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Je peine à me souvenir d’une époque où Harry Potter ne faisait pas partie de mon univers de lecture. Harry Potter à l’école des sorciers n’est certes pas le premier livre que j’ai lu, mais j’étais encore une enfant lors de sa publication. Comprenant mon intérêt pour la lecture, ma baby-sitter m’a prêté le livre et je suis immédiatement devenue une inconditionnelle de la série. Avec environ un livre paru par année, puis un film diffusé par année, Harry Potter ne m’a jamais vraiment quittée. J’ai relu les romans une dizaine de fois, puis, lorsque mon niveau d’anglais me l’a permis, j’ai les ai lus en langue originale. Plus tard, lorsque j’ai commencé à m’intéresser à la traduction, j’ai comparé les versions originales et traduites, les noms des personnages en particulier, qui sont, pour la plupart, traduits. Puis je me suis vite rendu compte de la difficulté de la tâche pour un traducteur : comment gérer des mots qui n’existent pas, des mots imaginés par un écrivain ? Cette réflexion m’est restée à l’esprit quand j’ai commencé mes études à la Faculté de traduction et d’interprétation. J’en ai parfois discuté avec d’autres étudiants jusqu’à ce que choisir ce sujet pour mon travail de mémoire s’impose comme une évidence.

La traduction des mots imaginaires est un sujet encore peu étudié par les traductologues. Même s’il n’y a que peu de travaux existants dans ce domaine, le champ d’étude est très vaste. Aussi ai-je résolu de me concentrer sur la traduction des mots imaginaires dans la saga Harry Potter. Les questions auxquelles je chercherai à répondre dans ce travail sont les suivantes : Comment aborder la traduction des mots imaginaires dans Harry Potter ? Quelles sont les incidences des différents choix traductifs de Jean-François Ménard à cet égard ? Cette étude s’articulera en plusieurs parties. Dans un premier temps, je présenterai l’œuvre Harry Potter et définirai tous les concepts étudiés. Dans un deuxième temps, je recenserai tous les mots imaginaires présents dans les romans originaux ainsi que leur traduction. Dans un troisième temps, je proposerai une typologie des méthodes de traduction des termes imaginaires. J’étudierai ensuite les procédés de formation tant en langue source qu’en langue cible, ce qui me permettra d’analyser la méthode de traduction choisie pour chacun des néologismes. Je me poserai les questions suivantes : Le procédé de formation a-t-il été conservé ? Les éléments de sens sont-ils les mêmes ? La connotation (le cas échéant) a-t-elle été maintenue ? Je dresserai ensuite un bilan pour chacune des catégories et déterminerai quelles sont les incidences de chacune des méthodes de traduction sur le texte-cible et si l’effet sur le lecteur me semble identique. Enfin, je chercherai à dégager certaines tendances.

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1. Œ UVRE ÉTUDIÉE

H

ARRY

P

OTTER

Harry Potter est une série de sept romans fantastiques écrits par l’écrivain britannique J. K. Rowling.

Née en 1965 en Angleterre, J. K. Rowling grandit dans un milieu modeste, qui voit naître sa passion pour l’écriture. Elle fait des études à l’université d’Exeter, où elle étudie le français, le grec et l’allemand, puis à la Sorbonne, où elle obtient un diplôme en littérature française et en philologie. Alors qu’elle affronte de nombreuses difficultés personnelles, l’univers de Harry Potter commence à s’esquisser dans son esprit. Elle achève le premier roman en 1995, mais doit essuyer d’innombrables refus de la part d’éditeurs anglais. C’est finalement la maison d’édition Bloomsbury qui accepte de le publier une année plus tard, mais avec un tirage limité : seulement 1 000 exemplaires sont imprimés, dont la moitié est destinée à des bibliothèques. Finalement, le premier tome, Harry Potter and the Philosopher’s Stone, sort en 1997. Il rencontre rapidement un succès retentissant et s’attire les éloges du Guardian et du Sunday Times. En 1999, ce ne sont pas moins de 300 000 exemplaires qui se sont déjà vendus au Royaume-Uni. Par la suite, six autres romans viennent compléter la saga, dont le dernier, Harry Potter and the Deathly Hallows, paraît en 2007, toujours chez le même éditeur.

L’histoire de Harry Potter se déroule en Angleterre, dans les années 1990. Le jeune Harry, orphelin élevé par une tante et un oncle cruels, découvre qu’il est un sorcier le jour de ses 11 ans. Au fil des romans, Harry découvre le monde de la sorcellerie, son lourd héritage familial et sa destinée : vaincre Lord Voldemort, le sorcier le plus malveillant de tous les temps, qui a disparu après avoir tué les parents de Harry. Accompagné de ses deux meilleurs amis, Ron Weasley et Hermione Granger, Harry apprend peu à peu à maîtriser la magie à l’école de sorcellerie de Hogwarts, tout en assistant au retour de Voldemort.

À mi-chemin entre le roman fantastique et le roman d’apprentissage, l’histoire est racontée à la troisième personne du singulier, mais suit le point de vue interne de Harry. Les lecteurs découvrent les termes imaginaires en même temps que lui, à travers ses yeux de néophyte. Dans chacun des romans, Harry se trouve devant plusieurs dilemmes moraux, qui le poussent à enfreindre les règles de l’école pour faire « ce qui est juste » selon ses propres principes. Les événements et les deuils auxquels il est confronté le forcent à grandir plus

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rapidement qu’un adolescent normal, en particulier parce que sa capacité d’accomplir sa destinée aura une influence sur l’ensemble de la communauté des sorciers.

À l’origine, les lecteurs-cibles devaient être les enfants et les adolescents. Toutefois, au vu des 450 millions d’exemplaires vendus à ce jour1, il est possible d’affirmer que le lectorat réel est beaucoup plus large. Cependant, les sept tomes restent aujourd’hui considérés comme des œuvres de littérature jeunesse.

Le style d’écriture est très accessible. Les romans s’adressant autant aux adultes qu’aux enfants, l’auteure évite les mots ou les tournures trop compliquées au profit d’une écriture vivante et expressive, quasiment cinématographique dans sa façon claire et continue de décrire les mouvements et les actions. Le style est marqué par des dialogues très efficaces, teintés d’humour et d’ironie, qui font avancer le récit. Quant aux descriptions, elles sont généralement courtes et plutôt visuelles, de façon à donner suffisamment d’informations pour que le lecteur « voie » la scène, sans toutefois ralentir l’action. Les trois derniers romans contiennent davantage de descriptions un peu plus longues, afin de donner aux lecteurs un meilleur accès aux pensées, émotions et motivations des personnages. Cependant, elles ne s’étendent jamais au point d’ennuyer les plus jeunes lecteurs. Enfin, le style est fortement marqué par l’imagination de J. K. Rowling. Noms des personnages, devinettes, chansons, anagrammes lourds de sens, sortilèges, incantations, potions, allitérations très nombreuses et mots inventés sont autant d’éléments contribuant à la vivacité de l’écriture de J. K. Rowling.

Si chacun de ces éléments est digne d’intérêt du point de vue de la traduction, je ne m’intéresserai, dans le cadre de ce travail, qu’aux mots inventés. L’histoire se déroulant principalement dans un univers fantastique imaginé de toutes pièces, ils sont nombreux dans les sept tomes.

L

A TRADUCTION FRANÇAISE

L’édition française est la première traduction de Harry Potter à paraître. À la première lecture du manuscrit, Christine Baker, directrice éditoriale chez Gallimard Jeunesse, est tout de suite « frappée par la maîtrise » de J. K. Rowling et y trouve tout ce qu’elle cherche habituellement dans un bon roman, à savoir la « véracité psychologique, la diversité des

1 LE MONDE, 2017. « Harry Potter a 20 ans : la saga en cinq chiffres », Le Monde.

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dialogues, l’intensité des sentiments, l’humour et l’inventivité »2. C’est donc sans hésitation qu’elle décide de le publier.

Il s’agit ensuite de lui attribuer le bon traducteur. Là encore, elle n’hésite pas longtemps avant de désigner Jean-François Ménard. En effet, il était le « traducteur préféré de Roald Dahl, qui avait adoré sa traduction de The BFG, Le Bon Gros Géant, qui demandait une certaine inventivité verbale et sémantique ». À ses yeux, Jean-François Ménard s’impose comme le traducteur idéal au vu de son intérêt pour la magie et pour l’origine des mots, l’étymologie3.

Né en 1948 à Paris, Jean-François Ménard fait des études de philosophie qu’il abandonne rapidement pour travailler dans le cinéma, en tant qu’assistant de plusieurs réalisateurs. C’est dans ce monde qu’il puise son inspiration pour commencer à écrire des histoires. Par la suite, il entre chez Gallimard en tant qu’écrivain public, où il rédige principalement des quatrièmes de couverture. En 1978, il publie Le Voleur de chapeaux et autres contes pour la semaine, un recueil de ses premiers écrits, le premier de nombreux ouvrages qui paraissent sous son vrai nom ou sous un pseudonyme, James Campbell. Dès 1980, il se tourne vers la traduction d’œuvres souvent fantastiques et marquées par la présence de jeux de mots ou d’une inventivité linguistique particulière.

La traduction du premier tome de Harry Potter, Harry Potter à l’école des sorciers, paraît en 1998 chez Gallimard dans la collection Folio Junior et le dernier tome, Harry Potter et les reliques de la mort, sort en 2007 chez le même éditeur. Aujourd’hui, l’œuvre a déjà été traduite dans plus de 80 langues.

2 GALLIMARD JEUNESSE, 2008. « Interview de Christine Baker – 1ère partie », Dailymotion.

3 Ibid.

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