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ARTheque - STEF - ENS Cachan | Enseignement scientifique et histoire des sciences

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Academic year: 2021

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ENSEIGNEMENT SCIENTIFIQUE ET HISTOIRE DES SCIENCES

Robert LaCQUENEUX

UFR de Physique, Université de Lille 1

MOTS-CLÉS: SCŒNCES - HISTOIRE DES SCIENCES - ENSEIGNEMENT DES SCIENCES

RÉSUMÉ: L'usage de digressions historiques dans l'enseignement des sciences pennet (1) de replacer les acquis des sciences dans leur contexte culturel, (2) de montrer comment s'élabore réellement la connaissance scientifique. Nous analysons sur des exemples la difficulté d'une telle entreprise.

SUMMARY : Withsornehistorical digressions in the teaching of sciences, it is possible (I)to put the scienrific researchs back in their cultural context, (2) to give the real development of [he sciences. On the exemples, we present the difficulties of sllch teaching.

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INTRODUCTION

Lorsque nous cherchons à préciser le rôle qui peut être assigné à l'histoÎre dans la transmission des connaissances scientifiques, nous devons garder à l'esprit qu'un tel projet rencontre une difficulté qui tient à la nature même des sciences. est an-historique. Perpétuellement, les scientifiques procèdentàdes restructurations des champs de leurs connaissances.

"Enfant né sans mère",l'exergue de"L'espriJ des lois"est valable pour toute science aboutie: ''Lamécanique analytique"de Lagrange (1788),"Les Eléments de mécanÛ/ue statistique"de Gibbs, (1902), "Lamécanique quantique"de Dirac (1931)...

2. L'HISTOIRE ET L'ENSEIGNEMENT DES SCIENCES 1) La création en science comme production culturelle

La manière la plus rudimemaire d'introduire l'histoire dans l'enseignement des sciences consisteàdater les expériences et les lois physiques qui fondent les théories en s'attachantàétablir une chronologie de l'acquisition des connaissances scientifiques et une relation lâche avec d'autres disciplines: l'histoire, la littérature, ... Prenons un exemple; on peut montrer que les sciences physiques ont contribuéà desuccessives visions du monde. Avec Copernic, le soleil a détrôné la terre et celle-ci a perdu sa place au centre du monde (1543) ; avec Descartes, le monde n'a plus de centre et le soleil n'est plus que le centre de J'un des multiples tourbillons de l'univers. A partir de cette évocation, nous pouvons comprendre le désarroi de Pascal (1623-1662) devant l'infinitude du monde, on est alors au temps où Fontenelle entretenait les marquises sur la pluralité des mondes 2)Laméthode historique dans l'enseignement des sciences, antidoteàla philosophie spontanée des savants.

Au tournant du 19f et du 20e siècle, Pierre Duhem cesse d'être persuadé que"par l'induction, l'esprit transformant les/aits dont la connaissance lui est dnnnée, arriveà la connaissance des lois expérimentales". Il cesse de croire que l'induction conduit aux définitions e[ aux principes sur lesquels reposent les théories physiques; et que, partant de ces définitions et de ces principes, la logique déductive déroule ses conséquences, lesquelles traduisem simplement et immédiatement les lois expérimentales. Pour Duhem, définiÜons et principes sont le résultat de l'histoiredela science et n'ontdesens que par elle.

Ainsi la méthode expérif!lentale dans l'enseignement des sciences physiques conduitàune philosophie spontanée pernicieuse. Duhem s'élève contre les dangers d'une telle méthode et il considère que"la méthode légitime, sûre,féconde, pour préparer un esprit à recevoir une hypothèse physique, c'est la méthode historique"

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La critique de l'empirisme de Duhem rejoint celle du savant viennois Ernst Mach. Tous deux introduisent l'histoire dans l'exposé de la science.Defait, la méthode historique allonge trop l'exposé de la science, compte tenu de l'étendue des connaissances à transmettre.

3. D'UN USAGE POSSIBLE DES DIGRESSIONS HISTORIQUES DANS

L'ENSEIGNEMENT DES SCIENCES

Il est cependant aisé, en introduisant des digressions historiques dans l'enseignement traditionnel des sciences:(1) situer les acquis des sciences dans Jeur contexte culturel, (2) d'échapper au danger d'une philosophie empiriste des sciences et au scientisme, (3) d'échapper, enfin, au point de vue consrructiviste dans l'élaboration de la science, sans pour cela tomber dans un relativisme antiscîentifique qui ne voit en chaque théorie, qu'une vérité provisoire, qu'un effet de mode.

1) Les exemples empruntésà l'histoire peuvent éclairer les concepts introduîts en physique. Les notions de température et les problèmes de thermométrie som mieux compris si on évoque les pratiques instrumentales par lesquelles, lout au long des 17e et Ige siècles, on a cherché à repérer les degrés de chaud et de froid des corps, en utilisant divers matériaux thennoscopiques et en recherchant des points fixes de froid et de chaud aisément reproductibles. L'évocation des expériences du passé affmne le caractère arbin-aire des conventions qui définissent une échelle thermométrique. Elle donne une mesure des difficultés d'émergence d'un concept celui de température. Défaite de l'immédiat, au terme de leurs recherches, les savants de ces temps-là constatent, contre Aristote, qu'en un même lieu, le marbre n'est pas plus froid que le bois, ici l'histoire peut aiderà aplanir quelques obstacles épistémologiques.

2) Un exemple de méthodologie çxpérimentale.

Si l'oeuvre thermométrique de Réaumur pennet de toucher du doigt les problèmes de fabrication d'instrumentsà usage scientifique ou mondain, les expériences de Pascal sur "la pesanteur de l'air"et plustard,celles de l'abbé Mariotte sur le "ressort de l'air" sont exemplaires de la démarche expérimentale. Elles ont souvent été avancées comme telles et, plus souvent encore, citéesà l'appui des avantages de l'introduction de l'histoire dans l'enseignement des sciences physiques. TI est vrai qu'à notre époque où la plupan des enseignants et des enseignés n'auront aucun contact avec la pratique de la recherche scientifique, une réflexion critique sur les démarches de ces savants et de quelques autres... n'est pas înutile.

L'histoire offre la méthode la plus pratique et la plus accessible à l'étudiant en science pour se familiariser avec la pratique scientifique réelle. Sans elle, il ne connaît le plus souvent que l'apprentissage des théories figées et la pratique codifiée d'exercices et de problèmes académiques.( 1) Mais ne sommes·nous pas en train de donner une vision constructiviste de l'élaboration des sciences? Evoquer ou suivre de près les travaux de Pascal ne dispense pas de restituer les interrogations scientifiques d'une époque, interrogations qui ne som pas les nôtres. La problématique scientifique de Pascal oblige à quelques délours. Galilée, Descartes ont condamné la terre à l'errance

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des planètes. Dans la science galiléenne, l'air qui enveloppe la planète-terre n'est plus, comme dans la physique d'Aristote, un élément léger qui fuit te centre de la terre,ilest pesant etilfonne un océan qui la submerge. L'étude de la pesanteur de l'aiT et de sa variation en fonction de l'altitude es! une nécessité du temps.(2)

L'oeuvre scientifique de Pascal s'inscrit dans cette vision du monde qui surgit au début du 17e siècle; ses "Pensées" sont une interrogation désespérée: mystique et poétique, sur le basculement des certitudes établies, sur la dépossession du monde qu'affmne la science nouvelle.

Ainsi d'un coup et en peu de mots, peut-on donner avec les expériences barométriques de Pascal, un exemple de méthodologie expérimentale et une idée, vague certes, de ce qu'est une problématique scientifique historiquement située. Nous pouvons en outre établir un pont avec la sensibilité culturelle du "Grand Siècle" faire apparaître que tout projet scientifique s'inscrit dans la quête d'une vision du monde et qu'il est l'un des éléments de la culture du temps.

Pour apprécier les travaux de Pascal SUT la pesanteur de l'air,ilest encore un écueilà éviter. En effeT, Pascal facilite moins qu'on ne le croit la tâche de l'historien. Celui-ci, cédant aux tentations hagiographiques, peut prendre IXJur argent comptant que la physique d'Aristote affmne que "la namre ahorreur du vide"alors que cette expression n'est qu'un lointain avatar de la physique aristotélico-scolastique. Contrairement à ce que Pascat voudrait faire accroire, les expériences barométriques ne peuvent servirà prouver que le vide existe dans la nature donc à réfuter la physique de l'Ecole (celle d'Aristote) L'adage de "l'horreur du vide éprouvée par la Nature", un faux argument mis en avant dans une polémique pour mieux détruire cette physique. Pascal recourt au même procédé lorsque, dans les "Provinciales", il polémique contre les jésuites. D'ailleurs Descartes, qui bannit le vide de la nature, ne pense pas un instant que les expériences barométriques de Pascal soient contraires à sa physique.

Ceci doit nous alerter, la création scientifique, comme la création littéraire ou artistique, n'obéit pasàune quelconque nécessité. Pascal résoud les problèmes qu'il se pose en science dans un style qui lui est propre; l'évolution des idées sur la pesanteur de l'air ne peut être déduite sans une analyse approfondie des textes, l'historien des sciences est donc condamné à s'attacher à ces sources avec l'âpreté d'un Fustel de Coulanges.

3) Un exemple de méthode dogmatique en science.

Après un tel exemple, on n'aura garde de laisser supposer que des démarches expérimentales semblables à celles de Pascal sont les seules sources de la connaissance scientifique. A la même époque, Descartes conçoit, via la théologie, que "Dieu, par Son concours ordinaire, conserveen l'univers autant de mouvement et de repos qu'il en a mis en le créant" ,c'està dire, que la quantité du mouvement qui est ''l'exrension er la viresse prise ensemble" se conserve au cours du choc de deux corps. Ce principe de Descartes s'accompagne de lois de choc déduites géométriquement et manifestement contrairesà l'observation commune. Force est de constater que cette contradiction n'inquiète guère leur auteur: "et les démonstrations de tout ceci sone si cerraines qu'encore que l'expérience nous semblerait faire voir le contraire, nous serions néanmoins obligés d'ajouter pius de foi à notre raison qu'à nos sens" .Ajoutons que tous les défauts de la physique cartésienne

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n'empêchent pas son adoption par la communauté scientifique du temps, ni un retour au cartésianisme avec Faraday et Maxwel1, dans des travaux qui préludent à la théorie des champs.

4) De l'inconvénient de prendre une chose pour une autre: les forces ne sont pas des forces el leur conversion n'est pas leur conservation.

Nous en arrivonsà la conversion pour ne pas dire la métamorphose du travail (on disait, de la puissance motrice) en chaleur chez Joule et à la recherche obstinée d'une équivalence entre le travail qui s'efface el la chaleur qui est engendrée.

Gardons-nous bien de penser que cette recherche soit aisée. Notre brasseur multiplie les instruments propres à créer le travail: travail électrique, travail électro-magnétique, travail de pesanteur etc... A chaque type de travail il détermine des valeurs d'équivalence qui s'étalent dans une fourchette assez large et d'un type à l'autre. des fourchettes de valeurs numériques qui ne se recouvrent pas. Et Joule ne parvient pas à contrôler suffisamment la dissipation de la chaleur, ni à l'évaluer convenablement dans ses divers types d'expériences. Mais alors par quelles convictions Joule était-il soutenu pendant ces longues recherches? De fait, Joule est convaincu que Dieu préserve la plus parfaite régularité dans les agencements et les conversions de toutes choses et qu'il équilibre toujours les effets et les causes. Nous ne sommes plus au temps de Descartes, mais dans les années 184O! Et Joule est représentatif des savants de Grande-Bretagne qui travaillent dans un monde indusoiel, la bible à la main.

Pourquoi n'ai-je pas, en parlant de Joule, saluer la naissance de la conservation de l'énergie? Autre danger de l'exposé historique, voir les concepts qui nous intéressent là où ils ne sont pas encore et par là même succomber au péché d'anachronisme. Ce serait juger inutiles les contributions de Mayer, de Helmholtz, de William Thomson et Rankine.

5) Où notre usage de l'histoire, nous oblige à la recomposer.

La trame de notre exposition de la thermodynamique n'est pas l'ordre historique d'acquisition des connaissances. La présentation du second principe nous obligeà un retour en arrière des années 1850, nous revenons en 1824. Notre recours à l'histoire nous ramèneà Carnot, mais impossible de songer à le suivre un instant sans le secours des diagrammes de Clapeyron; sans eux, l'exposé des cycles de Carnot n'offre que difficultés inutiles. Carnot nous livre les justifications d'une démarche scientifique par laquelle il substitue aux machines à vapeur du monde industriel une machine à feu idéale qui se prête aux expériences de pensée. Mais les déductions qui s'en suivent nous devons les emprunter à Clausius qui les fondent sur la conservation de l'énergie et laisser de côté Carnot et Clapeyron. Ceux-ci, en effet, nous éloigneraient de notre propos puisqu'ils fondent leur discours sur le présupposé que le travail est produit par la chute du calorique dans une machineà feu comme elle est produite par la chute de l'eau dans un moulin. Ainsi se brouille notre projet; d'une histoire servante de l'enseignement qui garderait son intégrité. (3)

6) Là où notre projet s'enlise.

Comment rendre compte de la contribution de Robert Mayer au principe de conservation de l'énergie? Il nous faudrait replacer l'oeuvre de Mayer dans le courant de pensée dynamiste allemand, montrer que ce courant est un héritage des philosophies de Leibniz et de Kant, dégager l'influence subie de la et montrer la fécondité de cette dernière; Oersted...

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Iciles digressions ne suffisent plus à cerner les problèmes, il nous faut passer sous silence le contexte historique de l'oeuvre de Mayer si nous ne voulons pas faire un cours d'histoire des sciences. Selon le mooe de présentation suggérée ici, tout un pan de l'histoire, donc des pratiques scientifiques du passé, devient inaccessible. (4)

Aussi pouvons-nous craindre que l'histoire des sciences perde son âme dans un usage qui implique sa parcellisation.

4. CONCLUSION

Telles sont les contraintes fort lourdes qui pèsem sur toute tentative de recourirà la méthode historique dans l'enseignement des sciences, si du moins nous voulons conserver l'intégrité intellectuelle du discours historique. Ces contraintes sont le reflet des difficultés rencontrées dans la recherche en histoire des sciences.

BIBLIOGRAPHIE

(1) Une SOUTce de références bibliographiques récentes: P. BRICfEUX, Petite bibliothèque d'histoire des sciences, Centre d'Histoire des Sciences et des Techniques Université de Liège,1991. (2) Sur les problématiques scientifiques et leurs évolutions, on peut voir:R.LOCQUENEUX, Histoire de la physique, Que sais-je?, P.U.F., Paris, 1987 ;B. MAITTE, La Lumière, Points-Sciences, Seuil, Paris, 1981.

(3) J'ai commis un article de vulgarisation sur ce sujet: R. LOCQUENEUX, Carnot ou les métamorphoses du feu, in200 ansdescience, Science et Vie-bors série, mars 1989, p 60-64. (4) Je traite de la science allemande et de la science française au début du 1ge siècle dans: R.

LOCQUENEUX, La naissance de l'électre-magnétisme, in 200ansde science,loc.cit. p 46-53, et dans R. LOCQUENEUX, Rêves d'Éther, in Qu'est ce que la lumière, Les Cahiers de Science et Vie, 5, octobre 91, p 74-82 (je signale que dans ces deux numéros je suis en excellente compagnie.)

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