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Les vues divergent sur ce qu’est le développement

Dans le document SUR LES PAYS LES RAPPORT (Page 122-125)

L’inexistence de définition unique et universellement acceptée des besoins essentiels est une des difficultés auxquelles les décideurs et les praticiens du développement sont confrontés dans l’application de ces approches. Déterminer quel devrait être le contenu des efforts en faveur d’un développement visant à satisfaire les besoins essentiels est difficile car ce contenu est foncièrement propre à chaque pays et évolutif. Il n’existe pas non plus de vocabulaire uniforme pour en décrire les divers éléments (Hulme, 2013  ; OECD, 2006  ; Overseas Development Institute, 1978). Les tenants de l’approche par les besoins essentiels portent donc intrinsèquement un jugement de valeur. L’aggravation des inégalités finit quant à elle tôt ou tard par obérer l’approche structuraliste. Les échecs enregistrés dans la mise en œuvre de ces deux approches ont concouru à des fluctuations dans l’application de la politique de développement et à la poursuite de l’expérimentation tout en mettant en évidence une certaine sélectivité dans le passage de la théorie à la pratique (Fukuda-Parr, 2012 ; Pieterse, 1998).

Sur le plan conceptuel, les ODD, qui sont à la croisée des deux grandes familles de théories du

développement, visent à assurer une durabilité accrue tout en répondant aux préoccupations environnementales. Le Programme 2030 insiste sur l’interdépendance des ODD. On peut considérer que les ODD s’en tiennent au principe selon lequel amorcer la croissance économique et la pérenniser sont deux entreprises quelque peu différentes mais complémentaires (Cagé, 2009). C’est pourquoi les ODD insistent autant sur la création d’emplois (moyen éprouvé de réduire la pauvreté et de favoriser l’inclusion) que sur l’amélioration de la productivité (aspect fondamental de la transformation structurelle) – deux des principaux défis auxquels sont confrontés les pays en développement.

La relation entre la coopération Sud-Sud et l’aide au développement traditionnelle qui en découle dans la pratique relève davantage de la complémentarité que de la dichotomie sous l’angle des retombées sur le développement (United Nations, 2018d). La coopération triangulaire, par exemple, a donné lieu à des actions conjointes avec le Nord (fig.  3.10).

Aussi, avec l’extension progressive à l’Afrique par la Chine de son initiative des nouvelles routes de la soie des contrats en relevant ont été conclus avec

COOPÉRATION

Coupler la coopération Sud-Sud et la coopération Nord-Sud aux fins des Objectifs de développement durable

Source : CNUCED, d’après Besharati, 2018.

certaines entreprises des États-Unis d’Amérique possédant des avantages techniques qui se prêtent à une collaboration accrue avec des entreprises chinoises dans des projets d’infrastructure en Afrique (Haider, 2018 ; Sun, 2019). Des signes de fertilisation croisée entre coopération Sud-Sud et donateurs traditionnels sont aussi perceptibles. Par exemple, en 2009 le CAD et la Chine ont créé un groupe d’étude chargé de promouvoir le partage des connaissances et l’échange de données d’expérience13. Plusieurs membres du CAD ont ultérieurement lancé des programmes bilatéraux de coopération triangulaire pour le développement dans le souci d’amplifier leurs interventions au titre de l’aide au développement dans les pays en développement (Haider, 2018).

L’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture, par exemple, a accumulé plus de quarante années d’expérience en tant que principal promoteur et facilitateur de la coopération Sud-Sud et triangulaire dans les domaines de l’agriculture, de la sécurité alimentaire et de la nutrition  ; les enseignements tirés de son expérience montrent qu’il est possible de parvenir à un degré élevé d’appropriation nationale, que l’Organisation n’a besoin d’exercer qu’une supervision technique limitée, que les coûts unitaires peuvent être nettement moindres que ceux de l’assistance technique Nord-Sud classique, qu’un partage durable des coûts entre partenaires de la coopération Sud-Sud est possible et que les techniciens de la coopération Sud-Sud sont souvent des praticiens chevronnés dans leur propre pays et peuvent s’immerger dans les communautés rurales pour y promouvoir l’innovation (Food and Agriculture Organization of the United Nations, 2019).

L’approche axée sur les pauvres et l’approche axée sur la croissance se renforcent mutuellement et devraient aller de pair (OECD, 2006). L’objectif 17, qui vise à renforcer le partenariat mondial pour appuyer et réaliser le Programme 2030, participe des deux.

Le Partenariat mondial pour une coopération efficace au service du développement est une plateforme multipartite visant à accroître l’efficacité des efforts de développement de tous les acteurs et à surveiller le sous-ensemble restreint de la coopération technique entre pays en développement, la coopération triangulaire et l’APD. Il a succédé au Partenariat de Busan pour une coopération efficace au service du développement, auquel avaient souscrit 161  pays, ainsi que des responsables d’institutions multilatérales et bilatérales, des représentants de la société civile et des acteurs publics, privés, parlementaires, locaux et régionaux.

13 Voir https://www.oecd.org/dac/dac-global-relations/

china-dac-study-group.htm.

C. Les institutions de financement du développement occupent le devant de la scène

1. Finalité, historique et performance

Les institutions bilatérales de financement du développement sont des banques spécialisées qui s’inscrivent en général dans le cadre de la politique financière et industrielle globale d’un État14. Ces institutions, qui fonctionnent comme un fond public d’investissement en capital-risque sont considérées par certains comme le troisième pilier de la coopération internationale pour le développement, les donateurs et les banques multilatérales de développement étant les deux autres (European Development Finance Institutions, 2016). À l’opposé du financement mixte, monté directement par les donateurs en interface avec les gouvernements bénéficiaires, les institutions de financement du développement interagissent avec des entreprises, soit directement, soit par l’intermédiaire de fonds d’investissement.

Les institutions de financement du développement sont structurées dans l’optique du profit et peuvent souvent bénéficier de la prime du premier entrant sur des marchés à fort potentiel de croissance. Ainsi, sur la période 2005-2015 le total des profits conservés par les institutions européennes de financement du développement a été supérieur à celui des apports des gouvernements aux fins de la reconstitution des ressources (European Development Finance Institutions, 2016). Les institutions de financement du développement recourent en outre à des structures d’entreprise basées sur des plateformes et à des centres financiers extraterritoriaux associés à l’optimisation financière et fiscale. Il n’est pas rare que les investissements de ces institutions soient effectués par le canal de juridictions du secret, ce qui suscite des inquiétudes touchant à la transparence (European Commission, 2018  ; Jespersen and Curtis, 2016  ; Trade Union Development Cooperation Network, 2016). Il est admis que les incidences de cette pratique sur les droits des pays en développement en matière de fiscalité peuvent ne pas toujours être

14 Sauf indication contraire, dans le présent chapitre par institutions de financement du développement on entend des institutions bilatérales de financement du développement. Il existe aussi des banques multilatérales et régionales de développement ayant un mandat international similaire et dont les entités en charge du secteur privé, comme la Société financière internationale, appartiennent à la famille des institutions de financement du développement ; ce chapitre est axé sur les institutions bilatérales de financement du développement. Voir Mayer Brown (2013) pour un aperçu des possibilités s’offrant aux prêteurs commerciaux.

Les institutions de financement

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