• Aucun résultat trouvé

Oncologie : Article pp.277-286 du Vol.9 n°4 (2015)

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Partager "Oncologie : Article pp.277-286 du Vol.9 n°4 (2015)"

Copied!
10
0
0

Texte intégral

(1)

SANTÉ PUBLIQUE /PUBLIC HEALTH

L ’ offre de soins psychiques en cancérologie en France aujourd ’ hui : résultats d ’ une enquête nationale

The Current Provision Regarding Psychiatric Care in Oncology in France: the Results of a National Survey

S. Dauchy · F. Ellien · A. Lesieur

Reçu le 5 octobre 2015 ; accepté le 2 novembre 2015

© Lavoisier SAS 2015

RésuméLa Société française de psycho-oncologie (SFPO) a réalisé, avec le soutien de l’Institut national du cancer (INCa), une évaluation nationale des possibilités de prise en charge psychologique offertes aux patients atteints de cancer, afin de décrire quantitativement et qualitativement les ressources en soin. La formation des professionnels de soins psychiques, psychologues et psychiatres, leur organi- sation et leurs liens multidisciplinaires ont été interrogés. Les activités d’enseignement et de recherche ont également été documentées, car elles sont parties intégrantes de la psycho- oncologie, discipline ancrée dans une cancérologie en évo- lution permanente et qui doit être à même de s’évaluer et de se diffuser. Sur les 1 116 questionnaires envoyés aux profes- sionnels, 319 questionnaires exploitables ont été retournés, ce qui correspond à un taux de retour de 29 %. La majeure partie de l’échantillon est constituée de psychologues (294 psychologues pour 19 psychiatres). L’échantillon est réparti sur 235 centres et est issu pour 47 % de centres hospitaliers publics, 30 % d’hospitalisation libérale, 18 % de CLCC. Cet état des lieux permet d’offrir une vision assez complète de l’offre de soins et des conditions d’exercice de la psycho- oncologie en France à ce jour. Certains points positifs sont à souligner : le caractère le plus souvent pérenne des postes, la stabilité et l’expérience des professionnels, la structuration des équipes. D’autres résultats doivent inciter à une vigi- lance renforcée, voire à la structuration de critères de qualité

et de bonnes pratiques. C’est le cas des recommandations pour la formation des professionnels. L’absence de forma- tion continue chez 40 % des professionnels des établisse- ments, l’absence encore fréquente de supervision de groupe, doit inciter les responsables à soutenir par tous moyens et notamment par une politique financière adaptée ces activités indispensables à la qualité des soins. L’intérêt pour la recher- che est contredit par la proportion de professionnels formés et le peu d’activité de recherche organisée—et plus encore le faible taux de publication de cette recherche. Trouver des financements permettant de trouver du temps pour la recher- che, permettrait de renforcer les ponts entre structures clini- ques et structures universitaires.

Mots clésPsychologues · Psychiatres-questionnaire d’activité · Centres de Lutte contre le cancer · Formation professionnelle · Pratique de la psycho-oncologie

Abstract In association with the National Cancer Institute (INCa), the French Society of Psychological Oncology (SFPO) has carried out a national assessment of the psycho- logical care options offered to patients with cancer, with the aim of quantitatively and qualitatively describing the care resources available. The training of mental health professio- nals, psychologists and psychiatrists, their structure and their multidisciplinary links were investigated. Teaching and research activities were also documented, as they form an integral part of psycho-oncology, a discipline that is at the centre of the ever changing field of cancer research, and one that must be both assessed and discussed. Of the 1116 ques- tionnaires sent to medical professionals, 319 utilisable ques- tionnaires were returned, which corresponds to an overall response rate of 29%. The majority of the sample was made up of psychologists (294 psychologists and 19 psychiatrists).

The sample was spread across 235 centres and included 47% from public hospital centres, 30% from private hospi- tals and 18% from specialist cancer treatment centres. This

S. Dauchy (*)

Gustave-Roussy, 114, rue Édouard-Vaillant, F-94805 Villejuif, France

e-mail : Sarah.DAUCHY@gustaveroussy.fr F. Ellien (*)

SPES, F-91750 Champcueil, France e-mail : fellien.spes@wanadoo.fr A. Lesieur (*)

ACVP, F-75004 Paris, France e-mail : audrey.lesieur@paris.fr DOI 10.1007/s11839-015-0542-2

(2)

appraisal has provided a fairly deep insight into the care pro- vision and working conditions in psycho-oncology in France at the current time. Some positive points were highlighted:

the frequent longevity of those working in the field, the sta- bility and the experience of professionals and the structure of teams. Other results should prompt heightened vigilance regarding the structure of quality criteria and good practice guidelines. This is the case when it comes to recommenda- tions for the training of healthcare professionals. The absence of continuous professional development for 40%

of establishment professionals, and even the frequent lack of group supervision, should prompt managers to support these vital activities for providing quality care by any means possible, and in particular through an appropriate financial policy. The benefit of research is undermined by the propor- tion of trained professionals and the lack of organised research activity—and moreover the low publication rate of this research. Securing funding will enable time to be allocated to research, which would strengthen the links bet- ween the clinical and university structures.

KeywordsPsychologists · Psychiatrists · Activity questionnaire · Cancer Treatment Centres · Professional training · Psycho-oncology practice

Alors que le Plan cancer 3 souligne la nécessité d’offrir à tous les patients une prise en charge globale intégrant soins de support et soutien psychologique, il est capital de connaî- tre l’état de l’offre de soins psychiques en cancérologie en France. La Société française de psycho-oncologie (SFPO) a réalisé, avec le soutien de l’Institut national du cancer (INCa), une évaluation nationale des possibilités de prise en charge psychologique offertes aux patients atteints de cancer, afin de décrire quantitativement et qualitativement les ressources en soin. La formation des professionnels de soins psychiques, psychologues et psychiatres, leur organi- sation et leurs liens multidisciplinaires ont été interrogés. Les activités d’enseignement et de recherche ont également été documentées, car elles sont parties intégrantes de la psycho- oncologie, discipline ancrée dans une cancérologie en évo- lution permanente et qui doit être à même de s’évaluer et de se diffuser.

Pour rendre compte de l’organisation globale de l’activité de psycho-oncologie, deux types de structures ont été étudiés :

les établissements hospitaliers autorisés à exercer en cancérologie ;

les réseaux de cancérologie et de soins palliatifs interve- nant en cancérologie.

Cet article reprend de façon synthétique les principaux résultats de ce travail, dont le rapport complet est téléchar- geable sur le site de la SFPO (www.sfpo.fr).

Méthode et outils

Les professionnels concernés par l’enquête sont donc :

pour les ressources intrahospitalières, l’ensemble des acteurs de soins psychiques exerçant en établissements de soins agréés à la cancérologie en France ;

pour les ressources extrahospitalières, l’offre de soins psy- chiques sur financement public, c’est-à-dire l’ensemble des réseaux de santé de cancérologie et de soins palliatifs ; l’offre de soins psychiques sur financement associatif ou caritatif, bien qu’abondante, a été pour des raisons métho- dologiques exclue du périmètre de cette enquête.

Deux questionnaires ad hoc ont été réalisés, un pour l’in- trahospitalier, un pour les réseaux. Ces questionnaires auto- administrés, demandant cinq à huit minutes de remplissage, ont été constitués en trois étapes :

élaboration initiale d’une première version des question- naires sur la base d’enquêtes préalables du même type ;

puis première relecture et correction par un groupe de pro- fessionnels d’origine géographique et de lieux de travail divers (hôpital public, hôpital ou clinique privé(e), Centre de Lutte Contre le Cancer) ;

enfin envoi plus large à un échantillon pilote national représentatif pour vérifier la compréhension et ajuster la présentation.

Le questionnaire final destiné à l’intrahospitalier compor- tait 49 questions, le questionnaire destiné aux réseaux en comportait 27.

Une fois ce questionnaire établi, l’enquête s’est faite en deux temps. Dans le premier temps a été constituée une base de données :

par une enquête téléphonique auprès des directions des ressources humaines des 943 établissements autorisés en cancérologie ; celle-ci a permis l’établissement d’une liste de 1 116 contacts de professionnels du soin psychique travaillant en service de cancérologie. Plusieurs relances ont été faites, par différentes voies (téléphone, fax, mail), en cas de non-réponse ;

par le croisement de plusieurs sources d’information (ACORESCA, Agence régionale de santé [ARS], INCa), pour les réseaux de santé ; une liste de 201 réseaux avec les coordonnées de leurs coordonnateurs a été constituée.

Dans le deuxième temps, les deux questionnaires ont été envoyés à l’ensemble des professionnels de ces deux listes de contacts postaux ; ce recueil de données a été réalisé entre avril et juin 2012 :

envoi du questionnaire dit « Établissement » aux 1 116 psy- chologues et psychiatres des établissements autorisés en cancérologie ;

(3)

envoi du questionnaire dit « Réseaux » aux 201 coordon- nateurs de réseaux recensés lors de la première étape.

L’appui des présidents des principales fédérations hospi- talières (Unicancer, FNCLCC, FHP…) et la coordination des réseaux de cancérologie (ACORESCA) et de l’UNR Santé ont été recherchés et obtenus, comme celui de la Ligue nationale contre le cancer. Un courrier d’accompagnement expliquant l’objectif de ce travail, rappelant le soutien de l’INCa et de ces différentes instances, et informant sur la protection des données et leur caractère anonyme, avait été joint aux questionnaires.

Taux de retour et échantillon

Pour les établissements, 783 (sur 943) directions des res- sources humaines ont accepté de répondre. Sur cet échantil- lon de 783 lieux de soins, 36 lieux se sont avérés être des établissements rattachés (réponses mutualisées avec d’autres établissements). Cinq cent quatre-vingt-un ont donné les noms des professionnels du soin psychique exerçant auprès des patients pris en charge dans leur structure, permettant d’arriver à une liste de 1 116 contacts de psychologues et psychiatres (Fig. 1).

Il est important de noter qu’à cette étape de constitution de la base de données 166 établissements (21 %) ont été dans l’impossibilité de nommer des psychologues ou psychiatres exerçant en leur sein, et 41 % ont cité au plus le nom d’un professionnel (Fig. 2).

Sur les 1 116 questionnaires envoyés aux professionnels, 319 questionnaires exploitables ont été retournés, ce qui cor- respond à un taux de retour de 29 %.

La majeure partie de l’échantillon est constituée de psy- chologues (294 psychologues pour 19 psychiatres). L’échan- tillon est réparti sur 235 centres et est issu pour 47 % de

centres hospitaliers publics, 30 % d’hospitalisation libérale, 18 % de CLCC.

Pour les réseaux, 201 questionnaires ont été adressés aux coordonnateurs de réseaux identifiés lors de la constitution de la base, dont 119 dans les réseaux de soins palliatifs et 82 dans les réseaux de cancérologie. Cinquante-sept ques- tionnaires ont été retournés, soit un taux de retour de 28 %.

Résultats — établissements (base 319 questionnaires)

Offre de soins en équivalent temps plein

Les professionnels de soins psychiques en oncologie sont encore très isolés : 69 % disposent au maximum d’un équi- valent temps plein (ETP) (28 % des établissements disposent de 0,5 ETP au plus, 41 % ont entre 0,5 et 1 ETP). Quatre- vingt-cinq pour cent des répondants ont des contrats péren- nes (contrats à durée indéterminée), 15 % de contrats précai- res. Ils sont à leur connaissance financés par leur établisse- ment (et non par un financement associatif ou caritatif, par exemple) dans 92 % des cas.

Soixante-seize pour cent des professionnels déclarent plus de six ans d’expérience clinique globale. Soixante pour cent ont plus de six ans d’expérience clinique en oncohématologie.

Activité

Quantitativement l’activité clinique (autodéclarée) réalisée par un ETP est entre 500 et 1 000 pour une moitié des pro- fessionnels, et supérieure à 1 000 patients/proches par an pour un tiers d’entre eux (moyenne pour un temps plein : 927 consultations).

Fig. 1 Constitution de la base de données établissements

(4)

Pour la quasi-intégralité des professionnels, l’offre de soins concerne les patients comme leurs proches, 21 % de l’activité clinique en moyenne étant dédiée aux proches.

De même, 91 % des professionnels intègrent les soignants dans leur activité, au minimum par les échanges interdisci- plinaires autour de l’activité de soins pour les patients.

Soixante-sept pour cent contribuent directement au soutien psychologique des équipes soignantes.

Plusieurs questions concernaient également la nature et la diversité de l’offre de soins. Plus des deux tiers des interve- nants proposent des prises en charge de type ou d’inspiration psychanalytique, mais de nombreuses autres orientations et techniques sont représentées (Fig. 3).

Formation et expérience

Le type de formation reçue était ensuite interrogé. Comme cela était attendu, la quasi-totalité (97 %) des professionnels a une formation professionnalisante :

77 % ont un DESS ou master 2 (M2) psychologie clinique ;

5 % sont diplômés de l’École de psychologues praticiens ;

7 % ont un DESS ou M2 psychologue de la santé ;

7 % ont dautres DESS ou M2 (psychologie du dévelop- pement de l’adolescent, psychologie gérontologique, psy- chologie du travail) ;

6 % sont titulaires d’une thèse de médecine et du DES de psychiatrie.

Un tiers seulement par contre dispose d’une formation universitaire préparant spécifiquement à l’exercice en milieu

somatique. Dans un cas sur deux, il s’agit alors d’un diplôme universitaire de psycho-oncologie. On constate la rareté de formations à des champs pourtant proches de la psycho-oncologie comme la sexologie (1 %) ou l’addictolo- gie (1 %).

Enfin, on recherchait l’existence d’une formation à la recherche, présente chez 24 % des répondants, le plus sou- vent par un master Recherche. Un pour cent seulement de l’échantillon (dont on rappelle cependant qu’il est constitué sur la base de l’activité clinique auprès de patients, et donc exclut de fait les psychologues à exercice uniquement uni- versitaire) a un doctorat de psychologie (Fig. 4).

Pour tenir compte des spécificités de l’exercice du soin psychique, le questionnaire interrogeait également sur la for- mation clinique (qui peut ne pas être validée par un diplôme universitaire) des professionnels. Comme attendu, la forma- tion psychanalytique reste majoritaire (59 % des profession- nels interrogés). Elle n’est cependant pas exclusive, et les formations aux approches psychocorporelles, aux approches groupales, aux thérapies cognitivocomportementales, aux approches systémiques, voire à l’hypnose et à l’EMDR, sont également présentes. En sus de leur formation initiale, 57 % des professionnels interrogés avaient déjà bénéficié d’une for- mation continue dans le domaine de la psycho-oncologie (participation aux congrès de sociétés savantes comme la SFPO, l’International Society of Psycho-Oncology, autres journées de formation à la psycho-oncologie…) ou des soins de support. Cette formation continue commence dès les pre- mières années de pratique : 67 % chez les professionnels qui ont plus de dix ans d’expérience, 53 % chez ceux qui en ont moins de dix ans (Fig. 5).

Fig. 2 Répartition du nombre de psychologues et psychiatres exerçant en cancérologie par établissement (en effectif, base 783 répon- dants)

(5)

Fig. 4 Formation universitaire des professionnels de soins psychiques exerçant dans les établissements agréés à la cancérologie (plu- sieurs réponses possibles, base 319 répondants)

Fig. 5 Formation clinique des professionnels de soins psychiques exerçant dans les établissements agréés à la cancérologie (plusieurs réponses possibles, base 304 répondants)

Fig. 3 Types de prises en charge proposées aux patients (plusieurs réponses possibles)

(6)

Enfin, le recours à une supervision était interrogé : parmi les psychologues des établissements, 71 % bénéficient d’une supervision individuelle mais seulement un sur deux parti- cipe à un groupe d’analyse clinique.

Collaborations entre les professionnels du soin psychique

Dans 61 % des cas, il existe des liens entre professionnels du soin psychique (PSP).

Ces liens sont naturellement plus fréquents (86 %) lorsque les professionnels sont plusieurs à exercer spécifi- quement en cancérologie. Dans ces situations, les PSP sont réunis soit dans un même service dédié aux soins psychiques (le plus souvent unité de psycho-oncologie, 45 %), soit sim- plement réunis en collège (45 %).

Lorsque le PSP est le seul en cancérologie dans un éta- blissement qui accueille d’autres pathologies, il ne garde de lien de collaboration structuré que dans un cas sur deux envi- ron. Il s’agit alors le plus souvent d’une structure de type collège de psychologues (61 %). L’appartenance à une même unité est rare (4 %) ; 37 % des professionnels ont mentionné des structures de rattachement « autres ».

Collaboration avec les professionnels des soins de support

La quasi-totalité des professionnels qui ont répondu à l’en- quête (93 %) déclare collaborer régulièrement avec les autres professionnels des soins de support. Soixante-treize pour cent participent régulièrement à des réunions pluridiscipli- naires intégrant des personnels médicaux et paramédi- caux (pour la majorité au moins une fois par semaine).

Quarante-six pour cent participent à des réunions de trans- missions uniquement paramédicales (là encore de façon au moins hebdomadaire pour plus de la majorité).

Transmission

Malgré des organisations de soins très diverses, la culture de la transmission et des échanges apparaît globalement importante :

mention systématique de la réalisation de l’entretien psy- chologique ou psychiatrique dans 80 % des cas ;

transmission écrite systématique dans 54 % des cas (et le plus souvent dans 24 %) ;

transmission orale systématique dans 36 % des cas (et le plus souvent dans 46 %).

Activité d’enseignement et de recherche

Deux tiers des répondants assurent une activité d’enseigne- ment. Parmi ceux-ci, les trois quarts assurent une activité d’enseignement interne, et la moitié des enseignements uni- versitaires, même de façon très partielle.

L’activité de recherche est encore rare (21 %). Pour trois professionnels sur quatre il s’agit d’un temps non dédié pris sur le temps clinique ou le temps personnel. Rappelons cependant que l’échantillon est constitué sur la base de la pratique d’une activité clinique, ce qui ne permet de recueil- lir que l’activité de recherche des psychologues et psychia- tres qui ont une pratique de recherche en plus de leur activité clinique.

Ce temps est de plus limité : moins de 10 % de leur temps travaillé pour la moitié de ceux qui ont une activité de recherche, et la production de recherche est peu visible : six sur dix n’ont pas publié en premier ou dernier auteur dans des revues à comité de lecture, francophones ou anglopho- nes, dans les cinq dernières années.

Résultats réseaux (n= 57 questionnaires) Les réseaux de santé tels que définis par les textes (loi du 4 mars 2002, décret qualité du 17 décembre 2002, circulaire du 22 février 2005 sur l’organisation des soins en cancéro- logie, circulaire du 2 mars 2007 sur l’évaluation des réseaux, circulaire du 25 mars 2008 référentiel sur l’organisation des réseaux de soins palliatifs…) sont des structures collabora- tives innovantes garantissant le décloisonnement ville–hôpi- tal en élaborant des dispositifs et des nouvelles organisa- tions. Les objectifs définis par les textes référents sont : favoriser l’accès aux soins, la coordination, la continuité et l’interdisciplinarité. L’accent est mis sur « la qualité du ser- vice rendu à l’usager par une amélioration des pratiques…».

Les réseaux de santé favorisent la prise en charge globale et en son sein la prise en charge psychologique, d’où leur inté- gration dans cette enquête. Le guide méthodologique de la DGOS d’octobre 2012 à destination des ARS (« Comment améliorer la coordination des soins : évolution des réseaux de santé ») prévoit la réunion des réseaux de cancérologie, soins palliatifs et gérontologiques en plateforme plurithéma- tique. Dans notre enquête ont été interrogés l’ensemble des réseaux en lien avec les 3C.

Nombre de professionnels et offre de soins

Les équipes d’expertise et de coordination salariées des réseaux sont le plus souvent composées de médecins, d’infirmiers, de psychologues, mais d’autres profession- nels de soins en cancérologie sont possibles. Les réseaux sont dirigés par l’un de ces professionnels de soin, ou par

(7)

un cadre administratif. La présence d’un psychologue sala- rié dans un réseau, si elle apparaît un fondamental souhai- table pour assurer la réalisation et/ou la coordination de soins psychiques et pour en garantir la qualité, n’est pas systématique (63 % seulement des réseaux ont un psycho- logue salarié).

Dans notre échantillon, les réseaux répondants (28 %) étaient en moyenne financés depuis huit ans, avec une équipe de coordination constituée depuis sept ans. Il existe trois modèles d’organisation : des réseaux qui ont un psy- chologue salarié (24/56) et qui assurent l’ensemble des mis- sions cliniques, des réseaux qui n’ont pas de psychologue salarié et qui travaillent uniquement avec des psychologues libéraux (11/56) et des réseaux qui ont un psychologue sala- rié et travaillent conjointement avec des psychologues libé- raux (11/56). La majorité des réseaux (33/56) dans notre échantillon travaille avec des psychologues libéraux, seuls (dans un tiers des cas) ou en appui sur des psychologues salariés (les deux autres tiers).

Lorsqu’il existe des psychologues salariés dans le réseau (63 %), il s’agit le plus souvent de professionnels à temps partiel (en moyenne 0,5 ETP). Leurs missions sont très diverses. La grande majorité assure les évaluations initiales (35/37), le plus souvent à domicile (34/37), mais aussi des entretiens ou des suivis, individuels (35/37) ou de façon plus occasionnelle en groupe (19/37). De façon surprenante, ces psychologues salariés ne sont pas forcément chargés de la

coordination des soins psychologiques (22/37), pas plus que celle-ci n’est systématiquement confiée à un psychologue (Fig. 6).

Lorsque les réseaux travaillent avec des psychologues libéraux (22/35) leur nombre est très variable : moins de dix pour huit d’entre eux, jusqu’à 40 interlocuteurs différents pour les autres (moyenne : 17 psychologues libéraux). Leurs missions sont dans la très grande majorité des prises en charge cliniques : individuelles (toujours) ou groupales (plus rares) des patients et de leurs proches. La moitié contribue à l’évaluation initiale des situations (ce qui est cohérent en l’absence de psychologue salarié). Les trois quarts pratiquent des visites à domicile.

Les réseaux ont la possibilité de bénéficier de dérogations tarifaires, c’est-à-dire qu’ils ont la possibilité sous certaines conditions de financer directement les actes réalisés par des intervenants libéraux non conventionnés. Le maintien de ces prestations dérogatoires pour les psychologues libéraux a été confirmé par la DGOS en octobre 2012. Dans l’échan- tillon de cette enquête, l’existence de dérogation tarifaire pour les libéraux est la règle (29/33). Dans deux tiers des cas (20/29), le nombre de séances avec dérogation tarifaire était limité (résurgence du Plan cancer 1 où à titre d’exemple il était proposé la possibilité de quelques entretiens par des psychologues libéraux payés par le réseau) mais ce n’est pas la règle. Le montant de ces dérogations allait de 30 à 50€pour la plupart (23/29).

Fig. 6 Personne salariée chargée au sein du réseau de lorganisation des soins psychologiques

(8)

Formation et expérience

Le questionnaire interrogeait d’une part sur la formation des psychologues salariés et sur les critères de recrutement des psychologues libéraux.

En ce qui concerne les psychologues salariés, et comme pour les établissements, une formation professionnalisante est retrouvée pour la quasi-totalité (97 %) des professionnels psychologues salariés des réseaux (pour 81 %, il s’agit d’un DESS ou d’un M2 de psychologie clinique, pour 10 % d’un DESS ou M2 psychologie de la santé). La moitié de ces professionnels ont en plus une formation universitaire pré- parant à l’exercice en milieu somatique (pour 28 %, il s’agit d’un diplôme universitaire de soins palliatifs, pour 9 % seu- lement une formation en psycho-oncologie). La majorité d’entre eux a plusieurs années d’expérience dans le champ de la cancérologie (62 %) et/ou des soins palliatifs (64 %).

En ce qui concerne les psychologues libéraux travaillant pour les réseaux, le questionnaire ne les interrogeait pas directement. Néanmoins, nous savons que 28/33 réseaux exigeaient le DESS ou le M2 de psychologie clinique, 28/33 réseaux exigeaient une motivation pour travailler dans le champ de la cancérologie/soins palliatifs. Il est dommage que l’inscription sur la liste Adeli ne soit pas systématique- ment exigée. La signature de la charte du réseau n’est pas systématique même si c’est la situation la plus fréquente 28/33. Il faut noter qu’il n’existe pas de façon systématique un engagement à assister aux formations, aux réunions de supervision et une existence de liens structurés avec le psy- chologue salarié du réseau (Fig. 7).

Le mode de recrutement laisse aussi entrevoir un manque de connaissance ou de structuration lors de la construction

du réseau de psychologues. Dans un cas sur deux (17/33), c’est par bouche à oreille que s’est fait le recrutement, quand ce n’est pas par les pages jaunes de l’annuaire (15/33). Là encore, le recours au registre Adeli est rare, puisque ce n’est que dans 5 cas/33 que l’identification s’est faite par le biais de l’ARS via ce registre.

Modèles collaboratifs et transmission d’information

Si on considère que la possibilité de partager des informa- tions communes et de contribuer à la même prise en charge globale est une condition de base de l’exercice de la psycho- oncologie, les données recueillies par cette enquête ne sont pas complètement satisfaisantes. En effet, sur les 33 réseaux ayant recours à des psychologues libéraux, le partage d’infor- mation par l’équipe de coordination du réseau vers le profes- sionnel libéral n’intègre les informations médicales que dans 17 cas, et sociales dans 16, la majorité des informations qui leur sont transmises sont d’ordre psychologique. Le psycho- logue libéral dans trois quarts des cas transmet des indications ou des éléments sur la prise en charge psychologique à l’équipe de coordination du réseau (dans le respect de la confidentialité, il ne s’agit évidemment pas de tout transmet- tre mais de pouvoir transmettre certaines indications utiles).

On s’est enfin intéressé à la proposition de formations par le réseau pour les psychologues libéraux, ainsi qu’à l’exis- tence de réunions de supervision, les deux apparaissant un support collaboratif potentiel d’autant plus précieux que ces réunions peuvent permettre de mettre en lien des profession- nels isolés, et dont l’exercice en milieu somatique n’est pas majoritaire. Dans l’échantillon de cette enquête, ces réunions de formation sont proposées aux psychologues libéraux par

Fig. 7 Exigences retenues pour la participation de psychologues libéraux à un réseau

(9)

plus de la moitié des réseaux (21/33). Les raisons de non- proposition peuvent être liées au manque de financement, à l’éloignement géographique trop important, ou plus simple- ment au manque de demande de la part des intéressés. De fait, lorsque ces réunions existent et bien que parfois, bien que rarement (3/21), la participation soit rémunérée, la fré- quentation reste faible (< 20 % dans la moitié des cas…).

En ce qui concerne les réunions de supervision ou groupe d’analyses des pratiques, elles restent rares, proposées par moins d’un quart des réseaux (8 sur 33). Lorsqu’elles sont absentes, elles ne sont que très rarement attendues (2 sur 26). Et lorsqu’elles existent, là encore, l’intérêt des psycho- logues de ce travail de groupe est faible (moins de 50 % de participation le plus souvent). Nous n’avions pas demandé dans ce questionnaire si les psychologues libéraux bénéfi- ciaient de supervision individuelle, nous pouvons imaginer à l’instar des réponses dans le questionnaire établissement où 71 % des psys avaient une supervision individuelle contre 53 % aucune participation à un groupe de supervision ou d’analyse des pratiques que les psychologues libéraux peuvent avoir une supervision individuelle. Nous touchons là quelque chose de culturel chez les psychologues d’autant plus lorsqu’ils sont d’orientation psychanalytique.

Conclusion

Pour la première fois en France, un état des lieux de l’état de la disponibilité de l’offre de soins psychiques en cancérolo- gie a pu être réalisé, tant dans les établissements autorisés que dans les réseaux. Le taux de répondants de cette enquête postale, sans relance directe, s’adressant à des professionnels souvent isolés, apparaît dans les normes habituelles de ce type d’enquêtes, permettant de considérer que cette enquête donne une vision fiable de l’offre de soins psychiques privée ou publique en France.

Il est important de rappeler les limites du périmètre de cette enquête. L’offre de soins caritative (psychologues inter- venant dans les permanences départementales de la Ligue par exemple) n’a pas été, pour des raisons méthodologiques, intégrée. L’objectif de cette offre caritative n’est cependant pas a priori de répondre de manière pérenne à un besoin identifié. Pour des raisons méthodologiques également, les psychologues des HAD n’ont pas non plus été interrogés.

Nous n’avons pas disposé de file active par établissement, il a donc été impossible d’évaluer l’adéquation quantitative de cette offre à la charge en soins générée par les patients.

Une évaluation de cette adéquation est au demeurant extrê- mement complexe, car aucune donnée fiable et consensuelle n’existe sur le nombre de consultations nécessaires au regard des différents troubles psychopathologiques et des différen- tes situations d’accompagnement, et par ailleurs l’allonge- ment des durées de traitements des cancers rend toute éva-

luation particulièrement complexe—sans même intégrer la problématique de l’accompagnement dans l’après-cancer.

Une approximation minimaliste peut cependant être tentée comme ceci. Si on prend en compte qu’un quart des patients présente à un instant donné des troubles psychopatholo- giques avérés, impactant potentiellement les soins et la santé [1], et qu’on considère que ce quart devrait bénéficier de réels soins psychiques (soit d’une moyenne de six consul- tations au minimum) et qu’on postule qu’un autre quart (celui présentant notamment des difficultés ponctuelles d’adaptation) pourrait relever d’un ou deux entretiens ponc- tuels lors de difficultés occasionnelles, on peut en déduire que la prise en charge de 1 000 nouveaux patients devrait générer ainsi un minimum de 2 000 consultations potentiel- les. Si on prend comme base le chiffre moyen de 900 consul- tations annuelles environ pour un ETP, qui découle de cette enquête, on peut estimer à deux équivalents temps plein de psychologues le minimum minimorum nécessaire pour 1 000 nouveaux patients pris en charge ; ce ratio qui corres- pond à la prise en charge brève d’un patient sur deux maxi- mum n’intègre ni les activités d’enseignement et de recher- che, ni les besoins liés à l’après-cancer. Il n’intègre pas non plus les particularités du type de cancer majoritairement pris en charge (les besoins psychologiques pouvant varier en particulier selon les symptômes et besoins physiques et sociaux). Par ailleurs, ce chiffre minimaliste considère les besoins à un instant donné, alors que se fonder sur un nom- bre de nouveaux patients impliquerait idéalement de dispo- ser de données longitudinales, qui font encore cruellement défaut en psycho-oncologie. En revanche, considérer que tous les patients en souffrance accepteraient une prise en charge par un professionnel du soin psychique est une approximation cette fois optimiste. On peut espérer que ces deux aspects se compensent, et qu’une évaluation raison- nable soit située entre 2 et 3 ETP de psychologues pour 1 000 nouveaux patients.

Quelle que soit l’estimation retenue, il est probable que dans la majorité des lieux de soins on en soit loin encore : parmi les chiffres clés de cette enquête rappelons les 21 % d’établissements dépourvus de tout professionnel, et les 41 % citant au plus un intervenant, le plus souvent à temps partiel.

Cet état des lieux permet d’offrir une vision assez com- plète de l’offre de soins et des conditions d’exercice de la psycho-oncologie en France à ce jour. Certains points posi- tifs sont à souligner : le caractère le plus souvent pérenne des postes, la stabilité et l’expérience des professionnels, la structuration des équipes. La confirmation de la place importante donnée à la multidisciplinarité est aussi une des très heureuses conclusions de cette enquête, comme en témoignent les liens de collaborations entre les profession- nels, l’intégration des soignants dans les cibles de l’activité de soins psychiques, la réelle culture de la transmission, la

(10)

place de l’enseignement… Rappelons que cet exercice en multidisciplinarité est une des conditions fondamentales de l’exercice de la psycho-oncologie, condition reconnue et intégrée par une majorité des professionnels qui ont répondu à l’enquête.

D’autres résultats doivent inciter à une vigilance renfor- cée, voire à la structuration de critères de qualité et de bon- nes pratiques. C’est le cas par exemple de la formation (à laquelle la SFPO a consacré son avant-dernier congrès (2013), des recommandations pour la formation des profes- sionnels ayant par la suite été rédigées [2]). L’absence de formation continue chez 40 % des professionnels des établis- sements, l’absence encore fréquente de supervision de groupe, doit inciter les responsables à soutenir par tous moyens et notamment par une politique financière adaptée ces activités indispensables à la qualité des soins. La discor- dance entre l’intérêt pour la recherche que montre la propor- tion de professionnels formés et le peu d’activité de recher- che organisée—et plus encore le faible taux de publication de cette recherche—doit aussi inciter à trouver des finance- ments permettant de protéger du temps pour la recherche, ainsi qu’à renforcer les ponts entre structures cliniques et structures universitaires.

De la même façon, les résultats concernant les prises en charge psychiques dans les réseaux de santé (futures plate- formes) appellent à se montrer particulièrement vigilants dans deux domaines : la coordination des soins psychiques d’une part, qui est apparue ici disparate et insuffisamment structurée ; la faible culture de la transmission, de la forma-

tion, de la supervision…d’autre part, qui vient menacer le modèle d’intégration de la psycho-oncologie. La coconstruc- tion d’organisations impliquant les psychologues salariés des réseaux devrait en favorisant les liens avec les psycho- logues libéraux permettre l’acculturation des professionnels psychiques libéraux à la multidiscplinarité et à la notion de coordination et d’intégration des soins.

Liens d’intérêts :les auteurs remercient vivement l’Institut national du cancer (INCa) pour le soutien financier qui a permis cette enquête. Ce soutien ainsi que la reconnaissance accrue de la psycho-oncologie et des soins de support dans le dernier Plan cancer sont des marques de reconnaissance importantes des attentes des patients et des soignants, mais aussi du chemin parcouru par les professionnels. La répéti- tion de cette enquête au début des années 2020 permettra de mesurer les effets de la mobilisation actuelle.

Références

1. Mitchell AJ, Meader N, Davies E et al (2011) Prevalence of depression, anxiety, and adjustment disorder in oncological, hae- matological, and palliative-care settings: a meta-analysis of 94 interviewbased studies. Lancet Oncol12:16074

2. Dauchy S, Bacqué MF, Consoli SC, et al (2014) Lintégration de la psycho-oncologie dans les formations en cancérologie. Les recommandations de la Société Française de Psycho-Oncologie (SFPO). Psycho-Oncologie 8:52-58

Références

Documents relatifs

Résumé Les états généraux des malades atteints de cancer, organisés en France par la Ligue nationale contre le cancer (LNCC) en 1998, 2000 et 2004, avec la forte revendication

Selon lui, la défaite du cancer réside plus dans l’idée que : « On peut parler de victoire contre le cancer mortel à brève échéance, car de plus en plus il se transforme

Dans l ’ après-coup, nous pensons que la qualité de vie, dans cette clinique de l ’ extrême et pour un petit enfant, doit prendre en compte des critères propres à ce petit, faire

La découverte d ’ une grossesse pour les parents d ’ un jeune enfant en cours de traitement pour un cancer est une situation relativement rare mais qui place le couple dans

Il s ’ agit d ’ une enquête réalisée au sein du SHOP de l ’ hôpital d ’ enfants de Rabat sur une période de 12 mois, de février 2013 à février 2014, portant sur la

À partir du travail poétique effectué par un patient atteint de cancer, nous avons cherché à montrer comment cet outil thé- rapeutique peut influencer le discours sur la maladie et

Le rôle des professionnels des soins psychiques (psychologues et psychiatres) dans cette structu- ration, l ’ animation et la dynamisation de la culture d ’ équipe sont essentiels ;

Or, les études les plus récentes mon- trent que l ’ épuisement professionnel survient dans une insti- tution ou dans un groupe confronté à de lourds enjeux vitaux, lorsque manque