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LOUIS LEROY ET REGNIER. Représentée pour la première fois à Paris, sur le thédtre du Gymnase, le ler mai Prix : 2 francs PARIS

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(1)

NOUVELLE BIBLIOTHÈQUE DRAMATIQUE

LE

CHEMIN RETROUVÉ

COMÉDIE EN QUATRE ACTES

DE MM . LOUIS LEROY ET REGNIER

Représentée pour la première fois à Paris , sur le thédtre du Gymnase , le ler mai 1868 .

Prix : 2 francs

PARIS

LIBRAIRIE INTERNATIONALE 15 , BOULEVARD MONTMARTRE

A. LACROIX , VERBOECKHOVEN & Cº , ÉDITEURS A Bruxelles, à Leipzig et à Livourne

1868

Tous droits de traductio : et de reproduction réservės .

(2)

Personnages . Acteurs.

D'AUGEROLLES .... MM .

DE LAVERDAC FAYEL .

FERNAND . Mile

JEAN , valet de chambre de Laverdac.... MM . HONORÉ, domestique ...

UN DOMESTIQUE....

MARIE D'AUGEROLLES .. Mines MADAME DE ROCHEPONT .

GABRIELLE , sa fille ...

MADAME DE BARDANNE ...

LOUISE , femme de chambre de Mme d'Au gerolles ...

BERTON . VILLERAY . LANDROL . MAssin . FRANCÈS . LEFORT . ALPHONSE . PIERSON . MÉLANIE . BARATAUD . Pasca . SYLVI .

(3)

CHEMIN RETROUVÉ

ACTE PREMIER LE CASINO D'YPORT

De grandes tables à droite et à gauche, chargées de revues , de journaux . Au fond , une galerie couverte donnant sur la mer .

Cheminée à droite , Piano à gauche .

SCÈNE PREMIÈRE

LAVERDAC , MADAME D’AUGEROLLES , DEUX OU TROIS LECTEURS autour des tables .

MADAME D'AUGEROLLES , se levant avec impatience . Dix heures ! Pas de lettre ... pas de nouvelles ! ...

Monsieur de Laverdac , la poste n'arrive donc plus à Yport ?

LAVERDAC .

Pardon , madame, le courrier de Paris est distribué depuis longtemps . Vous voyez , il ne reste plus au Ca sino que les invalides de la lecture , les autres sont ras sasies ; on sait où en est la Bourse , on ne sait pas où en est la politique, et ...

(4)

MADAME D'AUGEROLLES .

Paris , la Bourse , m'importent peu ... C'est du Havre que je voudrais avoir des nouvelles.Vraiment , je com mence à être inquiète .

LAVERDAC .

M. d'Augerolles a dû vous écrire souvent . MADAME D'AUGEROLLES .

Je n'ai reçu qu’une lettre depuis six jours , depuis qu'il nous a quittés pour aller au Havre voir lancer un navire , la Cléopâtre... Je ne sais quel plaisir on peut trouver à cela ...

LAVERDAC , à part . Il est probable qu'il le sait , lui .

MADAME D'AUGEROLLES .

Cette cérémonie a dû avoir lieu hier , et rien ne m'annonce le retour de mon mari . Il me faut encore attendre ... Ah ! la patience commence à m'échapper.

LAVERDAC .

A part, Je le comprends ... C'est une vertu si agaçante ! ...

( Madame d’Augerolles remonte au fond de la galerie .

en la regardant . ) Posséder ce trésor et le négliger ! ... Ah ! tous les maris se ressemblent . Vraiment , c'est à croire que l'infidélité est une loi naturelle violée par le ma riage .

SCÈNE II

LAVERDAC , MADAME D’AUGEROLLES, FAYEL . FAYEL , grelottant .

Brrrrou ! ... Ah ! que la mer est froide !

* Laverdac, Fayel, madame d'Augerolles.

(5)

LAVERDAC . Bonjour , Fayel.

FAYEL .

Bonjour ... Je suis transi ; vrai , je ne croyais pas la Normandie si près du pôle nord .

MADAME D'AUGEROLLES , inquiète , regardant le ciel . Oui , le vent a fraîchi... Savez-vous si ma filleest sur la plage ?

FAYEL

Berthe ? Oui , madame ; elle construit en ce moment une maison en sable d'une architecture bien curieuse .

MADAME D'AUGEROLLES .

Je vais la retrouver . Monsieur de Laverdac , si on apportait une lettre pour moi ,vous voudriez bien indi quer où je suis .

LAVERDAC .

Oui , madame . (Madame d’Augerolles sort .) FAYEL , toujours grelottant . Brrrrou ! ...

LAVERDAC .

Frileux ! ... Mais toutes ces dames prennent encore des bains .

FAYEL .

Je ne comprends rien à la force de ces petites créa tures - là . Il faut qu'elles aient en elles un feu qui couve toujours. La femme n'est qu'un volcan mal éteint !

LAVERDAC . Heureusement .

FAYEL .

Est -ce pour madame d'Augerolles que tu dis cela ? LAVERDAC .

Je le voudrais, hélas !

(6)

FAYEL .

Quelle charmante femme! quelle décision dans le ca ractère ! Elle jetterait feu et flammes au besoin . Ce ma tin , elle est restée vingt minutes dans la mer ; rien qu'en la regardant je grelottais . A la place de son mari , je lui ferais faire un petit voyage au Spitzberg par me sure de précaution ... Ce serait toujours du calorique de dépensé .

LAVERDAC .

Ah ! pourquoi ne l'ai- je pas connue jeune fille ? FAYEL .

Tu l'aurais épousée ?

IAVERDAC .

Tu me le demandes ! ... C'était la seule femme capable de rendre raisonnable cette folie .

FAYEL .

Bah ! ... d'Augerolles en disait autant , et aujourd'hui il revient à la sagesse de la vie de garçon .

LAVERDAC .

Oui , la Boccarelli le met en vedette sur son affiche.

FAYEL

C'est vrai ... et jo m'étonne , au poupeu de précautions qu'il prend , qu'il ne soit pas déjà arrivé un éclat . Mais où en es-tu avec madame d'Augerolles ?

LAVERDAC . Pas même au commencement .

FAYEL , riant.

A ce compte - là , la fin pourra se faire attendre ..

LAVERDAC .

Tu ris , et cependant tu es amoureux aussi .

(7)

FAYLL . Moi ?

LAVERDAC .

Ne t'occupes - tu pas beaucoup de mademoiselle Ga brielle de Rochepont ?

FAYEL ,

Ah ! une pensionnaire qui m'interroge sur l'histoire de France , et qui ne me trouve pas fort en géographie .

LAVERDAC .

Ses leçons ne te déplaisent pas . Mais prends garde : il y a derrière le professeur une douairière qui ferait une belle - maman terrible .

FAYEL .

C'est bien là ce qui m'effraie. Madame de Rochepont est une fille des preux ; son corset lui sert d'armure , et elle a un éventail à deux mains !

LAVERDAC , riant . Elle s'habille au Musée d'artillerie .

FAYEL .

Et toutes ses batteries de future belle - mère sont di rigées contre moi ; elle me ménage des entretiens avec sa fille ; je suis son chevalier obligé , son porte - bouquet , son porte - ombrelle , son ... enfin je porte tout ce qu'on peut porter .

LAVERDAC .

La maman lâche du fil à sa colombe pour que tu puisses la saisir plus facilement.

FAYEL .

Oui . Mais je me défends, je résiste , je proteste ... Les colombes aiment trop le mariage .

LAVERDAC . N'as -tu pas un rival ?

1 .

(8)

FAYEL . Lequel ?

LAVERDAC .

Le petit Fernand , le frère de madame d’Augerolles . FAYEL .

Oh ! un collégien .

LAVERDAO .

Il paraît très - épris de mademoiselle Gabrielle . FAYEL .

Et il me fait l'honneur d'être jaloux de moi . L'inno cent ! il me croit capable de détourner une mineure pour en faire ma femme.., Dieu m'en garde ! En amour , la légitimité ne fait pas le bonheur . Ah ! mon cher ami , tu es heureux , toi !

LAVERDAC .

Qu'as -tu à m'envier ? Que manque - t- il à ta béatitude ? FAYEL .

Ce qui lui a toujours manqué ... des aventures . LAVERDAC .

Tuen as eu comme tout le monde . FAYEL .

Non ... communes à tout le monde seulement . LAVERDAC .

Égoïste .

FAYEL .

Et pourtant j'avais rêvé les exploits éclatants des ma réchaux de la galanterie française ... Mais je n'ai jamais osé m'attaquer à un ennemi distingué ; j'ai toujours ba taillé contre des troupes mal placées dans la société ; aussi , chaque fois que j'ai dit à quelqu'un : « Je vous

(9)

ACTE I

aime ! ... » on m'a invariablement répondu : « Et moi aussi . »

LAVERDAC .

* Plains - toi donc , vainqueur . FAYEL .

Oui , je le suis toujours ; mais je paie ma gloire .

SCÈNE III

LES MÊMES , FERNAND , en uniforme des grands de Sainte - Barbe * . LAVERDAC .

Ah ! notre ami Fernand . FERNAND .

Bonjour , monsieur de Laverdac. (A Fayel . ) Monsieur ...

FAYEL . Monsieur ...

LAVERDAC . Vous venez de prendre votre bain ?

FERNAND .

Oui , et il a été désagréable : la mer est trop chaude . FAYEL .

On a de ces idées-là à votre âge . FERNAND .

A mon âge ... mon âge ... tout le monde ne peut pas être vieux .

FAYEL . C'est

pourmoi que vous dites ça ?

*

* Laverdac, Fernand , Fayel .

(10)

FERNAND . Si vous le permettez .

FAYEL .

Mon Dieu , vous vieillirez ; l'enfance ne peut durer éternellement .

FERNAND .

Monsieur , l'affectation que vous mettez à me repro cher ma jeunesse finit par devenir blessante ; elle est d'ailleurs souverainement injuste, car j'aurai bientôt dix- huit ans .

FAYEL . Dans treize mois .

FERNAND .

Mais il y a longtemps que je me suis promis de ne pas tolérer les facéties de certains railleurs .

FAYEL . Toujours pour moi ?

FERNAND , s'avançant sur Fayel . Toujours ; et je suis bien décidé ...

LAVERDAC , s'interposant.

La , la , mon cher Fernand , à quoi pensez - vous ? FERNAND .

Que monsieur me laisse tranquille ; est - ce que je lui parle de son grand age , moi ?

FAYEL . Ingrat ! Je chante votre printemps .

FERNAND . Vous chantez faux , voilà tout .

&

Fernand , Laverdac , Fayel .

(11)

ACTE 13 FAYEL .

Si vous le désirez , bon vieillard , on vous trouvera des cheveux blancs .

FERNAND . C'est inutile , je n'envie pas les vôtres .

FAYEL .

Jeune homme , vous calomniez ma chevelure . FERNAND .

Pardon , vous en avez sept , là , sur la tempe droite ; je les ai comptés et fait remarquer à mademoiselle de

Rochepont .

FAYEL . Merci .

FERNAND .

Tenez , là , là , oh ! ils sont éclatants, ils éblouissent . ( Il frise ses moustaches absentes . ) C'est un avantage que j'attendrai encore longtemps ; mais je vous engage à avoir l'oeil sur ces fils d'argent ; une fois qu'ils se mettent à venir , on ne peut plus les arrêter .

LAVERDAC .

Vous avez donc abandonné madame d'Augerolles ? FERNAND .

Ma seur ? Oui, elle a ses nerfs ; je l'ai laissée sur le galet auprès de sa fille, qui pleure parce qu'on l'empêche de monter sur le tremplin .

LAVERDAC .

Pauvre enfant , je vais la consoler ; ( A part .) sa mère me le rendra peut - être . ( Haut.) Le vent fraîchit de plu en plus . Il doit y avoir de la lame, je veux voir ça ...

( 11 sort . )

(12)

SCÈNE IV FAYEL , FERNAND * .

FERNAND , à part .

Et moi , je reste ; madame de Rochepont craint la brise , elle va se réfugier ici avec mademoiselle Ga brielle . (A Fayel qui s'approche de lui . ) Quoi ?

FAYEL , lui prenant le bras .

Voyons, monsieur Fernand , modestie à part , madame de Rochepont, qui utilise vos yeux et ménage les siens , est - elle satisfaite de vos progrès comme lecteur ?

FERNAND , gémissant . Houh !

FAYEL . C'est dur , hein ?

FERNAND

Atroce ! tous les jours trois journaux à lire , et quel quefois quatre ... j'en ferai une maladie .

FAYEL .

Vous devriez aller au - devant de la marée montante ; elle ne vous ferait rien lire , elle .

FERNAND , ennuyé.

Ah ! c'est toujours la même chose . FAYEL .

Mais non , c'est encore assez varié : quand la mer est montée , elle redescend .

* Fernand , Fayel .

(13)

ACTE I FERNAND .

Oui , et après être redescendue , elle remonte . ( A part . ) Est- ce qu'il ne s'en ira pas ? ( Haut . ) Cependant , il y a grande marée aujourd'hui ; ( 11 s'assied . ) c'est curieux .

FAYEL .

Excessivement curieux . ( Il s'assied .) Mademoiselle de Rochepont aime passionnément ce spectacle grandiose.

FERNAND ,

Je suis sûr qu'elle va encore mouiller ses petits pieds . Ah ! ses petits pieds ! ...

FAYEL . J'en ai connu de moins grands .

FERNAND .

Par exemplel ... dix - neuf centimètres de longueur seulement !

FAYEL .

Ah ça ! vous avez donc volé une de ses bottines ? FERNAND

Non , mais j'ai mesuré leur empreinte sur le sable . FAYEL .

Quel petit mohican !

FERNAND .

Et j'en ai dessiné la formeexacte sur une feuille de papier ; je l'ai là . ( Il prend une feuille de papier soigneusement pliée dans sa poche . )

FAYEL .

Voilà qui est tout à fait poétique . ( Bas . ) Mademoi selle Gabrielle et sa mère . (Fernand cache vivement le dessin .) Prenez garde !

(14)

SCÈNE V.

Les MÊMES , MADAME DE ROCHEPONT , GABRIELLE * . MADAME DE ROCHEPONT .

Bonjour, messieurs . Que cachez - vous donc là , mon sieur Fernand ?

FERNAND , troublé . Moi , madame ?

FAYEL . C'est une poésie .

MADAME DE ROCHEPONT . De quel genre ?

FAYEL .

Une ballade en vers dedeux pieds ... pas plus grands que ça .

GABRIELLE .

Justement une vilaine lame vient encore de me mouiller les pieds ; tenez . ( Elle tire un peu sa robe en arrière pour montrer ses bottines . )

MADAME DE ROCHEPONT . Gabrielle !

GABRIELLE . !

Oui , maman . ( Elle tire sa robe en avant . ) FAYEL , riant .

Le mouvement de la mer : le flux et le reflux . MADAME DE ROCHEPONT .

Nous avons quitté la plage , le vent y était d'une in discrétion ...

*

Fernand , madame de Rochepont, Gabriell , Fayel .

1

(15)

ACTE I FAYEL . Très - blåmable ,

GABRIELLE , à Fayel .

Avez - vous travaillé votre histoire de France aujour d'hui ?

FAYEL .

Oui , mademoiselle , j'en suis à Henri IV . MADAME DE ROCHLPONT .

A propos de Henri IV , connaissez - vous la réponse qu'il fit à Marguerite de Valois , la veille de leur ma riage ? Gabrielle , n'écoutez pas !

GABRIELLE . Non , maman . (Elle remonte . )

MADAME DEROCHEPONT , à voix basse .

Marguerite lui demandait le chiffre exact des femmes qu'il avait aimées . « Ma reine , lui répondit - il , comptez les pétales de la fleur qui porte votre nom . » Est - ce assez délicat ?

FAYEL .

J'aime à croire que la marguerite était double . MADAME DE ROCHEPONT .

Monsieur Fayel !

GABRIELLE . Maman , est - ce fini ?

MADAME DE ROCHEPONT .

Oui , vous pouvez écouter maintenant . ( Elle cause bas avec Fayel, puis s'assied .)

GABRIELLE , à Fernand .

Monsieur Fernand , vous avez l'air tout triste ?

*

Fernand , Gabrielle , madame de Rochepont, Fayel .

(16)

FERNAND

C'est que vous n'avez pas encore daigné m'adresser la parole , mademoiselle .

GABRIELLE .

Eh bien , c'est fait; vous êtes gai maintenant ? FERNAND

Si vous l'exigez.

GABRIELLE .

Certainement; d'abord , c'est de votre age .

1 1 1 FERNAND , avec amertume .

Ah ! ... mon âge .

GABRIELLE .

Oui , j'ai remarqué que vous ne jouiez pas comme les autres .

FERNAND . Les autres ?

GABRIELLE .

Ils sont là sur la plage , une foule de collégiens en vacances qui n'arrêtent pas du matin au soir . Ils ont fait tout à l'heure dans le sable un trou énorme .

1

FERNAND .

Un trou ! ... J'ai fini mes études , mademoiselle . GABRIELLE .

Ah ! déjà ? Êtes - vous heureux ! Mais ça n'empêche pas de creuser dans le sable , au contraire .

FERNAND .

J'ai le malheur de penser à des choses plus graves . GABRIKLLE .

Ne me les dites pas alors ; les choses graves , c'est comme les devoirs , c'est ennuyeux à apprendre .

(17)

ACTE I

MADAME DE ROCHEPONT , à sa fille ,en montrant Fayel . Vous dites cela devant votre écolier !

FAYEL .

N'ayez aucune crainte , madame , j'ai l'amour de l'étude , et mon professeur ...

MADAME DE ROCHEPONT .

Votre professeur a une robe bien chiffonnée. Venez ici , Gabrielle ! ( Elle arrange la robe de sa fille . ) Où vous êtes - vous donc fourrée ?

GABRIELLE . C'est en jouant , maman .

MADAME DE ROCHEPONT .

En jouant , en jouant ... pensez donc aux côtés sérieux de la vie , vous jouerez plus tard .

FAYEL , à part . Mariez - vous d'abord , après ...

MADAME DE ROCHEPONT * . Monsieur Fernand .

FERNAND . Madame .

MADAME DE ROCHEPONT . J'ai oublié mon binocle .

FERNAND , à part.

Aïe !

MADAME DE ROCHEPONT . Pendant que M. Fayel va prendre sa leçon ...

FAYEL , à part . Et que je vais lâcher du fil.

* Fernand , madame de Rochepont, Gabricile, Fayel .

(18)

MADAME DE ROCHEPONT .

Seriez -vous assez aimable pour venir me lire la Patrie ? Gabrielle s'en acquitte si mal .

FERNANI), avec un soupir . Je suis à vos ordres , madame .

FAYEL . Pauvre petit !

au MADAME DE ROCHEPONT .

Nous allons nous mettre tous deux dehors , soleil .

FERNAND .

Comment , tous deux ? Est- ce que mademoiselle Ga brielle ne vient pas écouter ?

MADAME DE ROCHEPONT .

Non , la politique lui donnela migraine, venez , venez ...

Après la Patrie, vous ne me lirez que le Moniteur . ( Ils sortent .)

SCÈNE VI . FAYEL , GABRIELLE .

FAYEL , à part .

En voilà un qui ne me parait pas apprécier suffisam ment son bonheur . Mais tenons - nous bien ... l'enfant est charmante , ( La regardant .) , adorable même ... les jolis yeux ... le frais visage ... Eh bien , non , mordieu ! ... On ne me prendra pas dans la souricière .

GABRIELLE , assise à la table , à droite .

Pauvre M. Fernand ! il a l'air de marcher au supplice .

(19)

FAYEL .

Est - ce que vous le trouvez gentil , ce petit écolier ? GABRIELLE .

Oh ! un enfant. Il n'est pas plus grand que moi ; quand nous sortons ensemble , j'ai l'air de le mener promener , et je déteste ça .

FAYEL .

Avez - vous remarqué, mademoiselle , que l'extreme jeunesse , délicieuse chez la femme , est presque toujours ridicule chez l'homme ?

GABRIELLE . C'est bien vrai .

FAYEL . N'est-ce pas ?

GABRIELLE , elle feuillette un livre illustré.

Les belles images ! A la bonne heure , cette histoire de France là n'est pas ennuyeuse comme celle du cou vent . Monsieur , en quelle année est né Henri IV ?

FAYEL . En 1610 , mademoiselle .

GABRIELLE .

Mais non , vous confondez avec la date de sa mort . FAYEL .

Vous croyez ?

GABRIELLE . J'en suis sûre .

FAYEL ,

Enfin , je savais bien que dans cette année - là il s'était passé pour lui quelque chose d'intéressant .

GABRIELLE .

Oui , mais vous vous trompiez du tout au tout .

(20)

2

LE CHEMIN RETROUVÉ FAYEL .

Regrettez - vous le couvent , mademoiselle ? GABRIELLE .

Oh ! Dieu non ! Et cependant j'y avais tous les prix . FAYEL

Les succès du monde les remplaceront avec avantage.

GABRIELLE .

Les succès du monde ? ... En quoi consistent- ils, mon sieur ?

FAYEL .

D'abord vous trouvera .. , ce que vous êtes . GABRIELLE .

Que suis - je ?

FAYEL . Charmante .

GABRIELLE .

Vraiment ? 1

FAYEL .

Je vous l'affirme, et pour cela je ne me trompe pas comme pour la naissance de Henri IV .

GABRIELLE . Et puis ?

FAYEL .

Et puis ... on vous le dira ... souvent, très-souvent . GABRIELLE , frappant dans ses mains.

Oh ! que ce sera amusant . Et puis ? FAYEL , s'asseyant en face d'elle .

Et puis ... et puis .. vous ferez beaucoup de malheu reux autour de vous .

(21)

GABRIELLE .

Mais je ne veux pas en faire, monsieur . FAYEL .

Ah ! permettez ...

GABRIELLE . Non , non ,non !

FAYEL . Cependant ...

GABRIELLE . Je ne suis pas méchante , moi.

FAYEL . Il ne s'agit pas ici de méchanceté .

GABRIELLE . De quoi donc alors ?

FAYEL ,

Je veux dire que forcément vous vous montrerez sé vère devant certaines prétentions .

GABRIELLE . Lesquelles ?

FAYEL ,

Celles qui auront pour but de vous plaire . GABRIELLE .

Pourtant , je ne vois aucun mal à cela . FAYEL.

Sans doute .

GABRIELLE .

Et je serai très - reconnaissante à tous ceux qui cher cheront à me plaire .

FAYEL . Jusqu'à un certain point .

(22)

GABRIELLE . Lequel !

FAYEL .

Lequel , lequel ? ... c'est très- embarrassant à expliquer.

GABRIELLE .

Maman assure que tout peut se dire en s'y prenant bien .

FAYEL .

Ah ! votre maman ? ... Eh bien ! on vous aimera beau coup .

GABRIELLE . Tant mieux .

FAYEL . Non .

GABRIELLE . Pourquoi ?

FAYEL .

Dame ! ... Parce qu'on cherchera à vous le prouver . GABRIELLE .

Où sera le mal ?

FAYEL , se levant.

Ahl mademoiselle , vous m'en demandez trop ; et ma dame votre mère elle -même n'en sortirait pas ... tout en s'y prenant bien .

GABRIELLE .

C'est ennuyeux , toujours des cachotteries.

FAYEL , à part.

Oh ! petite fille d'Ève !

GABRIELLE , regardant un portrait dans le livre d'histoire . La jolie femmel ... Elle s'appelait comme moi . Mon sieur , qu'était - elle au Béarnais cette Gabrielle d'Es trées ? Les histoires du couvent n'en parlent pas.

(23)

I 25 FAYEL , à part.

Décidément , nous tournons dans un cercle ... gênant . ( Haut . ) Ma foi, mademoiselle , je vous répondrai tout simplement que c'était la ... ( A part .) Ah ! je ne peux pas encore lui dire ça , elle me demanderait des explications et nous n'en finirions plus . (Gabrielle s'est levée . ) ( Haut .) Je préfère vous jurer que vous êtes ravissante d'esprit , de naïveté , de grâce , de tout enfin .

GABRIELLE , à part.

Voilà les succès du monde qui commencent . FAYEL .

Et je vous affirme que l'homme distingué par vous n'aura rien à envier à personne , pas même à Henri IV .

GABRIELLE , à part .

J'allais oublier la recommandation de maman . ( Haut.) Monsieur , je ne puis en entendre davantage. ( Elle re monte vers la galerie . )

FAYEL , à part * .

Tant mieux ! un mot de plus et je me déclarais . 1

GABRIELLE , se retournant près de la porte . Eh bien ! ... vous ne venez pas ?

FAYEL .

Hein ? ( A part.) Il paraît qu'elle peut en entendre en core un peu . ( Haut ) Je vous suis , mademoiselle . ( A part , après avoir fait un pas . ) Eh bien ! non , je ne la suivrai pas . ( On entend du bruit au dehors . )

GABRIELLE .

Que signifie ce bruit , ces cris joyeux d'enfants ? (Appe Gabrielle, Fayel.

2

(24)

lant dans la galerie . ) M. Fernand ! ... Tiens ! il n'est plus auprès de maman .. ,

FAYEL , au fond . Le voici qui accourt de ce côté .

SCÈNE VII LES MÊMES , FERNAND * .

FAYEL .

Qu'est- ce donc , monsieur Fernand ? Quel air agité ! FERNAND .

Vous ne savez rien ?

GABRIELLE . Non .

FERNAND .

Un grand malheur a failli arriver à ma nièce . FAYEL .

La petite d'Augerolles ? FERNAND .

Oui ; trompant la surveillance de sa mère, elle est montée sur le tremplin des plongeurs , où elle s'est mise à bondir , si fort, si fort, qu'elle en a été jetée à la mer

GABRIELLE . Ah ! mon Dieu !

FERNAND .

Heureusement, une dame se baignait tout près de là ; Gabrielle , Fernand, Fayel .

(25)

elle a pu saisir Berthe et la ramener à terre . Le bruit que vous venez d'entendre , c'est celui de l'accueil fait par tous les enfants de la plage à leur petite amie , se chée et rhabillée .

GABRIELLE . Quelle est la dame qui l'a sauvée ?

FERNAND .

Une nouvelle venue d'hier soir ,une madame de Bar sanne .

FAYEL , vivement .

Madame de Barsanne ! ...Comment ! elle est ici ? GABRIELLE .

Vous la connaissez ?

FAYEL .

Certainement ... C'est -à- dire ... je la connais un peu . GABRIELLE .

Est- elle jolie ?

FAYEL .

Oh ! charmante ! ( A part . ) Ah ! madame de Barsanne est dans nos murs ... Est - ce que la fortune me ferait des avances ?

MADAME DE ROCHEPONT , de la porte de la galerie . Monsieur Fernand ! (Gabrielle remonte .)

FAYEL . On vous réclame , jeune homme.

FERNAND . Nous avons encore le feuilleton . Ah !

FAYEL . Est - il long , aujourd'hui?

(26)

FERNAND .

Douze colonnes ! Ah ! les journaux !... on se demande en les voyant comment les rédacteurs s'y prennent pour les remplir tous les jours .

MADAME DE ROCHEPONT , en dehors . Monsieur Fernand !

FERNAND . Voilà , madame , voilà . ( Il sort.)

FAYEL . C'est un pensum !

GABRIELLE , à Fayel.

Voyons , décidément , venez - vous ? ( Elle remonte vers la galerie . )

FAYEL , sans bouger de place .

Certainement que je viens . ( A part . ) Et personne pour m'arracher aux séductions de cette petite sirène ! ( Entre madame de Barsanne . Elle regarde derrière elle , comme

si elle craignait d'être suivie . ) MADAME DE BARSANNE , à part .

Quel contre - temps fâcheux ! Je croyais passer ici inaperçue , et voilà déjà l'attention fixée sur moi .

FAYEL . Madame de Barsanne !

SCÈNE VIII

FAYEL , GABRIELLE , MADAME DE BARSANNE . MADAME DE BARSANNE .

M. Fayel ! Tout Paris est à Yport .

1

(27)

ACTE I 29 FAYEL , à lui-même,

Ah ! pardieu , si celle - ci le voulait bien ... Au fait , pourquoi ne le voudrait - elle pas ? ( Allant saluer madame de Barsanne .) Vous ici , madame ?

MADAME DE BARSANNE . Depuis hier , monsieur .

FAYEL .

On me le disait à l'instant. Et à peine arrivée ... vous vous signalez par un trait ... Ah ! en l'apprenant , j'ai éprouvé une véritable ... ou plutôt un profond ...

MADAME DE BARSANNE , souriant.

Merci , monsieur , mais je crois savoir ce que vous m'allez dire . (Elle va s'asseoir près du piano .)

FAYEL , après un silence .

Ah ! si vous le savez ! ... il est inutile que je le répète . GABRIELLE , à la porte de la galerie .

Monsieur Fayel !

FAYEL , à part .

Ma foi, entre l'une qui me veut et l'autre qui ne me veut pas , le choix est facile à faire ... Mademoiselle nous allons attaquer le règne de Louis XIII .

( Au moment de sortir , il rencontre madame d'Augerolles . ) MADAME D'AUGEROLLES , entrant , agitée . Monsieur Fayel ! ...

FAYEL , Qu'y a - t - il ?

MADAME D'AUGEROLLES .

Savez- vous ?... pouvez - vous me dire ! ... ( Apercevant

*

Madame de Barsanne , Fayel .

2

(28)

madame de Barsanne.) Ah ! cette dame ... c'est elle , n'est ce pas ?

FAYEL .

Elle ?... Qui donc ? ( A lui - même . ) Ah ! le sauveteur ! ...

A madame d'Augerolles . ) Oui ... oui , c'est elle .

MADAME D'AUGEROLLES , courant à madame de Barsanue . Ahl madame , vous voilà !

(Fayel disparaît dans la galerie . )

SCÈNE IX

MADAME DE BARSANNE , MADAME D'AUGEROLLES . MADAME D'AUGEROLLES .

Qu'il me tardait de vous revoir ... de mettre vos deux mains dans les miennes ! ( Elle lui serre affectueusement les mains .) Tout à l'heure , dans mon trouble , à travers mes larmes , je n'ai pu vous remercier . Vous ne m'en voulez pas , j'espère ? J'en serais au désespoir ; car je vous dois la vie de ma fille .

MADAME DE BARSANNE , qui s'est levée .

Oh ! je l'ai simplement empêchée de se mouiller en la recevant dans mes bras . Le charmant oiseau est venu delui - même se poser sur moi .

MADAME D'AUGEROLLES .

Ne cherchez pas , je vous en prie , à diminuer le ser vice que vous m'avez rendu .

c

MADAME DE BARSANNE .

Non , vous dis -je ; à mon défaut, dix autres personnes l'eussent remise dans son nid .

(29)

MADAME D'AUGEROLLES , avec un reproche affectueux . Madame ... avez - vous donc peur de ma reconnais - sance ?

MADAME DE BARSANNE , lui tendant la main . C'est moi qui serais ingrate , alors . — Vous êtes ici depuis longtemps , madame ?

MADAME D'AUGEROLLES.

Un mois , je crois ; maisje ne vous avais pas encore vue .

MADAME DE BARSANNE . Je suis arrivée d'hier seulement .

MADAME D'AUGEROLLES , gaiement .

J'oublie que vous ignorez mon nom , je tiens à ce que vous le sachiez : Marie d'Augerolles. Est -ce indiscret de vous demander le vôtre ?

MADAME DE BARSANNE , après un moment d'hésitation . Nullement ... Marthe de Barsanne .

MADAME D'AUGEROLLES .

De Barsanne ? ... Il me semble que j'ai quelquefois entendu mon mari prononcer votre nom ... Êtes - vous aussi riche que moi , madame , avez - vous un enfant?

( Elles s'asseyent . )

MADAME DE BARSANNE , avec émotion . Oui ... oui , madame... une fille .

MADAME D'AUGEROLLES . Je la verrai , j'espère .

MADAME DE BARSANNE . Elle est au couvent .

(30)

MADAME D'AUGEROLLES .

Oh ! moi , je consentirais difficilement à me séparer de Berthe .

MADAME DE BARSANNE , embarrassée . L'éducation a des exigences ...

MADAME D'AUGEROLLES .

Celle de ma fille en souffrira peut - être , mais je souf frirai beaucoup moins , moi . Comment avez-vous pu vous décider ? ...

MADAME DE BARSANNE . Il m'a fallu céder à une volonté ...

MADAME D’AUGEROLLES . C'est différent. Vous habitez Paris ?

MADAME DE BARSANNE . Oui , madame .

MADAME D’AUGEROLLES .

Eh bien ! je ne comprends pas que j'en sois encore à vous connaître .

MADAME DE BARSANNE . Je vais si peu dans le monde .

MADAME D'AUGEROLLES . C'est tant pis pour le monde ...

MADAME DE BARSANNE . Je ne le pense pas .

MADAME D'AUGEROLLES .

Et moi , je l'affirme. ( Souriant .) Les jolies femmes sont moins communes que les laides ne voudraient le faire croire ; la beauté est loin de courir les rues , et l'on est coupable de ne pas vous traîner pieds et poings liés dans toutes nos réunions .

(31)

ACTE I

MADAME DE BARSANNE .

Est - ce que vous êtes très - mondaine , madame ? MADAME D’AUGEROLLES .

Je crois que oui ... Il faut bien suivre son seigneur et maître ,et M. d'Augerolles est d'une activité terrible ; mais je ne m'en plains pas : je m'efforce d'aimer tout ce qu'il aime , ses amis sont les miens , je m'intéresse à ses plaisirs , je tâche de prendre ses goûts , enfin je veux ...

je m'impose le devoir de faire mon bonheurdu sien . MADAME DE BARSANNE .

C'est agir sagement .

MADAME D’AUGEROLLES . C'est bien difficile quelquefois.

MADAME DE BARSANNE ..

Vraiment ?

MADAME D'AUGEROLLES .

Ne faut - il pas lui cacher avec soin le plus insuppor table des défauts ?

MADAME DE BARSANNE , souriant . Lequel , mon Dieu ?

MADAME D'AUGEROLLES .

Je suis jalouse . Oh ! sans raison aucune ; mais il pa . raît que c'est un effet qui peut se passer de cause .

MADAME DE BARSANNE , très - grave.

Croyez - moi , madame , combattez de toutes vos forces cette fâcheuse disposition .

MADAME D'AUGEROLLES .

C'est bien ce que je fais , et je suis la plus forte , Dicu merci ! J'ai tort de parler de cela ... mais quand une pensée vous obsède ...

(32)

1

LE CHEMIN RETROUVÉ MADAME DE BARSANNE .

Il faut la chasser , surtout si elle n'a pas de raison d'être . M. d'Augerolles doit vous aimer tendrement ?

MADAME D’AUGEROLLES .

Sans doute ... Mais enfin ... avant notre mariage, mon mari a suivi la loi commune ; il a aimé , avant de me connaître , d'autres femmes que moi ; je ne puis m'en étonner , je n'ai pas le droit de m'en plaindre , mais j'en souffre; cette pensée m'inquiète , m'irrite ; elle me conduit à croire qu'il en sera de l'avenir comme du passé , et qu'un jour peut - être , fatigué de mon amour , il ira chercher près d'une autre des distrac tions ...

MADAME DE BARSANNE , souriant .

Allons , allons , votre ciel est trop bleu , vous voulez absolument y placer un nuage .

MADAME D'AUGEROLLES .

Non ... Tenez , en ce moment , M. d'Augerolles est absent depuis quelques jours . Il est au Havre , où ila voulu voir lancer un navire ...

MADAME DE BARSANNE . Eh bien ?

MADAME D’AUGEROLLES .

Eh bien , il devrait être ici , il me l'avait promis , et ...

son retard me trouble ,

SCÈNE X

LES MÊMES, D'AUGEROLLES * . D'AUGEROLLES . Marie !

* Madame de Barsanne , madame d'Augerolles, d’Augerolles .

(33)

ACTE I

5

MADAME D'AUGEROLLES . Ab ! (Elle court se jeter dans ses bras .) C'est lui !

MADAME DE BARSANNE , à part.

M. d'Augerolles ! Dois -je rester ? ...

MADAME D’AUGEROLLES .

Six jours d'absence ! Savez - vous que je commençais à être inquiète .

D'AUGEROLLES .

Ne me dites pas cela , j'aurais trop de remords . MADAME D’AUGEROLLES .

Ils seraient inutiles : on ne vous en veut plus . Voyons , maintenant, ce lancement de navire, était-ce beau ?

D'AUGEROLLES .

Superbe ! ... Ah ! j'ai éprouvé une véritable émotion en voyant la Cléopâtre se débarrasser de ses étais et glisser sur son ber , - ça s'appelle un ber , pour plonger triomphante dans son élément .

MADAME DE BARSANNE , à part.

Que dit - il là ? Il se trompe ou il veut tromper . D'AUGEROLLES .

Vrai ! vous avez eu tort de ne pas m'accompagner.

MADAME D'AUGEROLLES . Mais vous ne me l'avez pas proposé .

D'AUGEROLLES . Vous croyez ?

MADAME D'AUGEROLLES .

J'en suis sûre ... Ah ! mauvaise mère que je suis , j'aurais dû commencer par vous dire ... Mon ami , un

grand malheur a failli nous arriver .

(34)

D'AUGEROLLES . Quel malheur ?

MADAME D'AUGEROLLES . Berthe est tombée à la mer.

D'AUGEROLLES . Est- ce possible !

MADAME D’AUGEROLLES .

Rien de grave n'en est résulté , grâce à madame , ( Présentant madame de Barsanne à son mari . ) qui l'a ramenée dans ses bras .

D’AUGEROLLES , šaluant, et surpris . Madame de Barsanne !

MADAME D'AUGEROLLES . Vous connaissez madame ?

D'AUGEROLLES , froidement .

Oui , oui ... j'ai cet honneur ... c'est - à - dire je connais M. de Barsanne .

MADAME D'AUGEROLLES .

C'est donc cela ... je ne me trompais pas . Eh bien ! mon ami , remerciez madame ; sans elle , c'était fait de notre pauvre Bertbe .

D’AUGEROLLES . Croyez , madame ...

MADAME DE BARSANNE .

Vos remercîments seraient de trop , monsieur ; j'ai déjà été payée ; une mère , vous le savez , s'exagère tou jours le danger de son enfant ; l'accident de mademoi selle Berthe n'a rien été ; c'est à peine si elle a été mouillée .

(35)

ACTE I

D'AUGEROLLES, embarrassé . Je n'en suis pas moins reconnaissant ...

MADAME D'AUGEROLLES .

Certainement , la dette n'est pas éteinte , et je ne l'oublierai pas , je vous le promets .

MADAME DE BARSANNE , saluant.

Madame ...

MADAME D'AUGEROLLES . Vous me quittez ?

MADAME DE BARSANNE . Je vous laisse avec Monsieur d'Augerolles .

MADAME D'AUGEROLLES .

Mais voilà nos relations établies ... nous nous verrons tous les jours , n'est - ce pas ?

MADAME DE BARSANNE .

Puisque vous le désirez , madame, j'aurai l'honneur de vous revoir . ( Elle serre la main de madame d'Augerolles et sort . )

SCÈNE XI

MADAME D’AUGEROLLES , D'AUGEROLLES.

D'AUGEROLLES , contrarié . Vous tenez à revoir cette dame ?

MADAME D'AUGEROLLES . Sans doute .

D'AUGEROLLES . Mais je n'y tiens pas du tout , moi .

3

(36)

MADAME D'AUGEROLLES . Après ce qu'elle vient de faire pour nous ?

D'AUGEROLLES .

Ahl je regrette vivement de lui devoir quelque chose ; et malgré toute la reconnaissance que vous pourriez avoir , je vous prie , je vous supplie de ne plus vous oc cuper d'elle et de la laisser ... où tout le monde la laisse .

MADAME D'AUGEROLLES.

Et pourquoi donc , mon ami ? D’AUGEROLLES .

Pourquoi ? ... pourquoi ? allez le demander à M. de Bar sanne , de qui elle est séparée depuis quatre ans .

MADAME D’AUGEROLLES . Séparée !

D’AUGEROLLES .

Isolement très - grave. Elle n'a plus de répondant de vant le monde, ses fautes lui deviennent entièrement personnelles ; la loi lui défend d'en faire payer la moitié à son mari .

MADAME D’AUGEROLLES , s'asseyant.

Ah ! me voilà toute triste de ce que j'apprends . Vous le connaissez , son mari ?

D'AUGEROLLES . Beaucoup .

MADAME D'AUGEROLLES . Je vous en ai à peine entendu parler .

D'AUGEROLLES .

Nous nous voyons si rarement . A l'époque de notre mariage , Barsanne était déjà retiré dans ses terres , où il éprouvait le besoin de se faire oublier ... Il avait trop

(37)

ACTE I

aimé ... les arts ... les chevaux , les ... enfin , il a aimé beaucoup de choses , et ses goûts , très - variés , ont dé rangé sa fortune.

MADAME D’AUGEROLLES .

Dites tout simplement que c'est un mauvais sujet . D'AUGEROLLES .

Ah ! tout de suite , voilà le grand mot ! MADAME D’AUGEROLLES .

Il est juste . Après avoir vu madame de Barsanne , je ne doute pas que son mari n'ait eu les premiers torts .

D’AUGEROLLES . C'est possible .

MADAME D'AUGEROLLES , vivement, se levant.

Vous en convenez ?

D’AUGEROLLES .

Oui ; mais les torts de l’un n’excusent pas la conduite de l'autre .

MADAME D'AUGEROLLES .

Ils l'expliquent du moins , s'ils ne l'atténuent . D'AUGEROLLES .

Ah ! ça , chère amie , où irions - nous s'il fallait rendre injure pour injure ? La loi du talion est harbare .

MADAME D’AUGEROLLES .

C'est toujours ce que disent ceux qui ont commencé . Une femme , à votre avis , ne doit que l'indulgence aux fautes de son mari ?

D'AUGEROLLES .

Ma chère , l'homme qui trompe sa femme agit mal , très - mal , mais il en est le premier puni .

(38)

1

1 MADAME D'AUGEROLLES .

Voudriez - vous être assez bon pour m'expliquer cela .

D'AUGEROLLES .

C'est bien simple ... Il en est puni par ses remords , par le chagrin qu'il doit ressentir de sa ... légèreté . Les femmes sont singulières ; elles croient toujours qu'on les trompe pour le plaisir de les tromper ; mais ce n'est pas ça du tout ; souvent c'est la fatalité, c'était écrit !

MADAME D’AUGEROLLES .

Il me semble que les femmes pourraient aussi invo quer ce fatalisme.

D'AUGEROLLES .

Ah ! permettez , c'est bien différent ! Leur éducation , leur rôle dans la famille , nos mours ...

MADAME D'AUGEROLLES . Oui ... vos mours !

D'AUGEROLLES . Là ! lå ! l'ange se révolte ?

MADAME D’AUGEROLLES .

C'est que jene puis tolérer chez l'homme ce que je déteste chezla femme : la mauvaise foi, le mensonge . Vous ne voulez pas qu'on vous trompe , et vous avez rai son ; mais pourquoi trompez - vous ?

D'AUGEROLLES . Moi ?

MADAME D'AUGEROLLES .

Je m'adresse à M. de Barsanne . De quel droit de mande -t - il ce qu'il a refusé ? Pourquoi veut- on qu'une femme s'incline devant un juge qui sourit quand elle se plaint , et qui la condamne infailliblement dès qu'elle est coupable ?

(39)

ACTE I D’AUGEROLLES .

Madame , ce sont nos pères qui ont fait le code . MADAME D’AUGEROLLES .

Nos mères s'en sont bien aperçues , monsieur ! D'AUGEROLLES .

Enfin , chère amie , il faut se soumettre aux lois du monde . Tenez , vous allez en juger . Voilà un grain qui fait rentrer les baigneurs , il y aura là vingt femmes qui connaissent madame de Barsanne , comptez celles qui vont l'aborder .

( Il offre une chaise à sa femme, à la gauche du salon , et se tient debout auprès d'elle . )

SCÈNE XII

LES MÊMES , MADAME DE ROCHEPONT , GABRIELLE , FER NAND , FAYEL , DE LAVERDAC * . Des baigneurs et des bai . gneuses entrent dans le salon .

( Madame de Rochepont va s'asseoir près d'une table, à droite , du côté opposé à madame d'Augerolles .)

FAYEL , à Fernand . Enfin , il est lu ce journal ?

FERNAND .

Jusqu'aux annonces, exclusivement ; on a bien voulu m'en faire grâce.

GABRIELLE .

La politique s'embrouille -t - elle , M. Fernand ?

* D'Augerolles , madame d'Augerolles , Gabrielle , Fernand , Fayel, madame de Rochepont .

(40)

LE CHEMIN RETROUVÉ FERNAND .

Est- ce que je le sais , mademoiselle . GABRIELLE .

Vous venez de lire les journaux pourtant . FERNAND .

Oui , j'ai lu ... mais je ne m'écoutais pas .

( La conversation s'engage à voix basse dans ce groupe . Madame de Barsanne, suivie de sa femme de chambre qui porte un chale et des objets de voyage , paraît au fond .)

SCÈNE XIII

LES MÊMES, MADAME DE BARSANNE * . MADAME DE BARSANNE , à sa femme de chambre . Pauline , restez dans la galerie ; j'attendrai ici l'heure du départ . ( Elle reste quelques instants encore sous la galerie . )

FAYEL , à madame de Rochepont.

Madame de Barsanne !

MADAME DE ROCHEPONT . Vous la connaissez ?

FAYEL . Oui , oui , une femme adorable .

MADAME DE ROCHEPONT .

Adorable ... parce qu'elle se laisse adorer . Comment ose - t - elle se présenter ici ? quand on est aussi compro mise !

* D’Augerolles, madame d'Augerolles, Gabrielle, Fernand , La verdac, madame de Rochepont, Fayel .

(41)

FAYEL . Oh ! elle pourrait l'être davantage .

MADAME DE ROCHEPONT . Vous êtes exigeant en fait de scandale.

D’AUGEROLLES , à sa femme . Écoutez , chère amie .

FAYEL .

Après tout , elle n'a déraillé qu'une fois.

MADAME DE ROCHEPONT .

A quel chiffre faut - il que cela arrive pour éveiller votre susceptibilité ?

GABRIELLE , qui s'est rapprochée et a pris un journal . Madame de Barsanne a déraillé , maman : est- ce en venant ici ?

MADAME DE ROCHEPONT .

Gabrielle , vous pourriez vous dispenser d'écouter ma conversation quand je cause avec ces messieurs .

GABRIELLE , retournant à gauche.

C'est insupportable ! Je passe mon temps à ne pas écouter ce qu'on dit à maman, et à ne pas comprendre ce qu'on me dit .

MADAME DE BARSANNE , elle se dirige du côté de madame d'Au gerolles et s'arrêté en remarquant l'attitude du mari . A part .

Ne nous imposons pas . Elle se rapproche de la table où est assise madame de Rochepont, et , sans la remarquer, s'assied aussi de l'autre côté .)

(42)

MADAME DE ROCHEPONT , suffoquée, à Fayel * . Eh bien ! Que fait - elle donc ? Croit - elle , par hasard , que je vais la chaperonner ?

( Elle se lève indignée. Madame de Barsanne se retourne, sa figure s'altère . Gabrielle , qui est près de madame d’Augerolles , voyant sa mère se lever , veut aller à elle , madame de Rochepont. l'ar réte du geste .)

MADAME DE ROCHEPONT , à haute voix .

Gabrielle ! ... restez où vous êtes , je vous défends de venir ici . ( Tous les regards se dirigent sur madame de Par sanne .)

FAYEL , à part.

On établit le cordon sanitaire .

D'AUGEROLLES , à sa femme . Profitez, chère amie , profitez.

( Les femmes se sont éloignées de madame de Barsanne, quelques hommes la regardent curieusement.)

MADAME D'AUGEROLLES , se levant **, à madame de Rochepont qui est passée près d'elle .

Mais , madame, c'est une insulte . MADAME DE ROCHEPONT . J'appelle cela le châtiment , moi !

FAYEL .

Et il appartient aux belles âmes de jeter la première pierre .

MADAME DE ROCHEPONT . La charité veut qu'on chasse du troupeau ...

* D’Augerolles, madame d’Augerolles , Gabrielle , Fernand , ma dame de Barsanne, madame de Rochepont, Fayel .

D’Augerolles, madame d'Augerolles , madame de Rochepont, Favel, madame de Barsanne .

**

(43)

ACTE I

MADAME D'AUGEROLLES . Oh ! ne prononcez pas le mot de charité .

MADAME DE ROCHEPONT . Pourquoi donc ?

MADAME D'AUGEROLLES .

Le premier qui s'en est servi , relevait au lieu d'a baisser .

D'AUGEROLLES . Marie !

MADAME DE ROCHEPONT , ironiquement.

Il faut sans doute que je retourne m'installer auprès d'elle ?

MADAME D'AUGEROLLES .

Non , madame , c'est inutile . ( Elle passe vivement du côté de madame de Barsanne * . ) Voulez - vous me permettre , ma dame , de m'asseoir auprès de vous ?

D'AUGEROLLES , avec irritation . Toujours la même ! (il remonte . )

MADAME DE ROCHEPONT . C'est de la démence !

FAYEL .

La folie de la générosité . ( Chuchotements dans le salon .) MADAME DE BARSANNE , très - émue .

Merci ... je n'oublierai jamais ce que vous faites - là . D’AUGEROLLES s'est approché de sa femme et lui dit à mi - voix .

En quoi , Marie , malgré ma prière , ma défense ...

* R

D’Augerolles , madame de Rochepont , Fayel , madame de Bar sanne, madame d'Augerolles .

Madame de Rochepont, Fayel , madame de Barsanne, madame d'Augerolles, d'Augerolles .

3 .

(44)

CHEMIN RETROUVÉ MADAME D'AUGEROLLES .

Oui , malgré votre défense , je viens au secours d'une femme à qui nous devons bien quelque chose , il me semble .

D'AUGEROLLES .

Mon Dieu , qui le nie ? Mais est- ce une raison pour se compromettre avec elle ? Notre séjour ici va devenir insupportable .

MADAME D’AUGEROLLES . Si vous le désirez , allons ailleurs . (Elle se lève .)

D’AUGEROLLES .

Soit , partons aujourd'hui. Et je vais brusquer les adieux . (Allant à madame de Barsanne .) Nous allons avoir le regret , madame , de vous quitter plus tôt que nous le pensions .

MADAME DE BARSANNE . Ah ! vous partez ?

D'AUGEROLLES . Nous allons au Havre .

MADAME DE BARSANNE ,étonnée . Au Havre ?

D'AUGEROLLES .

Des amis nous y attendent ; mais je n'ai pas voulu m'éloigner sans vous assurer encore de notre gratitude pour le service que vous nous avez rendu .

( Madame d’Augerolles remonte .)

MADAME DE BARSANNE , se levant et pesant ses mots . Monsieur , c'est ... pour le Havre que vous quittez Y port ?

D'AUGEROLLES.

Oui , madame , oui .

(45)

MADAME DE BARSANNE , à voix basse et avec intention . Croyez -moi, monsieur , n'y allez pas .

D'AUGEROLLES , étonné.

Pourquoi ?

MADAME DE BARSANNE . Vous y courrez un danger .

D'AUGEROLLES . Un danger ?

MADAME DE BARSANNE . On doit y lancer dimanche la Cléopâtre.

D'AUGEROLLES , étourdi . Hein ! vous dites ?... mais ... j'ai vu ... hier...

MADAME DE BARSANNE .

Vous vous êtes trompé ... La cérémonie a été remise ...

J'arrive du Havre .

D'AUGEROLLES , se parlant à lui - même . Ah ! diable ! ... que faire ?

MADAME DE BARSANNE . Vous pouvez rester ici ... j'ai compris .

MADAME D'AUGEROLLES , qui s'est rapprochée, inquiète * . Eh bien ?

D'AUGEROLLES , très - embarrassé . Eh bien , ma chère amie , je ... nous ...

MADAME DE BARSANNE . Vous restez à Yport , madame.

D'AUGEROLLES . Oui ... oui , chère amie .

Madame de Barsanne , d'augerolles, madame d'Angerolles ,

(46)

MADAME D'AUGEROLLES . Comment ?

MADAME DE BARSANNE . Mais moi , je pars .

MADAME D'AUGEROLLES . Ah ! ...

MADAME DE BARSANNE . A l'instant .

MADAME D'AUGEROLLES .

Pauvre femme ! ... ( Avant vivement à madame de Barsanne qui s'est dirigée vers la galerie * . ) Je veux encore vous serrer la main , madame , et vous dire : A bientôt !

MADAME DE BARSANNE , souriant tristement, A bientôt !

FAYEL , à Laverdac.

Comprends - tu ?

DE LAVERDAC .

D'Augerolles n'est pas allé au Havre, il est resté à Trouville avec la Boccarelli .

FAYEL . Bah !

DE LAVERDAC .

On vient de me le dire . C'est un ménage qui s'écroule . FAYEL .

J'entends , et tu veux spéculer sur les démolitions !

* Madame de Rochepont, Gabrielle , Fernani), d'Angerolles, ma dame de Barsanne , madame d'Augerolles , Fayel, Laverdac.

FIN DU PREMIER ACTE

(47)

UN SALON D'ÉTÉ CHEZ MADAME D’AUGEROLLES, A VILLENEUVE

Cheminée et canapé à gauche. Fenêtre et table à droite . Portes au fond et dans les angles .

SCÈNE PREMIÈRE

MADAME D’AUGEROLLES * . ( Elle entre par la gauche.) UN DOMESTIQUE.

LE DOMESTIQUE , paraissant au fond . Madame!

MADAME D'AUGEROLLES . Que me voulez - vous ?

LE DOMESTIQUE . On apporte des fleurs pour madame ,

MADAME D’AUGEROLLES . Qui les envoie ?

LE DOMESTIQUE . On n'a donné aucunnom .

MADAME D’AUGEROLLES .

Je les refuse . Dites qu'on les remporte . ( Le domestique sort.) Encore M. de Laverdac! M'accablera -t - il toujours

$

Un domestique , madame d'Augerolles .

(48)

de ses obsessions ? Des fleurs ! ... des lettres ! ... J'avais fini par m'en débarrasser à Y port , mais il semble que mon mari prenne à tâche de le ramener ici . M. d'Au gerolles est donc bien préoccupé ailleurs qu'il ne voit pas ce qui se passe chez lui ... Ah ! pourquoi le nom de cette cantatrice m'est - il si souvent répété ? ... La cruelle chose que le doute .

( Elle s'assied à gauche .

1

1 1 SCÈNE II

MADAME D'AUGEROLLES , FERNAND , en élégant costume de ville .

FERNAND , entrani.

Bonjour, petite smur ; encore l'air chagrin ? Elle ne finira donc jamais, cette vilaine mélancolie ?

1

MADAME D’AUGEROLLES . Tu te trompes . Je suis gaie .

FERNAND .

Cette gaieté - là a bien envie de pleurer . MADAME D'AUGEROLLES . Où vois - tu cela ?

FERNAND .

Dame ,ma sour , dans tes yeux . Depuis notre retour de la mer , je ne crois pas t'avoir vu rire une seule fois . As - tu des motifs de chagrin ?

MADAME D'AUGEROLLES . Aucun .

(49)

II 51 FERNAND .

Eh bien ! alors , amuse - toi. Tiens , tu as aujourd'hui une belle occasion , viens aux courses .

MADAME D'AUGEROLLES . Non , merci .

FERNAND .

Tu n'es guère curieuse . Une course de haies des plus importantes : un match entre gentlemen , et d'Auge rolles pour monter Titan ... Titan ! ... tu sais ?

MADAME D’AUGEROLLES , indifférente . Oui.

FERNAND .

La route est déjà encombrée d'équipages ... et je viens tout à l'heure de voir passer une femme... qui ne passe pas inaperçue ... celle -là !

MADAME D’AUGEROLLES . Ah !

FERNAND

Quatre grands chevaux ! ... Plus haut que ça ... deux petits jockeys, pas plus hauts que ça ... Il paraît que c'est une cantatrice... qui ne chante pas, mais qui n'en gagne que plus d'argent ... Et quelle livrée ! ...

MADAME D'AUGEROLLES , vivement.

Bleue ?

FERNAND .

Oui , très - clair ... Tiens ! comment le sais - tu ? MADAME D'AUGEROLLÉS . Et sur le panneau de la voiture , un B ?

FERNAND . Immense ... comme une enseigne .

(50)

MADAME D'AUGEROLLES . Mademoiselle Boccarelli .

FERNAND .

Juste ! voilà le nom . Ton mari dit qu'elle a un talent énorme .

MADAME D'AUGEROLLES . S'il le dit , ce doit être ; il s'y connaît .

FERNAND .

Fayel assure que c'est une étoile de première gran deur . Ses yeux aussi sont de première grandeur ; quand elle m'a regardé en passant , j'ai été ébloui . On devrait défendre aux femmes de regarder comme ça ; c'est vrai, on n'est plus en sûreté à sa fenêtre .

UN DOMESTIQUE , annonçant.

M. Fayel !... M. de Laverdac !

MADAME D’AUGEROLLES , à part .

Toujours lui ! (Haut .) Priez M. de Laverdac d'entrer chez mon mari . Fernand , tu recevras M. Fayel .

( Elle sort par la gauche.)

SCÈNE III FERNAND , FAYEL .

FERNAND .

M. Fayel! En voilà une corvéel ( Entre Fayel.) Mon sieur , on me charge de vous recevoir , je vous en de mande pardon .

FAYEL , toisant Fernand .

Vous êtes tout pardonné , jeune homme . Diable ! ... je

(51)

53 ne remarquais pas votre nouvel uniforme. Tenue irré prochable . Quand vos professeurs vous rencontrent , ils ne doivent pas vous reconnaître ... Nous sommes donc toujours en froid ? Mais pourquoi m'en voulez - vous , puisque je n'épouse plus mademoiselle de Rochepont ?

FERNAND . Bien vrai,vous avez renoncé ?

FAYEL .

Complétement . Je suis , à cette heure , cuirassé contre sesattaques.

FERNAND .

Ses attaques ? ... Voulez - vous dire que mademoiselle Gabrielle se jette à votre tête ?

FAYEL .

Non ... non ... chère petite ! ... Elle ne se jette pas ...

on la jette.

FERNAND . On sollicite peut- être votre main ?

FAYEL . Cela y ressemble.

FERNAND .

Madame de Rochepont vous veut pour sa fille ? FAYEL .

C'est une femme de tant de goût ! FERNAND . Vous vous vantez .

FAYEL .

En aucune façon ; mais mon heure n'est pas encore venue , jeune homme , les destins ont parlé : je ne dois descendre dans le mariage qu'après avoir troublé le caur de quelque grande dame.

(52)

FERNAND .

Ce qu'on m'a dit est donc vrai ? ... Madame de Bar sanne vous occupe ?

FAYEL , avec fatuité, Comment la trouvez - vous ?

FERNAND . Très - belle . On en dit du bien ? FAYEL . A beaucoup de points de vue .

FERNAND .

Bonne chance ! mais n'allez plus chez madame de Ro chepont .

FAYEL .

J'en suis déjà à me demander le nom de sa rue . FERNAND , se frottant les mains .

Et ce n'est pas moi qui vous le dirai . Bravo ! j'ai le champ libre ! ... Vous vous dérobez et je cours tout seul ; si je ne gagne pas le prix , je serai bien maladroit ... Oh ! Gabrielle ! si charmante , si belle , si fraîche , si poétique , si ... si ...

FAYEL .

Vous trouverez l'épithète plus tard , et votre com position sera sans faute .

FERNAND .

Oh ! oui ... je la trouverai ! ... N'est- ce pas , Gabrielle , que tu seras à moi ?

PAYEL La ! La !

FERNAND .

Ne m'arrêtez pas ! ... Quand je sortirai de l'église avec cet ange au bras, moi fier, triomphant, exaltél ...

(53)

elle émue , palpitante , baissant ses beaux yeux sous les miens , et se rapprochant de moi pour mieux me faire sentir les battements de son coeur ! ... Ah ! cher ami , comprenez - vous ? ... Son coeur ! ...

FAYEL . Oui , oui ... je m'en fais une idée .

FERNAND . Ce n'est pas tout .

FAYEL . C'est assez .

FERNAND .

Pardon . Nous montons en voiture ; nous partons pour ce beau voyage , pour ce pays enchanté de l'amour d'où nous ne reviendrons jamais ! En deux tours de roue , notre chaise de poste nous dépose à la porte d'un petit cottage ravissant , une main invisible nous ouvre la grille du jardin . Gabrielle a peur , je la rassure ...

FAYEL , exaspéré .

Mais , petit malheureux , vous voulez donc que je re tourne chez madame de Rochepont ?

FERNAND .

Au contraire, je ne le veux pas du tout . FAYEL .

Taisez - vous alors , et faites - moi grâce de vos ta bleaux ... vivants !

FERNAND .

C'est vrai, j'ai tort . Vous n'auriez qu'à ...

FAYEL . Ce serait votre faute .

LE DOMESTIQUE , annonçant.

Madame et mademoiselle de Rochepont!

(54)

FERNAND . FAYEL . L'ennemi! tenons - nous bien . FERNAND . J'aurai l'eil sur vous ,

SCÈNE IV

LES MÊMES , MADAME DEROCHEPONT, GABRIELLE * . MADAME DE ROCHEPONT .

On nous avait dit que madame d'Augerolles était chez elle . Elle va aux courses , sans doute , et nous venions la prendre .

FERNAND . Ma soeur est un peu fatiguée.

MADAME DE ROCHEPONT . Ah ! c'est fåcheux !

FAYEL , saluant . Madame ...

MADAME DE ROCHEPONT , se retournant.

Hein ? ( Lorgnant .) Monsieur Fayel, je crois . FAYEL .

Me feriez - vous l'injure d'en douter , madame ? MADAME DE ROCHE PONT.

Il y a si longtemps que je n'ai eu le plaisir de vous voir , que je commençais à oublier votre figure.

* Fayel , madame de Rochepont, Gabrielle , Fernand .

(55)

ACTE II 57

11

GABRIELLE .

Oh ! moi , j'ai bien reconnu monsieur tout de suite . MADAME DE ROCHEPONT .

Gabriellel...

GABRIELLE . Oui , maman .

FERNAND , saluant Gabrielle . Mademoiselle ...

GABRIELLE .

Ah ! par exemple , Monsieur Fernand a grandi consi dérablement .

FAYEL . Oui , oui , il a bien vieilli en un mois .

FERNAND . J'ai fait comme vos plaisanteries .

GABRIELLE , se mesurant avec Fernand . A Yport , vous me veniez là .

( Les dames s'asseyent .) MADAME DE ROCHEPONT .

Ainsi , monsieur Fayel , c'est un parti pris de délaisser vos amis ?

FAYEL . Ah ! madame !

compter

MADAME DE ROCHEPONT .

J'ai du monde chez moi jeudi prochain ; il s'agit d'un entretien littéraire, d'une espèce de lecture ; puis - je

sur vous ?

FAYEL * . En douter serait me faire offense ..

Fernand , Fayel, madame de Rochepont , Gabrielle .

(56)

FERNAND , bas à Fayel.

Eh bien ! et votre engagement avec moi ? FAYEL , de même.

C'est le bon ; je le tiendrai , celui - là . FERNAND , àpart.

Mais je veux qu'on m'invite aussi . MADAME DE ROCHEPONT .

Il est inutile de vous dire que cette conférence sera de la dernière moralité .

FERNAND . Tant mieux .

FAYEL .

Ne craignez rien , je serai préparé ;je m'entraînerai s'il le faut .

MADAME DE ROCHEPONT . Toujours étincelant .

FERNAND . Je ne trouve pas , moi .

MADAME DE ROCHEPONT .

Si ... si ... ( Se rapprochant de Fayel et souriant finement.) A propos de ces lectures , croiriez - vous que dernièrement , chez la comtesse de Bourqueville ... Gabrielle !

GABRIELLE , s'éloignant . Oui , maman .

MADAME DE ROCHEPONT .

M. du Martroi s'est avisé de nous lire un chapitre des Confessions de Rousseau , dans lequel le mécréant ra conte qu'il a jeté des prunes à deux sottes créatures , du haut d'unarbre .

(57)

ACTE II

Non ,maman, c'était des cerises.

Bravo !ma

demoiselle

a le respectdu texte . GABRIELLE , se retournant vivement .

FAYEL , riant * .

MADAME DE ROCHEPONT .

Comment , Gabrielle , vous vous êtes permis d'écouter cette lecture malgré ma défense ?

GABRIELLE . Je ne l'ai pas fait exprès , maman .

FAYEL . On entend souvent malgré soi .

GABRIELLE . Oh ! moi , toujours.

MADAME DE ROCHEPONT , contrariée.

En voilà assez . - Vous allez à cette course , Monsieur Fayel ?

FAYEL . Oui , madame .

MADAME DE ROCHEPONT . Ce sera effrayant, m'a - t - on dit .

FAYEL .

Il est question de barrières à franchir, d'une hauteur insensée .

MADAME DE ROCHEPONT .

Quelqu'un va encore se tuer . On devrait laisser ces exercices aux clowns ; au moins ceux - là ... ils en vivent ...

Fernand, madame de Rochepont, Fayel, Gabrie! le :

(58)

FAYEL . C'est un mot ;vous me le donnez ?

MADAME DE ROCHEPONT , flattée . Donne - t - on à plus riche que soi ?

FERNAND . Bravo ! bravo !

FAYEL . Merci.

( On s'assied . ) GABRIELLE .

Oh ! que j'aurai peur , mais comme ce sera amusant ! Vous ne courez jamais , monsieur Fayel ?

FAYEL .

Jamais , mademoiselle ; je ne tiens pas à m'éparpiller sur le turf .

GABRIELLE . Et vous , monsieur Fernand ?

FERNAND . Oh ! moi , je courrai , mademoiselle !

GABRIELLE .

Ce doit être charmant de se sentir emporté par son cheval , de s'élancer , de fendre l'air , de bondir par des sus les obstacles en fermant les yeux ; ah ! j'en devien drais folle de plaisir !

FAYEL .

Peuh ! je me suis senti emporté deux ou trois fois par mon cheval, moi , et le plaisir que j'en éprouvais était bien påle ; et cependant je fermais les yeux .

(59)

ACTE II

MADAME DE ROCHEPONT .

Monsieur Fayel, je vous offre une place dans ma ca lèche,

FAYEL , à part . Nous y voilà .

FERNAND , bas * . Refusez.

FAYEL , de même.

Parbleu ! mais le moyen ?

MADAME DE ROCHEPONT . Vous acceptez ?

FAYEL . C'est - à -dire ...

(On se lève .) FERNAND .

Monsieur Fayel est bien embarrassé , madame; il lui faut refuser votre offre.

MADAME DE ROCHEPONT . Ah !

FERNAND .

Il est venu ici accompagné de Monsieur de Laverdac pour régler avec d'Augerolles une affaire importante ...

un pari ... grave , et ces deux messieurs ont besoin de ses conseils .

FAYEL , à part .

Tiens , tiens ! Il mentira très - bien ce garçon - là . FERNAND .

Mais moi , madame , je ne parie pas ... ce ne serait pas de mon âge . N'est - ce pas , cher ami ? Et si vous dai

. Madame de Rochepont , Fayel, Fernand, Gabrielle . Fayel, madame de Rochepont, Fernand , Gabrielle .

4

(60)

CHEMIN RETROUVÉ

gniez m'accorder la place que Monsieur Fayel ne peut accepter , je vous en serais très - reconnaissant .

FAYEL , à part.

Il me donnerait envie de monter dans la calèche . MADAME DE ROCHEPONT .

Si effectivement Monsieur de Laverdac , - justement , le voici , - a besoin de conférer avec Monsieur Fayel ...

FERNAND , bas à Fayel.

Diable ! Faites - le mentir aussi , lui . FAYEL , bas.

Cela me regarde . (Haut .) Oui ... oui ... madame , mes lumières sont réclamées par cet excellent ami ... qui ne peut rien faire sans moi ; n'est - ce pas , cher ami , tu ne peux rien faire ...

LAVERDAC . Tout ce que tu voudras .

MADAME DE ROCHEPONT .

Je n'insiste plus ... Vous viendrez avec nous , mon sieur Fernand .

FERNAND , à part.

Allons donc !

MADAME DE ROCHEPONT . Dounez - moi le bras . Gabrielle , passez devant.

FERNAND . Adieu , cher .

FAÏEL , à Fernand , à demi- voix . Est - ce que vous allez louer le cottage ?

$

Fayel, Fernard, madame de Rochepont, Laverdac, Gabrielle.

(61)

FERNAND . Peut - être ! - Good bye , dear !

(Madame de Rochepont a pris le bras de Fernand et sort avec lui.

Gabrilele les précède.)

SCÈNE V FAYEL , DE LAVERDAC .

FAYEL .

Petit sournois ! ... L'esprit lui vient comme aux filles ... Il finira par l'avoir ... sa Gabrielle ... Était - elle assez charmante ? ... Quel éclat ! quelle sève !... C'est une rose de seize ans ... en supposant que les roses de cet åge aient encore beaucoup de fraîcheur .

LAVERDAC . Ah çà ! que machines - tu ?

FAYEL .

Je me défends! Le gouffre du mariage s'ouvre sous mas pas , il demande une victime , j'y jetterai quel qu’un , mais ce ne sera pas moi .

LAVERDAC . C'est charitable .

FAYEL .

Je ne suis pas fait pour jouer les Curtius . Mais est- ce que tu es menacé aussi , toi ? ...Quel air triste ! ...

LAVERDAC . Moi ? ... Non ! ...

FAYEL . Tu viens de voir d'Augerolles.

(62)

CHEMIN RETROUVÉ LAVERDAC . Oui .

FAYEL .

Il est toujours décidé à monter ce cheval ? LAVERDAC .

Toujours .

FAYEL . C'est absurde.

LAVERDAC .

Il le faut bien . Titan et lui sont à la Boccarelli , et tous deux doivent aider leur maîtresse à gagner la somme folle qu'elle a engagée contre Marcomir à ma dame Clara d'Orviedo .

FAYEL * . Si madame d'Augerolles apprenait ...

LAVERDAC , amèrement.

Est - ce que cela l'empêcherait d'aimer son mari ? Elle a su la vérité sur ce prétendu voyage au Havre ; qu'en est - il résulté ? Rien .

FAYEL .

Elle ne l'a pas sue tout entière , puisqu'elle ignore la part qu'y a prise mademoiselle Boccarelli.

LAVERDAC .

Elle aime son mari, fatalement, te dis -je, quoi qu'il fasse, quand même , et elle l'aimera toujours ... comme je l'aime , elle ... sans espoir , sans issue possible à cet

amour qui me brûle , qui me déchire le cour . FAYEL .

Aussi tu devrais y renoncer .

* Laverdac, Fayel.

(63)

ACTE II LAVERDAC * .

Je l'ai essayé souvent ; c'est au - dessus de mes forces . Ses dédains irritent ma passion , sa froideur m'exalte , je deviens fou !... Il y a des moments où je me sens ca pable de choses qui m'effraient moi -même ... Ah ! mon pauvre Fayel, je suis bien las de la vie , va !

( Ils s'asseyent .) FAYEL .

Veux - tu bien te taire ... Tiens , à ta place ...

LAVERDAC . A ma place tu ferais comme moi .

FAYEL .

C'est probable ; mais comme je n'y suis pas , je vais te donner un conseil qui vaut son pesant d'or .

LAVERDAC . Pour me faire aimer d'elle ?

FAYEL . Non ; pour arriver à l'oublier .

LAVERDAC .

Garde - le , alors , je n'en veux pas . Je préfère ma dou leur à l'oubli .

FAYEL .

C'est insensé ! On ne dit ces choses - là que dans les romances .

LAVERDAC . Ah ! tu ne comprends rien à l'amour .

FAYEL .

Si tu crois que je le regrette en te voyant... Enfin , que prétends - tu faire ?

* Fayel, Laverdae .

A.

(64)

LAVERDAC .

Est - ce que je le sais ! Je ne prends même plus la peine de former un projet . Il n'y a qu'une chose que je veuille : la revoir , lui parler ; mais cela , je le veux ab solument, et il faudra bien qu'elle me reçoive .

( Ils ze levent.) FAYEL * . Si elle refuse ?

LAVERDAC , sombre . Si elle refuse ...

FAYEL , Oui.

LAVERDAC . Nous verrons , alors .

FAYEL . Quoi ?

LAVERDAC . Ce que l'avenir me garde .

FAYEL .

Je vais te le dire , moi . Tu prendras un train quel conque et tu iras un peu partout demander l'oubli aux jolies femmes que tu rencontreras sur ta route . Tu

verras qu'elles ne te le refuseront pas . LAVERDAC .

Oui , je ferai cela ... ou autre chose . ( Faisant un pas vers la porte .) Viens- tu ? Tu me tiendras compagnie , tu m'ai deras à tuer le temps .

FAYEL .

Ces premiers rôles , comme ils abusent des confi dents ! Il ne leur viendrait jamais à l'idée de dire : - Mon bon Pylade , viens , je te tiendrai compagnie ; non , c'est toujours : Tu me tiendras ... Soit ... « Passez

(65)

ACTE II

devant, seigneur , votre esclave vous suit . » ( Regardant dehors . ) Madame de Barsanne ! Ah ! diable ! je ne suis plus , je demeure . ( A Laverdac .) < Retirez - vous , Pylade , et gardez qu'on nous trouble * ! »

LAVERDAC . Je ne parie pas pour toi , tu sais .

FAYEL . Mais moi , je tiens tout.

SCÈNE VI

LES PRÉCÉDENTS, MADAME DE BARSANNE** .

MADAME DE BARSANNE .

Monsieur de Laverdac ( A part. ), ici ! (Haut.) Est- ce que madame d'Augerolles n'est pas chez elle ?

LAVERDAC .

Oh ! madame , elle y sera certainement pour vous . ( 11 salue et sort *** . )

FAYEL , à part.

Un tête - à -tête ! Oh ! Vénus ! sois - moi propice , et je te sacrifie deux colombes ! ( IIaut.) Madame d'Augerolles va venir dans un instant. Si vous le permettez , j'aurai l'honneur de vous tenir compagnie. ( A part. ) Soyons brillant

( Ils s'asseyent . )

* Fayel , Laverdac .

Fayel, Laverdac , madame de Barsanne .

*** Madame de Barsanne, Fayel . Fayel, madame de Barsanne.

(66)

MADAME DE BARSANNE .

Je craignais de ne pas trouver madame d'Augerolles . FAYEL .

Elle y est . Mais vous , madame , depuis votre retour des bains de mer , on ne vous a vue nulle part .

MADAME DE BARSANNE . Je sors si peu .

FAYEL .

Ah ! quel aveu déplorable ! c'est un meurtre de vous cloîtrer ainsi ; vous appartenez à vos amis ; votre beauté , votre grâce ne sont pas à vous le ... et ... ( A part . ) Ce n'est pas ça que je devrais dire .

MADAME DE BARSANNE , se levant .

Si je croyais que madame d'Augerolles dût tarder , je ...

FAYEL , se levant .

Ah ! madame , ne me privez pas trop tôt du bonheur de vous voir , de vous entendre , de m'enivrer ...

MADAME DE BARSANNE .

Monsieur Fayel, vous m'obligeriez beaucoup en chan . geant de conversation .

FAYEL ,

J'obéis , madame ! j'obéis ! ... je saurai dissimuler , je cacherai ma plaie , et si je meurs de ma blessure , nul ne pourra vous en faire un crime .

MADAME DE BARSANNE , froidement.

Vous vous moquez de moi , monsieur !

1 FAYEL .

Ah ! madame , quelle idée !

1

(67)

ACTE II MADAME DE BARSANNE .

Vous avez trop d'esprit pour ne pas comprendre à quel point ce langage est déplacé .

FAYEL , décontenancé .

Mais j'ai voulu vous prouver mon profond respect et mon désir ardent de vous en voir convaincue .

MADAME DE BARSANNE .

Vos paroles alors faussent étrangement votre pensée . FAYEL .

Si vous pouviez lire dans mon âme ! MADAME DE BARSANNE , dignement . Je vous cède la place, monsieur .

FAYEL . Vous partez ?

MADAME DE BARSANNE .

C'est mériter l'insulte que de s'y exposer trop long temps .

FAYEL .

Mais je vous jure , madame , que rien n'est plus loin de mon intention , et croyez ...

MADAME DE BARSANNE .

Je crois , monsieur , que vous venez de me faire sentir durement la différence que vous établissez entre les femmes que vous estimez ... et moi .

FAYEL ..

Ah ! madame ! ...

MADAME DE BARSANNE .

C'est qu'il est des jugements du monde qui rendent audacieux, n'est - ce pas ? En effet, que risque - t - on en s'adressant à une femme condamnée par lui ? Rien ab

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