’il est très fatigué depuis l’intervention, reste au lit, et les suites de l’opération chirurgicale ne le poussent pas à communiquer. Le psychologue, qui le connaît

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donc depuis longtemps, ne valide pas ce diagnostic ; l’ortho- phoniste qui le suit aussi depuis son arrivée dans l’institution non plus. Le psychiatre est appelé par le service, qui ne vali- dera pas non plus le diagnostic de dépression. Or, le patient va de plus en plus mal, et des examens pratiqués en urgence montrent une flambée métastatique pulmonaire de sa mala- die dont il décédera extrêmement rapidement, dans les jours qui suivent. C’est une situation tragique qui bouleverse tous les soignants de ce jeune homme.

Quelques jours après, une réunion « de crise » est organi- sée par le cadre. Tous les soignants sont présents, ainsi que l’orthophoniste et le psychologue ayant participé à la prise en charge, à l’exception des médecins pourtant invités. Très vite émerge « On se sent mal, il se passait quelque chose qu’on n’a pas vu ». Le psychologue se saisit de ce question- nement, qu’il entend comme une chance de s’interroger sur la situation, et interroge (bien maladroitement) le service sur la conviction inébranlable du diagnostic de dépression, au mépris des avis spécialisés et des signes d’aggravation soma- tique du patient. Immédiatement après cette question émerge une plainte commune adressée aux médecins qui se sont occupés du patient et ne sont pas présents à la réunion, et sur les conditions de travail jugées exécrables. Ce jour-là, impossible de déplacer cette plainte…

Les temps de la plainte

Que s’est-il passé dans cette situation ? On pourrait décom- poser cette séquence en trois temps articulés :

Le premier temps est un temps d’ouverture, une sorte de

« battement » de la plainte. La souffrance de l’équipe ouvre sur un questionnement, sur de l’insu « Il se passait autre chose qu’on n’a pas vu ».

Le deuxième temps est un temps de fermeture lié à la fois à l’insupportable de la question posée (« Qu’est-ce qu’on n’a pas vu ? Aurait-on pu faire autrement ? ») et à l’insuppor- table de la question du psychologue sur la dépression.

Le troisième temps, celui du déroulement de la plainte, peut alors se déployer : « On est seuls, on n’est pas aidés, on n’a pas eu le temps de s’occuper de lui à cause des condi- tions de travail »), ce qui a pour effet de refouler la question initiale, et d’en donner une version plus communément admissible et partageable. Traitement, certes, mais aussi poi- son, car il y a là rupture dans la pensée, pour un groupe qui ne s’interroge plus et répète alors sa plainte à destination des absents.

Comment faire pour que l’émergence d’une question n’entraîne pas systématiquement le déroulement de la plainte et recouvre la question qui, toute difficile qu’elle soit, laisse une chance pour qu’un savoir s’élabore ? C’est-à-dire com- ment laisser vif le premier temps de notre schématisation, le temps d’ouverture ?

Pour une sortie de la plainte

La plainte, nous l’avons vu, nous signale que du réel a été entraperçu. Elle partage cette fonction avec l’angoisse,

« signal du réel » [5]. Mais à la différence de l’angoisse, elle habille le réel, en lui donnant une forme communicable et qui rassemble (quand l’angoisse confronte plutôt à l’impos- sible de sa description).

Comment donc sortir de la plainte ou, si l’on se réfère à nos trois temps, comment ne pas y entrer ? Ou plus précisé- ment, comment faire entrer un sujet dans une élaboration de ce qui le dépasse autrement que par la plainte ?

La psychanalyse nous a fourni quelques pistes sur cette question. Pour parler de l’entrée en analyse, du virage de la plainte à la demande, Lacan évoque une « rectification des rapports du sujet avec le réel » [2]—autre expression pour faire entendre au sujet sa propre part dans le désordre du monde dont il se plaint. Cela implique d’être un analyste assez habile pour saisir un questionnement quand il émerge, et ne pas le laisser se refermer par la reconstitution du roman de la plainte. Il s’agit donc de viser, d’orienter ses propres interventions vers le réel entraperçu, quitte à « scander » le temps de verbalisation au moment d’émergence de ce ques- tionnement. C’est un risque, à prendre, incalculable par avance, et qui sollicite les soignants dans leur disponibilité et leur désir de s’interroger, comme dans leur capacité à faire sans la plainte unificatrice. Cela est donc contingent, et ne peut concerner tout le monde, tout le temps.

Récemment, dans un service de médecine, le psychologue est appelé pour une réunion de debriefing après un décès d’un patient dont il s’occupait aussi. Un des médecins de l’équipe mobile de soins palliatifs est aussi présent. Les infir- mières faisaient état de difficultés de communication entre elles et l’équipe médicale, et voulaient évoquer les derniers moments de ce patient auquel le service s’était attaché, et dont la mort dans un contexte d’urgence a été mal vécue.

La réunion commence sur cette thématique-là, mais assez vite une infirmière s’exprime sur sa difficulté avec la « séda- tion », comme prescription et comme geste. Le médecin de soins palliatifs et le psychologue se saisissent de la question, soulignent à quel point elle est fondamentale et proposent à l’équipe d’arrêter là la réunion pour revenir dans un deuxième temps avec du matériel pour traiter de cette impor- tante question. Cela a été tout à fait bien accueilli par l’équipe.

On voit ici à quel point la question, prise au sérieux, a été saisie par les intervenants au niveau individuel, avant qu’elle ne vienne à s’inscrire (et à se fixer) dans les registres unique- ment collectif et institutionnel sous forme de plainte. C’était un pari, pas calculé avant qu’il ne se produise, et qui a laissé une chance pour qu’à partir de cette question faisant signe d’un insupportable, un savoir s’élabore.

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On peut observer peu ou prou le même type de mécanis- mes dans des groupes à plus long terme, quand le psycho- logue participe ainsi très régulièrement à des staffs avec les soignants. Ici peut se saisir le retour périodique d’un même questionnement, prenant au sérieux que le réel, c’est ce qui

« revient toujours à la même place » [6]. Un groupe peut ainsi travailler à « serrer » ces émergences du réel, et cons- truire une réponse particulière. Mais là aussi, cela demande un engagement fort des soignants, et parfois beaucoup de temps avant d’oser se questionner en groupe.

La plainte des psys en oncologie, et la tentation d

en sortir

Qu’en est-il de la plainte des psys qui exercent en oncologie ? Nous l’avons évoqué plus haut, c’est une plainte qui porte le plus souvent sur leur insertion dans l’institution et la recon- naissance de leur place et travail par les équipes médico- soignantes : comment être vus dans l’institution, entendus et crus dans nos propres avis sur les situations que nous ren- controns, ou lus dans nos transmissions écrites ?

Ici, la tentation est grande de vouloir gagner de la recon- naissance. Pourquoi pas en parlant la langue de l’autre, cette langue médicale qui domine à juste titre l’institution hospi- talière ? Soit en construisant nos retours aux équipes sur le modèle du compte rendu médical, ou sur le mode des trans- missions ciblées infirmières ? Là aussi, notons un possible effet pharmakon d’une telle modélisation. Certes l’effort de lisibilité et de transmission est nécessaire, et important, mais deux risques liés entre eux nous semblent ici se présenter.

Le premier est qu’au-delà d’une « traduction », d’une mise en forme pour une meilleure lisibilité du message, il y ait un effet-retour sur l’entretien psychologique lui-même : c’est-à-dire que l’entretien ne soit mené que pour remplir les items préformatés du compte rendu, au lieu d’être guidé par les énoncés et surtout le dire du patient, ainsi que les inévita- bles « trous » dans son discours, indices du refoulement, de l’indicible.

Le second risque est l’importation d’un modèle Données- Action-Résultats au cœur même de la pratique du psy, la dilution de la spécificité de sa clinique dans un modèle soignant généralisé qui tienne lieu de système théorique (une sorte de logique symptôme/traitement/évaluation, au mépris là aussi de l’impossible à dire et des butées réelles

de ce qui ne se laisse pas ainsi soulager). Ce modèle est certes plus facilement et rapidement partageable avec les équipes médico-soignantes, mais il n’est pas sûr que ce soit le plus aidant pour la clinique avec les patients.

Ces deux risques sont en fait celui d’un recouvrement perpétuel du réel, de l’insupportable, qui lui ne se laisse pas « communiquer » comme une simple information ni solutionner comme un symptôme. Le « plus » de reconnais- sance espéré vaut-il de prendre ce risque ? Ne pourrait-on pas faire un peu autrement avec ce qui peut faire souffrir et être à l’origine de la plainte ?

Car, au fond, sortir de la plainte impliquerait une autre forme d’être au groupe (pouvoir dire « je » dans un groupe, sans toujours se ranger sous le « on »), une autre manière de se situer par rapport à l’Autre (ne pas tout lui adresser, ne pas tout en attendre…), et surtout une autre manière de se situer face au réel. Cela impliquerait qu’un sujet puisse élaborer suffisamment sa plainte pour passer de l’impuissance (ce que clame la plainte), à l’impossible. Au lieu de dénoncer indéfiniment l’impuissance de l’Autre, responsable de nos malheurs et de notre souffrance, ne vaudrait-il pas mieux le constat lucide qu’il y a de l’impossible au cœur de toute pratique clinique ? Ce n’est pas un constat désespéré, au contraire, puisque le repérage de cet impossible peut orienter la pratique, au lieu de l’enliser dans la rumination de l’im- puissance. C’est ce qu’évoque magistralement Colette Soler qui pose que « l’impossible démontré [soit le réel] fait la solution de l’impuissance, imaginaire » [7].

Liens d’intérêts : l’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts.

Références

1. Freud S (1986) Malaise dans la civilisation. PUF

2. Lacan J (1966) La direction de la cure et les principes de son pou- voir. In: Écrits. Seuil

3. Lacan J (2001) Introduction à lédition allemande dun premier volume des Écrits. In: Autres écrits. Seuil, p 558

4. Derrida J (1972) La dissémination. Seuil

5. Lacan J (2004) Le Séminaire, livre X, Langoisse. Seuil

6. Lacan J (1973) Le Séminaire, livre XI, Les quatre concepts fonda- mentaux de la psychanalyse. Seuil, p 49

7. Soler C (2011) Les affects lacaniens. PUF, p 133

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