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ARTheque - STEF - ENS Cachan | Les « exclus » de la Culture Scientifique

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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MOTS eLES expérimentales.

LES "EXCLUS" DE LA CULTURE

SCIENTIFIQUE

Animation: Annick WEIL-BARAIS Université PARIS VIII et L.I.R.E.S.P.T.

Geneviève VERMES Université PARIS VIII

Echec scolaire, enseignement, mathématiques, sciences

RESUME: L'interdit des sciences par les mathématiques analysé et discuté.

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Les responsables de l'Education estiment que les élèves sont trop peu nombreux à s'engager dans des filières scientifiques. Comment expliquer le décalage entre les intentions sociales visant à attirer davantage d'élèves dans ces formations et la faible proportion de ceux qui s'y engagent ety sont engagés?

Que sait-on des mécanismes qui conduisent les enfants et les adolescents à s'intéresseràl'acquisition de savoirs scientifiques ou às'en exclure? Quels rôles jouent les formations sociales, les enseignants dans ce processus ? Comment perçoivent-ils les élèves qui réussissent en "science" et ceux qui échouent?

Quels sont les "remèdes" envisagés? Sur quels présupposés sont conçues les interventions visant à attirer les jeunes dans les filières scientifiques?

Quelles représentations la société donne-t-elle de ceux qui n'ont pas "accroché"àces acquisitions scientifiques? Qu'est-ce qui fonde le fait que les "exclus" de la culture scientifique soient parfois considérés comme des "handicapés cognitifs, sociaux et culturels" ?

Telles étaient les questions proposées par les animateurs à la réflexion des participants à l'atelier. Toutes ces questions n'ayant pu être abordées, nous regrouperons les contributions autour des différents thèmes traités.

1. Echec ou exclusion ?

Quand les élèves ne réussissent pas dans une discipline, on parle généralement d'échec. Ce terme ne renvoie qu'à l'inaptitude de l'élève et ne met que peu en cause d'autres déterminations. Aussi avons-nous proposé d'utiliser le langage de l'exclusion en tant qu'il conduit à mettre aussi l'accent sur l'articulation entre différentes déterminations comme celles de la société et de l'école et non pas seulement sur "l'incapacité" des élèves. Notre démarche rejoint ici celle empruntée par René Lenoir (cf. "Les exclus", 1974) qui en substituant le terme d'''exclus'' à celui d"'inadaptés sociaux" souhaitait mettre l'accent sur la responsabilité de la société dans les phénomènes de marginalisation.

L'exclusion des élèves des filières scientifiques a ceci de particulier qu'elle concerne la majorité des élèves. En ce domaine, ily a plus d'exclus que d'heureux élus. Les élèves sont orientés dans les filières littéraires ou techniques non pas parce qu'ils révèlent un intérêt ou des aptitudes particulières pour ces domaines, mais parce qu'ils échouent en mathématiques et en sciences physiques. Le modèle majeur de l'''exclu'' est celui de l'élève "condamné" (on dit plus pudiquement "orienté") au technique.

Le phénomène ne fait que s'accentuer alors que la société fait de plus en plus appel à des références scientifiques. Entre les années 1967 et 1979, la fraction de bachelier des sections C, D et E n'a cessé de diminuer: elle passe de 20% à 14,6% pour la section C, de 34,2%à 21,7% pour la section D et de 4,6% à 2,7% pour la section E (données extraites du rapport PROST sur les Lycées, Documentation Française, 1986). La création en 1981 de la 1ère S qui avait pour objectif de "promouvoir une orientation positive vers la section D et de permettre à la section D de déboucher

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effectivement sur l'ensemble des études su peneures où dominent les sciences expérimentales" (communiqué du Ministère de l'Education Nationale, 23/11/85, parue dans Le Monde de l'Education de mai 1985) n'a semble-t-il pas amélioré la situation.

Bien que cette orientation touche la majorité des élèves, la non possibilité de pouvoir poursuivre des études dans des filières scientifiques est pourtant ressentie par les élèves et par leurs parents comme un échec. En effet, le non accès aux sections àdominante scientifique est perçuàjuste titre comme un handicap pour la poursuite d'études menant aux professions socialement valorisées ; de plus, le discours dominant relatifàl'homme, acteur économique et social, de ce dernier quart du XXe siècle ne peut que renforcer ce sentiment d'exclusion de la dynamique sociale. Il semble en effet admis par des couches sociales de plus en plus larges que, au delà du savoir, il s'agit de culture et que la culture scientifique fait partie du bagage de l'homme cultivé, indispensable au développement social. L'école a alors pour vocation de former, d'ouvrir l'accès de tous àce qui est conçu comme un mode de pensée.

Pierre Bourdieu, dans son rapport au Président de la République (27 mars 1985) écrit ainsi qu"'un enseignement harmonieux doit pouvoir concilier l'universalisme inhérent à la pensée scientifique et le relativisme qu'enseignent les sciences humaines attentives àla pluralité des modes de vie, des sagesses et des sensibilités naturelles" .

Le fait que les "exclus" des filières scientifiques se recrutent majoritairement dans les catégories sociales défavorisées interroge l'école quant à sa fonction de démocratisation sociale (cf. PROST, 1988, "L'enseignement s'est-il démocratisé" ?). Pourquoi et comment ce mécanisme d'exclusion continue-t-il d'opérer alors que les différents partenaires du système scolaire en sont conscients ?

Faute d'études systématiques auxquelles se référer, les participants à l'atelier ont été invités à s'exprimer sur cette question.

2. Comment explique-t-on l'échec en sciences?

Echouer en sciences, c'est (j'abord échouer en mathématiques et en sciences physiques. Bien que les biologistes étaient sous-représentés àl'atelier, ils semblent aussi partager un tel point de vue. L'échec en sciences est relié à "une inaptitude à l'abstraction". Ce sont les mathématiques qui sont supposées pouvoir faire repérer cette aptitude à l'abstraction. Les élèves qui échouent en mathématiques sont étiquetés comme "inaptes à l'abstraction" et donc présumés et soupçonnés être incapables de réussite dans les disciplines expéri mentales supposées requérir des aptitudes identiques à l'abstraction. Il existerait ainsi une hiérarchie des sections conduisant au baccalauréat selon le poids des différentes disciplines scientifiques qui y sont enseignées, correspondantàun axe" fonnel-concret".

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intellectuelles générales semble confortée par le fait que les élèves issus de la section C, sont ceux qui obtiennent les performances les meilleures dans la plupart des disciplines. Ce type d'argument ne prend évidemment pas en compte les mécanismes sociaux qui régulent l'orientation de certaines catégories d'élèves dans des classes privilégiées sur le plan pédagogique en fonction des origines sociales. La prédominance de l'idée d'une aptitude généraleàconceptualiser évince bien entendu la question de la spécificité des activités intellectuelles requises par chaque discipline, activités articulées avec les investissements de l'élève et du groupe auquel il appartient. Or il est urgent de s'interroger sur les spécificités des disciplines si l'on considère qu'il y a li.eu d'aménager une diversité de formations afin d'amener 80% d'une classe d'âge au baccalauréat.

Confortant l'idée de formes de pensée différentes, une étude menée par l'Université PARIS SUD citée par M.C. MERY ferait apparaître des différences entre les lycéens issus des sections C et D. Les premiers réussiraient mieux dans toutes les matières, exceptées celles considérées par les enseignants comme étant plus "qualitatives" lesquelles seraient mieux réussies par les élèves issus des sections D. La discussion ayant fait apparaître que les résultats évoqués étaient trop partiels pour attester de l'existence de formes de pensée bien différenciées en fonction des sections d'origine, il a été jugé préférable d'engager des recherches plus systématiques sur cette question. N'a-t-on pas trop tendanceàinterpréter les résultats en fonction des idées a priori dont nous sommes porteurs? N'entretient-on pas une confusion facile entre abstraction et formalisme?

Les sciences expérimentales à la remorque des formalismes mathématiques en quéstion.

Les mathématiques, telles qu'elles sont actuellement enseignées, ne seraient-elles pas que de l'apprentissage de formalismes? Ceci a-t-il directement et immédiatement à voir avec les activités de modélisation du réel développées en sciences expérimentales, avec le sens et l'importance pratique que celles-ci ont? En effet, si les sciences expérimentales font appel aux formalismes mathématiques, et encore très différentiellement, elles ne peuvent être réduitesàl'utilisation de ceux-ci. Plutôt que de considérer que les sciences expérimentales sont nécessairement à la remorque des mathématiques, ne serait-il pas plus fructueux de considérer que les disciplines expérimentales sont, à l'inverse, l'occasion de donner du sens aux écritures mathématiques? Plutôt que de considérer que les aptitudes à l'abstraction sont la condition de la réussite dans les disciplines scientifiques, il est tout aussi légitime de faire l'hypothèse que les sciences expérimentales sont un moyen de faire développer chez les élèves des compétences abstractives et des activités de modélisation et de formalisation. Actuellement, l'enseignement scientifique s'appuierait trop exclusivement sur la première hypothèse. Mais il n'y a aucun obstacle théorique à envisager la seconde. Le LIRESPT a ainsi entrepris des recherches visantàétudier comment se développent les capacités àmodéliser chez les élèves au cours de l'enseignement de la physique (MARTlNAND et al.

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"Enseignement et apprentissage de la modélisation; quantité de mouvement, modèle particulaire", 1987).

Réduire les sciences en une science, selon un modèle unique et réducteur qui peut aller jusqu'à présenter leur opérativité et leur puissance réelle par le seul effet de jeux d'écriture et de formalisations de plus en plus poussés (cf. l'utilisation des formules en sciences physiques), ne conduit-il pas à donner non seulement une image erronée mais aussi esthétisante et gratuite des domaines et des pratiques scientifiques? Ceci ne contribuerait-il pas ainsi à rejeter les élèves les moins préparés socialement à donner du sens à des exercices purement formels? Geneviève Vermès a avancé l'hypothèse que la réduction des activités scientifiques pratiquées à l'école à des jeux d'écriture et de langue (pensez aux expressions du type : "soit x") renvoyaient certains élèves aux difficultés rencontrées dans l'acquisition de l'écriture de la langue qui nécessite de constituer et d'objectiver celle-ci comme objet, très loin des pratiques langagières et de leurs articulations. La rencontre que l'élève fait avec les disciplines scientifiques est sans doute grandement déterminée par le rapport que celui-ci entretient avec différents modes d'objectivation de son réel (mise à distance, analyse des activités). Dans cette hypothèse, les échecs en mathématiques et en physique, enregistrés en classe de seconde, seraient le correspondant des difficultés intervenant au cours préparatoire dans l'apprentissage de la langue écrite.

La prise en considération de ce qui peut pour un élève être un objet pourrait être une voie pour comprendre que l'investissement des élèves pour telle ou telle discipline est socialement déterminé. Un tel déterminisme ne pourrait-il pas être cassé, si l'activité scientifique scolaire inscrivait dans son objectif la mise en place de

procédures diversifiées d'objectivation du réel, sans s'en tenir exclusivementàcelles

souvent mal maîtrisées de l'écrit, qui correspond à certains usages de la langue

diversement fonctionnels dans les différents groupes sociaux ? L'appui sur les

activités manipulatoires et techniques n'a pas àêtre considéré comme moins noble

selon un a priori hiérarchique psychologiquement erroné. Les objets des disciplines scientifiques ne peuvent pas être a priori constitués; ils sont à concevoir selon des modes particuliers et évolutifs d'articulations d'activités symboliques de nomination et de représentation, de découpage du réel et d'activités pratiques.

3. En conclusion

Les sciences expérimentales n'ont-elles pas trop tendance à retenir moins leur spécificité que leur inscription dans un enseignement scientifique général réglé par les seuls modèles mathématiques ? La place qu'occupent certaines formes de

mathématiques dans notre culture, et qui les font concevoir comme la métascience

au-dessus des sciences, ne contribue-t-elle pas àprivilégier dans les connaissances

scientifiques ce qui est formalisable mathématiquement, au détriment d'autres approches et d'autres outils? L'idée largement partagée selon laquelle le mode de progression des sciences se ferait par simple développement de formalisations de

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plus en poussées doit-elle être transférée directement dans l'enseignement des sciences ? Que les chercheurs en biologie fassent de plus en plus appel aux formalismes doit-il conduire à ce que l'enseignement de la biologie y fasse lui aussi de plus en plus appel?

Le rapport que les enseignants entretiennent avec la hiérarchie des sciences et leur domaine scientifique n'est-il pas à questionner? Le fait que dans leur formation les enseignants ne soient plus amenés à pratiquer des activités de laboratoire ne contribue-t-il pas à leur donner une image tronq uée de leur discipline? La résolution des problèmes scientifiques se confond-elle avec la résolution de problèmes "papier-crayon" des manuels qui effectivement font beaucoup appel aux mathématiques? Les sciences physiques enseignées au lycée et peut-être bientôt la biologie si elle poursuit dans sa dérive actuelle vers les mathématiques, sont-elles à concevoir comme des mathématiques appliquées?

Tout au long de cet atelierila été pour tous assez clair que, certes, l'enseignement

scientifique pouvait se concevoir comme le mode de développement d'activités cognitives d'ordre logique mais aussi que d'une part, le contenu des savoirs et la transmission de leur valeur pratique n'avait pas à en pâtir, et que d'autre part, le développement d'activités logiques ne pouvait peut être s'opérer sans que celles-ci soient articulées de façon fondamentale et essentielle au sens qu'ont pour les différents élèves les nombreux objets scientifiques spécifiques et diversifiés tant par la portion du réel qu'ils organisent que par les modes d'approches qui leur sont propres (même si les méthodologies, les modes de conceptualisation peuvent être

communs) et les activités pratiques quiycorrespondent.

BIBLIOGRAPHIE

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