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Dans la partie qui suit, nous nous focaliserons sur la deuxième phase de la pédagogie coopérative, celle qui permet aux élèves d’apprendre en coopérant. Pour rappel c’est ce que plusieurs auteurs appellent l’apprentissage coopératif. Selon Robitaille (2007), « l’apprentissage coopératif est une forme de travail en groupe structuré selon des principes de base incontournables pour planifier, réaliser et analyser les activités » (pp. 172-173). Buchs, Lehraus, et al. (2012) en relèvent cinq, synthétisés par Davidson (1998). Ce sont des critères sur lesquels l’enseignant peut s’appuyer « pour structurer la coopération à des fins d’apprentissage » (Buchs, Lehraus, & al., 2012, p. 442), les voici : 1. L’enseignant doit s’assurer de choisir une tâche commune qui soit une « une activité

d’apprentissage réalisable uniquement en groupe, [c’est-à-dire], qui nécessite un apport de la part de l’ensemble des participants et ne peut être réalisée de manière individuelle » (Buchs, Gilles, &

al., 2012, p. 213).

2. Il est nécessaire des former des groupes de taille restreinte (entre 2 et 5 élèves) pour permettre des interactions plus fréquentes, individualisées et un fonctionnement optimal au sein de l’équipe (Buchs, Lehraus, & al., 2012, p. 443). Le mode de constitution de celle-ci reste encore sans réponse univoque (Buchs, Lehraus, & al., 2012, p. 443). Selon Robitaille (2007) : « [d]ivers facteurs entrent en ligne de compte dans la formation des équipes, mais les petites équipes hétérogènes sont privilégiées afin de multiplier les occasions de verbalisations, d’interactions constructives et de régulations entre pairs » (p. 173). Selon Howden et Laurendeau, (2005) : « [i]l est important toutefois que les élèves aux compétences similaires aient l’occasion de travailler ensemble à d’autres moments. C’est cet équilibre qui permettra aux élèves d’aspirer à la réussite scolaire » (p.

2). L’essentiel selon ces auteurs est que l’esprit d’équipe et de classe soient bons afin que les membres puissent se percevoir comme des apprenants participatifs.

3. Une attitude coopérative est attendue au sein des équipes. Celle-ci est définie de manière large dans les différents ouvrages. Buchs, Lehraus, et al. (2012) affirment à ce sujet : « [s]i toutes les méthodes encouragent les attitudes et les comportements coopératifs tels que les efforts pour accomplir le travail de groupe, l’entraide et le support mutuel, les interactions spécifiques stimulées peuvent varier dans les différentes méthodes » (p. 443). Ces mêmes auteurs ajoutent qu’un support mutuel doit être soutenu par l’enseignant, celui-ci doit donner des consignes favorisant « [l]’enseignement réciproque entre pairs, le questionnement mutuel et les efforts pour donner des explications élaborées, ainsi que l’exploration des divergences à travers une argumentation raisonnée » (Buchs, Lehraus, & al., 2012, p. 443).

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4. L’interdépendance positive est au cœur de l’apprentissage coopératif, c’est la composante primordiale qui oblige les élèves à travailler activement ensemble (Chambers, & al., 1997). Elle amène les membres d’une équipe à apprendre ensemble en conjuguant leurs efforts et en étant motivés à s’aider mutuellement pour que tous réussissent (Abrami, & al., 1996). Il y a interdépendance positive lorsque « [l]es individus travaillent ensemble en vue d’un but commun et perçoivent qu’ils ne peuvent atteindre leur but que si les autres membres du groupe l’atteignent également » (Lehraus & Buchs, 2008, p. 161). Chacun doit donc réaliser sa tâche personnelle afin que l’objectif commun puisse être atteint. À travers cette composante, l’enseignant doit faire ressentir la nécessité aux élèves de réaliser la tâche ensemble. Ainsi, les élèves « commencent à se comporter de manière interdépendante » (Chambers, & al., 1997, p. 3) car dans ces situations les efforts de chaque membre doivent être complémentaires, de manière à ce que « le succès d’un élève augmente les chances de succès des autres. » (Abrami, & al., 1996).

La création de l’interdépendance positive est ce qui permet de transformer une simple activité de groupe en une véritable activité coopérative (Chambers, & al., 1997, p. 14). Il existe différents types d’interdépendance positive, l’enseignant peut donc la structurer de plusieurs façons. Selon Johnson et Johnson (2006), elles se regroupent dans deux catégories générales, mais Abrami, et al.

(1996) proposent une troisième catégorie complémentaire (Buchs, Lehraus , & al., 2012), les voici : - L’interdépendance liée aux résultats : elle met l’accent sur les raisons pour lesquelles les élèves travaillent ensemble, à travers le but commun, la récompense et/ou les forces extérieures (Abrami, & al., 1996).

- L’interdépendance liée aux moyens : elle met l’accent sur la façon dont les élèves travaillent ensemble, à travers, les ressources, la tâche, les rôles, la communication et/ou le milieu (Abrami, & al., 1996).

- L’interdépendance liée aux relations interpersonnelles : elle est présente lorsque « les élèves sont motivés à travailler ensemble parce qu’ils ont le sentiment d’en avoir la responsabilité, qu’ils ont de l’attirance pour leurs camarades ou qu’ils désirent personnellement aider les autres ». Elle peut être mise en place en à travers l’identité et/ou la simulation (Abrami, & al., 1996, pp. 82-83).

Rouiller et Howden (2009), affirment qu’il « n’est pas nécessaire que tous les types d’interdépendance soient présents pour assurer le succès d’une activité coopérative » (p. 127).

Toutefois, ils ajoutent qu’une interdépendance de but commun ne suffit pas et, qu’il est bien de combiner plusieurs types d’interdépendance positive en fonction du but visé par l’enseignant (Abrami, & al., 1996, pp. 82-83).

5. La responsabilisation est une autre composante fondamentale de l’apprentissage coopératif. Dans les situations coopératives, les élèves doivent se sentir responsabilisés « face à leur propre apprentissage et à celui des autres membres de l’équipe [en les aidant à apprendre] » (Rouiller

& Lehraus, 2008, p. 18). Ils doivent donc faire preuve d’une double responsabilité (Abrami, & al., 1996).

Pour établir cette responsabilisation, Abrami, et al. (1996) suggèrent aux enseignants de s’assurer que les efforts personnels des élèves soient reconnaissables aux yeux de l’équipe et qu’ils se sentent responsables de leurs contributions individuelles (responsabilisation liée aux résultats). Les enseignants peuvent aussi veiller à ce que chaque membre ait un rôle précis à assumer et que les

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moyens utilisés pour obtenir ces résultats exigent la participation de chacun d’entre eux (responsabilisation liée aux moyens). Les enseignants peuvent également créer une identité collective au sein de l’équipe en organisant les interactions entre les élèves (responsabilisation liée aux relations interpersonnelles) (Buchs, Lehraus, & al., 2012, p. 444).

Somme toute, en donnant une tâche ou un rôle clair aux élèves, leur contribution dans la tâche sera plus grande, autant pour leurs apprentissages que pour ceux de leurs pairs, car ils se sentiront responsables du succès du groupe et y contribueront par leurs efforts (Abrami, & al., 1996). Par ce biais, on réduit le phénomène d’indolence social comme le risque de non-participation à la tâche par un élève. Cela empêche également les élèves de se reposer sur un membre de l’équipe et de profiter du produit d’un travail auquel ils n’auraient pas contribué (Abrami, & al., 1996).

Enfin, cette composante complète la précédente, celle d’interdépendance positive. Elles sont toutes les deux étroitement liées : la première met en évidence la relation de complémentarité entre les membres du groupe alors que la deuxième met l’accent sur les responsabilités de chaque individu dans cette relation (Abrami, & al., 1996).

Pour résumer, nous avons tenté de mettre en avant les principaux éléments de la pédagogie coopérative, et notamment le fait que pour amener les élèves à faire de l’apprentissage coopératif, il est nécessaire de structurer les activités de groupes selon des principes précis, mais qu’il est également fondamental de ne pas négliger l’apprentissage à la coopération (Lehraus & Buchs, 2008).

Ainsi, pour mettre en place la pédagogie coopérative, les différents auteurs cités dans cette partie de notre cadre théorique suggèrent une démarche progressive composée de deux étapes complémentaires : l’une permettant de donner les outils aux élèves pour interagir de manière coopérative et l’autre leur permettant d’exploiter ces interactions coopératives au service des apprentissages scolaires (Buchs, Lehraus, & al., 2012, p. 439).

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Problématique

Lors de l’entrée dans le métier, l’enseignant éprouve tous les outils construits et découverts au cours de sa formation dans le but d’identifier quels sont ceux qui lui correspondent le mieux (Changkakoti

& Broyon, 2011, p. 67). Dans le même sens,

[l’enseignant novice] va devoir s'approprier son rôle d'enseignant au quotidien et dans la durée, dans un terrain parfois encore sous influence de modèles plus traditionnels, avec toutes les contraintes sociales (pédagogiques (programmes, réformes) et administratives qui s'exercent sur l'activité d'enseignant, sans oublier une diversité croissante de la population scolaire (pluriculturalité, intégration d'enfants à besoins éducatifs particuliers), pas toujours facile à gérer […]. (Changkakoti & Broyon, 2011, pp. 78-79)

De ce fait, en plus de la multitude de facettes à gérer, l’insertion professionnelle représente pour l’enseignant, « une période particulièrement propice aux questionnements identitaires » (Changkakoti & Broyon, 2011, p. 67). En effet, l’identité professionnelle reste encore en pleine construction lorsque celui-ci termine ses études et qu’il entre dans le métier. De plus, pendant la formation initiale, les futurs enseignants découvrent différentes approches pédagogiques, mais certaines, telle que la pédagogie coopérative, relèvent avant tout d’une initiation. Lors de l’insertion professionnelle, l’intérêt d’approfondir ces pratiques se mélange à l’enthousiasme de débuter enfin dans le métier, tout en tentant au mieux de gérer la charge de travail qui incombe à l’enseignant novice. Somme toute, les débuts représentent, d’une certaine façon, une recherche de soi-même en tant qu’enseignant. Il s’agit à la fois de trouver un équilibre entre l’enseignant que nous souhaitons devenir et celui que nous arrivons à être, dans l’action, avec les connaissances que nous possédons jusqu’ici. C’est l’étape que Ria (2016) caractérise de « survie et de découverte » (p. 50) comme soulevée plus tôt. En ce sens, Changkakoti et Broyon (2011) affirment que la construction de l’identité professionnelle se développe au fur et à mesure du développement professionnel. Cette conception rejoint celle déjà mise en évidence dans notre cadre théorique, lorsque nous citions Dolz et Gagnon (2016) qui affirment que c’est au fil de ses expériences du métier que l’enseignant va apprendre sa profession, notamment au travers des différentes situations qu’il pratiquera (p. 107).

Ainsi, les différentes définitions du développement professionnel regroupées dans le cadre théorique de notre travail, nous permettent de nous approprier ce concept de la manière qui suit. Le terrain scolaire représente un espace propice au développement professionnel qui offre la possibilité de faire évoluer sa pratique. L’une des visées du développement professionnel est de favoriser une prise de conscience par le professionnel de ses propres besoins pour les faire évoluer. Cela lui permet également de consolider ses forces. Ces opérations se produisent notamment à travers le processus de réflexion sur la pratique, auquel nous avons été formées lors de nos études en sciences de l’éducation. Perrenoud (1998) rappelle aussi que l’analyse de la pratique est un moyen de se perfectionner tout au long de sa carrière :

un praticien réflexif […] entre dans une boucle sans fin de perfectionnement, parce qu’il théorise lui-même sa pratique, seul ou de préférence au sein d’une équipe pédagogique. Il se pose des questions, tente de comprendre ses échecs, se projette dans l’avenir […]. (s.p.)

Or, selon Chouinard (1999), la pratique réflexive ne serait pas évidente à mettre en place par les enseignants débutants. Selon cet auteur, ces derniers se retrouveraient limités face aux situations peu

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familières qu’ils rencontrent, à cause du répertoire réduit de connaissances procédurales dont ils disposeraient (p. 507). Par conséquent, il leur est « plus difficile d'identifier les variables importantes, de définir les problèmes et de disposer de réponses éprouvées. Dans ces conditions, l'analyse réflexive demande aux débutants un travail actif et exigeant sur le plan de l'attention et de la réflexion » (Chouinard, 1999, p. 507).

Il est vrai que lorsque nous enseignons au sein d’une classe, il est parfois difficile de prendre de la distance face aux multiples éléments qui interagissent, afin de réfléchir sur notre manière d’agir. Nous voulions donc réaliser un mémoire qui se penche sur notre développement professionnel pour nous accompagner dans cette transition entre la formation et l’insertion professionnelle. En effet, Gervais (1999) et Nault (1994), cités par Chouinard (1999) considèrent que « la professionnalisation des débutants suppose à la fois une démarche réflexive et la participation d'experts à leur formation et à leur insertion professionnelle » (p. 508). Gervais (1999), également cité par Chouinard (1999) ajoute que « [l]a participation des experts peut accélérer l'évolution professionnelle parce qu'elle oriente la réflexion des débutants vers la pratique en facilitant l'établissement de points de repère » (Chouinard, 1999, p. 508).

À travers notre travail de recherche, nous souhaitons nous donner les moyens, de nous « regarder fonctionner et aussi dysfonctionner » (Perrenoud, 2001, s.p.), en prenant le courage de nous filmer dans nos classes et de nous observer enseigner afin d’apprendre de notre profession. C’est dans cette visée d’amélioration de notre enseignement, afin de maximiser les apprentissages des élèves que nous avons choisi de mettre en place dans nos classes des activités sur les valeurs de la pédagogie coopérative et d’en rendre compte dans un mémoire qui porte sur la problématique suivante :

À partir d’échanges sur des activités préparatoires à la coopération, mises en place et filmées dans leur classe, de quelles manières des enseignantes débutantes, tant dans le métier que dans la pédagogie coopérative, peuvent-elles se développer professionnellement ?

D’une idée initiale, celle de mettre en place la pédagogie coopérative dans nos classes, notre mémoire professionnel a progressivement évolué vers un questionnement plus précis à propos de notre pratique enseignante. Dès lors, nos questions de recherche se sont affinées en fonction de la nouvelle orientation qu’a prise notre travail. Celle-ci s’est modifiée, d’une part face à la situation sanitaire, et d’autre part, face à des thèmes professionnels qui ont émergé de l’analyse de notre pratique.

Les questions de recherche qui en découlent sont les suivantes :

1- Quels sont les thèmes centraux qui ressortent de la lecture fine des verbatim ? En quoi sont-ils significatifs de la pratique enseignante de ces professionnelles ?

2- Est-ce que les principaux thèmes, relevés lors de l’analyse de données, sont abordés de la même manière lors des autoconfrontations simples et des autoconfrontations croisées ? Si non, quelles sont les différences ?

3- La coopération entre enseignantes, à travers un dispositif de vidéoformation, favorise-t-elle le développement professionnel ? Si oui, quels sont les éléments qui le permettent ?

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Méthodologie