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FAYEL , courant serrer la main de Laverdac . Ah ! cher ami! quelle joie de te revoir debout !

LAVERDAC .

Ce brave Fayel ... Je suis levé depuis longtemps . FAYEL .

Je n'en reviens pas ... Ainsi , ta chute ? ...

LAVERDAC .

Il parait que ce pauvre Titan va bien mal . FAYEL .

Mais toi ?

LAVERDAC .

Tu vois , je vais mieux que lui . La nuit a dissipé mon étourdissement .

JEAN , montrant des papiers sur la table ** .

Monsieur , voici la liste des personnes qui sont venues s'inscrire .

.

Laverdac, Fayel , Jean . Jean , Laverdac, Fayel . 16

LAVERDAC . C'est bien ; sortez .

JEAN . Et il y a là aussi un domestique ...

LAVERDAC . Dans un instant vous le ferez monter .

( Jean sort . )

FAYEL , se jetant sur un divan .

C'est prodigieux ! Tout le monde est persuadé de la gravité de ton accident .

LAVERDAC , il s'assied à côté de Fayel .

Je t'avouerai qu'hier , au moment de la culbute , j'y ai cru comme tout le monde .

FAYEL .

C'est égal ! Tu peux te flatter de m'avoir fait passer une bien vilaine nuit .

LAVERDAC . J'allais t'écrire .

FAYEL .

Laverdac ! ... Laverdac ! ... ce que tu as fait là est très mal .

LAVERDAC . De ne pas me tuer ?

FAYEL .

Ne plaisante pas .Les paroles singulières que tu m'as dites hier chez d'Augerolles mesont revenues à la mé moire , et j'ai compris le motif de ta conduite .

LAVERDAC .

Que veux-tu ? J'étais fou . Un billet qu'elle m'avait écrit , en refusant de me voir , m'avait exaspéré , et fu rieux , déterminé à en finir , j'ai voulu donner à Titan l'occasion d'ajouter un nom à sa liste .

ACTE III FAYEL .

Mais, malheureux ! il pouvait ne remplir sa tâche qu'à moitié .

LAVERDAC . Ces choses - là se complètent plus tard .

FAYEL .

Tais-toi ; je te défends de parler ainsi . Quelle fai blesse pour un homme de ta trempe . Tu vas me jurer tout de suite de renoncer à cet abominable projet ; tout de suite , tu m'entends .

( Ils se lèvent.) LAVERDAC . Tu m'aimes - donc un peu , toi ?

FAYEL . Quelle question bête !

LAVERDAC . Merci !

FAYEL , C'est entendu ?

LAVERDAC .

C'est entendu . ( Souriant.) La secousse que j'ai ressentie a ... tassé mes idées .

FAYEL .

Tu n'aimeras plus madame d'Augerolles ? LAVERDAC .

Oh ! cela est impossible . FAYEL .

Alors ... c'est une idée quine s'est pas ... tassée avec les autres .

LAVERDAC .

Mais rassure - toi , j'ai renoncé à mon voyage , à mon départ de ce monde .

FAYEL .

Bravo ! c'est le point important. Ah ! s'il fallait se suicider chaque fois qu'on éprouve un échec en amour , les cervelles n'y suffiraient pas . Moi qui te parle , si j'avais dû me supprimer à ma première défaite amou reuse , je n'aurais jamais atteint ma majorité. Tiens , hier encore , avec madame de Barsanne ... Ah ! quel joli prétexte elle m'a fourni pour m'envoler vers un monde meilleur .

LAVERDAC .

Cette femme - là vaut mieux que sa réputation . FAYEL .

Parbleu ! Mais enfin , elle a été rayée du tableau , elle a perdu ses papiers , et je ne savais pas qu'elle était sur le point de les retrouver .

LAVERDAC . Que veux - tu dire ?

FAYEL .

D'Augerolles , consulté par Barsanne sur la conve nance de rendre à la Madeleine repentante ses droits de mère et d'épouse , a répondu qu'il y aurait là un acte de justice aussi bon pour la mère que profitable pour la fille . La réhabilitation serait complète . Il vient de me l'apprendre .

LAVERDAC .

J'avais pressenti cela en t'avertissant . Tu as agi en étourdi.

FAYEL .

Belle raison ! moi aussi , je t'ai crié casse - coul et comme tu m'as écouté ! ...

LAVERDAC .

Oui , et ce sera toujours ainsi ; on ne voit clair que dans l'affaire des autres . ( Il s'assied . )

ACTE III FAYEL .

C'est ce que me disait tout à l'heure madame deRo chepont .

LAVERDAC . Ah ! ah ! Nous l'avons revue ?

FAYEL , piteux .

Oui , cher ami , je suis rentré l'oreille basse dans l'antre de la lionne .

LAVERDAC . Elle ne te dévorera pas .

FAYEL , s'asseyant.

Non ... Elle me donnera à sa fille ... Car il est cer tain , cher confident de mes douleurs , que je n'ai jamais vu un homme glisser plus rapidement sur la pente du mariage ; je cherche en vain à me retenir , à m'accro cher : je ne trouve rien , la fatalité me pousse . Tiens , hier , je lui avais refusé une première fois de monter dans sa vieille calèche ; elle est revenue à la charge et j'ai été enlevé . Ce n'est pas tout : après ton accident, sous prétexte de calmer ma douleur , elle m'invite à passer la soirée chez elle , simplement ; je proteste : très bien , je crois être vainqueur ... j'y ai diné . Au dessert , on cause mariage ; je fulmine , je foudroie l'immoralité de cette institution ... en prenant le thé , on traitaitla question de la corbeille ... d'une manière vague , il est vrai , car elle me recommandait de ne pas faire de folies .

LAVERDAC .

Très -vague, en effet. Tu te maries , voilà tout . FAYEL , se levant.

Mais non , on me marie , et je refuse mon consente ment ,

LAVERDAC .

Pourquoi ? Tu as toujours rêvé une grande alliance . FAYEL .

Une grande alliance , oui ... mais établie sur des bases moins solides , dont M. le maire n'aurait pas posé la première pierre .

LAVERDAC .

On vous en donnera des Gabrielle de Rochepontà bail ! ... Crois - moi , vos deux noms se conviennent , ils sont déjà unis dans l'histoire .

FAYEL .

Tiens ! c'est vrai ! ... Gabrielle de Vergy et moi ...

LAVERDAC .

Sire de Fayel, tu ne feras jamais manger à ta femme le coeur de Raoul de Coucy ?

FAYEL .

Je me plais à croire qu'elle ne méritera jamais de le manger . Mais que dis -je ? Non , point de mariage , j'y échapperai malgré les dieux ! ... Je vais prendre un grand parti .

LAVERDAC . Lequel ?

FAYEL .

Fuir ... Mettre les mers entre elle et moi . LAVERDAC .

Bah ! madame de Rochepont obtiendra ton extra dition .

FAYEL . L'Angleterre la refusera !

LAVERDAC , souriant tristement.

Pauvre fou ! ... qui se défend contre le bonheur .... Tu

ACTE III

n'as pas à te briser contre l'impossible ; on peut t'aimer , tandis que moi ...

FAYEL , qui vient la liste des visites .

Je te conseille de te plaindre . Regarde , il y a foule sur ta feuille de location ; on croirait qu'il s'agit d'une première ... sans compter madame de Rochepont qui m'a annoncé son intention de l'honorer aujourd'hui de sa très - haute et très - puissante visite .

LAVERDAC .

Oui , tout le monde m'aura donné une marque d'in térêt , excepté celle qui me devrait peut - être un peu de pitié ... Qu'est- ce ?

JEAN , introduisant Honoré.

Monsieur , c'est le domestique de mademoiselle Boc carelli .

FAYEL , dressant l’oreille * . Hein ?

LAVERDAC . Que me veut votre maîtresse ? HONORÉ .

Madame m'a chargé d'une lettre que je ne dois re mettre qu'à monsieur le vicomte .

LA VERDAC . Donnez .

HONORÉ . La voici .

LAVERDAC . C'est bien ... Jean , retirez - vous .

Les deux domestiques sortent.)

* Laverdac , Jean, Honoré , Fayel .

FAYEL .

Une lettre de mademoiselle Boccarelli ... Riende bon ne peut venir de cette femme.

LAVERDAC .

Pourquoi ? ... Elle m'honore aussi de son intérêt . FAYEL .

Allons donc ! ... Elle sait qui tu aimes ... et comme elle a juré de se venger ?

LAVERDAC . Se venger ?

FAYEL .

Oui , de madame d'Augerolles qui , dans sa colère , lui a envoyé deux cents louis pour la dédommager de la perte de ses paris , en ajoutant ces mots flatteurs et con solants : « Mon mari fera le reste . »

LAVERDAC , se levant.

C'est une insulte .

FAYEL . Suffisamment dorée .

LAVERDAC .

N'importe ... Braver une telle femme... c'est dange reux ... Voyons sa lettre ... ( A part, après avoir lu .) Hein ?

FAYEL . Quoi ?

LAVERDAC , froidement .

Je ne me trompais pas ... des banalités , des grimaces de politesses ... Ah ! ça , tu dines avec moi ?

FAYEL .

Impossible , je suis retenu par nia belle -mère ... Allons , bon ! je lui donne déjà ce nom terrible ... Comme les

mauvaises habitudes se prennent facilement... Oh ! par bleu , je vais me dégager , si je peux ; mais il y a gros à parier que je ne pourrai pas . Enfin , j'essayerai . A bientot , cher ami .

SCÈNE IV