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La Traduction des néologismes dans « Harry Potter »

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Academic year: 2022

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Texte intégral

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Master

Reference

La Traduction des néologismes dans « Harry Potter »

WALTER, Clelia

Abstract

Ce travail porte sur la traduction des néologismes dans la saga « Harry Potter ». Après une partie théorique sur la littérature jeunesse et les contraintes de traduction imposées par les formes signifiantes, une analyse parallèle des procédés de formation et des sèmes des néologismes en anglais et en français permet de dégager les principales tendances et les différentes stratégies adoptées par le traducteur, Jean-François Ménard. Enfin, je propose une typologie des solutions traductives, avant de conclure sur quelques réflexions sur la créativité et la subjectivité du traducteur.

WALTER, Clelia. La Traduction des néologismes dans « Harry Potter ». Master : Univ.

Genève, 2018

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:113747

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Clelia Walter

La traduction des néologismes dans

Harry Potter

Directrice : Mathilde Fontanet Jurée : Christine van Leemput

Mémoire présenté à la Faculté de traduction et d’interprétation (Département de traduction, Unité de français) pour l’obtention de la Maîtrise universitaire en traduction, mention

traduction spécialisée

Université de Genève Session de juin 2018

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D ÉCLARATION ATTESTANT LE CARACTÈRE ORIGINAL DU TRAVAIL EFFECTUÉ

J’affirme avoir pris connaissance des documents d’information et de prévention du plagiat émis par l’Université de Genève et la Faculté de traduction et d’interprétation (notamment la Directive en matière de plagiat des étudiant-e-s, le Règlement d’études des Maîtrises universitaires en traduction et du Certificat complémentaire en traduction de la Faculté de traduction et d’interprétation ainsi que l’Aide-mémoire à l’intention des étudiants préparant un mémoire de Ma en traduction).

J’atteste que ce travail est le fruit d’un travail personnel et a été rédigé de manière autonome.

Je déclare que toutes les sources d’information utilisées sont citées de manière complète et précise, y compris les sources sur Internet.

Je suis consciente que le fait de ne pas citer une source ou de ne pas la citer correctement est constitutif de plagiat et que le plagiat est considéré comme une faute grave au sein de l’Université, passible de sanctions.

Au vu de ce qui précède, je déclare sur l’honneur que le présent travail est original.

Nom et prénom : WALTER Clelia

Lieu / date / signature : Ependes, le 1er juin 2018

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R EMERCIEMENTS

Je tiens tout d’abord à remercier Mme Mathilde Fontanet et Mme Christine van Leemput pour le temps qu’elles m’ont consacré, leur flexibilité, leur accompagnement et leurs conseils avisés, en particulier en ce qui concerne l’analyse des termes imaginaires.

Un grand merci aux personnes qui ont accepté de me faire part de leur perception des néologismes dans Harry Potter, que ce soit en langue-source ou en langue-cible, même si ce projet n’a pas abouti.

Enfin, je remercie chaleureusement les personnes qui m’ont encouragée au cours de la réalisation de ce travail, ainsi que celles qui ont accepté de le relire attentivement.

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Sommaire

Déclaration attestant le caractère original du travail effectué ... 2

Remerciements ... 3

Partie 1 : Introduction ... 7

1. Œuvre étudiée ... 8

Harry Potter ... 8

La traduction française ... 9

Partie 2 : Cadre théorique ... 11

2. Théories traductologiques ... 11

3. Définitions ... 12

Littérature jeunesse ... 13

Créativité ... 14

Mots imaginaires ... 19

« Equivalent » ... 20

4. Contraintes de traduction ... 22

La traduction ... 22

La traduction de la littérature jeunesse ... 23

La traduction de Harry Potter ... 25

5. Contraintes imposées par les mots imaginaires ... 27

La dualité fond/forme ... 28

La dénotation ... 30

La connotation ... 31

Partie 3 : Recensement des termes ... 33

6. Méthodologie ... 33

7. Liste des termes recensés ... 36

Partie 4 : Analyse des termes recensés ... 40

8. Procédés de formation des termes imaginaires ... 40

Dérivation ... 40

Composition ... 41

Troncation ... 42

Mot valise ... 42

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Siglaison ... 43

Conversion ... 43

Changement sémantique ... 43

Autres ... 44

Folklore britannique ... 46

9. Effets stylistiques ... 47

Allitération et assonance ... 47

Partie 5 : Analyse des choix traductifs ... 49

10. Analyse de la formation des termes traduits ... 49

Dérivés ... 49

Mots composés ... 53

Mots valises ... 57

Acronymes ... 64

Changements sémantiques ... 65

Autres ... 65

Emprunts ... 68

Bilan ... 70

Partie 6 : Typologie des solutions traductives ... 71

1) Traduction isomorphe ... 71

2) Traduction homomorphe ... 72

3) Traduction hétéromorphe ... 73

4) Traduction libre ... 74

11. Tableau récapitulatif des solutions de traduction ... 76

12. Incidence des différentes solutions traductives ... 78

La traduction isomorphe ... 78

La traduction homomorphe ... 78

La traduction hétéromorphe ... 79

La traduction libre ... 80

13. Créativité et subjectivité du traducteur ... 82

Partie 7 : Conclusion ... 85

Bibliographie ... 88

Livres ... 88

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Articles spécialisés ... 90

Articles de presse ... 93

Dictionnaires ... 93

Vidéos ... 94

Sites web ... 94

Annexes ... 96

1. Tableau récapitulatif des procédés de formation ... 96

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P ARTIE 1 : I NTRODUCTION

Je peine à me souvenir d’une époque où Harry Potter ne faisait pas partie de mon univers de lecture. Harry Potter à l’école des sorciers n’est certes pas le premier livre que j’ai lu, mais j’étais encore une enfant lors de sa publication. Comprenant mon intérêt pour la lecture, ma baby-sitter m’a prêté le livre et je suis immédiatement devenue une inconditionnelle de la série. Avec environ un livre paru par année, puis un film diffusé par année, Harry Potter ne m’a jamais vraiment quittée. J’ai relu les romans une dizaine de fois, puis, lorsque mon niveau d’anglais me l’a permis, j’ai les ai lus en langue originale. Plus tard, lorsque j’ai commencé à m’intéresser à la traduction, j’ai comparé les versions originales et traduites, les noms des personnages en particulier, qui sont, pour la plupart, traduits. Puis je me suis vite rendu compte de la difficulté de la tâche pour un traducteur : comment gérer des mots qui n’existent pas, des mots imaginés par un écrivain ? Cette réflexion m’est restée à l’esprit quand j’ai commencé mes études à la Faculté de traduction et d’interprétation. J’en ai parfois discuté avec d’autres étudiants jusqu’à ce que choisir ce sujet pour mon travail de mémoire s’impose comme une évidence.

La traduction des mots imaginaires est un sujet encore peu étudié par les traductologues. Même s’il n’y a que peu de travaux existants dans ce domaine, le champ d’étude est très vaste. Aussi ai-je résolu de me concentrer sur la traduction des mots imaginaires dans la saga Harry Potter. Les questions auxquelles je chercherai à répondre dans ce travail sont les suivantes : Comment aborder la traduction des mots imaginaires dans Harry Potter ? Quelles sont les incidences des différents choix traductifs de Jean-François Ménard à cet égard ? Cette étude s’articulera en plusieurs parties. Dans un premier temps, je présenterai l’œuvre Harry Potter et définirai tous les concepts étudiés. Dans un deuxième temps, je recenserai tous les mots imaginaires présents dans les romans originaux ainsi que leur traduction. Dans un troisième temps, je proposerai une typologie des méthodes de traduction des termes imaginaires. J’étudierai ensuite les procédés de formation tant en langue source qu’en langue cible, ce qui me permettra d’analyser la méthode de traduction choisie pour chacun des néologismes. Je me poserai les questions suivantes : Le procédé de formation a-t-il été conservé ? Les éléments de sens sont-ils les mêmes ? La connotation (le cas échéant) a-t- elle été maintenue ? Je dresserai ensuite un bilan pour chacune des catégories et déterminerai quelles sont les incidences de chacune des méthodes de traduction sur le texte-cible et si l’effet sur le lecteur me semble identique. Enfin, je chercherai à dégager certaines tendances.

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1. Œ UVRE ÉTUDIÉE

H

ARRY

P

OTTER

Harry Potter est une série de sept romans fantastiques écrits par l’écrivain britannique J. K. Rowling.

Née en 1965 en Angleterre, J. K. Rowling grandit dans un milieu modeste, qui voit naître sa passion pour l’écriture. Elle fait des études à l’université d’Exeter, où elle étudie le français, le grec et l’allemand, puis à la Sorbonne, où elle obtient un diplôme en littérature française et en philologie. Alors qu’elle affronte de nombreuses difficultés personnelles, l’univers de Harry Potter commence à s’esquisser dans son esprit. Elle achève le premier roman en 1995, mais doit essuyer d’innombrables refus de la part d’éditeurs anglais. C’est finalement la maison d’édition Bloomsbury qui accepte de le publier une année plus tard, mais avec un tirage limité : seulement 1 000 exemplaires sont imprimés, dont la moitié est destinée à des bibliothèques. Finalement, le premier tome, Harry Potter and the Philosopher’s Stone, sort en 1997. Il rencontre rapidement un succès retentissant et s’attire les éloges du Guardian et du Sunday Times. En 1999, ce ne sont pas moins de 300 000 exemplaires qui se sont déjà vendus au Royaume-Uni. Par la suite, six autres romans viennent compléter la saga, dont le dernier, Harry Potter and the Deathly Hallows, paraît en 2007, toujours chez le même éditeur.

L’histoire de Harry Potter se déroule en Angleterre, dans les années 1990. Le jeune Harry, orphelin élevé par une tante et un oncle cruels, découvre qu’il est un sorcier le jour de ses 11 ans. Au fil des romans, Harry découvre le monde de la sorcellerie, son lourd héritage familial et sa destinée : vaincre Lord Voldemort, le sorcier le plus malveillant de tous les temps, qui a disparu après avoir tué les parents de Harry. Accompagné de ses deux meilleurs amis, Ron Weasley et Hermione Granger, Harry apprend peu à peu à maîtriser la magie à l’école de sorcellerie de Hogwarts, tout en assistant au retour de Voldemort.

À mi-chemin entre le roman fantastique et le roman d’apprentissage, l’histoire est racontée à la troisième personne du singulier, mais suit le point de vue interne de Harry. Les lecteurs découvrent les termes imaginaires en même temps que lui, à travers ses yeux de néophyte. Dans chacun des romans, Harry se trouve devant plusieurs dilemmes moraux, qui le poussent à enfreindre les règles de l’école pour faire « ce qui est juste » selon ses propres principes. Les événements et les deuils auxquels il est confronté le forcent à grandir plus

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rapidement qu’un adolescent normal, en particulier parce que sa capacité d’accomplir sa destinée aura une influence sur l’ensemble de la communauté des sorciers.

À l’origine, les lecteurs-cibles devaient être les enfants et les adolescents. Toutefois, au vu des 450 millions d’exemplaires vendus à ce jour1, il est possible d’affirmer que le lectorat réel est beaucoup plus large. Cependant, les sept tomes restent aujourd’hui considérés comme des œuvres de littérature jeunesse.

Le style d’écriture est très accessible. Les romans s’adressant autant aux adultes qu’aux enfants, l’auteure évite les mots ou les tournures trop compliquées au profit d’une écriture vivante et expressive, quasiment cinématographique dans sa façon claire et continue de décrire les mouvements et les actions. Le style est marqué par des dialogues très efficaces, teintés d’humour et d’ironie, qui font avancer le récit. Quant aux descriptions, elles sont généralement courtes et plutôt visuelles, de façon à donner suffisamment d’informations pour que le lecteur « voie » la scène, sans toutefois ralentir l’action. Les trois derniers romans contiennent davantage de descriptions un peu plus longues, afin de donner aux lecteurs un meilleur accès aux pensées, émotions et motivations des personnages. Cependant, elles ne s’étendent jamais au point d’ennuyer les plus jeunes lecteurs. Enfin, le style est fortement marqué par l’imagination de J. K. Rowling. Noms des personnages, devinettes, chansons, anagrammes lourds de sens, sortilèges, incantations, potions, allitérations très nombreuses et mots inventés sont autant d’éléments contribuant à la vivacité de l’écriture de J. K. Rowling.

Si chacun de ces éléments est digne d’intérêt du point de vue de la traduction, je ne m’intéresserai, dans le cadre de ce travail, qu’aux mots inventés. L’histoire se déroulant principalement dans un univers fantastique imaginé de toutes pièces, ils sont nombreux dans les sept tomes.

L

A TRADUCTION FRANÇAISE

L’édition française est la première traduction de Harry Potter à paraître. À la première lecture du manuscrit, Christine Baker, directrice éditoriale chez Gallimard Jeunesse, est tout de suite « frappée par la maîtrise » de J. K. Rowling et y trouve tout ce qu’elle cherche habituellement dans un bon roman, à savoir la « véracité psychologique, la diversité des

1 LE MONDE, 2017. « Harry Potter a 20 ans : la saga en cinq chiffres », Le Monde.

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dialogues, l’intensité des sentiments, l’humour et l’inventivité »2. C’est donc sans hésitation qu’elle décide de le publier.

Il s’agit ensuite de lui attribuer le bon traducteur. Là encore, elle n’hésite pas longtemps avant de désigner Jean-François Ménard. En effet, il était le « traducteur préféré de Roald Dahl, qui avait adoré sa traduction de The BFG, Le Bon Gros Géant, qui demandait une certaine inventivité verbale et sémantique ». À ses yeux, Jean-François Ménard s’impose comme le traducteur idéal au vu de son intérêt pour la magie et pour l’origine des mots, l’étymologie3.

Né en 1948 à Paris, Jean-François Ménard fait des études de philosophie qu’il abandonne rapidement pour travailler dans le cinéma, en tant qu’assistant de plusieurs réalisateurs. C’est dans ce monde qu’il puise son inspiration pour commencer à écrire des histoires. Par la suite, il entre chez Gallimard en tant qu’écrivain public, où il rédige principalement des quatrièmes de couverture. En 1978, il publie Le Voleur de chapeaux et autres contes pour la semaine, un recueil de ses premiers écrits, le premier de nombreux ouvrages qui paraissent sous son vrai nom ou sous un pseudonyme, James Campbell. Dès 1980, il se tourne vers la traduction d’œuvres souvent fantastiques et marquées par la présence de jeux de mots ou d’une inventivité linguistique particulière.

La traduction du premier tome de Harry Potter, Harry Potter à l’école des sorciers, paraît en 1998 chez Gallimard dans la collection Folio Junior et le dernier tome, Harry Potter et les reliques de la mort, sort en 2007 chez le même éditeur. Aujourd’hui, l’œuvre a déjà été traduite dans plus de 80 langues.

2 GALLIMARD JEUNESSE, 2008. « Interview de Christine Baker – 1ère partie », Dailymotion.

3 Ibid.

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P ARTIE 2 : C ADRE THÉORIQUE

Dans ce chapitre, je commencerai par un bref aperçu des différentes théories traductologiques concernant la traduction des termes imaginaires, avant de définir les concepts intervenant dans le champ de ce travail. Enfin, je présenterai les contraintes imposées, d’une part, par l’œuvre et son genre littéraire et, d’autre part, par la traduction des mots imaginaires en eux-mêmes.

2. T HÉORIES TRADUCTOLOGIQUES

À ma connaissance, la traduction des mots imaginaires n’a pas encore fait l’objet de réflexions ni d’études publiées. Quelques articles ont certes été publiés sur ce thème, comme celui d’Ineke Wallaert sur la traduction des néologismes de Poe par Baudelaire, mais sa réflexion est centrée sur la façon dont les néologismes de Poe ont influencé l’écriture de Baudelaire ou sur ses décisions d’emprunt, de « standardisation » des néologismes, et non sur la traduction des néologismes en elle-même.4 La plupart des autres articles publiés sur ce thème portent d’ailleurs également sur l’emprunt des néologismes.

Pour le présent travail, je me suis référée aux études sur la traduction des noms propres, de la poésie et, plus particulièrement, des jeux de mots. Ce dernier choix se justifie par la similarité des paramètres à observer pour analyser les traductions : étymologie, rime, allitération et « forme signifiante » – un concept introduit par Jacqueline Henry dans son livre La Traduction des jeux de mots.

La traduction des jeux de mots n’a, en soi, attiré l’attention des traductologues que récemment. Le sujet a été abordé pour la première fois brièvement en 1984 par Jacques Chambon dans son article intitulé « Le calembour et sa traduction ». Toutefois, son étude se limitait au calembour et ne s’étendait pas à tous les types de jeux de mots. Ensuite, c’est à Dirk Delabastita, linguiste belge, que l’on doit la grande majorité des réflexions menées sur ce thème, sur lequel il travaille depuis vingt-cinq ans. C’est seulement en 1993 qu’a paru la première monographie entièrement consacrée à la traduction des jeux de mots, There’s a Double Tongue, et on la doit encore à Dirk Delabastita. Le deuxième livre publié sur le sujet

4 WALLAERT Ineke, 2012. « Writing foreign: the paradoxes of Baudelaire’s neologizing strategies in his translations of Poe », Palimpsestes, 25, Paris : Presses Sorbonne nouvelle, p. 69-92.

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est une étude de Jacqueline Henry, La Traduction des jeux de mots, qu’elle a publiée en 2003 et fondée sur sa thèse de doctorat.

Dans son ouvrage, Jacqueline Henry propose une approche générale de la traduction des jeux de mots « démontrant leur grande traduisibilité »5. Après avoir défini la fonction des jeux de mots, Jacqueline Henry propose une typologie des stratégies applicables pour les traduire, essentiellement fondée sur la conservation ou sur l’abandon du type et de la forme du jeu de mots. Elle différencie les traductions isomorphe, homomorphe, hétéromorphe et libre.

Cette typologie constituera une base solide pour mon travail.

Par la suite, quelques autres auteurs ont traité ce sujet, notamment Ramon Lladò et Federico Zanettin, qui s’intéresse plus particulièrement à la traduction des bandes dessinées.6

Un autre ouvrage qui peut servir de référence dans le domaine de la traduction des néologismes est celui de Michel Ballard, traducteur et professeur de traductologie. Dans son ouvrage, Le Nom propre en traduction, paru en 2001, il différencie les anthroponymes, les toponymes et les référents culturels, et analyse leur traduction dans divers contextes, en anglais et en français. Il étudie également les stratégies de domestication et d’étrangéisation dans la traduction des noms propres et s’intéresse tout particulièrement au sens des noms propres et aux choix traductifs découlant de l’interprétation de celui-ci. Une des idées centrales de l’ouvrage de Michel Ballard est que les noms propres, quel que soit leur type, peuvent tout à fait être porteurs d’une signification et que, par conséquent, ils ne sont pas hermétiques à la traduction.

C’est sur ces ouvrages traductologiques qu’est principalement fondé ce travail.

3. D ÉFINITIONS

Avant d’entrer dans le vif du sujet, il convient de définir le champ exact de ce travail.

À cet effet, je définirai les concepts de « littérature jeunesse », de « créativité » et de « mots imaginaires ».

5 HENRY Jacqueline, 2003. La Traduction des jeux de mots, Paris : Presses Sorbonne Nouvelle, p. 12.

6 REGATTIN Fabio, 2015. « Traduire les jeux de mots : une approche intégrée », Atelier de traduction, n°23, p. 129-151.

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L

ITTÉRATURE JEUNESSE

« Littérature de jeunesse », « littérature jeunesse », « littérature pour la jeunesse »7, les termes mêmes désignant le type de littérature s’adressant à un jeune public attestent la présence d’un certain flou terminologique. Outre le terme, le champ conceptuel est aussi très difficile à délimiter : la littérature jeunesse est-elle définie par son destinataire ou par la conception historique et culturelle que l’on en a, comme le considère Peter Hunt ? Roberta Pederzoli résume le point de vue de celui-ci comme suit :

Hunt souligne que la littérature de jeunesse se base toujours sur une certaine conception de l’enfant, historiquement et culturellement déterminée, qui peut dériver de l’expérience personnelle de l’auteur, ou bien de l’influence (et donc de la vision de l’enfance) des éditeurs, ou encore, plus en général, des suggestions des membres de la sphère culturelle d’un pays déterminé.8

Selon Peter Hunt, la conception de l’enfance et de la jeunesse est le principal élément qui différencie la littérature jeunesse de la littérature générale. Elle pose dès lors une difficulté majeure pour quiconque souhaite définir la littérature jeunesse, car elle varie selon l’époque et la culture. De plus, même au sein d’une culture précise et à une époque déterminée, l’enfance et la jeunesse sont des concepts relativement fluides et fluctuants. En effet, il n’existe pas d’âge précis auquel un lecteur cesse d’être un enfant ou un jeune. La majorité met-elle fin à la jeunesse ?

Isabelle Nières-Chevrel, quant à elle, définit la littérature jeunesse selon ses axes de production :

Il s’agit de livres écrits pour les enfants (une pratique de création) ; il s’agit de livres édités pour les enfants (une pratique éditoriale) ; il s’agit de livres lus par les enfants (une pratique culturelle).9

En pratique, la situation est plus compliquée que ne le suggère Isabelle Nières- Chevrel. En effet, si l’enfant est au centre du processus de création et de publication de la littérature jeunesse, ce sont des adultes qui prennent toutes les décisions : celles d’écrire, de publier, d’acheter, de lire aux enfants, d’intégrer le livre au programme scolaire, etc. En outre, Isabelle Nières-Chevrel part du principe que ce sont nécessairement des enfants qui lisent les œuvres de littérature jeunesse. Elle ne différencie pas le lecteur effectif, qui peut être un

7 PEDERZOLI Roberta, 2012. La traduction de la littérature d’enfance et de jeunesse et le dilemme du destinataire, Bruxelles : P.I.E. Peter Lang, p. 32.

8 Ibid., p. 30.

9 NIERES-CHEVREL Isabelle, 2009. Introduction à la littérature de jeunesse, Paris : Didier Jeunesse, p. 15.

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adulte, et le lecteur-cible. Or, cette omniprésence des adultes a justement une influence considérable sur la façon de traduire la littérature jeunesse.

Du point de vue de la forme, la littérature jeunesse comprend de nombreux genres littéraires : fables, contes, théâtre, poésie, romans et nouvelles. En somme, tous les genres, à l’exception de « l’épopée et la tragédie, mais celles-ci ont disparu de la “grande littérature” au XIXe » siècle.10 Alors qu’est-ce qui différencie la littérature jeunesse de la littérature générale ? Rien, d’après Isabelle Nières-Chevrel. Selon elle, la littérature jeunesse « ne constitue un genre ni d’un point de vue formel, ni d’un point de vue esthétique et thématique »11 car elle utilise les « mêmes outils littéraires que la littérature générale »12.

En d’autres termes, la seule différence entre la littérature générale et la littérature jeunesse ne serait pas dans la forme mais dans le public visé : les jeunes. Or, là encore, les frontières sont floues. Où la jeunesse commence-t-elle et où s’arrête-t-elle ? Les adultes doivent-ils nécessairement se priver de la lecture d’œuvres de littérature jeunesse, simplement parce qu’ils ne sont plus considérés comme des « jeunes » ? Les Anglo-Saxons ont contourné ce problème en introduisant un nouveau terme : la littérature dite Young Adult. C’est précisément dans cette catégorie que l’on trouve les romans de la série Harry Potter.

Dans le cadre du présent travail, et pour pouvoir y classer les romans Harry Potter, j’adopte une définition simplifiée de la littérature jeunesse, c’est-à-dire une littérature s’adressant manifestement aux enfants et aux jeunes (publiée par des éditions jeunesse), indépendamment des lecteurs réels et effectifs.

C

RÉATIVITÉ

Dans le cadre de ce travail, nous serons confrontés à deux types de créativité : d’une part, celle de l’auteure, J. K. Rowling, pour l’écriture du texte-source, et, d’autre part, celle du traducteur, Jean-François Ménard, pour la gestion des difficultés présentées par le texte- source et, plus particulièrement, ses éléments créatifs. Il en va donc d’une double créativité : la créativité durant la phase d’écriture et la créativité durant le processus de traduction.

10 CHARTIER Anne-Marie, 2010. « Isabelle Nières-Chevrel, Introduction à la littérature de jeunesse », Strenae, 1/2010.

11 NIERES-CHEVREL Isabelle, 2009. Introduction à la littérature de jeunesse, Paris : Didier Jeunesse, p. 115.

12 Ibid.

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Commençons par la créativité liée à l’écriture. Selon Le Petit Robert, la créativité est le « pouvoir de création, d’invention ». Dans le contexte de l’écriture, la créativité peut simplement faire référence à la production d’une nouvelle œuvre. Par exemple, J. K. Rowling a effectivement fait preuve de créativité en écrivant Harry Potter et en imaginant le monde des sorciers. Cependant, cette définition est trop large pour ce travail. Dans la perspective que j’ai adoptée, il ne s’agit pas de la création d’une œuvre entière. La définition donnée par Guy Serraf dans son article « La créativité littéraire », paru en 1965, convient mieux à mon étude :

L’imagination n’est pas une reproduction, avec des modifications de combinaisons, de rapports, entre images élémentaires ; l’imagination créatrice peut être assimilée, sur le plan littéraire, à une invention.13

Il ajoute :

On peut parler d’invention littéraire lorsque la transposition à partir de la réalité extérieure factuelle cesse d’y référer.14

Dans le cadre de ce travail, je considérerai la créativité de l’écriture comme la source d’une invention à un niveau ponctuel, c’est-à-dire à l’échelle même du mot. En d’autres termes, la créativité littéraire dont je parlerai est la production de nouveaux mots et de nouveaux concepts.

En ce qui concerne la production de mots imaginaires, la créativité ne se déploie pas ex nihilo. Comme nous le verrons plus en détail dans la quatrième partie, presque tous les termes imaginaires sont construits selon les procédés de formation usuels (composition, troncation, dérivation, etc.) et à partir de mots existants. De plus, une certaine constance et une certaine cohérence peuvent être observées dans la production des néologismes dans l’œuvre de J. K. Rowling. Par exemple, tous les mots désignant les aliments des sorciers sont fortement marqués par les allitérations et les assonances. Tous ces effets de cohérence sont mentionnés dans la quatrième partie de ce travail.

À présent, essayons de définir la créativité en traduction. Le Centre national de ressources textuelles et lexicales (CNRTL) donne deux définitions de la créativité :

1. Capacité, pouvoir qu'a un individu de créer, c'est-à-dire d'imaginer et de réaliser quelque chose de nouveau.

2. Capacité de découvrir une solution nouvelle, originale, à un problème donné. 15

13 SERRAF Guy, 1965. « La création littéraire », Les Cahiers de la publicité, n°14, p. 105.

14 Ibid., p. 106.

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C’est généralement sur la seconde définition que s’appuient les traductologues pour parler de la créativité en traduction. Ioana Balacescu et Bernd Stefanik ont passé au crible de nombreuses recherches sur le sujet afin de dégager les aspects de la créativité en traduction sur lesquels une majorité de personnes semblent s’accorder : « Le produit de l’acte créatif doit être nouveau [et] approprié. » Il doit « transformer la contrainte imposée par le texte source » et faire preuve de « condensation du sens et [d’] un certain hermétisme »16. Ce dernier point signifie que la créativité en traduction ne saurait prendre la forme d’une explicitation du texte- source. Le produit doit être aussi condensé et hermétique que l’élément présent dans le texte- source. Quant au facteur de nouveauté, il est indispensable car, comme le souligne Mathilde Fontanet, si un traducteur recourt plusieurs fois à la même solution créative, « il ne s’agit plus de créativité, mais de réflexe ou d’expérience »17. Dans son article « Temps de la créativité en traduction », elle va même un petit peu plus loin, en précisant que la créativité sert à résoudre un problème de traduction, une contrainte imposée par le texte-source. C’est un point de vue que soutient également Guilford :

There is something creative about all genuine problem solving, and creative production is typically carried out as a means to the end of solving some problem.18

Une théorie à laquelle souscrivent Dancette et al. :

La créativité s’exprime sur et avec les contraintes (linguistiques, textuelles, formelles, etc.) et dans leur dépassement.19

La créativité en traduction se manifeste donc de manière ponctuelle, quand le traducteur se trouve face à un problème posé par le texte original ou la langue-source. Dans le cas de la traduction de Harry Potter, la créativité de Jean-François Ménard intervient justement dans la résolution des problèmes posés par la traduction des noms propres, des sorts, des potions et des mots imaginaires, qui feront l’objet du présent travail.

Un dernier point qu’il faut mentionner dans la réflexion sur la créativité en traduction est celui de la finalité de cette créativité. Quels intérêts sert-elle ? Lance Hewson, citant Berman, donne l’explication suivante :

15 CNRTL, (s. d.). « Créativité » Ortolang.

16 BALACESCU Ioana et STEFANIK Bernd, 2003. « Modèles explicatifs de la créativité en traduction », Meta, 48/4, p. 512.

17 FONTANET Mathilde, 2005. « Temps de la créativité en traduction », Meta, 50/2, p. 446.

18 GUILFORD J. P., 1971. The Nature of Human Intelligence, London : McGraw-Hill, p. 312.

19 DANCETTE Jeanne, AUDET Louis et JAY-RAYON Laurence, 2007. « Axes et critères de la créativité en traduction », Meta, 52/1, p. 119.

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Creativity should be reserved for those who, in the words of Berman (199, p.40), respect the fundamental contract linking a translation with its original.

This contract ‘interdit tout dépassement de la texture de l’original. Il stipule que la créativité exigée par la traduction doit se mettre toute entière au service de la ré-écriture de l’original dans l’autre langue, et ne jamais produire une sur- traduction déterminée par la poétique personnelle du traduisant’.20

La créativité évoquée jusqu’ici, celle qui vise la résolution de problèmes traductifs ponctuels, est justement la première que mentionne Berman : une créativité mise au service de l’œuvre originale, sans changement du message du texte-source. Elle s’oppose à la créativité déployée pour la « traduction ontologique », pour utiliser la terminologie de Lance Hewson, par laquelle le traducteur s’octroie le droit de devenir auteur, en la mettant à profit pour ajouter des éléments absents dans l’œuvre originale ou pour l’améliorer et montrer l’étendue de son propre « talent ». En voici un célèbre exemple, tiré de la traduction de Alice in Wonderland par Magali Merle, dans lequel elle accumule les jeux de mots, là où il n’y en a qu’un seul dans l’extrait original :

“If I’d been the whiting”, said Alice, whose thoughts were still running on the song, “I’d have said to the porpoise, ‘keep back, please: we don’t want you with us!’” “They were obliged to have him with them,” the Mock Turtle said: “no wise fish would go anywhere without a porpoise”. “Wouldn’t it really?” said Alice in a tone of great surprise.

“Of course not”, said the Mock Turtle: “why, if a fish came to me, and told me he was going on a journey, I should say ‘With what porpoise?’” “Don’t you mean ‘purpose’?”

said Alice.

(Caroll, 1990, p. 232)

- A la place du merlan, nota Alice, dont les pensées marchaient en crabe du côté de la chanson, j’aurais dit au dauphin :

« N’approchez pas, s’il vous plaît. Ne faites pas l’arapède avec nous ! »

- Ils étaient forcés de l’avoir avec eux, expliqua la SimiliTortue. Tout poisson avisé jugerait incongru le moindre déplacement sans dauphin.

- Ah bon, vraiment ? s’exclama Alice sur un thon de grande surprise.

- Evidemment, reprit la SimiliTortue. Raie- fléchis ; moi, si un poisson venait me trouver, en m’annonçant qu’il va partir en voyage, je dirais : « Avec quel dauphin ? »

- N’est-ce pas « dessein » que vous voulez dire ? s’enquit Alice.

(Merle, 1990, p. 233)

Dans cet extrait, Caroll joue sur la similarité des consonances entre porpoise, qui désigne « an aquatic marine mammal, a small whale », et purpose, qui désigne « an objective, a goal ». Ce jeu de mots est impossible à reproduire en français, du moins en se fondant sur les mêmes concepts. En effet, porpoise pourrait être traduit par « marsouin », « baleine » ou

20 HEWSON Lance, 2006. « The Vexed Question of Creativity in Translation », Palimpsestes, Hors série, p. 61.

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« dauphin », comme l’a fait Magali Merle. Il resterait alors à traduire purpose. « Objectif » ou

« but » ne présentent aucune similarité sonore avec « dauphin ». Magali Merle a opté pour

« dessein », qui n’est certes pas aussi proche de « dauphin » du point de vue des sonorités que porpoise l’est de purpose, mais qui est toutefois relativement similaire (dauphin / dessein) et qui transmet bien le message du texte-source. Cependant, certainement pour compenser le fait que « dauphin » et « dessein » ne sont pas aussi proches que porpoise et purpose, la traductrice a introduit des jeux de mots animaliers supplémentaires, qui sont absents dans le texte original. Malheureusement, si « marchaient en crabe » et « ne faites pas l’arapède » fonctionnent sous leur forme de métaphore, « thon » et « raie-fléchis » peinent à se justifier.

« Thon » ne fonctionne pas car, dans le texte original, c’est la Mock Turtle qui se trompe de mot, non le narrateur. Or, « thon » est utilisé par le narrateur dans la traduction de Magali Merle. Quant au mot « raie-fléchis », il est malvenu car sa prononciation est beaucoup trop similaire, cette fois-ci, à celle de « réfléchis ». La différence ne se constate qu’à l’écrit ; Alice ne la relève donc pas. Comment le pourrait-elle d’ailleurs, puisque ce jeu de mots n’est pas présent dans l’original ? En résumé, Magali Merle a fait preuve d’une grande créativité et d’une grande habileté dans sa création de jeux de mots. Toutefois, pour compenser sa solution

« dauphin/dessein », qui n’est pourtant pas mauvaise, elle a introduit des jeux de mots qui ne servent pas le texte et qui en changent même légèrement la portée.

Jusqu’à présent, je n’ai abordé que le caractère ponctuel de la créativité. Se pourrait-il que la créativité ait également un aspect plus étendu, plus continu ?

Dans son article paru en 1997, « Créativité et traduction », Michel Ballard explique que la créativité est le fondement même de la traduction :

Ce que l’on a mis longtemps à accepter en traduction c’est le fait que la réécriture à l’aide d’une autre langue suppose des écarts ou des transformations qui font partie d’un acte de création qui se poursuit dans un autre matériau linguistique : une certaine différence (contrôlée) fait partie de la survie du texte.21

Autrement dit, aucun texte ne pourrait être traduit sans présenter des changements issus de la créativité du traducteur. Traduction et créativité sont indissociables, à moins de traduire littéralement ou de calquer, ce qui se fait rarement au bénéfice du texte-cible.

Paul Kussmaul, linguiste allemand, tient le même discours :

21 BALLARD Michel, 1997. « Créativité et traduction », Target, 9/1, p. 86.

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The main aim of my book is to make us all aware of the fact that translating is a highly creative activity.22

Selon ces deux auteurs, le simple fait que Jean-François Ménard ait traduit les romans Harry Potter est déjà un acte créatif en soi. Sa créativité ne se serait donc pas limitée à trouver des solutions pour restituer les néologismes en français, mais elle s’étendrait à chacun des mots qu’il a choisis, du premier au dernier tome de la saga.

Le concept de créativité est à présent délimité. Qu’en est-il de celui de « mots imaginaires » ?

M

OTS IMAGINAIRES

Le Petit Robert définit l’imaginaire comme le « produit, domaine de l’imagination » et l’imagination comme la « faculté de former des images d’objets qu’on n’a pas perçus ou de faire des combinaisons nouvelles d’images ». Il mentionne « fantaisie » et « invention » comme synonymes. Dans le cadre de ce travail, l’imaginaire fait référence à la fois aux concepts et aux objets propres au monde de Harry Potter (les signifiés, pour reprendre la terminologie de Ferdinand de Saussure) et aux mots désignant ces concepts (les signifiants).

Ce sont des mots et des concepts qui n’existaient pas avant que J. K. Rowling les introduisent dans ses romans, des mots et des concepts que l’on n’aurait pas trouvés dans d’autres œuvres littéraires ni dans les dictionnaires. Ce sont des purs produits de l’imagination, de la « faculté de former des images […] qu’on n’a pas perçus », de l’auteure.

Quant au « mot », toujours selon Le Petit Robert, il s’agit d’une « forme libre douée de sens qui entre directement dans la production de la phrase ». Il peut être de n’importe quelle catégorie grammaticale. Je préciserai plus loin les classes grammaticales étudiées dans ce travail.

Par « mots imaginaires », j’entends donc tous les mots, quelle que soit leur catégorie grammaticale, qui proviennent de l’imagination de l’auteure et qui désignent des concepts inventés de toutes pièces. Autrement dit, ce sont des produits de la créativité de l’écrivain.

J’utiliserai aussi le mot « néologisme » pour désigner ce même concept. En effet, ce terme désigne un « mot nouveau, sens nouveau d’un mot », selon Le Petit Robert. Il existe

22 KUSSMAUL Paul, 2000. Kreatives Übersetzen, Tübingen : Stauffenburg Verlag, p. 16, traduit par Lance Hewson.

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deux types de néologismes : les néologismes morphologiques et les néologismes lexicaux. Les premiers répondent à un besoin ponctuel et disparaissent aussi vite qu’ils sont apparus. Nous utilisons ce type de néologie régulièrement dans la langue courante lorsque nous parlons. Les seconds visent la création de tout un vocabulaire spécialisé. Ce phénomène, que Guy Rondeau appelle la « néonymie » dans son livre Introduction à la terminologie, paru en 1984, consiste à dénommer des concepts nouveaux, qu’ils soient concrets ou abstraits.23 J. K. Rowling a effectivement créé un vocabulaire complet pour désigner toutes les notions inhérentes au monde des sorciers. Par conséquent, au vu des réflexions qui précèdent, les termes imaginaires dans Harry Potter sont bien des néologismes.

Nous pourrions également parler de « termes » imaginaires. En effet, un « terme » est un « mot appartenant à un vocabulaire spécial, qui n’est pas d’un usage courant dans la langue commune », un mot « appartenant à une terminologie ». L’univers de Harry Potter pouvant être considéré comme un domaine spécifique et les mots imaginaires étant des unités propres à ce domaine, n’appartenant pas au vocabulaire courant, l’utilisation du mot « terme » semble tout à fait justifiée. D’ailleurs, dans le cadre de ce travail, j’utiliserai les trois appellations,

« mots imaginaires », « termes imaginaires » et « néologismes », en tant que synonymes, sans leur attribuer de nuances particulières.

Les mots imaginaires n’existant pas avant leur production par l’auteure, ils n’ont pas d’équivalents consacrés ou admis, ne figurent pas dans les dictionnaires et ne sont définis qu’à l’intérieur de l’œuvre. Pourtant, il faut bien les traduire quand il s’agit de restituer l’œuvre dans une autre langue. L’ensemble de ce travail vise à apporter une réponse à la question suivante : Comment Jean-François Ménard a-t-il procédé pour traduire les mots imaginaires et quelles sont les incidences de ses différents choix traductifs ?

« E

QUIVALENT

»

Avant de poursuivre, il faut encore préciser le sens du terme « équivalent » dans ce travail. Je suis bien consciente qu’il prête à controverse. En effet, « équivalent » signifie, selon Le Petit Robert, « qui a la même valeur ou fonction », « égal », et, dans une perspective élargie « dont la portée est semblable ou identique », « comparable ». Dans Terminologie de la traduction, Jean Delisle et al. définissent l’équivalence comme une

23 RONDEAU Guy, 1984. Introduction à la terminologie, 2e éd., Québec : Ed. Gaëtan Morin.

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relation d’identité établie dans le discours entre deux unités de traduction de langues différentes, dont la fonction discursive est identique ou presque identique.24

Utiliser le mot « équivalent » au sens de « fonction identique » pour caractériser la traduction d’un mot présuppose que la langue-source et la langue-cible sont des « langues- nomenclatures »25 symétriques, parallèles, superposables, c’est-à-dire que le mot traduit, l’ « équivalent » dans la langue-cible, recouvre exactement le même sens, le même concept, les mêmes connotations et les mêmes références que le mot de la langue-source. Ce n’est qu’à cette condition que le « transcodage »26 d’une langue A à une langue B serait possible. Or, ce n’est presque jamais le cas. Les langues ne sont pas symétriques. Chaque mot d’une langue- source n’a pas une seule et unique traduction possible dans une langue-cible et, bien souvent, le mot traduit ne recouvre pas le même champ sémantique que le mot de l’original. Pour éviter ce problème, Christine Bagge propose, dans son article « Equivalence lexicale et traduction » paru en 1990, d’utiliser le terme d’ « équivalence lexicale » défini comme une

« similarité de sens de deux unités lexicales appartenant à deux langues différentes »27.

Dans Harry Potter, les mots imaginaires désignent des concepts complètement nouveaux, inventés par l’auteure, qui n’existent ni dans la langue-source ni dans la langue- cible. Ces concepts n’existent qu’à l’intérieur de l’univers de Harry Potter. Par conséquent, quelle que soit la langue dans laquelle les romans sont traduits, le concept désigné par chaque mot imaginaire est exactement le même, étant donné qu’il n’existe que dans cet univers fantastique. Ainsi, je me permettrai, dans ce travail, d’utiliser le terme « équivalent » pour désigner la traduction de chaque mot imaginaire dans la langue-cible. Quelle que soit la solution traductive choisie par le traducteur, le référent reste exactement le même.

Selon moi, la seule réserve qui pourrait être émise sur ce point porte sur le choix du mot lui-même, c’est-à-dire du signifiant, indépendamment du concept sous-jacent. Comme nous le verrons plus loin, les mots imaginaires sont des « formes signifiantes », c’est-à-dire que la forme même des mots imaginaires est porteuse de sens. Dans ce cas-là, selon la solution choisie par le traducteur, la forme du mot, indépendamment de son signifié, peut exprimer un message différent en langue-cible qu’en langue-source et avoir un effet différent

24 DELISLE Jean, LEE-Jahnke Hannelore, CORMIER Monique C., ALBRECHT Jörn, 1999. Terminologie de la traduction, Amsterdam : John Benjamins Publishing, p. 36.

25 BAGGE Christine, 1990. « Équivalence lexicale et traduction », Meta, 35/1, p. 64.

26Ibid., p. 65.

27 Ibid., p. 63.

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sur le lecteur. Dans un tel cas, le sens premier d’ « équivalent » n’est pas valable. C’est pourquoi, dans ce travail, je n’utiliserai ce terme qu’au sens d’ « équivalent lexical », selon la définition de Christine Bagge.

4. C ONTRAINTES DE TRADUCTION

Tous les concepts intervenant dans le cadre de ce travail ayant été définis, je peux à présent m’intéresser plus précisément à l’activité de traduction et aux contraintes qu’impose la traduction de la littérature jeunesse et de Harry Potter.

L

A TRADUCTION

Dans mes travaux de traduction, j’ai pour habitude de me référer à la conception de la traduction présentée par Danica Seleskovitch et Marianne Lederer dans la Théorie interprétative de la traduction. Selon cette dernière, originellement développée pour l’interprétation puis étendue à la traduction par Marianne Lederer, la traduction porte non pas sur une langue et sur les mots qu’elle comporte, mais sur la signification d’un texte et le message qu’il vise à transmettre.28 L’opération traduisante se déroule en trois phases : la compréhension du texte original sous tous ses aspects ; la déverbalisation (consistant à se détacher des mots du texte original pour n’en garder que le sens) ; et la réexpression (expression du message du texte original en langue-cible). Il ne s’agit donc pas de chercher des correspondances linguistiques pour chacun des mots du texte-source, mais plutôt de ré- exprimer le message du texte original.29

Certains traductologues réfutent l’idée d’une phase de dé-verbalisation, au motif que le sens ne saurait être conçu et appréhendé sans mots. Or, pour Marianne Lederer et Danica Seleskovitch, le sens ne dépend pas des mots individuels, mais de l’ « explicite linguistique »30, c’est-à-dire l’ensemble des phrases, le contexte textuel, conjugué au « non- verbal des connaissances des lecteurs »31, soit l’interprétation du texte par le lecteur, aidé de

28 LEDERER Marianne, 2006. « La théorie interprétative de la traduction – origine et évolution », Qu’est-ce que la traductologie ?, Artois Presses Université, p. 37-52.

29 HERBULOT Florence, 2004. « La Théorie interprétative ou Théorie du sens : point de vue d’une praticienne* », Meta, 49/2, p. 307–315.

30 LEDERER Marianne, 2006. « La théorie interprétative de la traduction – origine et évolution » in Ballard Michel (dir.), Qu’est-ce que la traductologie ?, Artois Presses Université,p. 37-52.

31 Ibid.

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son bagage de connaissances extratextuelles. De plus, afin de démontrer que la déverbalisation est une étape naturelle, Danica Seleskovitch explique qu’il n’existe sans doute aucun interprète

auquel il ne soit arrivé de répéter dans la même langue le discours qu’il était censé traduire. Dans la même langue mais pas dans les mêmes mots. On a donc pu constater qu’il se produit entre le moment de la compréhension d’un discours et celui de sa réexpression, une phase intermédiaire au cours de laquelle les mots disparaissent à quelques exceptions près ; en revanche les sens qui subsistent sont dépourvus de forme verbale.32

Autrement dit, une certaine déverbalisation est un processus naturel, automatique et nécessaire pour permettre la réexpression d’un sens de façon idiomatique et aboutir à une traduction satisfaisante.

Cette théorie est, à mon avis, particulièrement intéressante pour la traduction des néologismes dans Harry Potter, pour lesquels il n’existe aucun terme consacré en langue- cible. Toutefois, ceux-ci n’entrent pas complètement dans la dichotomie forme/sens sous- entendue par la Théorie interprétative. En effet, comme nous le verrons dans le chapitre suivant, une partie du sens des néologismes dans Harry Potter est directement contenu dans leur forme. Nous verrons donc si cette théorie peut également s’appliquer au cas spécifique des néologismes.

L

A TRADUCTION DE LA LITTÉRATURE JEUNESSE

« Près de cinquante pour cent des titres pour la jeunesse sont des traductions »33, relève Bernard Friot dans son article « Traduire la littérature pour la jeunesse ». La traduction de ce genre de littérature peut être considérée comme une discipline à part entière, avec ses propres règles, traits particuliers et difficultés. Toutefois, ce n’est qu’en 1980 que l’on commence réellement à s’intéresser à la traduction de la littérature jeunesse. La tendance est alors à l’approche target-oriented : l’accent est mis sur le contexte-cible et la culture-cible.

Ainsi, le texte est manipulé pour qu’il puisse s’inscrire facilement dans la culture-cible. En effet, selon François Antoine, dans son article « Traduire pour un jeune public », paru en 2001, le rôle du traducteur de littérature jeunesse est de

32 SELESKOVITCH Danica, 2002. « Discours de clôture » in Fortunato Israël (éd), Identité, altérité, équivalence – la traduction comme relation, Paris : Minard, p. 364-365.

33 FRIOT Bernard, 2003. « Traduire la littérature pour la jeunesse », Le français aujourd'hui, 2003/3, n° 142, p. 47.

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créer un univers crédible pour son jeune lecteur, qui implique des stratégies adaptées à chaque public et à chaque effet souhaité : dénomination des personnages (qui soulève toute une série de problèmes de traduction), création et maintien d’une atmosphère, d’un rythme, d’un suspens dont les mots seuls sont porteurs, échos au monde réel du lecteur et/ou à ses préoccupations – autant d’éléments de connivence qui tolèrent peu de décalage à la traduction et auxquels le traducteur, si on veut bien lui donner le temps et s’il veut bien le prendre, doit être doublement attentif.34

« Créer un univers crédible pour son jeune lecteur » signifie créer un univers crédible pour le lecteur-cible, c’est-à-dire s’octroyer le droit d’opérer les changements nécessaires pour présenter un univers reconnaissable par les lecteurs-cibles. Bernard Friot conclut que la traduction de la littérature jeunesse devrait être « cibliste ». Selon la terminologie introduite par Jean-René Ladmiral en 1983, la traduction « cibliste » met l’accent sur la langue-cible et la culture-cible. Elle se permet une certaine « infidélité » envers le texte-source pour répondre aux attentes supposées du lectorat-cible35. Cette définition est compatible avec celle que François Antoine donne du rôle du traducteur de littérature jeunesse.

Toutefois, cette démarche mène à des « traductions qui sont davantage manipulées et qui finissent par modifier l’identité littéraire et esthétique du texte de départ » et révèle « une conception de la littérature de jeunesse comme une littérature « mineure », au statut assez faible, pouvant être modifiée à loisir ».36 Cette conception de la littérature jeunesse subsiste jusque dans les années 2000. Au cours de cette longue période, les noms sont presque systématiquement traduits, même s’ils ne sont pas significatifs. Par exemple, dans Das doppelte Lottchen de Erich Kästner, Luiselotte devient « Louiselotte » en français et même

« Carlotta-Luisa » en italien. Un autre exemple de traduction fortement adaptée pour l’inscrire dans la culture-cible est celle du Club des cinq. Pour la première traduction française des 21 tomes originaux, parue entre 1955 et 1967, Claude Voilier a francisé tous les noms propres, transformant les noms de Georgina et de ses cousins Julian, Richard et Anne Kirrin en

« Claudine, François, Michel et Annie Gauthier ». Le chien Timothy, souvent appelé Tim ou Timmy, est devenu « Dagobert », abrégé en « Dag » ou « Dago ». Enfin, les enquêtes ne déroulent plus en Grande-Bretagne, mais en Bretagne française.

Cependant, Bernard Friot cite Göte Klingberg pour nuancer son propos :

34 ANTOINE François, 2001. « Traduire pour un jeune public », Ateliers, n° 27, Lille, CEGES/université Charles-de-Gaulle-Lille 3, p. 9.

35 LADMIRAL Jean-René, 2014. Sourcier ou cibliste. Les profondeurs de la traduction, Paris : Les Belles Lettres.

36 PEDERZOLI Roberta, 2012. La traduction de la littérature d’enfance et de jeunesse et le dilemme du destinataire, Bruxelles : P.I.E. Peter Lang, p. 163.

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L’un des buts de la traduction des livres d’enfant est d’élargir l’horizon des jeunes lecteurs et de promouvoir la compréhension internationale.37

Afin d’atteindre cet objectif, la démarche inverse est nécessaire : conserver les éléments qui ne sont pas forcément immédiatement reconnaissables par le lecteur-cible pour lui apprendre quelque chose de nouveau. Lawrence Venuti parle de traduction

« étrangéisante », c’est-à-dire d’une traduction

qui essaie de reproduire l’étrangeté du texte de départ, non pas dans l’espoir d’atteindre une fidélité à ce dernier qui sera fatalement chimérique, mais avec l’objectif de renouveler les canons littéraires du pays d’arrivée.38

On retrouve ici l’idée d’enrichir les connaissances et la culture du lecteur-cible par la conservation de l’aspect « étranger » d’un texte. Il faut toutefois préciser que Venuti ne pensait pas particulièrement à la littérature jeunesse lorsqu’il a introduit ce concept, qu’il a utilisé en partie pour dénoncer l’ethnocentrisme des cultures anglo-saxonnes en traduction.

En somme, il existe autant de façons de traduire que de traducteurs et la décision finale revient au traducteur (et à l’éditeur), qui choisit de conserver l’aspect « étranger » du texte ou de l’adapter à la culture d’arrivée, selon ce qu’il considère comme compréhensible pour le lecteur-cible, un enfant, en l’occurrence, mais également selon la tendance ou les attentes du public.

En ce qui concerne la traduction de Harry Potter, Jean-François Ménard a plutôt fait le choix d’une traduction « étrangéisante », conservant les références et concepts étrangers, sans les adapter à la culture-cible. Cependant, en ce qui concerne les néologismes, il a adopté la stratégie inverse, en optant pour des termes s’inscrivant facilement dans la langue-cible. Nous verrons cela en détail dans ce travail.

L

A TRADUCTION DE

H

ARRY

P

OTTER

Intéressons-nous à présent aux contraintes s’appliquant plus particulièrement à la traduction de la saga Harry Potter.

37 ANTOINE François, 2001. « Traduire pour un jeune public », Ateliers, n° 27, Lille, CEGES/université Charles-de-Gaulle-Lille 3, p. 9.

38 PEDERZOLI Roberta, 2012. La traduction de la littérature d’enfance et de jeunesse et le dilemme du destinataire, Bruxelles : P.I.E. Peter Lang, p. 162.

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La première contrainte de la traduction de cette œuvre, qui n’est pas propre à Harry Potter, est le temps. Les romans étant rapidement devenus des best-sellers, tout l’enjeu était de publier la version française aussi rapidement que possible après la publication de la version originale. Le principal risque était donc que le traducteur privilégie la vitesse par rapport à la qualité et qu’il ne prenne pas le temps de réfléchir à toutes les possibilités pour traduire les éléments les plus difficiles.

Les romans sont aussi profondément ancrés dans la culture anglo-saxonne. Les lieux (comme le château en Ecosse, la gare de King’s Cross, le Ministère de la magie à Londres et la forêt de Dean), la culture (comme le pensionnat, le pudding au dîner, le temps pluvieux et humide, le thé), les références littéraires (comme The Pardoners Tale de Geoffrey Chaucer et les citations bibliques) sont autant d’éléments qui doivent être repérés et qui placent le traducteur face à un dilemme : garder l’ancrage britannique ou transposer l’histoire dans un contexte francophone. Passionné par la culture anglo-saxonne, Jean-François Ménard a fait le choix de rester fidèle au texte original et de conserver le contexte original.39

Enfin, comme mentionné plus haut, Harry Potter est saturé de noms de personnages ayant une signification particulière, de devinettes, de chansons, d’anagrammes révélateurs, de sortilèges, d’incantations, de noms de potions, de mots inventés, de rimes et d’allitérations.

Tous ces éléments présentent des difficultés majeures pour la traduction et soulèvent des questions cruciales : traduire ou ne pas traduire ? Et si on traduit, comment procéder ? C’est justement l’objet de ce travail.

A la lecture de Harry Potter, Jean-François Ménard a d’abord été frappé par le langage et, en particulier, le langage inventé40, qui représente un défi majeur pour la traduction. Comme nous l’avons déjà vu, Jean-François Ménard possède une grande inventivité linguistique et s’intéresse beaucoup à l’étymologie. Traduire les noms des personnages ou les mots inventés a donc été un réel plaisir pour lui, mais toujours avec la crainte de passer à côté de quelque chose41. En effet, il a traduit les romans au fur et à mesure de leur publication en anglais, sans connaître l’issue de l’histoire, et une des fonctions du traducteur consiste justement à « surveiller la cohérence d’un monde en construction »42. La

39PETROPOULOS Ugo, 2017. « Jean-François Ménard, traducteur de Harry Potter, récompensé par l’Université de Mons », L’avenir.

40 GALLIMARD JEUNESSE, (s. d.). « Harry Potter : dans les secrets du traducteur ».

41 Ibid.

42 ARTE, (s. d.). « Comment traduire les termes d’un univers imaginaire ? », Arte Creative.

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plus grande crainte de Jean-François Ménard était donc de traduire un néologisme ou un nom d’une certaine façon, puis de lire dans le tome suivant que ce terme-là était motivé par certains éléments précis qu’il n’aurait bien sûr pas pu prendre en compte au moment où il l’avait traduit lors de sa première occurrence43. Un exemple confirmé d’un tel cas est la traduction du nom « Hodor » dans la saga Game of Thrones. Ce nom de personnage avait été gardé tel quel dans toutes les langues, jusqu’à ce que l’histoire révèle que le nom « Hodor » venait en fait de la contraction de Hold the door. Difficile alors d’expliquer comment

« Hodor » est la contraction de « Retiens la porte ». Évidemment, il est impossible de changer le nom d’un personnage en cours de route et la référence se perd dans la traduction.

Heureusement pour Jean-François Ménard, un tel événement n’est jamais survenu dans Harry Potter.44

La traduction de Jean-François Ménard est marquée par la large palette de solutions traductives très créatives pour les termes imaginaires, comme il l’écrit :

Moi aussi, j'aime inventer des mots. […] Comme l'indique très bien le titre du nouvel essai d'Umberto Eco, traduire, c'est “dire presque la même chose”…45 Sa stratégie générale pour aborder la traduction des mots imaginaires était de « recréer un langage inventé par J. K. Rowling et de faire en sorte que les mots inventés soient fidèles à l’esprit de l’original, qu’ils deviennent très vite familiers pour le public francophone »46. Au cours de ce travail, j’aurai la possibilité de vérifier s’il est parvenu à appliquer rigoureusement cette stratégie.

5. C ONTRAINTES IMPOSÉES PAR LES MOTS IMAGINAIRES

Dans le cadre de la traduction des mots imaginaires dans Harry Potter, plusieurs aspects théoriques demandent encore à être abordés : la traduisibilité ou l’intraduisibilité des mots imaginaires, la dualité fond/forme des mots imaginaires, ainsi que la traduction de leurs connotations et de leur dénotation.

43 GALLIMARD JEUNESSE, (s. d.). « Harry Potter : dans les secrets du traducteur ».

44 Ibid.

45 PERAS Delphine, 2007. « Entretien avec Jean-François Ménard », L’Express, 25.10.2007.

46 PETROPOULOS Ugo, 2017. « Jean-François Ménard, traducteur de Harry Potter, récompensé par l’Université de Mons », L’avenir.

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L

A DUALITÉ FOND

/

FORME

Les mots imaginaires, comme les jeux de mots, soulèvent de nombreuses questions quant à leur traduisibilité en raison de leur forme particulière, une forme ayant en soi une incidence sur le sens perçu par le lecteur, indépendamment du concept que désigne le mot.

Parlant spécifiquement du problème de la traduction des jeux de mots dans la Bible, Nida et Taber préconisent […] de privilégier le message au (sic) dépens de la forme et donc d’abandonner en même temps le « sens » que peut avoir la forme dans de tels cas. Leur théorie s’étend d’ailleurs à tout ce qu’ils appellent les « particularités stylistiques » du texte et donc à tout ce qui fait de la Bible un texte poétique : […] ses rythmes, rimes, allitérations, acrostiches, etc. En fait, bon nombre d’auteurs qui ont évoqué le problème de la traduction des jeux de mots abordent, dans les mêmes textes, celui de la traduction de la poésie et établissent entre eux des liens qui les amènent généralement à conclure, dans les deux cas, à leur intraduisibilité.47

Ferdinand de Saussure distingue le concept désigné et la forme du mot. Il utilise les termes de « signifié » et de « signifiant » pour les désigner. Selon lui, le lien entre le signifiant et le signifié est arbitraire. Autrement dit, rien ne justifie qu’un signifiant X désigne un signifié Y. Aucun élément de la forme d’un mot n’est porteur de sens ; seul son lien avec le signifié produit un sens.

Par la suite, Ferdinand de Saussure a relativisé cette vision un peu extrême des mots, en ajoutant que certains signes sont « relativement motivés », c’est-à-dire que certains mots peuvent être regroupés selon certaines régularités, notamment les chiffres.48

Il a également nuancé sa théorie première pour les onomatopées, tout en considérant que celles-ci sont partiellement arbitraires :

Quant aux onomatopées […], non seulement elles sont peu nombreuses, mais leur choix est déjà en quelque mesure arbitraire, puisqu’elles ne sont que l’imitation approximative et déjà à demi conventionnelle de certains bruits […]. En outre, une fois introduites dans la langue, elles sont plus ou moins entraînées dans l’évolution phonétique, morphologique, etc. que subissent les autres mots […] : preuve évidente qu’elles ont perdu quelque chose de leur caractère premier pour revêtir celui du signe linguistique en général, qui est immotivé.49

47 HENRY Jacqueline, 2003. La Traduction des jeux de mots, Paris : Presses Sorbonne Nouvelle, p. 84.

48 SAUSSURE Ferdinand de, 1989. Cours de linguistique générale. Wiesbaden : O. Harrassowitz.

49 Ibid., p. 102.

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