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.qooqle
.cornLe miroir aux
dames
Wnivcrettç of Wteconatn
Digitizedby
Le Miroir aux Dames.
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LE
MIROIR AUX DAMES
POÈME INÉDIT DU XV
eSIÈCLE
PUBLIÉ
AVEC UNE INTRODUCTION
PAR
ARTHUR PIAGET
«ME*»-*
NEUCHATEL
IMPRIMERIE ATTINGER FRÈRES I908
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139827
MàR 8 1910
•l\\b~î
INTRODUCTION
Paulin Paris, décrivant
dans
ses Manuscritsfrançoisde la Bibliothèquedu Roi
1 le manuscrit n° 72742,2(Fonds
de Col- bert, n<>2117), actuellement fr. 924, jugeait enquatremots
leMiroir aux dames
: « Inédit et très curieux.» C'était enCe
petitpoème
est resté inédit jusqu'à aujourd'hui.Un
savant allemand,
M. Hermann
Knust, a publié sur leMiroir aux dames une
étude intéressante, mais dont les conclusions sontcomplètement erronées,dansleJahrbuch fur romanische und
englische Literatur. 2M. Knust
avait pris copiedu ma-
nuscrit 0-l-i4 de l'Escurial. 11 préparait
du Miroir aux
da- mes, qu'il attribuait à Alain Chartier,une
édition critique :la
mort
vint l'empêcher de réaliser ce projet.Depuis lors,
M.
Bijvanck, qui connaît si bien la poésiedu
XV
e siècle, a cité leMiroir aux dames
dansune
note de son1 Paris, 1848,t. VII,p. 251.
*T. IX, p. 281.
1848.
Villon.^
Enfin,
M
lle Alice-A. Hentsch a consacré à ce petitpoème
trois pages de sonutileouvrage
De
la littérature didactiquedu moyen âge
s'adressant spécialementaux femmes.*
Telle est la bibliographie
du Miroir aux
dames.II
Le Miroir aux dames
qui faitl'objetde ce présent travail n'a decommun
que le titre avec leSpéculum dominarum du
franciscainDurand
deChampagne
etleMiroir aux dames du
ménestrelWatriquet
de Couvin : le premier de ces trai- tés,deux
fois traduit en français,au XIV
e ' etau XVI
e siè- cle,4 estun
gravemanuel
de morale chrétienne à l'usage de» Leyde, i883, p. 3o, note i.
*Cahors, 1903, p. 164.
* Par un anonyme,franciscain, à la demande de Jeanne de Navarre, femme de Philippe le Bel. Cette traduction eut un grand succès. Les anciens inventaires des «librairies » du
XV
e sièclementionnent presque tousun Mirouerauxdames, qu'il faut identifier, non pas avec lepoème publié ci-après, mais avec l'œuvre du confesseur de la reine Jeanne.M. Delisle en a cité plusieurs exemples{HistoirelittérairedelaFrance,
t.
XXX,
p. 319-320).On
peut ajouter à cette liste le Mirouerauxdames quepossédaitJeanne deLaval,épouse du roi René (Lecoy deLaMarche, LeroiRené,t. II, p.98 et 189), etleMirouerauxdamesmentionné dansle Catalogue d'un marchand libraire du
XV*
siècle, tenant boutique à Tours, publiéparleDrA. Chereau. Paris, 1868,p.4l
*
Un
prêtrenommé
Ysambertde Saint-Léger, considérant les « bonnes etsavoureuses sentences» dont le Miroir aux dames était rempli, mais estimantquelestyleenétait « aggresteetmaltyssu », refit une nouvelle traduction, avec desdéveloppementsnouveaux, entre i52Ô et i53i.Digitizedby
toutes les
femmes,
mais spécialement des reines et des prin- cesses; lesecond estun poème
allégorique,qui renfermeune
descriptiondu
château de Beauté et des treize degrés par lesquelson y
accède, gardés par Nature, Sapience, Manière, Raison, Mesure, Pourvéance,Charité, Humilité, Pitié,Débon-
naireté, Courtoisie, Largesse, Suffisance.4
Dans
la seconde moitiédu XV
e siècle parurentdeux Mi-
roirs desdames,
qu'il ne faut pas confondre avec lepoème
publié ci-après.
L'un est le
Miroir
desdames
de Bouton, que nous a con- servé le manuscrit n° io557 de la Bibliothèque royale de Bruxelles. Laitfbert DouxfilsTa
publié en 1748 dans le recueil, bienconnu
des historiens delapoésiedu XV
e siècle,La Danse aux
aveugles et autres poésiesdu XV
e siècle, extraites de la Bibliothèque des ducs deBourgogne.
2En
1882,
M.
E. Beauvois a republié cepoème,
d'une façon plus complète, 3 dans son intéressantvolume
intitulé:Un
agent politique de Charles-Quint, lebourguignon Claude
Bouton, seigneur de Corberon, notice sur sa vie et ses poésies, avecletextede son
Miroir
desDames,
et des piècesjustificatives,
4
M.
Beauvois attribue leMiroir
desdames
à ClaudeBouton
quimourut
le 3o juin i556 : il date cepoème
de i5i7 à i5a3. Il seraithors de propos d'examiner ici la thèse, certai-nement
fausse, et lesarguments
deM.
Beauvois, d'ailleurs présentés avecbeaucoup
de science et d'habileté. L'auteurdu Miroir
desdames
n'est pas Claude Bouton, mais son père, Philippe Bouton, seigneurde Corberon,5 qui fut écuyer* Ditsde Watriquet de Couvin, édit. Scheler, p. i-4i.
* Lille, 1748, p. 187-205.
* Le Miroir a54 strophes dans l'éditionDouxfils et 62 dans l'édition Beauvois.
* Paris, 1882,p. 3-3o.
«Côte d'Or, Arr. Beaune,
On
Seurre.Digitizedby
ce personnage original
un
petit dossier,que
je publierai quelque jour. Il est l'auteur, entre autres, d'une sorte de jeu-parti, conservé dans des manuscrits de Paris et deLon-
dres, qui roule sur
un
sujet assez scabreux :chaque
sixain, alternativement misdans
labouche
d'Antoine, bâtard de Bourgogne, et de Bouton,commence
par cemot
: Gouge.Un
manuscrit deVienne
renferme, outreun Rondeau Bou*
ton, fort grossier,
un Régime pour
longuement vivre, envoyé deBourgongne par
messire Phelippe Bouton, chevalier, seigneur de Corberon,a monseigneur
leprince deChimay.
Enfin, nous possédons de
Bouton
une curieuse épitaphe de soixante-six vers.Le Miroir
desdames
de PhilippeBouton commence
par ces quatre vers :Celivre est le Mirouer des Darnes^
Fait pourleurs vertus remirer.
Cellesquis'i vouldront mirer
En
vauldront mieulx decorpsetd'ames.Il ne présente aucune ressemblance avec le
Miroir aux dames
quefeuM. Knust
attribuait à Alain Ghartier. C'estune énumération de toutes les «femmes
de bien » dontBouton
avaittrouvé la mention dansles « anciennesvraies histoires».
La
sériecommence
à Eve, etcontinue par lesdouze Sibilles, lafemme
etlamère
d'Alexandre, lafemme
deCésar, «Andro-
i M. Francisque Thibaut, dans son ouvrage Marguerited'Autricheet
Jehan Lemaire de Belges ou dela littérature et des arts aux Pays- Bassous Marguerite d'Autriche. Paris, 1888, p. 119, attribueégalement
le Miroir aux dames à Claude Bouton, seigneur de Corbereau (sic).
Par contre, M.Grœber, qui ne connaît pas l'édition de M. Béauvois, attribue leMiroir à Philippe Bouton. Voy. Grundriss der romanischen Philologie, t. II, partie, p. 1129;
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—
9—
mata,
femme
d'Estor», Ediltudis, reine d'Angleterre, qui«a
trois maris futmariée» etqui
«garda
virginité»,etc. Philippe Bouton,quin'étaitpasun grand
clerc,énumère
ensuitelesneuf Preuses «prinsessur l'AncienTestament»,c'est-à-direPanthé-silée, Sémiramis, Thamaris, Delbora, Esther, Judith, Hélène,
mère
deConstantin, Gertudis,«royne deSassoigne»,etClotilde, épouse de Clovis.1 Il termine son énumération en faisantune
allusion à la «belle et
bonne
»M.
Beauvois identifie cette princesse à Marguerite d'Au- triche. Ils'agit probablement ici de Marie de Bourgogne, fillede Charles-le-Téméraire.2
Philippe
Bouton
loue,pour
terminer, l'humilité, la géné-rosité, la patience, la charité, la diligence, la sobriété, la chasteté et ladévotion
du
sexe féminin.On
accusaitlesfemmes
paraît-il, d'avoir forgé les clous qui servirent à la crucifi- xion de Jésus-Christ:
Bouton
estimeque
« c'est apocrife et parlerfaux ». Ilconsacre encore quelques vers à lafemme
dePilate, et ils'arrête, pourne pas«tanner la compaignie».
Son poème comprend
soixanteet un septains en ababbcc, plusun
huitain final que voici :i M. Beauvoisexplique (p. 20, n. 5) qu'ily a, après la strophe consa- créeà Delbora, unelacunedanslemanuscrit: unfeuillet auraitété enlevé, contenant« évidemmentl'élogedessix preuses de l'Ancien Testamentqui sont nécessairespour compléterlenombrede neuf dont le poète parle plus loin ».Jenecroispasqu'ilyaitune lacune. Bouton,parignoranceoupar inadvertance,aura pris lesneufpreusesqu'ilénumère(3païennes, 3 juives et3 chrétiennes) pour neufpreuses «prinses sur l'AncienTestament *.
* Le Miroirauxdamesde Boutondaterait ainsi de 1477 à 1482.
Vivantetrégnantclerement
A
présentvertueusement.Sibien nous mirons pourirons, Congnoissansque nouspourrirons
Puisque raysonveult quepourie
La charquidoit estrepourrie, PrionsdonclaVierge Marie
Que
nulleame
nesoitmarrie Etque enparadis chascun rie.Le Miroir
desdames
et demoiselles et l'exemple de tout le sexe féminin, publiéau XV
e siècle à la suitedu
Spécule despécheurs de Jean Gastel, 4 a été réédité très soigneuse- ment, en 1904, parM. Werner
Sôderhjelm. Ilcomprend
vingt-sept quatrains en abab.On
voit, dès la première stro- phe, quel est l'esprit de cepetitpoème
:Mirezvous cyj dames etdemoiselles, Mirezvouscyetregardés
ma
face.Helas! pensez, se vous estesbienbelles,
Comment
lamorttoute beautéefface.Les
dames
et demoiselles sontinvitéesàcontemplerdans
ce miroirmacabre comment
lamort
transforme la «biaultéhu- maine
», les cheveux, les yeux, le visage, le col, la poitrine, lesmains
etles pieds, les vêtements précieux, les riches four- rures, les richesses d'ici-bas, la gloire et la puissance.M.
Sôderhjelm rapproche avec raison de ce
poème
laDanse ma-
cabre desfemmes,
quicommence
par ces vers :Mirez vousicy, mirezfemmes, Pourprendreconsolation...,
et qui est parfois intitulée
Miroir
desfemmes.
Le Miroir aux dames
, que Paulin Paris jugeait « très curieux», est d'une tout autre inspiration.1 Voy. Brunet,Manuel duLibraire, t. I,col. 1622.
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III
Le
poète s'adresse à toutes lesfemmes
sans exception, dames, demoiselles, bourgeoises et marchandes, jeunes, veu- ves, mariées et «pucelles». Il se donne, dès le début,pour un
admirateur etun
défenseurdu
sexe féminin, et il pré- tendmême que
tout le bien qu'il a eu dans cemonde
luiest venu des dames. Il les aime, et il le proclame publique- ment. Cela bien établi, il s'excuse d'avoir à dire
aux femmes
«aucunes
choses desplaisanles». Il le fait, contraint par amour,non
par l'amour frivole qui sort desyeux
et qui étreint lecœur
d'un fol désir, mais par « l'amour raisonna- ble», qui recherche «le biendu
corps et plus de l'âme ».Le
corpsde lafemme
est, sans contredit, le chef-d'œuvre de Dieu et de nature, et la partie la plus excellente de ce corps, c'est la tête,que
nature a faite rondecomme une
sphère.De
toutes les figures de cemonde,
laforme
ronde est la plus belle et la plus parfaite.La
tête est merveilleuse-ment
organisée «pardedans
»comme
«pardehors ».L'âme y
fait sa demeure, plus que dans les autrespartiesdu
corps.Or
lesdames
mettent tous leurs soins à défaire ceque
Dieua voulu faire : ellesfont leurs têtes carrées, ou longues,ou
cornues.D'où
peutvenir «si grande folie»? Quel plaisiry
a-t-il à porter sur la tête « telle deablerie », qui déplaîtà Dieu et qui ennuie tout lemonde.
Lesfemmes
d'aujour- d'hui portent sur la tête des toiles si grandes et si éparpil- lées qu'on dirait des voiles de vaisseaux.A
l'église, impos-sible
pour
ceux qui sont assis derrière ces échafaudages d'apercevoir l'autel. Il n'y a pas longtemps, lesfemmes
ne portaientque deux
cornes sur la tête;on
les blâmait eton
Digitizedby
sont-ellespires que « bestes
mues
»? Cettemode
est contraire à la nature, qui n'a pas fait la tête desfemmes
avec des cornes, et àl'art, quidoitsuivre «lamesure
de nature ». Elle est, en outre, dangereusepour
les âmes.Dieu n'a pas mis sur la tête d'Ève des cornes et des
«bourreaulx», mais humilité. L'Église n'ordonne-t-elle pas, au jour de Carême-entrant, que de la cendre, en signed'humi-
lité, soit mise sur la tête, et
non
pas « sur le pis »ou
sur lesmains
?Le
poète fait l'éloge d'humilité, qui fit choisir laVierge Marie
pour
êtremère
de Dieu.Sans
humilité, toute la beauté d'un ange ne serait que fange.Que
lesfemmes
portent sur la tête «l'enseigne» d'humilité, etnon
pas «l'en- seigne des bestes»! Qu'elles choisissent lespanonceaux
de Jésus etnon
ceuxdu
diable!Le
diable, en effet, chassé de paradis, a sur la tête huitou
dix cornes «pour
sa propre enseigne », enmémoire
de son orgueil et de son outrecui- dance. Lesdames
portentdonc
sur la tête l'enseignedu
dia- ble, ce qui ne doit pas être très agréable à Dieu.Un
roi ter- restre serait-il content de voir, aucœur même
de sa ville,son
ennemi
déployer une bannière détestée? D'ailleurs, si lesfemmes
savaient pourquoi ellesdoivent avoir la tête cou- verte et voilée, elles seraientmoins
désireuses d'attirer tous les regards par leurs cornes : c'est tout d'abordpour
bien établir qu'elles sont«en
subjectiond'hommes»,
et c'est,deuxièmement, pour rappeler la grande transgression d'Ève
et
pour
montrer avec évidence que la «prévarication » entra dans lemonde
par lafemme. Le
voile desfemmes
estdonc un
signe de punition et de contrition. Et cependant lesfemmes, déçues par folie, élèvent jusqu'aux nues le signe de pénitence, de
même
que siune femme,
mitrée pourmeur-
tre
ou
maquerellage, se glorifiait de la mitre posée sur sa tête!Digitizedby
—
i3—
Et l'impitoyable censeur se défend de faire aucune diffé- rence entre les couvre-chefs des nobles et les chaperons des bourgeoises. Il s'adresse à toutes les
femmes,
car toutes lesfemmes,
les princessescomme
les bourgeoises, ont sur la tête l'enseignedu
diable. Celles qui portent des chaperonsles font
monter
le plushaut possible sur des «bourreaulx» remplis de poils de cerfou
de cheval.Quant
à savoir si ces chaperons ajustés en l'air protègent la tête contrelefroidou
lechaud,elles n'en
donnent
«deux
rosties».Maisce n'estpas tout.Dans
leurfolie,lesfemmes
semettent surla têtedeschape- ronsd'hommes!
Elles les «encrochent» sur de hauts bour-relets et lesattachent solidement, de peurqu'ils ne clochent»
et tombent. Puis elles pendent tout à l'entour cinq
ou
six«cornettes», desorte qu'elles sont cornues de tous les côtés de la tête.
Ne
savent-ellesdonc
pas que l'Écriture défendaux femmes
de porter des habitsd'hommes
?Le
poète leur con- seilleinstamment
de mettre bas toutes ces cornes, de peur,pour une
vaine plaisance, de se voirdamnées
à jamais.Du
couvre-chef etdu
chaperon, le poète passeaux
vête- ments. Il s'enprendaux
«collets » qui descendent jusqu'à la ceinture, à l'ouverture par devant, à la «rebrachure», c'est- à-direau
retroussis,où
ily
a trois doigts de plumes.A
quoiservent «toutes ces pennes>?
La
beauté naturelle ne suffit- elledonc
pas?A
quoibon
se parer«de
bestes dontles corps sont morts»? D'autant plusque
ces pennes et ces « pour-fîlz » coûtent fort cher, et qu'ils n'ont
pour
le corps aucuneutilité. Aussi le poète conseille-t-il
aux femmes
de supprimer ces «colletz » et de couper ces «queues », qui endettent les familles et «encoulpent» les âmes. Il supplie lesfemmes
d'imiter le castor.
On
chasse Je castorpour
en avoir « les genitoires », donton
faitun
onguent.Quand
le castor voit qu'il est sur le point d'être pris, il tranche lui-même avec ses dents ce pourquoion
le chasse: il coupe ses «genitoires» etles chasseurs cessent de le poursuivre.
Le
poète trouveque
le castor est
une
bête «saigeet bienad
visée», et qu'ildonne un
exempleque
lesfemmes
feraientbien de suivre. Les fem-mes
sont poursuiviesparlediableà causedeleurscornesetde leursqueues traînantes. Qu'elles n'hésitentpas àlesjeter loin d'elles! Sacrificedifficilepeut-être, mais nécessaire. Etqu'elles ne se laissent pas égarer par les faux raisonnementsque
nemanqueront
pas de faire plusieurs d'entre elles. L'une dira peut-être qu'elle porte toutes ces vanités «pour
complaire à sonmary»,
etque
c'estmême
son devoir. Esther,quand
elle se rendait chez le roi, ne revêtait-elle pas ses plus
beaux
atours? Judith ne s'habillait- elle pas «trèsrichement»?
Puisque Estheret Judith, qui étaient «saintes », le faisaient, pourquoi les
femmes
d'aujourd'hui ne le feraient-elles pas?Une
autre dira sans doute qu'elle n'a pas inventé cette sorte d'habillement,que
tout lemonde
le porte aujourd'hui,que
bien d'autres l'ont porté avant elle, et que, si elle s'habillait différemment,on
la traiterait d'hypocrite eton
se moqueraitd'elle «
parmy
la ville ». C'est lamode,
etil n'est pas en son pouvoir de la modifier. C'est d'ailleurs la « vesteure» ordon- née «pour femmes
de noble lignée ».Notre moraliste n'a pas de peine à répondre à «de telles folles ».
A
la première, il répondque
certainement toutefemme
doit obéissance à son mari, maisnon
pas jusqu'à perdre son âme. Maisoù
est le mari assezdénué
de senspour
encourager safemme
à vêtir de tels habillements ? Etsi les
femmes
se déguisent de la sortepour
plaire à leurs maris, pourquoi font-elles demême pendant
les longues absences de ces derniers? Esther, c'est vrai, portait deriches vêtements, mais, au fond de son cœur, elle haïssait «ces or- guilleux habits de deables».Quant
à Judith, elle s'était vêtue de «paremens
délicieux » dans le but de décevoir Holo- pherne.Digitizedby
—
i5—
Répondant
à laseconde, le poète reconnaîtque
les couvre- chefs sont, en effet, réservésaux
nobles. Mais ily
a couvre- chefs et couvre-chefs, demême
qu'ily
ahonte et honte. Ily
a
une
honte salutaire «qui enseigne labonne
vie». Ily
a, d'autre part,une
honte détestable quiempêche
de faire ce qui est raisonnable, par « craintedu
parler des gens ».Esclaves
du
qu'en dira-t-on, lesfemmes
refusent de laisser là leurs « diableries». Elles préfèrentdonc
endurer en enfer les peines éternelles desdamnés,
pour éviter ici-bas « lalangue venimeuse des
moqueurs
».Que
diraient-elles si des chevaliers, au servicedu
roi, tremblaient de peuraux
aboie-ments
de « chiennetz » et fuyaient éperdus?Les moqueurs
sontcomme
ces roquets, ils ne savent qu'aboyer, ils n'ont«puissance de
mordre».
Lesfemmes,
qui sont sur cette terrepour
servir Dieu, doivent-elles quitter « leurchemin
propice», et fuir au premier aboi d'un petit chien? Qu'elles laissent «barbeter» lesmoqueurs
!Ne
rien répondre, c'est le seulmoyen
de les faire taire.Que
lesdames
renoncentdonc
à «ces grans cornes dç bestes », et qu'elles prennenthabits d'humilité,Soiten corps,en queue ou en teste.
Tel est,
pour
finir, levœu du
poète, qui acomposé
ceMi-
roirpour que
lesfemmes
puissent s'y mirer et sauver leurs âmes.IV
Ilest,
en
général, hasardeux de prétendredater exactementun
textedu moyen
âged'après des descriptions decoiffuresou
de vêtements.Quand
est-ce qu'unemode commence
?Quand
Digitizedby
est-ce qu'elle finit?
Nous manquons
le plus souvent de don- nées précises sur ces questions délicates.Le Miroir aux dames
9 malheureusement, ne renferme aucune allusion histo- rique, aucune dédicace, qui permettent de le dater exacte- ment. Force est donc, à défaut d'autres renseignements, d'examiner à quelleépoque
pouvaient bien fleurir le couvre- chef, le chaperon et la robe qui excitaient l'indignation de notre auteur.M. Knust
a cru pouvoirdater leMiroir aux dames
de i43o : il rattache la composition de cepoème
à lafameuse croisade contre les hennins
que
le prêcheurThomas
Couette entreprit en 1428. Monstrelet a raconté, dans
une
page souvent citée, quel fut l'extraordinaire maiséphémère
succès de l'éloquent frère prêcheur qui, pendantun
temps,«régna» dans tout le nord de la France :
«
En
cest an mil quatre cent vingt-huit, es pays deFlandres, Tournaisis, Artois, Cambresis, Ternois, Amienois, Ponthieu et es marches environnantes,régna unprescheurde Tordre des Carmés, natifdeBretagne,nommé
frèreThomas
Couette, auquel,partoutes lesbonnes villesetautres lieuxoù ilvouloit faire ses prédications, lesnobles, bourgeois et autres notables personnages luy faisoientfaire, aux plusbeauxlieux d'assemblée, un grand eschafFault bien plancheié, tendu et orné des plus riches draps de tapisseriequ'on pouvoit trouver. Sur lequel eschaffault estoit préparé un autel ou il disoit sa messe, accompagné de plusieurs de ses disci- ples, dont la plus grande partie le suivoient de pied partout ouilalloit, etluy chevauchoitunpetitmulet. Etla, surcest eschaf- fault, aprèsqu'il avoit dit sa messe, faisoit ses prédications, moult longues,en blasmant les vicesetpéchiezde
ung
chascun;etspécia- lementblasmoitetdiffamoittrès fortles femmesde noble lignée et autresdequelqueestâtqu'ellesfussent,portantsurleurs testeshaults atours, etautreshabillemens deparage, ainsi qu'ontaccoustumé de porter les nobles femmes auxmarches etpaysdessus dits. Desquel-lesnobles femmes nulleaveciceulxatours ne s'osoit trouver en sa présence; car quand il en voyoit une, ilesmouvoit après elle les petits enfans, et les faisoit crier: «
Au
hennin! au hennin ! » Et—
I7—
tous, quand les dessusdites femmess'esloignoient, iceulxenfansen continuant leurcricouroientaprès ets'esforçoientdetirera bas les ditshennins. Pourlesquelscris etvoyes de fait s'esmurent en plu- sieurslieuxde grandsrumeursentreles ditscriantau hennin etles serviteurs d'icelles dames etdamoiselles. Neantmoins, le dit frère
Thomas
continua tantetfit continuerles cris et blasphèmes dessus dits, queles femmesportant haults atours n'alloientplusases prédi- cations, sinon ensimpleestâtet coiffes, ainsiquelesportentfemmes delabeuretde pauvrecondition. Etmesme
ilarrivaquelaplus part estantretournéesen leurspropreslieux,ayantvergognedesinjurieu- sesparolesqu'ellesavoientouïes, jetèrentbasleursatourseten prin- rentautres, telsque lesportoientles femmes debéguinage; et leur durace petit estâtaucunespace de temps.Mais al'exemple dulima- çon, lequel, quandon passe prèsdelui,retiresescornespardedans, etquandiln'ouïtplusrienlesreboute dehors, ainsi firenticelles ; et asseztostaprèsqueleditprescheur se fut desparti du pays, elles oublièrent sa doctrine etreprinrentpetità petitleur vieil estât, telouplus grand
mesme
qu'elles n'avoient accoustumé de porter au- trefois1».De Gand
etdeBruges,où
elle florissait, lamode
deshennins conquit Parisen 1429.Là
aussi,un
émule deThomas
Couette, frèreRichard, tonna danssessermons
contrecettecoiffureex- travagante, tellementque
« les gens deParis furent tout a fait tournez en dévotion».En
quelques heuresplus de cent feux furent allumés dans les rues: « Leshommes
ardoient tables et tabliers, dés, quartes,billes, billars, nurelisettoutes choses aquoy on
.se pouoit courcer amaugréer
a jeu convoiteux.»Quant aux femmes,
elles « ardoient devant tous les attours de leurs testes,comme
bourreaux, truffaux, pièces de cuirou
de balaine qu'ilz mettoient en leurschapperonspour
estre plus roidesou
rebras devant; les damoiselleslaissèrent leurs1 Quicherat, Histoireducostume,p. a65; Monstrelet,Chronique, édit.
Douët-D'Arcq, t.IV, p. 3o2.
2
—
i8cornes et leurs queues et grant foison de leurs
pompes.
* » Il pourrait paraître,au
premier abord, assez tentant de placer la compositiondu Miroir aux dames, comme
Ta faitM.
Knust, en i43o. Les frères prêcheurs condamnaient lamode
diabolique des hennins :un
poète,—
Alain Chartier, selonM.
Knust,— enflammé
parleur forte éloquence, serait entré en lice, et, dansune
sorte desermon
en vers, aurait combattupour
lamême
cause.En y
regardant deplus près,on
voitque
toutcelanetient pas debout.La
descriptionque
le poètedu Miroir
fait de la coiffuredesdames
de sontemps
ne correspond que très im- parfaitement àceque nous
savonsdu
hennin. D'après Qui- cherat, le hennin se composait«d'unbourreleten pain fendu, dressé sur le front et soutenu parune
calotte élevée; d'au- tresatours, ajustés en sens inverse, accomplissaient leurdes- cente sur lanuque
; d'autres encore montaient ense séparant de droite etde gauche, etfiguraient à s'yméprendre
la tiaredu grand
prêtre des Juifsdans
l'antiquité.2»La
coiffure contrelaquellepart en guerre l'auteurdu Miroir
n'est pas lehennin, mais
un
dérivédu
hennin: cesontles hauts bonnets, sorte de coiffes très élevées, avec, tout autour, des « toiles fichées sur haulx pieulx», c'est-à-dire, en français d'aujour- d'hui, des piècesde linonempesé maintenu
par des filsd'ar- chal, si grandes et siéparpillées, dit lepoète,qu'onles pren- draitpour
les voiles d'un vaisseau.* Journal d'un bourgeois de Paris,publ. par Alexandre Tuetey.Paris, 1881,p. 235.
*Histoiredu costume enFrance. Paris, 1876, p.284.
Hélas ! vousn'estes pas contentes D'estredoulcementatournees, Se vous ne portezunestentes
Dontvoztestessoient voillees!
—
i9—
Et, pour estremieulxdesguisees, Sur haulxpieulxvousfichezles toilles, Sigransetsiesparpillees,
Qu'ilsemble quecesoient voilles!
Le
poète semble faire allusionaux
hennins,1 avec leur bourrelet en pain fendu dressé surle front, lorsqu'il écritces vers:Aujourd'hui, remarque-t-il, les
femmes
sont «cornues de huit cornes » : par ces huitcornes, il entend sans doute les toiles qui, de tous les côtés, entouraient les hauts bonnets, maintenues parune
armature de baleinesou
defils delaiton.Les hauts bonnets, avec les «huit cornes » dont parle le poète, eurentleur grande
vogue
versle milieudu XV
esiècle.2Cette date convient parfaitement au
Miroir aux dames.
Le
poètecondamne non
seulement les couvre-chefs desdames
de la noblesse, mais aussi les chaperonsque
les bour- geoisesfixaient surleurs têtesau moyen
dehauts bourrelets eti Voy.lanoteduvers 178.
* Viollet-le-Duc, Dictionnairedumobilier, t. III, p. 236, parlantdela
modedes hauts bonnets, écritceci: «
On
exagéraencore,vers i45o,sinon la hauteurdes cornes,au moinscelledesvoiles. Ceux-ci, empesés,brodés, prirent des dimensionsetenvergures fabuleuses.»J'ay veu, pieça,qu'on neportoit
Que
deuxcornes dessus les testes,Etencoreson vous enblasmoit Et vous enappeloitonbestes.
Et maintenant, qui estesprestes D'estrede huitcornes cornues,
Que
peut on direque vousestes,Senon piresquebestes
mues
?qu'elles garnissaient de cinq
ou
six cornettes. Il reproche très vivementà ces bourgeoises de s'affubler de chaperonsd'hommes,
au méprisdu Deutéronome.
Il est certainque
l'auteur
du
Miroir, qui ne badinait pas sur les prérogativesdu
sexe masculin, auraitcondamné
Jeanne d'Arc et ses vête-ments
«dissolus», «prohibés par la loi divine».Tout
celanous ramène
au milieudu XV«
siècle, oùleschaperonsd'hom- mes
comprenaientune
coiffe entourée d'un bourrelet avec patte et cornette.Pas plus
que
les couvre-chefs et les chaperons, les robes desdames
de sontemps
n'ont trouvé grâceaux yeux du
poète
du
Miroir.La
robe qu'ilcondamne,
avec des «colletz » jusqu'à la ceinture, trèsouverte surlapoitrine, bordée dans lebas d'une « rebrachure de
penne»
ou d'unebande
de pelle- terie, avec unetrèslongue queue, correspond exactement àlarobe à la
mode
vers i45o.1 Cette robedu temps
deCharles VII resta telle quelle, àpeu
près, sous Louis XI. Ily
eutune
seule différence: elle ne fut pas seulement très ouverte surla poitrine, mais aussi dans le dos.Or
notre moraliste ne parle que de «l'ouverture par devant ». Si la robe avait été«ouverte parderrière », il n'aurait pas
manqué
de s'enindi- gner.2N'aurait-il pas fulminédemême
contre le «gorgias», sorte de gaze transparente, qui permettait de voir,comme
dit le poète
du Débat
de la demoiselle et de labourgeoise, 3Disons
donc
que l'examen de la coiffure et de la robedu Miroir aux dames nous
permet de dater cepoème
de i45o* Voy. Viollet-le-Duc, Ouv. cit.t. III,p. 258-259; Quicherat, p. 257.
*
Comme
le fitlecordelierPierredes Gros,cité parQuicherat(p. 310):«Pardétestable vanité, lesfemmesfontfaireleursrobessibassesàlapoi- trine etsiouvertessurlesespaules, qu'onvoitbienavantdansleurdos...»
«Montaiglon, Recueildes poésies françoises, t. V,p. 25.
Letetinqui donne grant joye?
21
—
environ. C'est l'époque
où Agnès
Sorel, dont le roi CharlesVIIétait «durement
assoté », «portoitqueuesun
tiers plus longues qu'oncques princesse de le royaume, plushaut atour qu'à demi, robes plus cousteuses, et de tout ce qui a ribaudise et dissolutionpouvoittraireen fait d'habillement, de cela fut-elle produiseresse et inventeresse. Descouvroitles épaules et le sein jusques
aux
tettins, donnoit à toutebaudeur
loi et cours, fustahomme,fust
afemme
; n'estudioit qu'en vanité jour et nuitpour
desvoyer gens, et pour faire etdonner exemple aux
preudesfemmes
de perdition d'hon- neur,de vergogne et debonnes mœurs.
1 3>En
i45o, Alain Chartier étaitmort
depuis longtemps.V
Le Miroir aux dames
se trouve placé, dans le manuscrit del'Escurial 0-I-i4, entre le Bréviaire des nobles et leQua-
drilogue invectif d'Alain Chartier.Dans
le manuscrit de la Bibliothèque nationale, fr. 924, leMiroir
fait suite auDébat
desdeux
fortunésd'Amours. Dans
lemanuscritde l'Arsenal, n° 3523, queM. Knust
n'a pas connu, leMiroir
est précédé dela Dessertedu
desloyal etsuivi de YHospitald'Amours
;mais ce manuscrit,
comme
lesdeux
autres, renferme plusieurs ouvrages d'Alain. Chartier.De
laplace qu'occupe leMiroir aux dames
dans lema-
nuscrit de l'Escurial,
M. Knust
a conclu que cepoème
était d'Alain Chartier lui-même: ilen parlecomme
d'une «œuvre
1Chronique de Georges Chasteltain, édit. Kervyn de Lettenhove,
t. IV, p. 366.
Digitizedby
inconnue» decepoète.
M.Bijvanck
également regardeleMiroir comme un
«poème
inédit d'Alain Chartier».M
UeA.
Hentschfait de
même.
Oublions, pour
un
instant, que nous venons de dater leMiroir
de i45o environ, etexaminons
la valeur de cette attribution.Remarquons,
tout d'abord, qu'il n'existe pas de manuscrit renfermant lesœuvres
complètes d'Alain Chartier. Cet écri- vain,dontlarenommée
littérairefut sigrande auXV
e siècle,n'a pas pris la peine,
comme
Christine de Pisanou
d'autres poètes de l'époque, de réunir sesœuvres
en debeaux manus-
crits,
pour
les offrir au roi son maître,ou
à quelquegrand
seigneuramateur
de belles lettres. Lesnombreux
manuscritsque nous
avons de ses poésies sont, peut-on dire, tous défectueux. Envahis par de petitspoèmes anonymes
imités de la Belledame
sans merci,aucun
nenous
donne, par exemple, la collection complète des ballades et desrondeaux
qu'Alain Chartier dit avoir composés.Comment
expliquer cette indifférence
du
poète àl'égard desesœuvres
? Faut-il l'attribuer à la disgrâce dont il fut victime et dont ilparle, avec