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La première phase de la pédagogie coopérative intitulée ici l’apprentissage à la coopération est constituée de trois facettes : l’instauration d’un contexte favorable à la mise en œuvre au travail de groupe constructif, à savoir un climat de classe coopératif, l’introduction d’un travail sur les habiletés coopératives et la réflexion critique sur le fonctionnement de groupe (Buchs, Gilles, Butera &

Quiamzade, 2012, p. 212). Dans la partie qui suit, nous allons détailler chacune de ces dimensions.

Établir un climat positif et propice à la coopération

Pour concevoir la classe comme un lieu d’apprentissage dans lequel l’élève prend des risques pour oser apprendre, il est fondamental d’instaurer un climat d’ouverture et de confiance entre l’enseignant et les élèves, mais aussi entre élèves (Gaudet, Jacques, Lachance, Lebossé, Morelli, Pagé, Robert, Thomas-Petit & Walenta, 1998). « C’est une condition essentielle à tout apprentissage, qu’il se fasse dans un contexte coopératif ou individuel » (Gaudet, & al., 1998, p. 167). Or, établir un climat de confiance est « […] d’autant plus important quand il s’agit d’apprentissage coopératif. En effet, avant d’introduire le travail en groupes restreints, il est essentiel que les élèves se sentent suffisamment à l’aise pour s’ouvrir aux autres, les valoriser et accepter leurs différences » (Gaudet, &

al., 1998, p. 167). La première étape pour entrer dans une démarche coopérative est donc l’établissement « [d’]un contexte favorable à la mise en œuvre d’un travail de groupe constructif » (Buchs, Gilles, & al., 2012, pp. 212-213). Cette première phase est centrée sur l’apprentissage de la coopération en elle-même (Buchs, Gilles, & al., 2012, pp. 212-213). Ces mêmes auteurs ajoutent qu’il faut préparer les apprenants pour entrer dans une démarche coopérative (Buchs, Gilles, & al., 2012,

Volpé, 2014, p. 17

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pp. 212-213). Rouiller et Howden (2009) complètent en affirmant qu’il faut tenir compte des besoins des apprenants pour favoriser les apprentissages, car « [l]a menace sous toutes ses formes peut nuire à l’apprentissage » (p. 86). D’ailleurs, selon Connac (2010) les émotions négatives réduiraient les possibilités d’apprendre. « Ainsi, si un enfant a l’impression que ses pairs se moquent de lui ou le maltraitent durant les pauses, il lui sera plus difficile d’apprendre » (cité par Volpé, 2014, p. 15). Au contraire, les émotions positives sont fondamentales, car « on mémorise mieux les évènements et les informations complétées d’un sentiment agréable que l’on ressent personnellement » (Connac, 2010, p. 42). Il faut donc, comme l’affirment Rouiller et Howden (2009) : « prendre le temps de créer un climat agréable susceptible de combler certains besoins des apprenants et favoriser une communication permettant de réguler de manière optimale les dysfonctionnements » (p. 86). En somme, « un climat de classe favorable et propice à l’apprentissage en coopération est un climat marqué par le respect mutuel » (Rouiller & Howden, 2009, p. 85).

Les valeurs de la coopération

En classe, c’est un ensemble de valeurs qui constitue la mise en place d’un climat tel que nous l’avons décrit ci-dessus (Buchs, Lehraus & Crahay, 2012). Mais au-delà de la classe, pour Potvin, Ruel, Sabourin, et Robillard (2005) : « [l]es valeurs représentent en quelque sorte les finalités que nous poursuivons pour donner du sens à la vie […] » (p. 44). Selon Rouiller et Howden (2009) : « [s]i l’on considère les valeurs sociales comme des manières d’être et d’agir […] on comprend aisément leur importance dans l’amélioration des comportements en classe et notamment dans une approche coopérative » (pp. 86-87). À ce propos, un enseignant ayant mis en place la pédagogie coopérative avec ses élèves, cité par ces mêmes auteurs, affirme : « [l]es fondements de la coopération sont sans aucun doute les valeurs. Si je n’avais pas apporté ces valeurs en classe de façon explicite en début d’année, j’aurais eu un édifice branlant, c’est-à-dire un groupe d’apprenants sans fondation solide » (Rouiller & Howden, 2009, p. 85). L’enseignant témoigne donc de l’importance des valeurs dans l’instauration de la pédagogie coopérative en classe.

Howden et Laurendeau (2005) dans leur ouvrage sur la coopération, soulèvent six principales valeurs sous-jacentes à la coopération : l’ouverture aux autres, la confiance, l’entraide, l’engagement, le plaisir, la prise de risques. Ces valeurs semblent essentielles pour développer un esprit de classe coopératif dans lequel les élèves peuvent apprendre. À titre d’exemple, si nous nous arrêtons sur la valeur de l’entraide, « dans une situation de coopération, [cette valeur] est synonyme d’écoute et de partage » (Howden & Laurendeau, 2005, p. 21). De ce fait, dans les situations coopératives « l’enseignant n’est plus la seule interface aux savoirs » (Connac, 2010, p. 53). Ainsi, comme l’expliquent Potvin, et al. (2005), à travers l’apprentissage coopératif, nous offrons aux élèves la possibilité d’apprendre différemment, d’apprendre notamment entre eux, car « il y a dépolarisation de la source du savoir, qui passe des enseignantes aux groupes d’élèves » (p. 4). Howden et Laurendeau (2005) rappellent donc qu’« [i]l est important que les élèves comprennent qu’ils peuvent aider les autres, mais qu’ils peuvent eux aussi avoir besoin d’aide » (p. 21). L’entraide est une valeur fondamentale pour qu’il y ait coopération entre les élèves, or, celle-ci n’est pas innée.

Pour transmettre ces valeurs aux élèves, plusieurs auteurs, dont Potvin, et al. (2005) soulignent qu’il est d’abord essentiel que les enseignants y adhèrent afin de les appliquer en classe (p. 44). Puis, Buchs, Lehraus, et al. (2012) citent Abrami, Chambert, Poulsen, De Simone, D’Apollonia & Howden (1996) qui

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recommandent « d’organiser diverses activités visant à créer un esprit de classe et d’équipe, [notamment] des activités destinées à briser la glace, à créer un climat de confiance ou à établir des normes et des objectifs » (pp. 439-440). Par exemple, si l’on reprend la valeur de l’entraide, Howden et Laurendeau (2005) suggèrent de faire des jeux de rôles afin de faire comprendre aux élèves « qu’en s’entraidant, la tolérance et le partage seront de mise » (p. 21) et que l’enseignant ne constitue pas la seule source d’aide (Howden & Laurendeau, 2005, p. 21). Suite à cela, Rouiller et Howden (2009) ajoutent qu’« [i]l est primordial de discuter avec les élèves de l’importance de chacune des valeurs dans la culture de la classe [en les amenant à s’interroger sur la manière dont ces valeurs peuvent] se manifester dans les comportements de tous les jours » (p. 87). Enfin, Gaudet, et al. (1998) soutiennent que les enseignants doivent être attentifs « à maintenir cette ambiance non seulement durant la période d’implantation, mais aussi durant toute l’année scolaire » (p. 167). De plus, en créant ce climat de confiance et d’ouverture, on aide peu à peu « les élèves à acquérir certaines habiletés qui sont associées de façon plus précise au travail en coopération » (Gaudet, & al., 1998, p. 167).

Enseignement explicite des habiletés coopératives

Plusieurs auteurs, dont Gaudet, et al. (1998) soulignent qu’il est nécessaire, pour travailler en coopération, de maîtriser « des habiletés plus spécifiques au travail en coopération » (p. 173), à savoir certains comportements de base spécifiques à tout travail en groupe (Gaudet, & al., 1998, p. 173). Par habiletés coopératives, Chambers, Patten, Schaeff & Wilson Mau (1997) font référence aux compétences d’interaction, telles que procéder à tour de rôle, partager, aider, écouter attentivement, exprimer poliment son désaccord, encourager, négocier, féliciter. Il existe diverses habiletés et certains auteurs les ont listées dans des tableaux allant du simple au complexe, notamment Rouiller et Howden (2009) qui ont répertorié quelques habiletés coopératives qui soutiennent la promotion des valeurs de la coopération.

Dans un milieu scolaire qui a tendance à privilégier le travail individuel ou compétitif, les élèves ayant peu l’habitude de coopérer ne maîtrisent pas ces habiletés (Gaudet, & al., 1998). Or, « [l]es pratiques courantes se basent souvent sur l’idée que les habiletés coopératives, comme d’autres habiletés relationnelles, seraient innées » (Rouiller & Howden, 2009, p. 103). L’enseignant doit permettre aux élèves d’acquérir les habiletés coopératives pour développer la qualité des interactions. Pour ce faire, plusieurs auteurs préconisent la procédure d’enseignement explicite des habiletés coopératives (Rouiller & Howden, 2009). Abrami, et al. (1996), cités par Buchs, Lehraus & al. (2012, pp. 440-441) la décrivent, en quatre étapes, comme suit :

1. En premier lieu, il s’agit pour l’enseignant de choisir les habiletés à enseigner (Abrami, & al., 1996).

Gaudet, et al. (1998) conseillent d’abord d’enseigner celles qui sont « essentielles à tout travail en coopération, telles que s’entraider, exprimer son opinion devant d’autres élèves, écouter les autres, contribuer au travail d’équipe, critiquer les idées et non les personnes » (p. 177). Puis, selon ces mêmes auteurs, il faut cibler les besoins spécifiques de chaque groupe afin de déterminer quelles habiletés coopératives enseigner, en tenant compte notamment des problèmes observés dans les équipes (Gaudet, & al., 1998, p. 177). Il est également important que les élèves comprennent la nécessité d’intégrer cette habileté à travers des expériences de classes verbalisées lors de discussions en collectif (Volpé, 2014, p. 16).

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2. En deuxième lieu, il faut permettre aux élèves de comprendre comment mettre en œuvre l’habileté en question. Il s’agit donc d’élaborer un outil visuel avec eux (Abrami, & al., 1996) et de définir des indicateurs de cette habileté (Rouiller & Howden, 2009). Cela est possible à travers l’outil du tableau en T. Celui-ci consiste à tracer un T sous le nom de l’habileté visée, pour y inscrire les idées des élèves, au sujet des comportements permettant de concrétiser les gestes attendus pour l’habileté visée. Plus précisément, on note d’un côté les comportements verbaux, et de l’autre, les non verbaux (Abrami, & al., 1996). Le tableau reste ensuite affiché en classe afin que les élèves puissent s’y référer lorsqu’ils en ressentent le besoin (Volpé, 2014).

3. En troisième lieu, il s’agit de mettre en pratique cette habileté à travers une activité coopérative au cours de laquelle l’habileté sera utile (Abrami, & al., 1996).

4. En quatrième et dernier lieu, une discussion vient clore l’activité. Lors de celle-ci, les élèves par équipe parlent de leurs expériences autour des processus de coopération liés à l’habileté ciblée (Abrami, & al., 1996). Cette phase constitue le troisième critère dans la partie « Apprendre à coopérer », elle est appelée réflexion critique sur les processus de groupe (Buchs, Lehraus, & al., 2012, pp. 440-441).

La réflexion critique

Un temps de réflexion critique après toute activité coopérative est incontournable pour assurer la cohérence de l’approche coopérative. Celle-ci est directement reliée à la démarche d’enseignement des habiletés coopératives décrite précédemment (Buchs, Lehraus, & al., 2012). Ce terme, réflexion critique, définit « le processus de métacognition sur le travail en coopération » (Howden & Kopiec, 1999, p. 21). Dans la littérature, certains auteurs nomment aussi cette phase la rétroaction (Abrami &

al., 1996) ou l’objectivation de la dynamique d’équipe (Howden & Martin, 1997). Dans notre travail, nous emploierons le terme réflexion critique car Rouiller et Lehraus (2008) soutiennent que celui-ci est plus large, car il englobe « […] à la fois l’aspect rétroaction (feedback sur ce qui s’est passé), l’aspect objectivation (passage de la subjectivité, du ressenti à des faits objectivés), et prise de distance métacognitive pour alimenter les métaconnaissances sur le fonctionnement des individus en groupe » (p. 223). Cette étape permet, en effet, de clore les activités de groupes et amène les membres de l’équipe à prendre du recul et à repenser le fonctionnement du groupe en les faisant réfléchir « […] sur l’avancement cognitif et sur la manière de travailler ensemble. Il s’agit de discuter de ce qui a été utile et qui pourrait être maintenu et de ce qui pourrait être amélioré lors des travaux ultérieurs » (Buchs, Gilles, & al., 2011, p. 213).

Howden et Laurendeau (2005) déclarent qu’il existe trois niveaux de réflexion : l’introspection personnelle, la réflexion sur la participation des membres de l’équipe et la réflexion de l’équipe. Nous allons à présent procéder à une description de ces derniers en reprenant les idées de ces deux auteurs.

Dans le premier niveau, l’introspection, l’élève répond à des questions au sujet de la « qualité de sa participation au sein de l’équipe ». Il réfléchit donc uniquement à son comportement au sein du groupe. Dans le deuxième niveau, la réflexion sur la participation des membres de l’équipe, l’élève se centre d’abord individuellement sur le fonctionnement du groupe puis il en discute avec les autres membres. Le troisième niveau amène les élèves à réfléchir collectivement en équipe afin d’arriver à un consensus. « Cette étape est fondamentale en apprentissage coopératif. Malheureusement, elle

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est trop souvent négligée ou même oubliée en raison d’un manque de temps » (Howden & Martin, 1997, p. 13).

Les trois dimensions que nous venons de décrire, à savoir : l’instauration d’un climat positif à travers la mise en place de valeurs, l’enseignement des habiletés coopératives et la réflexion critique permettent aux élèves de développer des outils de base pour apprendre à coopérer. La phase de coopération pour apprendre peut suivre, c’est-à-dire « […] le temps où des activités structurées en équipe devraient permettre d’exploiter ces interactions coopératives au service des apprentissages scolaires » (Buchs, Lehraus, & al., 2012, p. 441).