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Le recueil des données s’est déroulé en deux parties. Une partie a été recueillie sur le terrain et l’autre partie a été obtenue à partir des autoconfrontations simples et croisées. Nous allons détailler ces différentes étapes dans les paragraphes qui suivent.

Récolte des données sur le terrain

La récolte des données sur le terrain se voulait être composée en deux temps.

En premier lieu, nous souhaitions proposer six activités autour des valeurs de la pédagogie coopérative (le plaisir, l’engagement, la prise de risque, l’entraide, l’ouverture aux autres et la confiance) pour travailler sur le climat de classe avant de réaliser des activités en coopération (première phase de la pédagogie coopérative). Nous nous sommes inspirées de l’ouvrage de la Chenelière La coopération : un jeu d’enfant (2005) afin de reprendre certaines activités sur les valeurs ou de nous en inspirer pour en créer de nouvelles. Ces dernières visent à instaurer un esprit de classe qui permet aux élèves de développer des comportements liés aux valeurs de la coopération (Buchs, Lehraus, & al., 2012). Il était essentiel pour nous de travailler sur le climat de classe avant de proposer des activités d’apprentissage coopératif respectant les cinq principes fondamentaux (Davidson, 1998). Toutes ces activités suivaient la même structure (introduction – activité – réflexion critique – pétale de la coopération). Afin de laisser une trace visible de ces différentes activités, nous avons réalisé une fleur de la coopération composée de pétales sur lesquels étaient inscrites les valeurs travaillées. Chaque semaine, les élèves découvraient une nouvelle valeur en retournant le pétale en question. Cet outil (cf. photo ) a été pensé de manière à créer un fil conducteur entre les diverses séances. Les élèves collaient un autocollant représentant leur accord à cette valeur.

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En deuxième lieu, après avoir développé ces six valeurs lors des activités permettant aux élèves

« d’apprendre à collaborer », nous souhaitions récolter nos données à travers la mise en place de trois activités menées en apprentissage coopératif et filmées. C’est sur la base de ces activités que nous souhaitions baser notre analyse. Nous avions pour objectif de créer un jeu coopératif avec les élèves, auquel ils auraient ensuite pu jouer durant les temps libres.

Or, en raison de la pandémie du COVID-19, seules les activités sur les valeurs ont pu être mises en place dans nos classes respectives. Chaque semaine, l’une des six valeurs était proposée par une activité que les élèves effectuaient en groupes hétérogènes. Pour notre analyse des données, nous avons décidé de sélectionner uniquement l’activité sur la valeur de l’entraide, et ce, pour plusieurs raisons. D’une part, la place qu’occupe cette valeur pour instaurer un climat de classe favorable à la mise en place d’activités de coopération nous semble particulièrement importante. D’autre part, nous avons créé ensemble cette activité afin de l’adapter pour chacune de nos classes. De ce fait, nous trouvions plus intéressant d’effectuer une analyse de notre pratique sur une séquence d’enseignement-apprentissage élaborée par nos soins.

Activités menées en classe

Nous détaillerons ici uniquement l’activité sur laquelle se base notre analyse, à savoir l’activité d’entraide. Pour favoriser cette valeur entre nos élèves, nous les avons invités à créer un mots-croisés avec tous les prénoms de la classe (cf. rendu final ci-dessous).

Pour ce faire, nous avons, en amont de l’activité, découpé des feuilles cartonnées en carré. Puis, nous avons inscrit les lettres composant les différents prénoms de nos élèves sur chaque carré.

Cette activité s’est déroulée en deux temps (classe de 5P) et en trois temps (classe de 1P-2P) dans nos classes respectives. Nous avons chacune débuté l’activité en indiquant aux élèves que nous allions travailler autour de l’une des valeurs de la coopération, sans leur indiquer laquelle. Dans un premier temps, les élèves ont travaillé par groupe de six dans la classe de 5P, et par groupe de 4 dans la classe de 1P-2P, pour former un mots-croisés avec les six ou quatre prénoms. Les différents groupes ont été formés de manière aléatoire et étaient donc de niveau hétérogène. Chez les 5P, ces groupes ont été tirés au sort à l’aide de carte tandis que chez les 1P-2P, les groupes ont été tirés au sort en amont de

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l’activité afin de préparer les paquets de cartes-lettres pour chaque équipe. À la fin de cette première période, l’enseignante des 1P-2P a fait un bref moment de réflexion critique même si certains groupes n’étaient pas encore arrivés au terme de l’activité.

Dans la classe de 5P, le deuxième temps s’est déroulé le lendemain. L’enseignante a demandé aux élèves de réunir une partie des mots croisés réalisés sur une grande table pour en former un unique.

À la fin de ce moment collectif, l’enseignante a mené une réflexion critique en tentant de faire interagir les élèves sur l’exercice mené. Dans la classe de 1P-2P, le deuxième instant s’est produit en demi-classe avec les 2P. Les élèves ont participé collectivement pour réunir les différents mots croisés et compléter certains prénoms (cf. photo ci-dessous). Finalement, un troisième temps avec la classe entière a été nécessaire pour terminer de placer les deux prénoms manquants et procéder à une réflexion critique.

Lors de ces réflexions critique, nous leur avons posé plusieurs questions, telles que : « qu’avez-vous pensé de cette activité ? »,

« comment vous êtes-vous senti ? », « qu’est-ce qui a été difficile pour vous ? Et facile ? », « à votre avis, pourquoi j’ai voulu vous faire faire cette activité ? », « que pouvons-nous en dire ? », « auriez-vous pu réaliser cette activité seul ? », « quel a été l’avantage de la faire tous ensemble ? » et enfin « quelle valeur avons-nous travaillée aujourd’hui ? ».

Une fois que les élèves ont trouvé qu’il s’agissait de l’entraide, nous leur avons demandé pourquoi il était selon eux, important de favoriser cette valeur lorsque nous travaillons en groupe. Enfin,

nous avons retourné le pétale correspondant à cette valeur sur la fleur de la coopération (cf. photo ci-dessus). Les élèves y ont déposé une gommette pour indiquer qu’ils s’engageraient dans les activités suivantes à aider leurs pairs et, inversement, à accepter leur aide.

Bien que ces activités aient été menées en groupe, elles ne peuvent être considérées comme des activités coopératives, car les cinq piliers prescrits par Johnson, Johnson & Johnson Holubec (1994) ne

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sont pas présents. Il manque notamment une interdépendance positive et des responsabilités au sein du groupe dans nos activités. Toutefois, selon nous, ces activités peuvent être perçues comme des activités de pédagogie coopérative dans le sens où elles s’inscrivent dans la logique d’apprendre aux élèves à coopérer (première phase de la pédagogie coopérative).

Instrument de recueil de données sur le terrain

Pour recueillir les données, nous nous sommes inspirées du dispositif de formation proposé par Lussi Borer, et al. (2018) in Accompagner le développement professionnel d'équipes enseignantes avec des enquêtes collaboratives. Ces auteurs préconisent en premier lieu de faire usage de la vidéo pour enregistrer l’activité des enseignants et/ou des élèves. En effet, selon eux :

recourir à la vidéo permet d'arrêter, de remonter ou d'accélérer le temps pour observer ce qui a suscité ces activités, comment elles se sont développées ou les effets qui s'en sont ensuivis.

Ce va-et-vient temporel permet aux éléments critiques non identifiés lors d’un premier visionnement d'émerger lors d'un visionnement suivant, au fur et à mesure que de nouvelles questions viennent féconder l'observation et inversement. (Lussi Borer, & al., 2018, p. 236) Dans nos classes respectives, nous nous sommes donc filmées, à l’aide de nos ordinateurs et téléphones portables, pendant que nous menions l’activité, décrite plus haut, sur la valeur de l’entraide.

En deuxième lieu, ces mêmes auteurs proposent de sélectionner des « […] moments particulièrement

`représentatifs´ » de l’activité filmée (Lussi Borer, & al., 2018, p. 238). Nous avons alors visionné individuellement l’ensemble de nos vidéos respectives afin de choisir certains passages qui étaient pour nous significatifs et qui permettaient de retracer l’ensemble de notre activité.

Pour la classe de 5P, le découpage s’effectue de la manière suivante : 1. Extrait du lancement de l’activité.

2. Moment de régulation au sein d’un groupe.

3. Temps de mise en commun autour d’un travail de groupe terminé.

4. Extrait de travail en collectif.

5. Second temps de régulation avec le groupe classe.

6. Un passage de la réflexion critique.

Dans la classe de 1P-2P, le choix des extraits constitue un découpage en six parties : 1. Extrait du lancement de l’activité avec les consignes.

2. Moment de régulation des comportements.

3. Temps de consignes pour se rassembler sur les bancs.

4. Première partie de la réflexion critique.

5. Clôture de l’activité avec l’écriture des deux prénoms restants.

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6. Un passage de la réflexion critique finale de l’activité.

Cette sélection a été réalisée de manière individuelle en fonction de ce que chacune trouvait pertinent pour son développement professionnel. Ainsi, nous avons l’une et l’autre, réalisé un montage vidéo d’une dizaine de minutes, synthétisant l’ensemble de notre activité. L’étape suivante consistait en l’autoconfrontation simple puis croisée sur la base du visionnement de ces moments.

Instrument de recueil de données : les autoconfrontations

Autoconfrontation simple

En troisième lieu, nous avons eu recours à une méthode d'analyse de l'activité, qui est celle de l'autoconfrontation simple. Toutes les retranscriptions de nos deux autoconfrontations simples se trouvent dans les annexes de notre travail (cf. annexe 4.1 et 4.2). Cette ressource « permet de donner accès à des dimensions invisibles du travail, comme le vécu des enseignants et des élèves » (Lussi Borer, & al., 2018, p. 236). Elle consiste à commenter, individuellement, les traces de sa propre activité sous le regard non jugeant d’un formateur. Nous avons donc, chacune, individuellement visionné notre montage vidéo sous le regard bienveillant de Valérie Lussi Borer, à travers l’application ZOOM. Le but étant, selon cette dernière : « de comprendre au mieux ce que [l’on vit], ce que [l’on perçoit] des élèves, comment [on se sent] à ce moment-là dans la séance […] » (autoconfrontation simple MM, VLB [00:00:00]). Elle a ajouté :

C'est vraiment l'idée que le film nous donne accès à ce que vous faites. Mais ne nous donne pas accès à ce qui se passe pour vous à ce moment-là en termes de confort, inconfort. Et l'idée de l’autoconfrontation, c'est d'aller chercher cette expérience-là. Vous vivez au moment où il se passe, ce qui se passe dans votre classe et vraiment avec l'idée de pouvoir enrichir la compréhension de cette situation. (autoconfrontation simple MS, VLB [00:00:59])

Il s’agit donc à ce stade de mettre des mots sur ce qu’il se passe pour nous dans ces différents moments, d’expliciter nos ressentis, nos préoccupations, nos frustrations et nos impressions. La consigne qui nous a été donnée par Valérie Lussi Borer était la suivante :

c'est à vous au moment où vous jugez pertinent d'arrêter la vidéo en disant `à ce moment-là, voilà ce que je ressens, je fais ça, je n'avais pas prévu de le faire, mais j'ai l'impression que les élèves sont plus avec moi donc il faut que je ramène ça, etc.´. Vraiment, c'est de mettre des mots sur ce qui se passe dans votre tête à ce moment-là. (autoconfrontation simple MM, VLB [00:00:00])

Nous avons donc arrêté le film à chaque fois que nous sentions le besoin de nous exprimer sur notre pratique. Cela a généré des discussions, alimentées par les questionnements de Valérie Lussi Borer.

Ces échanges ont été enregistrés à partir de l’application ZOOM et constituent ainsi une autre partie de nos données.

40 Autoconfrontation croisée

En quatrième lieu, nous avons fait le même exercice or cette fois en autoconfrontation croisée. Ce processus consiste à faire échanger deux personnes « à propos des traces de leur activité », sous le regard attentif d’un formateur (Lussi Borer, & al., 2018, p. 238). Les retranscriptions de ces autoconfrontations croisées se trouvent en annexe (cf. annexes 4.3 et 4.4). Nous avons donc, en visionnant à nouveau nos montages, questionné et discuté la pratique de l’une et de l’autre. Plus précisément, il s’agit de visionner en premier les extraits de la première enseignante, pendant que la seconde professionnelle regarde attentivement la vidéo et l’arrête dès que cela lui semble pertinent.

Une fois la vidéo en pause, l’observatrice doit dire ce qu’elle voit afin de faire comprendre à l’autre ce qui fait sens pour elle à ce moment de l’extrait. Puis, en discutant et en questionnant la pratique, plusieurs questionnements émergent. Valérie Lussi Borer, en suivant attentivement nos échanges, est intervenue pour nous guider dans notre raisonnement, pour nous rassurer, valoriser nos gestes professionnels et pour nous donner des pistes pour notre travail. Elle a notamment souligné ce qui est attendu lors de l’autoconfrontation croisée :

Mais c'est justement le but de l'exercice [de discuter de sa pratique pour élaborer des pistes]. C'est ce qui va être intéressant de creuser dans votre mémoire. Quand on est enseignant, on est tout le temps dans le temps réel. On ne peut pas prendre le temps d'agir et en même temps, de réfléchir sur l'agir. Donc, vous, vous vouliez un mémoire qui se penchait sur votre développement professionnel. Vous vous êtes donné les moyens, vous avez eu le courage de vous filmer, de regarder vos films avec moi, de vous les remontrer. Effectivement, je pense que c'est une des dimensions que vous allez avoir dans le mémoire. C'est à la fois comment on peut faire évoluer ce qu'on a vu, mais c'est aussi qu'est-ce que ça nous apprend de faire cet exercice ? Je pense que c'est vraiment quelque chose sur lequel vous allez avoir plein de choses à dire. Donc, vous êtes bien dans la cible de ce que vous vouliez faire. (autoconfrontation croisée MM, VLB [00:59:00]) Selon ses propos, l’autoconfrontation croisée permet donc de prendre le temps de s’arrêter sur la pratique effective afin de la faire évoluer en croisant les regards et les expériences.

Il est également important de rappeler que pour mener les autoconfrontations dans des conditions optimales, d’établir une relation d’accompagnement entre expert et apprenant, mais aussi entre apprenants. Cette relation est qualifiée de peer coaching par Robitaille (2007). D’autres auteurs ajoutent à ce sujet, « […] qu’une grande confiance et ouverture sont nécessaires au sein du groupe pour mettre en place un peer coaching profitable ; les apprenants doivent être à l’aise avec leur partenaire, sinon la démarche risque d’être dommageable au processus (Wineberg, 1995) » (Robitaille, 2007, pp. 174-175). Cette deuxième partie de récolte de données a été réalisée grâce au climat de confiance établi entre les acteurs. C’est donc à partir de la création d’une activité sur la valeur de l’entraide menée et filmée dans nos classes, puis des extraits vidéos sélectionnés, et discutés lors des deux autoconfrontations (simples, croisées) que nous avons obtenus nos données pour réaliser l’analyse de notre travail.

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