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ARTheque - STEF - ENS Cachan | Sur les finalités de l'enseignement scientifique

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Academic year: 2021

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SUR LES FINALITES DE L'ENSEIGNEMENT SCIENTIFIQUE

Fr2ncls HALBWACHS

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Je partirai sur la crise actuelle du système éducatif, crise fondamentale et si profonde qu'il est évident que les réformettes sont impuissantes à la résoudre, qu~11 y faut des mesures révolution-naires, c'est à dire allant jusqu'à la racine des choses. Cela exige qu'on se pose sérieusement, et en y mettant le temps qu'il faudra, la question fondamentale :qu'est ce que nous faisons, dans cette activité si massive et si multiforme/qui ordonne le travail quotidien de millions d'enfants et de centaines de milliers d'enseignants? Quels produits, quels services élabore-t-on dans toutes ces écoles, et à quoi tout cela rime-t-il ? Et la question doit être posée aussi bien sur l'en-seignement en général que sur l'enl'en-seignement scientifique dont il est question ici.

Disons tout de suite que, s ' i l s'agissait de formation profes-sionnelle, de préparation des enfants à l'entrée dans la vie active, ce service, en l'état actuel, serait de qualité plus que médiOcre.Du reste l'option officielle, depuis au moins le début du siècle, c'est que ce n'est pas de cela qu'il s'agit, il s'agit de formation désin-téressée, disons le mot, de Culture (et en particulier de Culture Scien-tifique)

Il faut reconnaître qu'au début du siècle, aux temps où l'enseignement secondaire était réservé aux enfants de la bourgeoisie, le système était relativement équilibré, fonctionnait assezbien. La culture dispensée correspondait en gros aux valeurs des parents de ces élèves, ils bai-gnaient dans le même bain culturel à la maison et en classe, la greffe en général prenait.

Mais aujourd'hui on est loin du compte. Rappelons qu'entre 1925 et 1972, la population des établissements secondaires a passé de 250 000 à 4 000 000, soit 16 fois plus 'Ce sont des élèves quantitativement et qualitativement différents et la

culture,sg?à~~rtrès

peu changé, est devenue complètement inadaptée à cette nouvelle population.

Elle a très peu changé en ce que la représentation sociale de cette cul-ture (en particulier scientifique) est demeurée essentiellement la même: Il y a des corps spécialisés de savants qui sont dépositaires d'un corpus

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de connaissances, la Science. Celle-ci n'est d'ailleurs pas figée, elle enregistre un progrès sciontir·ique (qui est souvent intégré dans l' en-seignement). Mais sa nature essentielle, aujourd'hui comme hier, est de représenter la Vérité, chaque assertion, chaque connaissance étant flan-quée de ses preuves déductives DU expéri!nentales.Cette Science, vraie par excellence, représente un Corps de aoctrine dont la transmission à la masse de la nation est de toute façon bénéfique en soi, comme l'était autr fois la doctrine catholique, et pour la même raison, parcequ'elle repré-sente la certitude, l'ordre, le salut.

Autrement dit, nous, qui possédons et incarnons cette culture scien-tifique, il nous revient d'y puiser à pleines mains et de la distribuer à tous les vents pour en remplir les esprits de tous et spécialement ceux des enfants considérés comme des cruches initialement vides. Bien sùr ceci implique que ces vérités pénètrent effectivement les esprits, les éclai-rent et les développent, et comme la situation à cet égard est très loin d'être satisfaisante, le corps des savants et spécialement des enseignants scientifiques, se trouve confronté à un seul et unique problème fondamen-tal : celui du"comment" de cette transmission, le problème des méthodes de la pédagogie et de la didactique.

En réalité il faut creuser plus profond et se demander si les dif-ficultés persistantes de l'éducation scientifique, et pardessus tout le développement de l'échec scolaire, ne sont pas dûs, par-delà les problèmes de méthode d'enseignement,aux finalités mêmes de cette éducation scienti-fique, au fait que bien souvent nous ne sommes pas dans la situation de semeurs de sciences, et de dispensateuNde vérités, mais plutôt af-frontés à des millions de gosses plus ou moins ahuris à qui nous essayons à toute force de faire ingurgiter un corps de doctrines radicalement cou-pées de leur vie réelle, de doctrines qui constituent l'école en un mi-lieu artificiel où on ne s'occupe que de notions qui n'ont pas cours dans la vie de tous les jours. Si bien qu'en fait l'enseignement scien-tifique prend pour point de départ fondamental une doctrine toute faite et sacralisée et s'efforce d'en communiquer la plus grande quantité possible à des écoliers en général inattentifs et parfois rebelles.

De plus en plus nombreux sont les martres qui se rendent compte plus ou moins clairement qu'il y a une inadaptation profonde entre les vérités que distribue l'école et les notions que les écoliers attendent, auxquelles ils s'intéressent, qu'ils sont disposés à réinvestir. Plus

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encore que la part importante de dogmatisme que comportent fatalement les contenus scientifiques de l'enseignement, c'est le choix même de ces contenus, leur structure,le bout par lequel on les prend, qui est imposé autoritairement aux élèves et qui entralne les réactions de rejet et d'écoeurement de plus en plus fréquentes aujourd'hui.

Si on prend clairement conscience de cette situation, on est fa-talement conduit à une remise en caUse des finalités de l'enseignement scientifique telles que nous venons de les rappeler. On est amené à considérer que la finalité fondamentale de l'enseignement scientifique, ce n'est pas la Science, la science des savants considérée comme une valeur quasi-religieuse, mais c'est, plus essentiellement/les élèves, les élèves tels qu'ils sont en réalité, et tels qu'ils deviendront quand quand ils seront adultes. De ce point de vue on est amené à se demander si la transmission pure et simple de la Science-de la connaissance scientifique et des savoir-faire scientifiques, est bien ce qu'il faut apporter aux élève, eu égard à leurs motivations, et eU égard aux besoins de la masse des adultes qu'ils sont appelés à constituer; si la fina-lité actuelle/consistant à les rendre aussi semblables que possible aux savants dépositaires de la science, ne doit pas faire place à une fina-lité centrée sur les élèves, en modifiant alors autant qu'il le faudra les contenus mêmes de l'enseignement, c'est à dire en recherchant une dtfinition nouvelle de la Culture, en particulier de la Culture scienti-fique,fondée sur les besoins et les motivations culturelles des élèves.

Le premier quart de notre siècle a vu une modification très im-portante de la culture traditionnelle (les "humanités"), base unique jusqu'alors de l'enseignement secondaire, et la définition d'une cul-ture "moderne" où les langues mortes faisaient place en grande partie aux disciplines scientifiques. Ce fut certainement-globalement- une bonne chose.

C'est une modification de même ampleur qui nous paraît s'imposer

aujourd'h~i en face de l'enseignement de masse. Il s'agirait d'abandonner une bonne fois la référence au contenu traditionnel et sacré - au con-tenu "intellectualiste" - défini de génération en génération par le corps des savants. Il faudrait se demander à quoi peut être utile aux élèves réels tel contenu culturel de l'enseignement - en entendant, bien sùr, l'utilité au sens culturel du mot, et non au sens de l'utilité directe,

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par exemf.,le liée à UI.,- fr)rnstioL ionnelle.

global quelle est pour la masse des ~lêves - et pour la masse ces adultes qu'ils deviendront l'utilité de la Culture? ou plllS précisément quelle culture faut-il construire qui leur soit intellectuellement utile. ?

Pour ne pas nous en tenir à des critiques et à des contestations de la situation institutionnelle, nous voudrions pour terminer proposer une formule nouvelle sur la finalité générale de l'enseignement - et pas seulement de l'enseignement scientifique - formule destinée à préciser quelque peu les références ci-dessus à la "vie réelle", à "l'attente" des élèves, à "1'utilitél1

Bien sùr il s'agira de formulations utopiques, mais nous ne devons pas oublier que l'utopie d'aujourd'hui annonce les combats de demain. Nous formulerons cette finalité comme

Le développement de la prise de conscience de l'environnement et la transmissiûn des savoirs qui favorisent cette prise de conscience et qui ébauchent pour chacun une capacité à dominer rationnellement ses rapports avec son environnement.

Précisons ici ce qu'il faut entendre par "environnement". Dans notre esprit il ne s'agit pas de se limiter aux domaines du réel avec lesquels l'individu se trouve directement en contact - ce qui sur le plan didactique reviendrait à restreindre le domaine de l'enseignement aux réalités de la vie quotidienne, aux dimensions "pratiques" de la vie. Il s'agit plutôt d'un processus d'exploration - ou si on veut, d'organi-sation - de la totalité du savoir, qui part de l'individu, de sa situ·a-tion concrète et quotidienne, et qui procède par couches concentriques, les couch2s les plus externes (les plus éloignées dans l'espace et le temps, ou les plus générales, les plus "abstraites") étant atteintes successivement comme des explications successives des couches les plus proches.

Ces considérations paraissent assez triviales. Mais si on les con-fronte à la présentation courante des disciplines scientifiques dans l'enseignement d'aujourd'hui. on apercevra la nécessité de changement radicaux.

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Ainsi en Sciences Naturelles, au lieu de se centrer d'emblée SUI'

les fonctions et les structuces, c'est à àire sur les propriétés géné-rales de tous les êtres vivants, on aborderait d'emblée l'organisme humain, ses fonctionnements é émentaires, ses échanges avec le milieu. Après quoi on serait conduit à l'étude spéciale des êtres vivants dont les rapports avec l'homme sont les plus importants, plantes cultivés, animaux d'élevage, microbes pathogènes, et on en viendrait aux procédés de transformation des espèces par l'homme, le tout situé dans une tota-lité écologique. Et c'est seulement peu à peu et par la suite qu'on ten-terait de caractériser les fonctions et structures générales de l'ensem-ble des êtres vivants, fonctions et structures qui prennent nécessaire-ment la forme de concepts abstraits.

Dans les sciences physicochimiques on éviterait début les ~o-dèles constitués d'abstractions tirées d'expériences sans relation avec le vécu réel, mais on aborderait d'entrée de jeu les protlèmesphysico-chimiques posés par le fonctionnement des technologies usuelles. On partirait ainsi d'une grande variétés de machines constituant l'environ-nement quotidien, qui passionnent les enfants et les adolescents, auto-mobiles, téléphone, radio, etc ... , et qui suggèrent immédiatement la ques-tion : comment ça marche? Au lieu de partir d'abstractions difficiles et ennuyeuses telles que forces, pression, éléments chimiques, différences de potentiel, etc . . . on serai t condui t à étudier et à utiliser ces notions en tant que notions concrètes qu'on rencontre dans l'exploration de l'en-vironnement technologique.

Enfin il est clair qu'en Mathématique, on serait amené à éviter d'emblée les notions et relations fondamentales, considérées comme des Idéaux platoniciens et affectées de "définitions" constitutives, et à aborder le travail mathématique comme maitrise progressive des structures numériques et géométriques qui sont dans les choses, et cela ferait dis-paraitre dans une large mesure l'aspect de gratuité idéaliste qui rebute si fort les élèves d'aujourd'hui.

Autrement dit nous sommes amenés à la conception d'une science essentiellement humanisée, et il nous semble que nous nous insérons dans la formule bien connue de Langevin.

"Nous CO:lcevons la cul ture générale comme une ini tiation aux diverses formes de l'activité humaine, non seulement pour déterminer les aptitudes de l'individu, lui permettre de choisir à bon escient avant de

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s'engager dans une profession, mais aussi pour lui permettre de rester en liaison avec les autres hommes, de co~prendre l'intêrêt et d'appré-cier les rêsultats d'activitfs alltres que la sienne propre, et de bien situer celle-ci par rapport à l'ensemble,"

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