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Additionnalité et modalités de l’aide

Dans le document SUR LES PAYS LES RAPPORT (Page 83-87)

Part de l’aide bilatérale que les donateurs du CAD allouent

Encadré 2.3 Aide fournie par les membres du Comité d’aide au développement en faveur de l’égalité des sexes et de l’émancipation des femmeset de l’émancipation des femmes

4. Additionnalité et modalités de l’aide

Avec la multiplication des fonds spécialisés en faveur des PMA et des autres pays en développement, depuis l’Aide pour le commerce jusqu’au financement de l’action climatique, une question continue de se poser, à savoir celle du degré d’additionnalité. Autrement dit, dans quelle mesure les nouvelles initiatives constituent-elles des apports supplémentaires de capitaux ou font-elles « du neuf avec du vieux  »  ? La question de l’additionnalité a été âprement débattue en lien avec l’engagement des pays développés, inscrit dans l’Accord de Paris, de mobiliser 100  milliards de dollars par an pour financer l’action climatique (UNCTAD, 2010  ; UNCTAD, 2016c). L’accès à un financement durable de l’adaptation aux changements climatiques et de l’atténuation de leurs effets, appuyé par un transfert de technologie efficace, est essentiel aux pays en développement et, plus particulièrement, aux PMA, car les changements climatiques, dont les risques de survenance augmentent, devraient creuser les

inégalités mondiales et se faire plus durement sentir dans les pays et parmi les populations pauvres (UNCTAD, 2010 ; UNCTAD, 2016c ; United Nations, 2019b ; Intergovernmental Panel on Climate Change, 2014).

En raison de problèmes d’ordre conceptuel et de pratiques de notification mal définies, il est extrêmement difficile d’évaluer avec précision l’additionnalité des moyens de financement de l’action climatique et l’« intérêt climatique » des fonds qui sont

déclarés. Or, de sérieuses préoccupations ont été exprimées à ce sujet par le passé (UNCTAD, 2016c ; Oxfam International, 2016  ; Oxfam International, 2018). Ce qui est certain, c’est que les fonds mobilisés jusqu’à présent sont encore loin d’atteindre l’objectif de 100 milliards de dollars par an et demeurent très insuffisants par rapport aux besoins des PMA (United Nations, 2019b). Néanmoins, les donateurs ont signalé une augmentation modeste, mais constante, de la part de leurs engagements d’APD devant servir des objectifs environnementaux (voir encadré 2.4).

Figure 2.15

Part des prêts dans l’aide publique au développement brute totale versée aux PMA (En pourcentage)

Source : Calculs de la CNUCED, d’après la base de données du Système de notification des pays créanciers de l’OCDE.

Afghanistan

Part des prêts dans l’APD totale versée, 2015-2017

Part des prêts dans l’APD totale versée, 2010-2012

Le Système de notification des pays créanciers de l’OCDE contient des données sur les engagements bilatéraux des donateurs du CAD qui visent à contribuer à la durabilité environnementale. Les donateurs sont invités à préciser, pour chaque activité notifiée, si celle-ci entraîne une amélioration de l’environnement physique et/ou biologique du pays bénéficiaire ou recouvre des mesures concrètes ayant pour but la prise en compte des questions environnementales.

Selon le système de notation en vigueur, on distinguera les activités dans lesquelles la protection de l’environnement est l’« objectif principal » ou un « objectif significatif », ou ne figure pas parmi les objectifs fixés. (Un système de notation analogue est appliqué aux activités qui s’inscrivent dans le cadre des dispositions des Conventions de Rio sur la diversité biologique, l’adaptation aux changements climatiques et l’atténuation de leurs effets, et la lutte contre la désertification ; la plupart de ces activités satisfont à la définition de l’« aide à l’environnement »).

Encadré 2.4 Aide à l’appui des objectifs environnementaux mondiaux

a) Aide à l’environnement allouée aux pays les moins avancés*

Source : Calculs de la CNUCED, d’après la base de données du Système de notification des pays créanciers de l’OCDE.

* Aide bilatérale ventilable.

b) Aide à l’environnement allouée aux différents pays les moins avancés*, 2015-2017

Source : Calculs de la CNUCED, d’après la base de données du Système de notification des pays créanciers de l’OCDE.

* Aide bilatérale ventilable.

0 5 10 15 20 25 30

2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017

Milliards de dollars de 2016

Objectif principal Objectif important Examiné, non orienté Non examiné

0 20 40 60 80 100

Afghanistan Angola

Bangladesh nin

Bhoutan Burkina Faso

Burundi Cambodge Rép. centrafricaine

Tchad Comores

Rép. démocratique du Congo

DjiboutiÉrythréeÉthiopieGambieGuinée Guinée-Bissau

Haïti

Kiribati LesothoLibéria Madagascar

MalawiMali

MauritanieMozambiqueMyanmarNépal Niger Rwanda

Sao Tomé-et-Principe Sénégal

Sierra LeoneÎles Salomon Somalie Soudan du Sud

Soudan

Rép.-Unie de Tanzanie Timor-Leste

Togo

TuvaluOugandaVanuatuYémenZambie

Objectif principal Objectif important Examiné, non orienté Non examiné Rép. démocratique populaire lao

Il apparaît clairement que l’examen des engagements bilatéraux s’est généralisé au fil des années : en 2017, pas moins de 97 % des activités ont été analysées, contre 50 % en 2002. Il ressort également des données que l’APD à visée environnementale a constamment augmenté en valeur absolue, passant de 1,42  milliard de dollars en 2002 à 7,66 milliards de dollars en 2017 (fig. a)). Cependant, cette augmentation s’explique surtout par la hausse globale des engagements bilatéraux en faveur des PMA, car, pendant la période de quinze ans considérée, la part des activités ayant la protection de l’environnement comme objectif principal s’est maintenue à 5 % et la part des activités ayant la protection de l’environnement comme objectif significatif a seulement progressé de 10 % à 19 %.

Si les disparités entre les pays sont lissées, environ un tiers des engagements qui servent des objectifs environnementaux mondiaux, en en faisant des objectifs principaux ou des objectifs significatifs, est destiné au secteur de l’infrastructure et des services sociaux. Cette proportion est toutefois en diminution, car la part de l’aide à l’environnement affectée aux secteurs de l’infrastructure économique et de la production progresse, surtout depuis 2010. Aujourd’hui, le secteur de l’infrastructure économique et le secteur de la production captent respectivement plus de 32 % et 17 % des engagements d’aide à l’environnement.

Entre les différents PMA, on observe de grandes différences, non pas seulement dans le montant global de l’aide reçue, mais aussi dans la proportion de l’aide qui sert des objectifs environnementaux (fig.  b)). D’une manière générale, moins d’un quart des engagements bilatéraux des donateurs du CAD en faveur des PMA semblent avoir des objectifs environnementaux, mais cette proportion est plus grande dans les PMA insulaires et certains pays du Sahel qui font face à la désertification.

En conclusion, l’aide fournie à l’appui d’objectifs environnementaux reste insuffisante au regard des besoins des PMA, surtout lorsque l’on sait que ces pays sont plus vulnérables aux catastrophes naturelles liées aux changements climatiques et que leurs besoins exercent une pression accrue sur des écosystèmes fragiles (UNCTAD, 2010  ; UNCTAD, 2016b ; United Nations, 2019c). À en croire certaines analyses, il se pourrait que même le tableau brossé ici soit optimiste, car les chiffres de l’aide pourraient être gonflés du fait de l’utilisation de méthodes de notation et de notification qui comptabilisent les prêts d’APD en valeur nominale et qui tiennent compte de projets ne concernant que partiellement l’action climatique (Oxfam International, 2016 ; Oxfam International, 2018).

Encadré 2.4 (suite)

Outre le volume de l’APD et les niveaux de concessionnalité appliqués, les modalités de versement influent aussi considérablement sur les perspectives de développement. Un certain nombre de caractéristiques clefs des systèmes d’aide a été examiné dans le cadre du programme sur l’efficacité de l’aide, y compris au regard des cinq principes qui sous-tendent la Déclaration de Paris, à savoir l’appropriation, l’alignement, l’harmonisation, la gestion axée sur les résultats et la responsabilité mutuelle. D’autres études et exercices de suivi ont consisté en un examen approfondi des progrès accomplis au niveau international en vue d’une coopération efficace au service du développement (OECD and United Nations Development Programme, 2016  ; UNCTAD, 2016a). La présente section porte uniquement sur quelques éléments choisis, qui revêtent une importance particulière dans le contexte des PMA et qui ont des conséquences de large portée pour la politique macroéconomique du pays bénéficiaire.

Une question essentielle est celle de savoir dans quelle mesure l’aide est «  liée  », c’est-à-dire doit servir à acheter des biens et des services auprès d’entreprises du pays donateur. Ce lien compromet l’objectif final de l’aide, qui est le développement, en ce qu’il peut avoir pour conséquences d’empêcher

de tirer le meilleur parti des ressources disponibles, d’imposer des fournisseurs de biens et de services qui ne sont pas forcément les mieux adaptés au contexte local et de limiter l’effet multiplicateur de l’aide, en restreignant les possibilités d’attribuer des marchés à des entreprises locales et de faire appel à des producteurs et des prestataires de services locaux. En 2001, le CAD, reconnaissant implicitement ces failles, a recommandé expressément de délier l’APD allouée aux PMA dans toute la mesure possible, de favoriser et de garantir des apports d’APD adéquats, et de faire en sorte que les efforts fournis en ce sens par les membres du CAD soient équitablement répartis (OECD, 2019c)11. Malgré ces recommandations claires et quelques améliorations, les efforts des pays donateurs demeurent insuffisants et inégaux (UNCTAD, 2016a ; OECD, 2018c ; Meeks, 2018). En 2016-2017, l’aide liée a représenté près de 15 % des engagements bilatéraux de l’ensemble des donateurs du CAD, et jusqu’à 40  % des

11 Cette recommandation a ensuite été révisée de manière à être étendue aux pays pauvres très endettés autres que les PMA, aux autres pays à faible revenu et aux pays et territoires uniquement bénéficiaires de l’Association internationale de développement, et à inviter les donateurs

« non membres du CAD à opérer un déliement de leur aide en parallèle avec les membres du CAD » (OECD, 2019c, p. 3).

engagements bilatéraux de certains donateurs12. De plus, selon un rapport du CAD de 2018, pas moins de 65 % des marchés étaient attribués à des entreprises des pays donateurs, ce qui justifiaient les craintes que l’« aide officieusement liée » puisse être une pratique encore plus répandue (OECD, 2018c ; Meeks, 2018). D’ailleurs, comme cela sera examiné plus en détail au chapitre 3, il existe un risque que les changements récents visant à se servir de l’APD pour mobiliser des ressources privées, grâce à ce que l’on appelle les instruments du secteur privé, favorisent le développement de l’aide officieusement liée.

Les PMA étant très tributaires de l’aide, leurs paramètres macroéconomiques fondamentaux dépendent aussi beaucoup de la prévisibilité, de l’instabilité et de la cyclicité de l’APD. Il est important de tenir d’emblée pour entendu que ces caractéristiques peuvent relever à la fois de facteurs liés à la demande et de facteurs liés à l’offre – autrement dit, de facteurs qui tiennent au pays destinataire, comme l’incapacité de proposer des projets susceptibles de bénéficier d’un concours financier et les retards dans le calendrier d’exécution, et au donateur, comme une planification limitée à moyen terme – voire être influencés par des facteurs exogènes tels que les variations de change (United Nations, Economic Commission for Africa, 2013).

En dépit de quelques différences entre les pays, les données disponibles indiquent que les versements d’APD aux PMA sont raisonnablement prévisibles  ; de fait, l’aide programmable par pays, c’est-à-dire l’aide faisant l’objet d’une planification pluriannuelle au niveau national, représente 75 % en moyenne des versements totaux13. Dans le même ordre d’idées, le ratio versements/engagements avoisinait 90  % en moyenne, mais, sur ce point également, on observait de grandes disparités entre les pays bénéficiaires. Si elles s’expliquent en partie par des situations de conflit

12 Ces chiffres se fondent sur la base de données OECDStat, tableau CAD7 b, Degré de liaison d’aide (APD), disponible à l’adresse suivante  : https://stats.oecd.org/Index.

aspx?lang=fr&SubSessionId=e1cc3e40-980e-42a7-8f44-559cdc19e2cb&themetreeid=3 (date de consultation  : 14 octobre 2019).

13 Selon le CAD, l’aide programmable par pays est obtenue en soustrayant de l’APD bilatérale brute totale les éléments :

• Qui ne sont pas prévisibles par nature (aide humanitaire et allégement de la dette) ;

• Qui ne sont pas à l’origine de flux internationaux (coûts administratifs, coûts indirects des étudiants, promotion de la sensibilisation au développement, travaux de recherche et coûts des réfugiés dans les pays donateurs) ;

• Qui ne s’inscrivent pas dans le cadre d’accords de coopération entre gouvernements (aide alimentaire et aide des collectivités locales) ;

• Qui ne sont pas programmable par le donateur (financement de base d’organisations non gouvernementales).

et d’urgence humanitaire, ces grandes disparités quant à la prévisibilité de l’aide peuvent mériter un examen plus approfondi au niveau de chaque pays, dans le cadre des activités de gestion de l’APD et de coordination entre les donateurs (UNCTAD, 2009  ; UNCTAD, 2010).

En ce qui concerne l’instabilité de l’aide, les méthodes proposées par BulíĜ and Hamann (2008) et Markandya et al. (2010) sont utilisées ci-après pour examiner l’instabilité des versements nets d’APD depuis 2000 (ou, si les données sont disponibles, pour améliorer la couverture géographique). Aux fins de l’objectif principal, qui est d’évaluer l’impact de l’instabilité de l’aide sur les paramètres macroéconomiques fondamentaux des pays bénéficiaires, deux outils de mesure sont envisagés : a) le coefficient de variation des séries nominales, et b)  l’écart type des séries corrigées de la tendance par le filtre de Hodrick-Prescott, en part du PIB. Si l’on fait abstraction de l’incidence du choix de l’outil de mesure, les versements nets d’APD semblent se caractériser par une instabilité modérée par rapport aux autres apports extérieurs (fig. 2.16)14. Dans le cas du PMA médian, les versements nets d’APD sont la source de financement extérieur la moins instable (devant les envois de fonds), selon le premier outil de mesure, mais sont légèrement plus instables que les envois de fonds et les IED (dans ce dernier cas, par une marge très faible), selon le second outil de mesure – ce qui est cohérent avec la dépendance accrue des PMA à l’égard de l’aide (voir chap. 1).

14 Le nombre de PMA considérés a été limité à 29 afin de tenir compte uniquement des pays pour lesquels les séries de données sont complètes pour tous les apports extérieurs et toutes les années.

Des

Une situation de plus en plus complexe, qui rend la coordination difficile.

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