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CHAPITRE II : PROTOCOLES EXPÉRIMENTAUX

II.3. Méthodes de caractérisation électrochimique

II.3.2 Voltammétrie cyclique à variation linéaire de potentiel (CV)

Comme signalé dans le premier chapitre, la voltammétrie cyclique (CV) [218] qui est devenue aujourd’hui un des outils analytiques les plus utilisés a été développée en 1948 de façon indépendante par Randles et par Sevčik. Si en 1983, c’est un « outil populaire pour l’étude des réactions électrochimiques » aux dires de Mabbott [219], Kissinger et Heineman quant à eux trouvaient que c’est « la technique électroanalytique la plus polyvalente pour l’étude des espèces électroactives » [220]. Il faut dire que l’origine de la CV découlerait des expériences de E. Salomon (1874–?) qui en effectuant le premier titrage ampérométrique (1897) initia l’utilisation de l’ampérométrie pour indiquer la fin de titrages par précipitation. Il publia ainsi les premières courbes intensité-potentiel [221]. Aujourd’hui, la CV est le premier outils électroanalytique dans les laboratoires d’Électrochimie, de Chimie Organique/Inorganique et de Biochimie [222]. Son efficacité réside essentiellement dans l’accessibilité directe (observation) des propriétés

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redox sur une plage de potentiel. En effet, la flexibilité d’analyse des processus électrochimiques d’une substance électroréactive donnée (oxydation/réduction) à partir des voltammogrammes apporte des informations quantitatives sur la réversibilité des réactions ainsi que sur la rapidité des systèmes mis en jeu. Cette caractéristique intrinsèque fait de cette technique, la méthode appropriée à l’étude des processus réactionnels. Au cours de cette thèse, c’est la voltammétrie cyclique à variation linéaire de potentiel ― désignée dans la suite de cette thèse par CV ― qui a été utilisée afin d’étudier les caractéristiques fondamentales des réactions électrochimiques, comme par exemple l’électroactivité des catalyseurs.

Le principe de base de la CV consiste à appliquer à l’électrode de travail une variation linéaire de potentiel E(t) entre une valeur initiale (E1) et une valeur finale (E2), à le reproduire de

façon périodique aussi longtemps que nécessaire (Figure 8a) [220,223] et à enregistrer la réponse électrochimique sous forme de courant électrique I(t). Cependant, d’après l’UICPA [224], c’est une « chronoampérométrie avec des pulses de potentiel triangulaires et multiples ». La vitesse de variation linéaire de potentiel v est liée à la valeur instantanée de potentiel appliquée à l’électrode de travail par les équations (Eq. 19) et (Eq. 20) pour les variations positive et négative de potentiel. En éliminant la variable « temps » entre les fonctions mathématiques E = f(t) et I = g(t), l’on arrive à la fonction I = h(E) appelée courbe intensité-

potentiel. Cette réponse en courant que l’on exploite généralement est appelée voltammogramme

et constitue la signature spécifique d’un matériau dans un électrolyte donné, où t est le temps. (Eq. 19) (Eq. 20)

Figure 8. a) Forme typique du signal d’excitation de la CV : signal aller (noir : (Eq. 19)) signal retour (rouge : (Eq. 20)). b) Cellule électrochimique à 3 électrodes pour les expériences de CV.

[

(E -E)/

]

t 0 t, E E(t)= 1+v £ £ 2 1 v

[

(E -E)/

]

t 2

[

(E -E)/

]

t, E E 2 E(t)= 2- 1-v 2 1 v £ £ 2 1 v

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Pour les premières expériences de CV, les scientifiques utilisaient un montage à deux électrodes : une électrode de travail ET ― sur laquelle ont lieu les réactions électrochimiques ― et une électrode de référence ER ― une électrode de référence permettant le contrôle du potentiel de l’électrode de travail. Malheureusement, un certain nombre de difficultés majeures est apparu pour cette configuration. La première est la résistance non nulle de la partie de circuit qui sépare ces deux électrodes. Ainsi, dès que l’intensité du courant atteint des valeurs supérieures au milliampère, la chute de potentiel entre les deux électrodes devient de quelques dizaines de mV, valeur non négligeable par rapport à la valeur de potentiel à imposer. Par ailleurs, pour que le circuit électrique soit fermé, les électrons produits ou consommés à l’électrode de travail doivent impérativement passer par l’ER. De facto, l’ER se trouve parcourue par le même courant que l’ET. Il en résulte, pour les courants importants (de l’ordre du mA ou plus), une polarisation de l’ER et la dégradation rapide des performances de celle-ci. Par conséquent, un montage à trois électrodes permettant de remédier au double problème posé par le montage à deux électrodes a été préconisé. Cela consiste à introduire dans le circuit à deux électrodes, une troisième électrode, dite électrode auxiliaire (ou contre-électrode, CE). Son principal rôle est de permettre le passage du courant traversant l’électrode de mesure ET sans passer par l’ER (en quelque sorte, la CE permet de « fermer le circuit »). Ainsi, (i) l’ER n’est plus polarisée8 et (ii) la portion du circuit entre l’ET et l’ER ne contribue que faiblement à la chute ohmique due à la résistance non nulle de la solution électrolytique.

Au cours de cette thèse, une cellule électrochimique en verre constituée de trois électrodes (Figure 8b) a été utilisée. Dépendant de l’objectif visé, plusieurs matériaux carbonés ont été utilisés comme support d’ET : nanofibres de carbone (CNF), Carbon Paper (CP), Buckyper (BP) et carbone vitreux (GC). Pour les expériences, des électrodes carrées de dimensions 1 cm × 1 cm ont été utilisées dans le cas des CNF, CP et BP. Pour le GC, c’est un embout cylindrique en Téflon® dans lequel est insérée au centre une partie conductrice en

carbone vitreux formant un disque de 3 mm de diamètre (dépôt de 3 µL). Avant toute expérience électrochimique, ce disque est poli d’une part afin d’obtenir une surface réfléchissante, et d’autre part, afin d’éliminer toute trace d’espèces de la précédente expérience. Le polissage sous forme de « 8 » a été effectué avec de la poudre d’alumine de taille de grains variables (ordre A1 : 1 µm ; A3 : 0,3 µm puis A5 : 0,05 µm) déposée sur un disque abrasif ALD (diamètre 200 mm) dans l’optique d’éviter toute orientation préférentielle de la surface. La poudre d’alumine et le disque abrasif sont commercialisés par la société ESCIL basée à Chassieu en France. Une fois le polissage fini, l’embout placé dans un pilulier est mis aux ultrasons pendant quelques dizaines de minutes afin de décrocher de sa surface d’éventuelles particules d’alumine, puis séché. La

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préparation des autres types de supports sera discutée lors de leurs utilisations spécifiques. L’électrode réversible à hydrogène (ERH) a été la plus utilisée comme ER. En milieu fortement basique, c’est l’électrode à oxyde de mercure (EOM, E0 = 0,158 V vs. ESH) qui a été employée. En fonction des contraintes expérimentales et/ou matérielles, lorsqu’une ER9, autre que l’ERH a

été utilisée, les potentiels de l’ET sont toujours exprimés par rapport à l’ERH selon (Eq. 21).

[

E (V .ESH) 0,059 pH

]

,à25 C ER) . E(V ERH) . E(V 0 ER + ´ ° + = vs vs vs (Eq. 21)

Pour éviter de polluer l’ER par les produits de réaction, elle est séparée du compartiment de l’ET via le pont de Luggin qui assure la conduction ionique. Pour fermer le circuit électrique, une plaque de carbone vitreux (0,9 cm × 7,2 cm) a été utilisée comme contre-électrode. En pratique, il est fortement recommandé d’utiliser une CE dont la surface est significativement plus grande que celle de l’ET de manière à ce que la réaction électrochimique étudiée ne soit pas limitée par les phénomènes se produisant à sa surface, notamment les interférences telles que les processus de passivation et de désactivation qui peuvent se produire au cours de la mesure du courant [32]. Ici, l’ET fait 0,071 cm2 contre 13 cm2 pour la CE, soit un facteur de près de 186.

Afin d’assurer la variation du potentiel de l’ET par rapport à l’ER ainsi que le transfert électronique entre la CE et l’ET, un générateur de tension continue appelé potentiostat a été utilisé. Dans la majeure partie des cas, c’est un potentiostat analogique EG&G PARC Model 362 (Princeton Applied Research) interfacé avec un ordinateur et une carte d’acquisition permettant de récupérer le signal en format numérique. Au cours des stages réalisés à l’étranger, d’autres types de potentiostat ont été utilisés. Avant toute expérience de CV, les gaz atmosphériques dissous dans la solution électrolytique, notamment le dioxygène, ont été éliminés par bullage de gaz inerte comme l’azote ou l’argon.