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Dans cette partie, nous nous pencherons sur le développement professionnel des enseignants qui coopèrent dans leurs pratiques. Nous mettrons en parallèle d’une part, le but premier de ce mémoire : se développer professionnellement en mettant en place des activités en coopération dans nos classes avec, d’autre part, l’objectif de nos activités réalisées en classe : amener les élèves à coopérer. Pour ce faire, nous aborderons le thème de la coopération entre enseignants en soulevant notamment certaines des conditions nécessaires entre pairs ou entre un formateur et un enseignant pour permettre aux professionnels de se développer professionnellement. Nous parlerons du processus mimétique qui entre souvent en jeu. Pour finir, nous relèverons les avantages du visionnement de l’activité réelle d’un pair.

La coopération entre enseignants

Dans notre recherche, le développement professionnel représente le point central et s’axe sur la mise en place d’activités en pédagogie coopérative dans nos classes. Robitaille (2007) s’intéresse dans son article au dispositif de développement professionnel sur l’apprentissage coopératif comme un lieu de régulation entre pairs. Sa recherche « suggère que les régulations entre enseignants, favorisées par un dispositif de développement professionnel sous forme de coopération, peuvent contribuer à leur compréhension et leur pratique de l’apprentissage coopératif, et par extension aux apprentissages de leurs élèves » (p. 188). Dans notre étude, le développement professionnel individuel de chacune est étroitement lié à la coopération présente dans l’élaboration et l’analyse de nos activités. Pour Lussi Borer et Ria (2016) les « situations de travail à plusieurs sont d’autant plus porteuses d’apprentissage que leur fonctionnement s’approche de la coopération, que ce soit pour les élèves qui en bénéficient ou pour les membres de l’équipe éducative qui les organisent et les animent » (p. 237). De plus,

[l]a coopération entre enseignants est également présentée comme un mode de travail prometteur, apportant soutien et nouveauté face à la solitude de la classe. Il est intéressant de constater que ce qui est implanté en classe comme méthode de travail pour les élèves, devient également une méthode de travail pour les adultes entre eux. (Robitaille, 2007, p. 171)

Afin de pouvoir coopérer, plusieurs auteurs s’accordent sur certaines conditions comme notamment le fait que chaque participant doit adhérer au contrat de départ « à savoir, se voir soi-même à travers une vidéo et en même temps accepter d’être vu par les autres (Linard & Prax, 1984) » (Lussi Borer &

Ria, 2016, p. 248). Par ailleurs, Robitaille (2007) déclare que les affinités entre les partenaires de travail permettent une collaboration efficace et plaisante, car cela suscite des échanges positifs et une complémentarité entre les enseignants. Cette auteure souligne également l’importance de l’entente entre les professionnels, d’avoir les mêmes exigences et les mêmes visées pédagogiques pour garantir un climat d’écoute et de compréhension. Pour que des collègues puissent prendre le statut de personnes-ressources accompagnant le développement professionnel de collègues-pairs, Meirieu (2015) avance aussi l’importance de la proximité et ajoute que

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l’expert doit être un pair, ou, tout au moins, un ex-pair. Non pas un modèle à imiter, mais quelqu’un qui est « embarqué dans le même bateau » et, loin de toute position de jugement en surplomb, prend sa place dans le travail collectif. (Lussi Borer & Ria, 2016, p. 248)

Le visionnement de l’activité réelle d’un pair nous donne alors la possibilité d’accéder aux « problèmes typiques » de l’entrée dans le métier. Ainsi, le climat de confiance et cette confrontation du travail réel permettent aux enseignants un cheminement réflexif et critique qui donne la possibilité à chacun de se développer professionnellement (Leblanc, 2016). En résumé

[…] à l’intérieur d’un dispositif de développement professionnel sur l’apprentissage coopératif, la coopération entre enseignants peut favoriser, si les relations se placent sous le signe du respect et de la confiance, la clarification des concepts théoriques, l’analyse des pratiques et l’engagement.

Parmi les conditions essentielles pour établir de la coopération entre les enseignants, Cooper et Boyd (1998) suggèrent d’établir un climat de collaboration où la confiance et l’acceptation mutuelle sont construites. (Robitaille, 2007, p. 182)

Comme nous l’avons évoqué précédemment, l’apport entre pairs sera ici notre principale ressource.

Néanmoins, notre directrice de mémoire participera et guidera les échanges lors des autoconfrontations simples et des autoconfrontation croisées. Cette personne externe se nomme dans les dispositifs de développement professionnel un formateur. Pour Flandin, et al. (2015), l’accompagnement du formateur devrait tendre à une position « empathique et « symétrique » (non en surplomb), à l’écoute des besoins des enseignants […] » (p. 9). Pour ces chercheurs

[s]ur cette base empathique, l’activité du formateur peut simplement consister à aider [les enseignants] à « élaborer une problématique de navigation » (Flandin & Ria, 2014), à expliciter ce que le visionnement de films suscite comme réactions chez eux, à identifier leurs propres croyances et modes d’agir à travers ceux des autres, à imaginer de nouvelles manières d’agir (Leblanc, 2014), ou encore à élaborer des conflits de normes susceptibles de déboucher sur des renormalisations.

(Flandin, et al., 2015, pp. 9-10)

Lors des moments de visionnement, Leblanc (2016) précise que la situation exposée n’est pas transparente pour les individus qui la visionnent et que l’enseignant est donc amené « à documenter ce qui a accompagné pas à pas son action » (p. 150). L’interlocuteur se doit de faire preuve d’empathie et de non-jugement pour pouvoir « aider à cette enquête et [il] cherche à comprendre la dynamique de l’activité de l’enseignant » (Leblanc, 2016, p. 150). C’est par un détour sur la description que l’enseignant et le formateur « vont pouvoir découvrir des choses sur l’activité, qui étaient présentes dans la situation, mais non conscientisées. Ils construiront alors une nouvelle intelligibilité de la situation » (Leblanc, 2016, p. 150).

Le processus mimétique

À présent, nous allons nous pencher sur le processus mimétique qui peut être généré par l’usage de vidéo. Ce dernier consiste en une mise en lien de l’activité visionnée avec l’activité de l’individu qui la visionne. Par ce processus, l’observateur fait l’expérience de l’activité visionnée « comme si c’était la sienne, ce qui tend à l’immerger spatialement et temporellement dans l’activité visionnée, à vivre celle-ci par procuration » (Lussi Borer, 2015, p. 13). D’après Lussi Borer (2015), celui qui visionne une activité est amené à faire des comparaisons entre ce qu’il observe et sa propre activité. De manière

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générale, ces comparaisons relèvent surtout de « ce qui marche », « ce qui ne marche pas » ou « ce qui marche moins bien ». À la suite d’un visionnement, le professionnel peut exprimer une satisfaction ou une insatisfaction déjà présente concernant sa propre activité s’il perçoit l’activité visionnée comparativement comme étant meilleure ou alors moins bonne que la sienne. Dès lors, « [l]e visionnement de films permet ainsi de mettre en exergue des différences globales de réussite, des différences entre manières de faire ainsi que des différences entre les normes qui portent ces activités » (Lussi Borer, 2015, p. 13). De plus, Maulini (2016) reprend les propos de van Brederode (2016) qui déclare que le fait de se confronter à l’activité d’autrui entraîne des retours réflexifs sur sa propre pratique et permet « de penser sa propre activité en action et de pouvoir davantage ajuster en situation » (pp. 174-175). Flandin, et al. (2015) ajoutent même que

[…] les études semblent montrer que ce n’est pas l’analyse et/ou la réflexion sur les situations visionnées (et les situations vécues) qui permet fondamentalement d’engager des processus de transformation, mais bien plutôt le fait que le visionnement d’autrui suscite un « revécu » de sa propre activité dans toutes ses dimensions, cognitives et affectives. (p. 10)

Les avantages du visionnement de l’activité réelle d’un pair

De nombreux avantages peuvent être relevés de ce visionnement de l’activité réelle par un pair. Pour Lussi Borer (2015),

[l]es identifications de ce qu’il aurait été possible de faire permettent d’entrer dans l’activité en train de se faire et de ne pas restreindre cette activité uniquement à ce qui en est advenu. Cela permet de repérer dans une activité les moments où des bifurcations auraient été envisageables.

Lorsque celui qui compare importe une différence réelle perçue dans une comparaison entre activités comme différence possible dans une autre activité, il construit un lien entre un réel déjà réalisé ailleurs et un possible dans l’activité considérée. Ce possible permet de reconfigurer l’activité en l’amenant à se développer dans une autre direction que celle qu’elle a prise et ouvre des pistes de transformation qui sont d’autant plus pertinentes qu’elles ont déjà été éprouvées ailleurs. (pp. 13-14)

De même, « [e]n enrichissant l’environnement de formation, [l’usage de la vidéo] suscite chez les participants des débats professionnels et des consensus autour d’analyses partagées qui sont particulièrement prometteurs pour leur développement professionnel » (Lussi Borer, 2015, p. 14).

Lussi Borer (2015) explique qu’un double mouvement apparait : « les participants proposent d’autres lectures de l’activité visionnée ([ils] regardent l’activité d’autrui à partir de leur système de norme) » et « […] se projettent dans l’activité visionnée comme si c’était la leur ([ils] adoptent les intentions, perceptions, valeurs de l’enseignant filmé pour analyser l’activité, voire proposer des pistes de transformations) » (p. 14). « De cette manière, les propositions de transformation proviennent à la fois d’expertises développées dans l’activité d’autres, et du potentiel présent dans l’activité visionnée identifiée par des participants qui possèdent une distance critique par rapport à celle-ci » (Lussi Borer, 2015, pp. 13-14).

Pour conclure, nous relevons l’importance du climat de confiance à établir entre les participants. Nous voyons également le potentiel du visionnement de l’activité d’autrui qui donne la possibilité aux enseignants de se questionner et de se projeter soi-même dans l’activité. En échangeant sur le travail réel, les professionnels apprennent sur leur propre activité et se développent ainsi progressivement

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professionnellement. Finalement, nous pouvons avancer qu’ « apprendre à préparer et mettre en pratique des activités d’apprentissage coopératif en [étant nous-même immergées] dans la coopération entre pairs semble une approche pertinente pour un dispositif de développement professionnel » (Robitaille, 2007, p. 188).

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