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De l’analyse de la pratique réelle vers le développement professionnel de deux enseignantes : réflexion critique sur les verbatim récoltés dans un dispositif de vidéoformation

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Academic year: 2022

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Master

Reference

De l'analyse de la pratique réelle vers le développement professionnel de deux enseignantes : réflexion critique sur les

verbatim récoltés dans un dispositif de vidéoformation

MEIER, Megane, SCHEPISI, Manuela

Abstract

Ce travail de maîtrise universitaire se penche sur deux aspects : le développement professionnel et la pédagogie coopérative. Il retrace l'expérience de deux enseignantes débutant dans le métier et souhaitant se développer professionnellement en collaborant ensemble. Pour ce faire, elles planifient et mettent en place des activités sur les valeurs de la coopération dans leur classe respective au sein de deux écoles primaires genevoises. Ces séances sont filmées et font ensuite l'objet d'un dispositif de vidéoformation : l'autoconfrontation. C'est à partir des échanges sur leur propre pratique qu'elles font émerger leur corpus de données. Les verbatim issus de ces autoconfrontations représentent le socle de leur réflexion, et sont analysés notamment à travers les trois catégories proposées par Peirce (1978) dans la méthode phénoméno-pragmatique. De cette manière, les enseignantes adoptant une posture réflexive accèdent à une compréhension de leur pratique réelle dans le but de la faire évoluer.

MEIER, Megane, SCHEPISI, Manuela. De l'analyse de la pratique réelle vers le développement professionnel de deux enseignantes : réflexion critique sur les verbatim récoltés dans un dispositif de vidéoformation. Master : Univ. Genève, 2021

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:153136

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DE L’ANALYSE DE LA PRATIQUE RÉELLE VERS LE

DÉVELOPPEMENT PROFESSIONNEL DE DEUX ENSEIGNANTES : RÉFLEXION CRITIQUE SUR LES VERBATIM RÉCOLTÉS DANS UN

DISPOSITIF DE VIDÉOFORMATION

MÉMOIRE EN VUE DE L’OBTENTION DE LA

MAÎTRISE UNIVERSITAIRE EN ENSEIGNEMENT PRIMAIRE (MAEP)

RÉALISÉ PAR

Manuela Schepisi et Megane Meier

SOUS LA DIRECTION DE

Valérie Lussi Borer

MEMBRES DU JURY

Anne Perréard Vité Yann Volpé

SOUTENU LE

Genève, le 9 juin 2021

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DECLARATION SUR L’HONNEUR

Genève, le 13 juin 2021

Nous déclarons que les conditions de réalisation de ce travail de mémoire respectent la charte d’éthique et de déontologie de l’Université de Genève. Nous sommes bien les auteures de ce texte et attestons que toute affirmation qu’il contient et qui n’est pas le fruit de notre réflexion personnelle est attribuée à sa source ; tout passage recopié d’une autre source est en outre placé entre guillemets.

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3 RÉSUMÉ

Ce travail de maîtrise universitaire se penche sur deux aspects : le développement professionnel et la pédagogie coopérative. Il retrace l’expérience de deux enseignantes débutant dans le métier et souhaitant se développer professionnellement en collaborant ensemble. Pour ce faire, elles planifient et mettent en place des activités sur les valeurs de la coopération dans leur classe respective au sein de deux écoles primaires genevoises. Ces séances sont filmées et font ensuite l’objet d’un dispositif de vidéoformation : l’autoconfrontation. C’est à partir des échanges sur leur propre pratique qu’elles font émerger leur corpus de données. Les verbatim issus de ces autoconfrontations représentent le socle de leur réflexion, et sont analysés notamment à travers les trois catégories proposées par Peirce (1978) dans la méthode phénoméno-pragmatique. De cette manière, les enseignantes adoptant une posture réflexive accèdent à une compréhension de leur pratique réelle dans le but de la faire évoluer.

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REMERCIEMENTS

Nous tenons à remercier tout particulièrement Valérie Lussi Borer d’avoir accepté de diriger ce mémoire. Son soutien, sa disponibilité et ses retours nous ont permis de mener à bien ce travail.

Nous remercions également Anne Perréard Vité et Yann Volpé qui ont accepté de faire partie de la commission de ce travail de recherche.

Nous souhaitons remercier Célia Guzzo de son temps précieux consacré à la relecture de notre travail et de ses conseils.

Merci aussi aux élèves d’avoir participer à ce travail.

En réalisant cette aventure à deux, nous souhaitons nous remercier l’une et l’autre des riches échanges entretenus, d’avoir cultivé la relation de confiance et de nous être encouragées mutuellement pour arriver au terme de cette étude.

Pour terminer, un grand merci à nos proches et à nos familles de leur aide et de leur soutien moral tout au long de nos études et plus particulièrement dans l’élaboration de ce mémoire.

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TABLE DES MATIÈRES

INTRODUCTION ... 8

CADRE THÉORIQUE ... 10

LE DÉVELOPPEMENT PROFESSIONNEL ... 10

DÉFINITION DU DÉVELOPPEMENT PROFESSIONNEL ... 10

LA PERSPECTIVE DÉVELOPPEMENTALE... 11

LA PERSPECTIVE PROFESSIONNALISANTE : CONCEPT DE PROFESSIONNALISATION ... 12

LE DÉVELOPPEMENT PROFESSIONNEL PAR LE PROCESSUS DAPPRENTISSAGE ... 12

LE DÉVELOPPEMENT PROFESSIONNEL PAR LA RECHERCHE OU PAR LA RÉFLEXION ... 13

L’ÉTABLISSEMENT SCOLAIRE : UN ESPACE DE FORMATION ... 14

L’ANALYSE DE LACTIVITÉ À « GRAIN FIN » ... 15

LES CONDITIONS NÉCESSAIRES AU DÉVELOPPEMENT PROFESSIONNEL ... 15

LA VIDÉOFORMATION ... 17

L’UTILISATION DE LA VIDÉO DANS LE TEMPS ... 17

CE QUOFFRE AUX PROFESSIONNELS LUSAGE DE LA VIDÉOFORMATION AUJOURDHUI ... 17

LE CONCEPT DAUTOCONFRONTATION ... 18

LES TROIS PROCESSUS DE DISTANCE : LE RECUL, LA DISTANCIATION ET LA DÉCENTRATION ... 19

ATTRIBUTION DE CAUSALITÉ INTERNE ET EXTERNE ... 20

LA COOPÉRATION ENTRE ENSEIGNANTS ... 21

LA COOPÉRATION ENTRE ENSEIGNANTS... 21

LE PROCESSUS MIMÉTIQUE ... 22

LES AVANTAGES DU VISIONNEMENT DE LACTIVITÉ RÉELLE DUN PAIR ... 23

LA PÉDAGOGIE COOPÉRATIVE ... 25

PÉDAGOGIE COOPÉRATIVE OU APPRENTISSAGE COOPÉRATIF ? ... 25

APPRENDRE À COOPÉRER ... 26

ÉTABLIR UN CLIMAT POSITIF ET PROPICE À LA COOPÉRATION ... 26

LES VALEURSDE LA COOPÉRATION ... 27

ENSEIGNEMENT EXPLICITE DES HABILETÉS COOPÉRATIVES ... 28

LA RÉFLEXION CRITIQUE ... 29

COOPÉRER POUR APPRENDRE ... 30

PROBLÉMATIQUE ... 33

MÉTHODOLOGIE ... 35

CONTEXTE DE LA RECHERCHE ... 35

PROCÉDURE DE RECUEIL DES DONNÉES... 35

RÉCOLTE DES DONNÉES SUR LE TERRAIN... 35

ACTIVITÉS MENÉES EN CLASSE ... 36

INSTRUMENT DE RECUEIL DE DONNÉESSUR LE TERRAIN ... 38

INSTRUMENT DE RECUEIL DE DONNÉES : LES AUTOCONFRONTATIONS ... 39

AUTOCONFRONTATION SIMPLE ... 39

AUTOCONFRONTATION CROISÉE ... 40

LA MÉTHODEPHÉNOMÉNO-PRAGMATIQUE (APP) DE PEIRCE ... 41

DÉFINITION DE LA MÉTHODE PHÉNOMÉNO-PRAGMATIQUE ... 41

DÉMARCHE DANALYSE DE NOS DONNÉESSELON LA MÉTHODE DE PEIRCE (1978) ... 43

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6

TABLEAU RÉSUMANT LES 9 ÉTAPES DE LA DÉMARCHE ANALYTIQUE SÉMIOGRAPHIQUE. ... 43

ÉTAPE 1 : TRANSCRIPTION DES ENREGISTREMENTS MOT À MOT (VERBATIM) ... 44

ÉTAPE 2 : PRISE EN COMPTE DES DIFFÉRENTS ÉLÉMENTS DE CONTEXTUALITÉ PRÉEXISTANTS ... 44

ÉTAPE 3 : LECTURE FLOTTANTE DE TYPE INTUITIF ... 45

ÉTAPE 4 : LECTURE FOCALISÉE ... 46

ÉTAPE 5 : DÉCOUPAGE DES UNITÉS DE SENS ET THÉMATISATION ... 46

ÉTAPE 6 : REPÉRAGE DES ÉLÉMENTS SIGNIFIANTS TEXTUELS ET CONTEXTUELS ET MIS EN LIEN POUR UNE CATÉGORISATION PAR COMPARAISON CONSTANTE ... 49

ÉTAPE 7 : CARACTÉRISATION DES CATÉGORIES OBTENUES À LAIDE DES CATÉGORIES DE PEIRCE ... 50

ÉTAPE 8 : ORGANISATION DU SENS À PARTIR DUN ORDONNANCEMENT LOGIQUE ... 50

ÉTAPE 9 : PRODUCTION DUNE PROPOSITION GÉNÉRALE SYNTHÉTIQUE ... 51

ANALYSE ... 52

PARTIE 1:PRÉSENTATION DE LA LECTURE FOCALISÉE DES DONNÉES RESSORTANT D’ATLAS.TI ... 54

THÈMES ET CRITÈRES ISSUS DE LA LECTURE DES DONNÉES ... 54

LIEN ENTRE LES THÈMES CENTRAUX ET LES SUJETS PRINCIPAUX DE LA RECHERCHE ... 58

L’attention des élèves ... 58

La participation des élèves ... 59

Guider les élèves ... 59

Gestion de classe ... 60

Construire ensemble, valeur de l’entraide ... 60

PARTIE 2 : ANALYSE DEXTRAITS TIRÉS DES AUTOCONFRONTATIONS SIMPLES ET CROISÉES... 62

RÉFLEXION CRITIQUE MENÉE PAR LIVIA (1) ... 65

Autoconfrontation simple (Livia) ... 65

Autoconfrontation croisée ... 69

RÉFLEXION CRITIQUE MENÉE PAR ADÈLE (2) ... 73

Autoconfrontation simple (Adèle) ... 73

Autoconfrontation croisée ... 78

RÉFLEXION COLLECTIVEAUTOUR DE LA CONSTRUCTION DU MOTS-CROISÉS FINAL DANS LA CLASSE DE LIVIA (3) ... 85

Autoconfrontation simple (Livia) ... 85

Autoconfrontation croisée ... 89

CONSIGNES LORS DU LANCEMENT DE LA TÂCHE PAR ADÈLE (4) ... 96

Autoconfrontation simple (Adèle) ... 96

Autoconfrontation croisée ... 99

SYNTHÈSE DE L’ANALYSE ... 104

AUTOCONFRONTATION SIMPLE ... 104

AUTOCONFRONTATION CROISÉE ... 105

CONCLUSION ... 108

BIBLIOGRAPHIE ... 111

ANNEXES ... 116

ANNEXE 1 : PLANIFICATION DE LACTIVITÉ SUR LA VALEUR DE LENTRAIDE ... 116

ANNEXE 2 : FLEUR DE LA COOPÉRATION VIERGE ... 117

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7

ANNEXE 3 : FLEUR DE LA COOPÉRATION COMPLÉTÉE ... 118

ANNEXE 4 : RETRANSCRIPTIONS DES AUTOCONFRONTATIONS ... 119

ANNEXE 4.1 : AUTOCONFRONTATION SIMPLE LIVIA (MANUELA) ... 119

ANNEXE 4.2 : AUTOCONFRONTATION SIMPLE ADÈLE (MEGANE) ... 131

ANNEXE 4.3 : AUTOCONFRONTATION CROISÉE SUR LA PRATIQUE DE LIVIA (MANUELA) ... 141

ANNEXE 4.4 : AUTOCONFRONTATION CROISÉE SUR LA PRATIQUE D’ADÈLE (MEGANE) ... 150

ANNEXE 5 : TABLEAUX DES EXTRAITS RETENUS POUR LANALYSE ... 161

ANNEXE 5.1 : TABLEAU RÉFLEXION CRITIQUE MENÉE PAR LIVIA (1) » ... 162

ANNEXE 5.2 : TABLEAU RÉFLEXION CRITIQUE MENÉE PAR ADÈLE (2)» ... 164

ANNEXE 5.3 : TABLEAU RÉFLEXION COLLECTIVEAUTOUR DE LA CONSTRUCTION DU MOTS-CROISÉS FINAL DANS LA CLASSE DE LIVIA (3)» ... 168

ANNEXE 5.4: TABLEAU CONSIGNES LORS DU LANCEMENT DE LA TÂCHE PAR ADÈLE (4)» ... 170

ANNEXE 5 : VERBATIM DE LANALYSE CODÉ À PARTIR D’ATLAS.TI ... 1

ANNEXE 5.1:« RÉFLEXION CRITIQUE MENÉE PAR LIVIA » AUTOCONFRONTATION SIMPLE ... 1

ANNEXE 5.2:« RÉFLEXION CRITIQUE MENÉE PAR LIVIA » AUTOCONFRONTATION CROISÉE ... 2

ANNEXE 5.3:« RÉFLEXION CRITIQUE MENÉE PAR ADÈLE » AUTOCONFRONTATION SIMPLE ... 3

ANNEXE 5.4:« RÉFLEXION CRITIQUE MENÉE PAR ADÈLE » AUTOCONFRONTATION CROISÉE ... 4

ANNEXE 5.5:« RÉFLEXION COLLECTIVE AUTOUR DE LA CONSTRUCTION DU MOTS-CROISÉS FINAL DANS LA CLASSE DE LIVIA » AUTOCONFRONTATION SIMPLE ... 6

ANNEXE 5.6:« RÉFLEXION COLLECTIVE AUTOUR DE LA CONSTRUCTION DU MOTS-CROISÉS FINAL DANS LA CLASSE DE LIVIA » AUTOCONFRONTATION CROISÉE... 7

ANNEXE 5.7:« CONSIGNES LORS DU LANCEMENT DE LA TÂCHE PAR ADÈLE » AUTOCONFRONTATION SIMPLE ... 8

ANNEXE 5.8:« CONSIGNES LORS DU LANCEMENT DE LA TÂCHE PAR ADÈLE » AUTOCONFRONTATION CROISÉE ... 9

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Introduction

Le domaine du développement professionnel des enseignants suscite depuis quelques années de nombreuses recherches. En effet,

[…] l’évolution des pratiques, dans la plupart des systèmes éducatifs du monde occidental, exige des changements importants chez les enseignants. Ces changements mettent en exergue l’importance du développement professionnel, défini comme l’apprentissage réalisé par les enseignants, à la fois comme un processus et comme un produit. (Deaudelin, Brodeur & Bru, 2005, p. 177)

Dans ce sens, Butler (2005) reprend les propos de Bromme et Tillema (1995) ; Simmons, Kuykendall, King, Cornachione et Kameenui (2000) pour déclarer que les enseignants sont amenés de nos jours à

« s’engager de plus en plus dans un apprentissage à vie, pour répondre aux attentes générales, se tenir à jour en ce qui a trait aux écrits professionnels et ancrer leur pratique dans la recherche » (p.

55). Nous soulignons ici l’importance de la place qu’occupe la pratique effective dans le développement professionnel. Pour des enseignants débutants, celui-ci constitue d’autant plus une opportunité de consolider, lors de leur insertion professionnelle, les savoirs appris en formation.

Butler (2005) annonce que les résultats de certaines recherches (Palincsar, & al., 1998 ; Rennie, 2001)

« ont suggéré, de manière convergente, que les activités de développement professionnel efficaces étaient celles qui soutenaient les enseignants, dans la coordination de leurs cadres théoriques et de leur réflexion sur la pratique authentique » (p. 73). C’est également la fonction du présent mémoire professionnel qui a pour objet d’inciter les enseignants « à analyser et à conceptualiser leur pratique et à élaborer progressivement une posture réflexive – entendue comme une disposition à se dégager de son cadre habituel de référence en faisant appel à d’autres cadres d’analyse (Wittorski, 2001) » (Bouissou & Aroq, 2005, p. 15).

C’est ainsi dans une visée d’évolution de notre pratique que nous avons décidé d’orienter notre mémoire sur le concept de développement professionnel. Ce dernier peut être considéré « […] tantôt comme un processus d’apprentissage, tantôt comme des activités d’investigation et de réflexion auxquelles se livre l’enseignant » (Deaudelin, Brodeur, & al., 2005, p. 178). En réalisant ce travail de recherche à deux, nous souhaitions expérimenter un mode de travail différent nous permettant de coopérer pour réfléchir, comprendre, discuter et analyser notre pratique effective. Par ailleurs, les exigences, les mêmes visées pédagogiques ainsi que nos affinités et notre confiance mutuelle représentent des facteurs essentiels pour instaurer non seulement un climat d’écoute, mais aussi de partage et de compréhension. Aussi, notre souhait initial d’implanter une nouvelle méthode de travail dans nos classes, basée sur les principes de la pédagogie coopérative, représente pour nous une façon différente de travailler. Le développement professionnel consiste « en un processus de construction des compétences » (Deaudelin, Lefebvre, Brodeur, Mercier, Dussault & Richer, 2005, p. 80) et désigne ainsi l’apprentissage que l’enseignant réalise. C’est pourquoi nous souhaitons, à travers ce travail de recherche, construire ensemble des compétences, prendre conscience des forces et des faiblesses de notre pratique, acquérir et développer des connaissances, mais surtout réaliser que nous sommes des agents de changement. Lieberman et Miller (1990) (repris par Uwamariya & Mukamurera, 2005) perçoivent d’ailleurs le développement professionnel comme une recherche continuelle faite par l’enseignant sur sa propre pratique, et nous désirons remobiliser ce processus d’apprentissage tout au long de notre carrière professionnelle.

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Durant notre Certificat Complémentaire en Enseignement Primaire (CCEP), nous avons eu l’opportunité de participer au cours dispensé par Madame Lehraus intitulé « apprentissage coopératif : jalons pour une mise en œuvre ». Lors de ce dernier, nous avons découvert les bienfaits que peut avoir la pédagogie coopérative sur l’apprentissage des élèves et sur le climat de classe. Cette unité de formation a donc suscité notre intérêt et notre curiosité pour cette approche différente des approches d’enseignement-apprentissage traditionnelles. Nous avons constaté que l’apprentissage en groupes nécessite une structure précise et les recherches effectuées soulignent « qu’il ne suffit pas de mettre les élèves en groupes pour stimuler l’apprentissage » (Buchs, Filisetti, Butera & Quiamzade, 2004, p. 172). Buchs, Lehraus et Crahay (2012) reprennent les propos de Blatchford, Baines, Rubie- Davies, Bassett et Chowne (2006) qui « ont mis en évidence que le travail en petits groupes est souvent de piètre qualité. En guise d’explication, ces auteurs invoquent notamment le manque de préparation ou de formation des enseignants et des élèves pour le travail de groupe » (p. 425). Nous sentant encore peu outillées notamment quant à la maîtrise de la structure du travail en groupes, nous avons alors souhaité organiser des activités respectant certains principes de la pédagogie coopérative. Pour ce faire, nous avons profité de notre statut d’enseignantes débutantes à l’école primaire genevoise à 50% pour les expérimenter dans nos classes de 5P et de 1P-2P.

Notre recherche vise une double finalité. Premièrement, celle de mettre en place des activités en coopération dans nos classes afin que les élèves apprennent à apprendre en coopérant, et que nous puissions acquérir de nouveaux outils pour mener durant la suite de notre carrière professionnelle des activités coopératives. Deuxièmement, celle de nous développer professionnellement pour non seulement améliorer notre enseignement dans cette approche, mais aussi maximiser les apprentissages des élèves. Dans cette visée, ce travail de recherche nous permet de prendre de la distance sur notre pratique réelle afin de l’observer, la décrire, et mener une réflexion tout en utilisant les apports de la littérature. Le rôle que nous détenons dans notre propre développement professionnel devient donc central. Selon Leblanc (2016), la confrontation du travail réel permet aux enseignants un cheminement réflexif et critique offrant ainsi la possibilité de se développer professionnellement. Le développement professionnel apparait dès lors comme la possibilité pour les professionnels d’améliorer leur enseignement, et par extension les apprentissages de leurs élèves.

Le contexte particulier de l’année scolaire 2019-2020, ne nous a pas permis de mener dans nos classes l’ensemble des étapes prévues pour amener les apprenants à coopérer. Ainsi, la récolte de données s’est portée uniquement sur l’activité traitant de la valeur de l’entraide et c’est pour cette raison que ce mémoire s’oriente et s’axe principalement sur l’analyse de notre pratique enseignante durant cette activité.

Dans le présent travail de mémoire, nous nous pencherons, dans un premier temps, sur une revue de la littérature concernant le développement professionnel en lien avec la vidéoformation ainsi que la coopération entre enseignants. Nous exposerons également les bases théoriques nécessaires pour la mise en place d’activités en coopération. Puis, nous présenterons notre problématique et les questions de recherche constituant le fil rouge de ce travail. Après cela, nous apporterons des précisions méthodologiques quant à notre processus de recherche. Ensuite, nous traiterons et analyserons une partie de nos données récoltées lors des autoconfrontations (simples et croisées) qui ont été recueillies à la suite du visionnage de notre activité effective. Nous conclurons ce mémoire en relevant les différents apports et limites rencontrées ainsi que quelques perspectives vis-à-vis de notre pratique future.

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Cadre théorique

Le développement professionnel

Pour commencer, nous aborderons dans ce cadre théorique, le concept de développement professionnel. Celui-ci se trouve au cœur de notre travail de recherche et nous allons tenter de le définir à partir des différentes recherches existantes. Nous nous pencherons sur les deux grandes perspectives théoriques, l’approche développementale et l’approche professionnalisante qui lui confèrent plusieurs définitions. Nous nous focaliserons surtout sur la perspective axée sur la professionnalisation des enseignants en définissant le concept de professionnalisation puis en abordant ses deux orientations, le développement professionnel par le processus d’apprentissage et le développement professionnel par la recherche ou par la réflexion. Nous montrerons que l’établissement scolaire peut devenir un nouvel espace de formation. Nous continuerons en pointant comment l’activité réelle doit être analysée. Finalement, nous soulignerons les conditions requises pour permettre aux enseignants de se développer professionnellement.

Définition du développement professionnel

Uwamariya et Mukamurera (2005) déclarent que le développement professionnel des enseignants intéresse depuis plus d’une décennie de nombreux chercheurs tels que Day, 1999 ; Clement et Vandenberghe, 1999 ; Hargreaves et Fullan, 1992 ; Kagan, 1992 ; Moreira, 1996). Ce domaine demeure complexe, car une multitude d’expressions et de significations lui sont associées, et les conceptions et les théories sont tellement diversifiées qu’il est difficile de dégager une orientation unifiée (Uwamariya & Mukamurera, 2005, p. 133). De nombreux écrits s’accordent néanmoins pour montrer l’importance du développement professionnel des enseignants qui consiste en un processus de construction des compétences que ces acteurs mobiliseront tout au long de leur carrière professionnelle (Deaudelin, Lefebvre, & al., 2005, p. 80). « Cette construction se réalise au moyen d’une démarche individuelle et collective, jalonnée d’expériences d’apprentissage conscientes, planifiées ou non, en contexte formel ou informel (inspiré de Day, 1999) (Deaudelin, Lefebvre, & al., 2005, p. 80). Pour Deaudelin, Lefebvre, et al. (2005), le développement professionnel désigne donc l’apprentissage que l’enseignant réalise. Butler (2005) rejoint les propos de Deaudelin, Lefebvre, et al.

(2005) et ajoute que

[…] le but du développement professionnel est d’assister les enseignants dans la construction de connaissances théoriques concernant l’enseignement, sur lesquelles les décisions peuvent être basées, plutôt que de mettre l’accent de façon restrictive sur les habiletés procédurales (Gersten, Vaughn, Deshler & Schiller, 1997). (p. 56)

S’il s’agit non pas de mettre l’accent sur la transmission de stratégies pédagogiques spécifiques aux enseignants, mais de « soutenir la (re)construction de connaissances professionnelles chez les enseignants, une attention doit [alors] être portée à la façon dont des liens bidirectionnels peuvent être forgés entre la théorie et la pratique (Schumm et Vaughn, 1995) » (Butler, 2005, p. 56). Brodeur, Deaudelin et Bru (2005) reprennent les propos de Gersten, Vaughn, Deshler et Schiller (1997) qui précisent que pendant longtemps, l’objectif du développement professionnel était d’amener les

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enseignants à maîtriser des savoirs procéduraux. « Alors que de plus en plus les activités de développement professionnel visent à amener les enseignants à prendre conscience de leurs pratiques, des connaissances qui influencent leurs prises de décision et ce, en fonction des problèmes qu’ils rencontrent » (p. 7).

Robitaille (2007) s’appuie sur les dires de Bailey (1989) pour expliquer ce que représente le développement professionnel.

Le développement professionnel est un lieu d’apprentissage offert à des professionnels en parallèle avec leur pratique. On souhaite, en offrant ou en suivant des activités s’inscrivant dans un développement professionnel en éducation, améliorer l’enseignement et maximiser les apprentissages des élèves en demeurant à la fine pointe des méthodes et théories d’apprentissage et d’enseignement. (p. 173)

En d’autres termes, les démarches de développement professionnel sont mises en œuvre dans le but de « bénéficier à la personne, à un groupe ou à l’école. Elles contribuent à la qualité de l’éducation dans la classe et dans le système scolaire (Day, 1999). De façon ultime, elles visent à soutenir l’apprentissage des élèves » (Brodeur, & al., 2005, p. 7). Selon Dolz et Gagnon (2016), l’enseignant va

« apprendre sa profession au fil de ses expériences du métier et grâce aux diverses situations de formation auxquelles il participe » (p. 107). Ria (2016) rejoint les propos de ces auteurs dans sa définition du développement professionnel qu’il caractérise par « un processus de transformation, formelle ou informelle, des activités (combinant des postures, des gestes, des actions et mobilisant des valeurs) et de l’identité des enseignants [qui] s’effectue tout au long de la carrière selon des étapes plus ou moins remarquables » (p. 50). Le développement professionnel n’est donc pas limité à une période, mais peut se produire en tout temps. Dans ce projet, en tant qu’enseignantes débutantes, nous nous intéressons à la première étape d’une carrière appelée par Ria (2016) une étape de « survie et de découverte » pour les débutants lors de leurs premières années d’enseignement » (p. 50).

Nous l’avons relevé précédemment, le développement professionnel peut prendre plusieurs sens à travers les écrits et il est possible que les définitions varient en fonction de la perspective théorique à laquelle adhèrent les auteurs (Uwamariya & Mukamurera, 2005). Il existe deux perspectives majeures, l’une développementale et l’autre professionnalisante. Dans ce mémoire, nous nous intéressons surtout à la perspective professionnalisante et, pour cette raison, nous l’aborderons plus spécifiquement.

La perspective développementale

Dans la visée développementale, le développement professionnel implique « une démarche axée sur la personne enseignante qui subit des changements successifs selon des stades chronologiques […]

[et qui s’inscrit donc] dans une logique de linéarité axée sur le parcours de stades successifs constitutifs du cycle de la carrière » (Uwamariya & Mukamurera, 2005, p. 139). La place de l’enseignant est centrale, car « tout le regard est focalisé sur les changements survenus chez celui-ci » (Uwamariya & Mukamurera, 2005, p. 139). Ainsi, « [c]omme Boutin (1999) le constate, cela constitue l’un des reproches principaux adressés à la conception développementale car la contribution de l’environnement ou de l’entourage de l’enseignant ainsi que des modèles organisationnels semblent être négligés » (Uwamariya & Mukamurera, 2005, p. 139). Ainsi, « […] [L]a conception développementale tient peu compte de la dimension du contexte professionnel et de l’apport du

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milieu, ignorant ainsi la dimension collective et organisationnelle du développement professionnel » (Uwamariya & Mukamurera, 2005, p. 139).

La perspective professionnalisante : concept de professionnalisation

La perspective professionnalisante propose quant à elle deux principales orientations pour le développement professionnel. Pour mieux comprendre cette perspective, nous allons dans un premier temps définir le concept de professionnalisation puis aborder les deux orientations : le développement professionnel par le processus d’apprentissage, et le développement professionnel par la recherche ou par la réflexion.

Uwamariya et Mukamurera (2005) affirment en reprenant les propos de Perrenoud (2001) que bien que le concept de professionnalisation se retrouve dans plusieurs écrits (Perrenoud, Paquay & Altet, 2002 ; Perrenoud, 1994, 2001 ; Lévesque & Boisvert, 2001 ; Gouvernement du Québec, 2001), il reste toutefois confus, tant sur le plan épistémologique que sur le plan pratique de son aboutissement. La professionnalisation de l’enseignement implique

une formation théorique et pratique solide, et repose sur l’autonomie et sur la place que l’enseignant occupe par rapport aux responsabilités et aux décisions se rapportant à son métier (Perrenoud, 2001). Dans tous les cas, l’élément principal à retenir est que tous les candidats enseignants sont amenés à maîtriser le métier, à se responsabiliser et à s’approprier tous les enjeux de la profession pour ainsi agir comme des professionnels compétents. Il faut alors souligner que la professionnalisation est l’accès à la capacité de résoudre des problèmes complexes et variés par ses propres moyens, dans le cadre d’objectifs généraux et d’une éthique, sans être tenu de suivre des procédures détaillées conçues par d’autres. C’est donc être capable, davantage que dans un métier d’exécution, d’autonomie et de responsabilité (Perrenoud, 1994). (Uwamariya &

Mukamurera, 2005, p. 140)

Nous constatons que l’engagement de l’enseignant est un aspect central du processus de développement professionnel, car ce dernier est considéré comme un praticien réflexif (Lieberman &

Miller, 1990), un praticien réfléchi (Schön, 1994). De plus, le professionnel est censé être capable de connaître au mieux les faiblesses ainsi que les forces de sa pratique. De ce fait, les besoins spécifiques liés à son enseignement, et par la suite les moyens pour répondre à ses besoins, devraient être identifiés par l’enseignant lui-même. « Il y a lieu de parler ici d’un processus à la fois d’apprentissage, de recherche et/ou de réflexion. Ces aspects constituent en somme les principales sources de renouvellement des savoirs » (Uwamariya & Mukamurera, 2005, p. 141).

Le développement professionnel dans une perspective professionnalisante se présente sous deux orientations : « l’une où il est vu comme un processus d’apprentissage et l’autre où est mise en évidence la recherche ou la réflexion inhérente au développement professionnel » (Uwamariya &

Mukamurera, 2005, p. 141).

Le développement professionnel par le processus d’apprentissage

La première orientation considère le développement professionnel des enseignants comme un long processus d’apprentissage car l’enseignant peut être comparé à un apprenant qui tout au long de sa

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carrière va construire et reconstruire ses savoirs (Uwamariya & Mukamurera, 2005, p. 141). La vision de l’apprentissage est donc constructiviste, car les expériences pratiques personnelles constituent la base du développement des savoirs. « De plus, le processus d’apprentissage est à la fois individuel et collectif » (Uwamariya & Mukamurera, 2005, p. 141). Uwamariya et Mukamurera (2005) citent Day (1999) qui définit le développement professionnel comme « `un processus par lequel l’enseignant et ses collègues revoient et renouvellent ensemble leur mission comme agents de changement, acquièrent et développent les connaissances, les habiletés et les savoirs essentiels pour un bon exercice professionnel´ (p. 4) » (Uwamariya & Mukamurera, 2005, p. 142). Dans cette vision, les enseignants agissent donc de façon active et ont la possibilité d’apporter des nouveautés que cela soit au niveau du système scolaire, mais aussi dans leurs propres pratiques (Uwamariya & Mukamurera, 2005, p. 142). D’ailleurs, Uwamariya et Mukamurera (2005) reprennent la définition de Wells (1993) qui explique que le développement professionnel signifie une « diversité de formes d’apprentissage professionnel dans lesquelles les enseignants s’engagent librement, prévoient des solutions aux problèmes ou conçoivent de nouvelles pratiques et de nouvelles compréhensions de situation où leur travail se déroule » (p. 142). Nous comprenons que le rôle de l’enseignant dans son propre développement professionnel est alors important. « Il peut utiliser plusieurs moyens pour apprendre et maîtriser son métier, entre autres l’analyse de situations de la pratique, la participation à certaines activités, etc. » (Uwamariya & Mukamurera, 2005, p. 142). Il est nécessaire pour que l’enseignant acquière progressivement les connaissances dont il a besoin qu’il s’intéresse et s’engage dans le processus (Uwamariya & Mukamurera, 2005, p. 142). « Selon Hargreaves et Fullan (1992), cette acquisition n’est possible que lorsqu’il y a coopération, collaboration et culture collective qui caractérisent le groupe d’enseignants dans une institution donnée » (Uwamariya & Mukamurera, 2005, p. 142). Ainsi,

De façon générale, le développement professionnel est vu comme un processus d’acquisition des savoirs qui provoque, par la suite, des changements chez l’enseignant ainsi que des nouveautés sur le plan de sa pratique. Il apparait aussi comme un processus de modification selon lequel l’enseignant sort progressivement de son isolement pour s’engager dans une démarche collaborative qui doit être à la fois collégiale et autonome et qui lui permet d’augmenter sa confiance en soi (Clement et Vandenberghe, 1999). (Uwamariya & Mukamurera, 2005, p. 142)

Le développement professionnel par la recherche ou par la réflexion

Dans la seconde orientation, c’est la recherche ou la réflexion inhérente au développement professionnel qui est mise en évidence. Selon Uwamariya et Mukamurera (2005), la réflexion (qui est un travail essentiellement intellectuel) va amener le professionnel à recourir à ses habiletés cognitives en vue de la théorisation de ses actions et expériences.

Schön (1994) distingue deux aspects : d’un côté, la réflexion dans l’action, qui permet simultanément de penser et de s’ajuster pendant qu’on travaille ; de l’autre côté, la réflexion sur l’action, qui porte sur les expériences pratiques antérieurement vécues. Ces mécanismes de réflexion (la réflexion dans l’action et sur l’action) enrichissent l’action du praticien (Mailloux, 2000;

St-Arnaud, 1992) et lui permettent de capitaliser son expérience. L’enseignant qui réfléchit dans et sur sa pratique arrive à analyser celle-ci de façon critique et à en examiner les effets. Le résultat de

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son analyse devient une référence pour ses actions futures. (Uwamariya & Mukamurera, 2005, pp.

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Le développement professionnel est perçu chez Lieberman et Miller (1990) comme une recherche continuelle faite par le professionnel sur sa propre pratique. L’enseignant va étudier, analyser et évaluer régulièrement ses activités afin de réussir à relever les défis quotidiens de son métier (Uwamariya & Mukamurera, 2005, p. 143). « L’amélioration de la pratique, la maîtrise du travail enseignant et l’évolution sont des actions qui impliquent pour l’enseignant un examen critique des faits éducatifs et de sa pratique » (Uwamariya & Mukamurera, 2005, p. 143). Finalement, « [l]a réflexion peut ainsi influencer la réussite de la vie professionnelle de l’enseignant en ce sens que sa pratique se voit alimentée par le produit de ses réflexions » (Uwamariya & Mukamurera, 2005, p. 143).

L’établissement scolaire : un espace de formation

Notre étude s’inscrit dans une analyse des pratiques effectives dans nos classes. Plusieurs chercheurs, acteurs de l’éducation et organismes internationaux et européens, affirment que l’établissement scolaire peut en effet jouer un rôle important en devenant un nouvel espace de formation et de professionnalisation des enseignants (Lussi Borer & Ria, 2014, p. 6). Lussi Borer et Ria (2014) expliquent, dans leur article sur l’établissement scolaire comme un nouvel espace potentiel de formation, qu’un « laboratoire d’analyse de l’activité enseignante » a été mis en place dans un établissement afin de tester de nouveaux moyens de former les enseignants. L’un des enjeux de cette démarche est d’accompagner les enseignants débutants, pour les former à « l’analyse de l’activité professionnelle » et pour favoriser « l’élaboration de modalités d’interventions » entre enseignants.

Les auteurs ont relevé certains effets du laboratoire sur les enseignants. Tout d’abord, lors de la décomposition de l’activité réelle en collectif, il est possible de mettre en évidence ses organisateurs.

Cela permet aux enseignants de les juger pour qu’ils puissent les intégrer et enrichir leur activité présente et future. Ensuite, « [c]e processus permet de (re)mettre en mouvement les `manières de faire´ le métier au sein de l’établissement lui-même et d’enrichir l’échange de pratiques professionnelles » (Lussi Borer & Ria, 2014, p. 7).

Dans cette visée, l’établissement scolaire peut alors devenir :

un lieu hautement stratégique dans lequel les enseignants auraient la double mission de faire apprendre les élèves le plus efficacement possible tout en continuant de se former eux-mêmes pour l’amélioration de leurs modalités individuelles et collectives d’intervention auprès des publics scolaires. (Ria & Lussi Borer, 2015, p. 102)

Il existe cette double mission dans notre projet, s’ajoute à cela un aspect supplémentaire, celui de la collaboration, car nous réalisons ce travail à deux. Cette collaboration se traduit par l’élaboration des activités et par l’analyse de notre pratique. Ria et Lussi Borer (2015) annoncent que

[p]our améliorer les pratiques pédagogiques des enseignants et par répercussion les apprentissages des élèves, de nombreux rapports internationaux s’accordent sur l’importance à la fois du développement professionnel individuel des enseignants et d’une collaboration accrue entre eux (McKinsey, 2010 ; OCDE 2011 & 2013 ; Unesco, 2014). (p. 102)

Enfin, selon Lussi Borer, Muller, Ria, Saussez et Vidal-Gomel (2014) : « [l]’entrée par l’analyse du travail réel offre de nouvelles perspectives remontantes (bottom up) (Faïta & Maggi, 2007) permettant

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d’apporter une circularité et un étayage réciproque dans la prise en compte à la fois des savoirs et des expériences individuelles » (p. 72).

L’analyse de l’activité à « grain fin »

Pour permettre le développement professionnel, il est nécessaire « d’analyser l’activité à « grain fin » pour la déconstruire, identifier son sens, ses logiques parfois contradictoires et ses organisateurs principaux […] » (Ria & Lussi Borer, 2015, p. 110). Pour ce faire, les enseignants doivent disposer d’un outillage « pour leur permettre de l’analyser dans ses dimensions les plus fines, autant par rapport à ce qui fonctionne que ce qui dysfonctionne » (Lussi Borer, Muller, Guffond & Sonzogni, 2018, p. 236), car ces auteurs expliquent que souvent « [l]e travail quotidien apparait […] comme lisse et évident, voire même transparent » (Lussi Borer, & al., 2018, p. 236). Dans certains dispositifs, il existe une tierce personne, le chercheur, qui accompagne les enseignants dans leur développement professionnel à l’aide de l’observation de traces de leurs activités réelles (Ria & Lussi Borer, 2015). Ces mêmes auteurs stipulent que pour que l’enseignant transforme sa façon d’agir, le chercheur doit questionner « la pertinence de certaines activités observées pour susciter chez [lui] un sentiment d’insatisfaction […] et aider ce dernier à repérer plusieurs organisateurs-clés de la situation professionnelle en jeu échappant pour partie à sa conscience » (Ria & Lussi Bore, 2015, p. 108). Le but de cette analyse de l’activité réelle étant de transformer l’activité des professionnels à la suite des observations et des constatations effectuées (Ria & Lussi Borer, 2015, p. 108). Dans notre étude, il s’agira également d’utiliser ce dispositif qui s’appuie notamment sur des traces vidéo.

Les conditions nécessaires au développement professionnel

Pour permettre le développement professionnel, certaines conditions sont essentielles. Celles-ci peuvent être liées à l’utilisation de la vidéo, et nous les reprendrons ultérieurement, tandis que d’autres sont en lien avec la « capacité d’ouverture » de l’enseignant. Ce dernier doit être en mesure

« d’adopter une position distanciée en relativisant les retours du collectif au vu de leur degré de pertinence et en faisant la part des transformations professionnelles qui seraient à engager par rapport à celles qui sont déjà en cours (Linard & Prax, 1984) » (Lussi Borer & Ria, 2016, p. 248). Il est effectivement primordial que « [l]es effets négatifs repérés de la modalité dans laquelle un enseignant donne à visionner sa pratique professionnelle à un collectif, comme l’inconfort, la protection de soi, le masquage des difficultés, l’euphémisation […] » soient pris en compte par les professionnels pour que des conditions propices au soutien et à l’apprentissage soient possibles (Lussi Borer & Ria, 2016, p. 248).

Pour résumer, nous retenons que le développement professionnel des enseignants désigne l’apprentissage que ces derniers réalisent durant leur carrière. En ce sens, il consiste en un processus de construction des compétences et de connaissances théoriques concernant l’enseignement sur lesquelles des décisions peuvent être basées. L’un des buts du développement professionnel est de conduire les enseignants à prendre conscience non seulement de leurs pratiques, mais aussi des connaissances qui influencent leurs prises de décision. Nous avons vu que les établissements scolaires offrent un potentiel espace de formation pour les enseignants. Dans ceux-ci, la collaboration représente une ressource importante, car plusieurs acteurs entrent en jeu afin d’analyser le travail

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réel, amener des savoirs et enrichir les expériences individuelles et cela de manière circulaire. Le processus d’apprentissage est donc à la fois individuel et collectif. De par ce dernier, le développement professionnel individuel des enseignants se développe et les amène à maximiser les apprentissages des élèves en ayant un regard critique sur leur pratique. Dans ce mémoire, chacune deviendra une personne-ressource pour accompagner le développement professionnel de sa collègue en participant à l’observation et à l’analyse de son travail réel.

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La vidéoformation

À la lumière de nos lectures, nous commencerons par montrer que l’utilisation de la vidéo fait partie aujourd’hui de nombreux dispositifs de formation des enseignants. Nous situerons l’usage de cet outil dans le temps pour soulever les diverses visées possibles qu’il engendre. Puis, nous expliquerons pourquoi l’usage de la vidéo peut permettre aux enseignants de se développer professionnellement en abordant notamment le concept de l’autoconfrontation. Nous poursuivrons en évoquant les trois processus de distance qui peuvent intervenir lors du visionnage de films de classe. Nous terminerons par le concept d’attribution de causalité interne et externe.

L’utilisation de la vidéo dans le temps

Lussi Borer, et al. (2014) annoncent que « depuis plusieurs années dans le domaine de l’éducation, [nous assistons] à un fort intérêt pour l’analyse de l’activité de travail dans un objectif de formation […] » (p. 72). Comme nous l’avons expliqué dans la première partie de ce cadre théorique, cette analyse portant sur le travail réel doit être examinée à grain fin. Pour la réaliser, beaucoup de professionnels utilisent désormais la vidéo. Précédemment, dans les pratiques de formation professionnelle, les acteurs de l’éducation étaient contraints de saisir et de prélever les informations en une seule fois et dans l’instantanéité de la situation du terrain (Flandin, Leblanc & Muller, 2015). Il était alors difficile, voire impossible de revenir sur une action passée. Par la suite, Leblanc (2016) explique dans son article sur l’apprentissage par la vidéoformation, que ce dernier :

[…] a débuté aux États-Unis dans les années 70. Des enseignants novices en formation étaient filmés dans une situation simulée et simplifiée, à travers des pratiques dites de micro- enseignements qui consistaient à reproduire une habileté à enseigner (teaching skill) spécifique.

L’acte d’enseignement était analysé par le formateur qui appréciait le niveau d’appropriation de cette habileté. La vidéo était utilisée par le formateur essentiellement pour montrer ce qui n’allait pas et apporter des corrections. Par les possibilités de visionnement différé et répété permis par les premiers magnétoscopes, ces vidéoformations ont contribué à favoriser l’apprentissage de l’observation et à se focaliser plus sur la mise en situation pédagogique, les interactions et les comportements des acteurs que sur les contenus de la leçon. (pp. 142-143)

Ce qu’offre aux professionnels l’usage de la vidéoformation aujourd’hui

De nos jours, l’utilisation de plus en plus fréquente de la vidéo a permis aux acteurs de l’éducation d’arrêter, de remonter ou d’accélérer le temps pour observer ce qui a suscité cette activité, comment elle s’est développée ou les effets qui s’en sont ensuivis. Ce va-et-vient temporel permet aux éléments critiques non identifiés lors d’un premier visionnement d’émerger lors d’un visionnement suivant au fur et à mesure de la fécondation mutuelle entre observation et questionnement. Échanger en recourant alternativement à des descriptions, des interprétations et des évaluations de l’activité visionnée permet de relancer l’enquête en revenant sur des descriptions lorsque les interprétations ou les évaluations diffèrent entre les enquêteurs, permettant ainsi de débattre des normes de métier. (Lussi Borer, 2015, p. 14)

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Nous voyons donc que les buts liés à l’usage de la vidéo ont évolué à travers le temps. Au cours des années 1970, les dispositifs ayant recours à cet outil visaient principalement deux objectifs : la reproduction de comportements enseignants efficaces ou le développement de l’auto-analyse chez les professionnels (Leblanc, 2016, p. 142). De nos jours, le recours au visionnage de films de classe peut être perçu comme un levier de formation, car celui-ci permet un « [ancrage] commun et rapide dans une situation professionnelle, [un] accès « direct » au travail des enseignants, [une] facilitation de l’observation et de l’analyse grâce aux possibilités de re-visionnement ainsi [qu’une] appréhension accrue de la complexité des situations de travail » (Leblanc, 2016, pp. 141-142). Aujourd’hui, Flandin et Ria (2012) annoncent en reprenant les propos de Bliss et Reynolds (2004), que la vidéoformation permet surtout d’obtenir « une meilleure compréhension de la complexité des savoir-faire enseignants et une capacité accrue à analyser sa propre activité professionnelle » (p. 3). Dans notre recherche, il s’agira d’utiliser la vidéo en filmant notre pratique afin de nous auto-analyser et de nous auto-critiquer l’une et l’autre. Notre rôle sera alors multiple, car nous serons d’une part, à l’initiative de notre propre analyse et d’autre part, une ressource pour notre collègue. Dans ce sens, notre dispositif vise à favoriser le développement professionnel individuel en partant de notre activité réelle plutôt que de la reproduction de « bonnes pratiques ».

Le concept d’autoconfrontation

D’après Flandin et Ria (2012), « [q]u’il s’agisse d’allo-confrontation (visionnement par un enseignant d’enregistrements de l’activité d’un tiers) ou d’autoconfrontation (visionnement d’enregistrements de sa propre activité), les relations entre vidéoformation et développement professionnel sont […]

appréhendées depuis plusieurs années par la recherche » (pp. 2-3). Dans notre étude, nous procéderons uniquement à de l’autoconfrontation : l’une simple et l’autre croisée. En effet, ces mêmes auteurs, exposent que l’alternance entre une analyse réflexive et rétrospective, possible dans notre cas grâce aux autoconfrontations, favoriserait « une sorte de fertilisation mutuelle entre l’ensemble des croyances et contenus cognitifs d’une part, et les dispositions à agir d’autre part, et non pas seulement de la cognition en direction de l’action » (Flandin & Ria, 2012, p. 4). Ces chercheurs expliquent que ce travail sur le travail est essentiel pour les enseignants, car il leur est difficile de prendre la mesure des effets de leur intervention (Flandin & Ria, 2012, p. 4). Dans un premier temps, l’autoconfrontation simple nous permettra d’avoir accès à des dimensions alors invisibles du travail comme par exemple le vécu de l’enseignant. L’expérience vécue est pour Ria et Lussi Borer (2015) :

située dans un contexte, c’est-à-dire ajustée à l’environnement et dynamique au sens où elle se transforme sans cesse ; émotionnelle et subjective en fonction des éléments du contexte qui sont significatifs pour l’acteur en écho à ses propres préoccupations : cognitive, c’est-à-dire convoquant et produisant des connaissances d’expérience en permanence validées ou invalidées ; et enfin sociales, car elle exprime des éléments d’une culture professionnelle dont elle hérite et qu’elle transforme. (p. 105)

Ces mêmes auteurs annoncent que l’activité enseignante peut être « […] appréhendée à la fois « du dehors » (comportements observables de l’enseignant, effets sur les comportements des élèves, contexte d’intervention) et « du dedans » (l’expérience de l’enseignant explicitée a posteriori moyennant un cadre de collaboration éthique et bienveillant) » (Ria & Lussi Borer, 2015, p. 105). Ainsi, dans un second temps, nous croiserons nos vidéos afin de pouvoir analyser ensemble l’activité réelle

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de chacune. Ces temps réflexifs auront l’avantage selon plusieurs auteurs cités par Flandin et Ria (2012) de « libérer l’action de l’incertitude et des contraintes pragmatiques à l’œuvre in situ […] et d’élucider ses déterminants et organisateurs […] » (p. 4). De plus, « [c]omme le dit Schwartz (1989),

`un adulte ne peut bien se former que s'il peut trouver dans sa formation une réponse aux problèmes de sa situation´ […] » (Flandin & Ria, 2012, p. 4). Ainsi, l’analyse de la problématisation des contenus est nécessaire dans un dispositif de vidéoformation pour se développer professionnellement.

Les trois processus de distance : le recul, la distanciation et la décentration

Pour pouvoir procéder à cette analyse fine de l’activité réelle en utilisant la vidéo, Campanale (2007), dans son article qui porte notamment sur l’évaluation réflexive en formation professionnelle, déclare que l’enseignant doit mener une réflexion sur l’action en comparant les résultats obtenus avec le but initial. Pour ce faire, le sujet doit remonter à l’analyse des moyens employés pour réaliser l’action et questionner ses choix. Cette auteure distingue alors trois processus de prise de distance qui peuvent ou non se combiner : le recul, la distanciation et la décentration (Campanale, 2007, p. 197). Elle précise que ces trois processus sont des repères pour l’observateur qui tente alors de comprendre ce qui a pu provoquer des régulations à un moment donné (Campanale, 2007, p. 197).

Le recul est le processus qui amène le professionnel à focaliser son autoévaluation sur des résultats

« au regard des résultats envisagés, de feedback externe renvoyés par la situation, par autrui » (Campanale, 2007, p. 197). De plus, l’enseignant peut se poser des questions qui vont l’amener à expliciter sa prise de conscience et éventuellement « un ajustement induit par une autoévaluation, qui se limite à de l’autoconstat » (Campanale, 2007, p. 197). Malgré cela, l’auteure précise que « [l]e réajustement peut ne pas se répercuter sur la conception de l’action et les moyens de réalisation, et ne pas modifier significativement la pratique ultérieure » (Campanale, 2007, p. 197).

Le deuxième processus, la distanciation, est le fait de déplacer sa focalisation sur les moyens utilisés pour réaliser l’action observée. Ici, il s’agit d’interroger la démarche et non plus les résultats. Le professionnel va se remémorer « la façon dont il a conduit l’activité, se la représente mentalement et l’interroge en fonction de la façon dont il voulait agir, des effets produits, de remarques/questions d’autrui, d’autres démarches possibles présentées par des pairs ou l’enseignant/le formateur » (Campanale, 2007, p. 197).

Finalement, la décentration va amener le sujet à sortir de ses propres représentations afin de saisir l’objet à travers d’autres références. Il s’agira de l’apport mutuel que nous tenterons de nous apporter dans cette phase d’analyse. Nous observerons notre façon d’agir « à travers le prisme d’autrui, sous l’effet d’un autre éclairage de l’action et de la situation, de l’explicitation de conceptions qui [viendront] déstabiliser les [notre] » (Campanale, 2007, p. 197). Selon Campanale (2007), cela amène le sujet à

s’interroger sur la pertinence de ses propres représentations, sur ce qui l’a amené à agir ainsi. La décentration peut générer une remise en cause plus profonde de son réseau de représentations, une réorientation de ses conceptions qui refonde l’activité ultérieure. La régulation porte à la fois sur sa façon de penser l’action et sur sa façon de la conduire. (p. 197)

Par ailleurs, Campanale (2007) précise que l’ampleur de la prise de distance et ses effets sont dépendants de plusieurs facteurs. Tout d’abord, « l’organisation de la situation d’autoévaluation, qui

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devrait solliciter, au-delà du recul et du constat d’écart entre un résultat attendu, une interrogation des représentations de l’action ». Puis, « la motivation du sujet par rapport à son projet d’apprentissage ou de formation (Laveault, 1999). Ensuite, « son sentiment d’auto-efficacité (Gombert & Fayol, 1988 ; Bouffard-Bouchard, 1992) ». Enfin, « la `souplesse´ cognitive sujet » (Campanale, 2007, p. 9). Cette auteure précise aussi qu’il est possible pour l’enseignant ou le formateur d’agir à peu près sur les trois derniers facteurs tandis que la responsabilité lui revient entièrement pour le premier facteur, l’organisation des situations d’autoévaluation. Dans notre mémoire, cela relève de notre choix de nous mettre dans une posture de chercheure en analysant notre pratique réelle grâce aux vidéos.

Attribution de causalité interne et externe

L’utilisation de la vidéo donne la possibilité aux professionnels d’analyser leurs actions en entrant dans un processus de prise de distance. Cette réflexivité sur leur pratique réelle peut engendrer des questionnements pour tenter d’expliquer l’action effective. Sanchez-Mazas (2015) aborde, dans son cours universitaire portant sur les dimensions interculturelles en éducation, le concept d’attribution de causalité interne et externe (Heider, 1958). Cette professeure explique que l’attribution relève d’un processus cognitif permettant d’expliquer ce qui nous arrive ou arrive aux autres, à donner des causes par rapport à ce que nous faisons ou ce que font les autres, de ce qu’elles pensent, de ce qu’elles ressentent. En effet, parfois acteurs ou observateurs, les individus ont besoin d’expliquer les événements. Cette explication peut alors se produire de deux manières, par des causes davantage personnelles (compétences, motivation, effort), qu’environnementales (facteurs contextuels) (Sanchez-Mazas, 2015, s. 3).

Deux types d’attributions de causalité interviennent alors : l’attribution interne et l’attribution externe. Sanchez-Mazas (2015) explique que dans le premier type, ce sont les facteurs internes à la personne qui sont mis en avant, en particulier des traits inaltérables comme des traits de caractère, la volonté, l’intention et la personnalité. Dans l’attribution interne, l’acteur est donc tenu pour principal responsable de ses actes. A contrario, dans le concept de l’attribution externe, la responsabilité de l’acteur est moins importante et l’accent est mis sur l’environnement comme des contraintes situationnelles, des accidents, le hasard. En d’autres termes, Seca (2003) explique dans son écrit sur la théorie de l’attribution que : « l’activité mentale d’attribution repose sur l’objectif d’atteindre un contrôle, une stabilité et une cohérence de l’interprétation du monde et de ses phénomènes » (p. 2).

L’activité mentale d’attribution implique selon cet auteur

un apprentissage social de certaines normes, comme l’ « internalité » tendant à privilégier les causes « internes », propres à l’individu (capacités, émotions, intelligence, estime et maîtrise de soi), et à sous-estimer les facteurs « externes », comme le hasard, la chance […] pour expliquer , par exemple, la réussite ou l’échec (Dubois, 1994). (Seca, 2003, p. 2)

Il nous apparait important d’avoir conscience de ces processus d’attribution dans le cadre de la vidéoformation. D’autant plus si l’observateur est acteur de la pratique visionnée, car nous émettons l’hypothèse que ce dernier peut être amené à s’autoévaluer en se situant davantage dans de l’attribution interne.

Pour finir, l’utilisation de la vidéo comme moyen de formation permet aux enseignants de revenir sur leur activité réelle et de l’analyser finement afin d’identifier les organisateurs d’activités efficaces et

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de se les approprier. L’échange qui émane de l’autoconfrontation croisée donne la possibilité aux professionnels de débattre sur des normes de métier, il s’agit d’une occasion offerte à chacun pour ouvrir ses perceptions du métier et ainsi se développer professionnellement.

La coopération entre enseignants

Dans cette partie, nous nous pencherons sur le développement professionnel des enseignants qui coopèrent dans leurs pratiques. Nous mettrons en parallèle d’une part, le but premier de ce mémoire : se développer professionnellement en mettant en place des activités en coopération dans nos classes avec, d’autre part, l’objectif de nos activités réalisées en classe : amener les élèves à coopérer. Pour ce faire, nous aborderons le thème de la coopération entre enseignants en soulevant notamment certaines des conditions nécessaires entre pairs ou entre un formateur et un enseignant pour permettre aux professionnels de se développer professionnellement. Nous parlerons du processus mimétique qui entre souvent en jeu. Pour finir, nous relèverons les avantages du visionnement de l’activité réelle d’un pair.

La coopération entre enseignants

Dans notre recherche, le développement professionnel représente le point central et s’axe sur la mise en place d’activités en pédagogie coopérative dans nos classes. Robitaille (2007) s’intéresse dans son article au dispositif de développement professionnel sur l’apprentissage coopératif comme un lieu de régulation entre pairs. Sa recherche « suggère que les régulations entre enseignants, favorisées par un dispositif de développement professionnel sous forme de coopération, peuvent contribuer à leur compréhension et leur pratique de l’apprentissage coopératif, et par extension aux apprentissages de leurs élèves » (p. 188). Dans notre étude, le développement professionnel individuel de chacune est étroitement lié à la coopération présente dans l’élaboration et l’analyse de nos activités. Pour Lussi Borer et Ria (2016) les « situations de travail à plusieurs sont d’autant plus porteuses d’apprentissage que leur fonctionnement s’approche de la coopération, que ce soit pour les élèves qui en bénéficient ou pour les membres de l’équipe éducative qui les organisent et les animent » (p. 237). De plus,

[l]a coopération entre enseignants est également présentée comme un mode de travail prometteur, apportant soutien et nouveauté face à la solitude de la classe. Il est intéressant de constater que ce qui est implanté en classe comme méthode de travail pour les élèves, devient également une méthode de travail pour les adultes entre eux. (Robitaille, 2007, p. 171)

Afin de pouvoir coopérer, plusieurs auteurs s’accordent sur certaines conditions comme notamment le fait que chaque participant doit adhérer au contrat de départ « à savoir, se voir soi-même à travers une vidéo et en même temps accepter d’être vu par les autres (Linard & Prax, 1984) » (Lussi Borer &

Ria, 2016, p. 248). Par ailleurs, Robitaille (2007) déclare que les affinités entre les partenaires de travail permettent une collaboration efficace et plaisante, car cela suscite des échanges positifs et une complémentarité entre les enseignants. Cette auteure souligne également l’importance de l’entente entre les professionnels, d’avoir les mêmes exigences et les mêmes visées pédagogiques pour garantir un climat d’écoute et de compréhension. Pour que des collègues puissent prendre le statut de personnes-ressources accompagnant le développement professionnel de collègues-pairs, Meirieu (2015) avance aussi l’importance de la proximité et ajoute que

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l’expert doit être un pair, ou, tout au moins, un ex-pair. Non pas un modèle à imiter, mais quelqu’un qui est « embarqué dans le même bateau » et, loin de toute position de jugement en surplomb, prend sa place dans le travail collectif. (Lussi Borer & Ria, 2016, p. 248)

Le visionnement de l’activité réelle d’un pair nous donne alors la possibilité d’accéder aux « problèmes typiques » de l’entrée dans le métier. Ainsi, le climat de confiance et cette confrontation du travail réel permettent aux enseignants un cheminement réflexif et critique qui donne la possibilité à chacun de se développer professionnellement (Leblanc, 2016). En résumé

[…] à l’intérieur d’un dispositif de développement professionnel sur l’apprentissage coopératif, la coopération entre enseignants peut favoriser, si les relations se placent sous le signe du respect et de la confiance, la clarification des concepts théoriques, l’analyse des pratiques et l’engagement.

Parmi les conditions essentielles pour établir de la coopération entre les enseignants, Cooper et Boyd (1998) suggèrent d’établir un climat de collaboration où la confiance et l’acceptation mutuelle sont construites. (Robitaille, 2007, p. 182)

Comme nous l’avons évoqué précédemment, l’apport entre pairs sera ici notre principale ressource.

Néanmoins, notre directrice de mémoire participera et guidera les échanges lors des autoconfrontations simples et des autoconfrontation croisées. Cette personne externe se nomme dans les dispositifs de développement professionnel un formateur. Pour Flandin, et al. (2015), l’accompagnement du formateur devrait tendre à une position « empathique et « symétrique » (non en surplomb), à l’écoute des besoins des enseignants […] » (p. 9). Pour ces chercheurs

[s]ur cette base empathique, l’activité du formateur peut simplement consister à aider [les enseignants] à « élaborer une problématique de navigation » (Flandin & Ria, 2014), à expliciter ce que le visionnement de films suscite comme réactions chez eux, à identifier leurs propres croyances et modes d’agir à travers ceux des autres, à imaginer de nouvelles manières d’agir (Leblanc, 2014), ou encore à élaborer des conflits de normes susceptibles de déboucher sur des renormalisations.

(Flandin, et al., 2015, pp. 9-10)

Lors des moments de visionnement, Leblanc (2016) précise que la situation exposée n’est pas transparente pour les individus qui la visionnent et que l’enseignant est donc amené « à documenter ce qui a accompagné pas à pas son action » (p. 150). L’interlocuteur se doit de faire preuve d’empathie et de non-jugement pour pouvoir « aider à cette enquête et [il] cherche à comprendre la dynamique de l’activité de l’enseignant » (Leblanc, 2016, p. 150). C’est par un détour sur la description que l’enseignant et le formateur « vont pouvoir découvrir des choses sur l’activité, qui étaient présentes dans la situation, mais non conscientisées. Ils construiront alors une nouvelle intelligibilité de la situation » (Leblanc, 2016, p. 150).

Le processus mimétique

À présent, nous allons nous pencher sur le processus mimétique qui peut être généré par l’usage de vidéo. Ce dernier consiste en une mise en lien de l’activité visionnée avec l’activité de l’individu qui la visionne. Par ce processus, l’observateur fait l’expérience de l’activité visionnée « comme si c’était la sienne, ce qui tend à l’immerger spatialement et temporellement dans l’activité visionnée, à vivre celle-ci par procuration » (Lussi Borer, 2015, p. 13). D’après Lussi Borer (2015), celui qui visionne une activité est amené à faire des comparaisons entre ce qu’il observe et sa propre activité. De manière

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