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CHAPITRE I : ÉTUDE BIBLIOGRAPHIQUE

I.4. Les sucres

I.4.2 Oxydation électrocatalytique sur les métaux

Moins compétitive du point de vue industriel par rapport à la voie de synthèse chimique, l’électrosynthèse devient peu à peu une solution de choix pour la valorisation de certains composés organiques multifonctionnalisés comme les sucres. En effet, le remplacement de certains réactifs jugés dangereux, coûteux et polluants par le fameux réactif « courant électrique », la sélectivité via le contrôle des conditions expérimentales (pH, potentiel, température, concentrations,…) sont entre autres les avantages qu’offre l’Électrocatalyse par rapport à la Chimie Organique classique. En outre, elle peut se faire de façon concomitante avec la production d’énergie dans le cadre d’une PAC permettant ainsi d’amortir le coût des procédés. Dans le but d’optimiser les conditions de travail (qui seront ultérieurement utilisées dans cette thèse), les différentes études qui ont déjà porté sur l’électrooxydation catalytique des sucres susmentionnés vont être passées en revue dans les sections suivantes.

I.4.2.1. Électrooxydation du glucose

Le glucose est de loin le sucre le plus étudié. Cet intérêt prononcé est lié au fait que le glucose d’une part peut être un combustible dans une PAC, laquelle servirait de générateur d’énergie pour alimenter un stimulateur cardiaque [5,10,27,128] et d’autre part peut servir d’indicateur pour doser le diabète [128]. Cette problématique est toujours d’actualité même si de nombreux verrous scientifiques restent à lever.

Les premières études portant sur l’électrooxydation du glucose datent de la fin des années 1970. Ainsi, entre 1970‒1989, plusieurs études fondamentales ont été conduites avec les métaux nobles à l’état massif, Pt [129-132] et Au [132] en l’occurrence afin de comprendre le mécanisme de la réaction d’électrooxydation. Au vu de ces résultats, l’oxydation sur Pt commence par un pic d’oxydation situé entre 0,15 et 0,35 V vs. ERH dans tous les milieux aqueux. En 1979, Ernst et al. [129] en cherchant le centre (site) actif de la molécule du glucose, arrivent à la conclusion selon laquelle, le groupe réactif est la structure hémiacétalique de la molécule. Ils identifient deux étapes clés du processus d’électrooxydation. Selon eux, la première étape est l’interaction (par adsorption) entre un site actif du platine et le carbone anomérique en position 1 (C1) suivie du départ d’un deuxième proton issu du groupe –OH lié à ce carbone. La deuxième étape est la désorption de la lactone qui est considérée comme le produit primaire de la réaction. Ces résultats seront confirmés par ceux de Essis-Yei et col. [131]. D’après ces derniers auteurs, le pic de courant situé ca 0,3 V vs. ERH (pic A) attribué à la déshydrogénation diminue d’intensité lorsqu’on élève la température. D’un point de vue thermodynamique, cela se traduit

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par une énergie d’activation négative (réaction endothermique). En milieu phosphate, l’adsorption du glucose sur Pt est en compétition avec celle des ions phosphates dont l’optimum serait autour de pH 7,7 comme l’ont rapporté de Mele et al. [130]. Cette adsorption compétitive a pour conséquence la création de liaisons oxygène-métal à la surface de Pt, entraînant ainsi une diminution des sites actifs, et donc de l’activité.

À l’orée de la décennie 90 du siècle dernier, la compréhension par le commun des mortels du mécanisme s’affine et devient précis. Entre 1990 et 1991, Bae et al. [133] au moyen de la spectroscopie infrarouge à transformée de Fourier opérando (IRTF in situ) mettent en évidence la formation du monoxyde et du dioxyde de carbone (CO et CO2) sur une électrode de

Pt massif. Une plausible hypothèse sur le clivage de la liaison C–C devient alors de plus en plus évidente. Et c’est finalement B. K. Kokoh qui, dans sa thèse de doctorat (présentée en 1991) l’élucidera au moyen de preuves aussi qualitatives que quantitatives [134]. En 1992 avec ses collaborateurs, ils mettent en évidence la formation de petites molécules organiques au moyen des analyses chromatographiques après électrolyse [135]. Ils introduisent pour la première fois, l’électrolyse à potentiel contrôlé (EPC) afin d’anticiper la désactivation du catalyseur et de maintenir sous contrôle la sélectivité de la réaction. Ils confirmèrent les résultats de Essis-Yei [132] et de Kokkindis [136] sur le rôle promoteurs des adatomes ― atomes déposés en très faible quantité en sous-tension sur une surface, i.e. in situ à une valeur de potentiel supérieure au potentiel thermodynamique de son dépôt massique (UPD). Ainsi, la réaction est sélective vers l’acide céto-2-gluconique en présence de Pb. Les mécanismes se précisent de plus en plus, mais il a fallu attendre les travaux de Largeaud (Thèse de Doctorat, 1996) [29]. En effet, en utilisant la polarimétrie, il est arrivé à l’évidence que la forme du glucose la plus réactive en milieu aqueux est l’anomère b [28,29]. En partant du fait que l’adsorption est la première étape de l’oxydation électrocatalytique et des résultats de Ernst et al. [129] (mentionnés plus haut), cette différence de réactivité s’expliquerait par la position de l’hydrogène du carbone C1. D’ailleurs les formes a et b ne diffèrent que par cela. La forme chaise est la plus stable car c’est dans cette configuration que tous les substituants sont suffisamment loin les uns des autres entraînant ainsi un minimum d’interaction de répulsion dans la molécule. Par suite, dans l’anomère b, tous les –OH sont équatoriaux (et donc –H de C1 est axial) ; cela a pour corollaire d’induire l’approche la plus plane de la molécule de glucose sur la surface d’électrode avec le minimum d’énergie. Ainsi, le mécanisme d’électrooxydation du glucose sur Pt se résume par le Schéma 12. La lactone s’hydrolyse ensuite en acide gluconique ou gluconate selon le pH du milieu électrolytique. À la même époque, le rôle de l’orientation cristalline sur l’activité a été souligné [136]. Les travaux de Largeaud [29], ont mis en exergue l’importance du plan Pt(110) au niveau du 1er pic (pic A).

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Schéma 12. Mécanisme proposé pour l’électrooxydation du glucose sur une électrode de Pt.

Le mécanisme d’électrooxydation du glucose sur l’or ne sera élucidé qu’au début des années 2000. En effet les travaux de Aoun et al. [137] en 2004, et plus tard ceux de Pasta et col. [138] en 2010 ont montré que la réaction nécessite la formation des sites actifs du type Au-OH. Cela a pour conséquence d’augmenter le potentiel de début de la réaction sur l’échelle des potentiels (0,41 V vs. ERH sur Au(111) en milieu basique [137]). Le Schéma 13 illustre le mécanisme proposé en 2004 par Aoun et col. [137].

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Au début des années 2000, l’accès aux méthodes de synthèse de nanomatériaux va contribuer à améliorer de façon significative l’activité des catalyseurs. Désormais, des nanocatalyseurs de grande surface spécifique peuvent être élaborés. Le platine est connu pour ses propriétés déshydrogénantes du glucose à bas potentiel et l’or pour sa bonne activité en oxydation des composés hémiacétaliques. Les nanocatalyseurs d’or [139], de platine [140], de palladium [141] supportés ou non ont été synthétisés par diverses méthodes et appliqués en électrooxydation du glucose. La synthèse de matériaux bimétalliques AuPt permettra ainsi d’améliorer les performances, conséquence d’un effet de synergie pour certaines compositions. En effet, comme l’ont montré Bus et col. [142], les échanges électroniques entre les orbitales 5d de l’or complètement remplies (10 e–) et celles de Pt (9 e–) ont pour effet d’induire des modifications sur les énergies des bandes de valence de Pt et Au. Or, ce sont précisément les électrons de ces bandes qui déterminent les propriétés chimiques des éléments. Les travaux rapportés dans la littérature confirment bien cette thèse [143], en l’occurrence ceux de Habrioux [24], Hussein [25] et Tonda-Mikiela [30] dans le cadre de leurs thèses de doctorat. Un catalyseur AuPt de composition optimisée permet ainsi d’améliorer le potentiel de début d’oxydation et d’augmenter les densités de courant. Habrioux a ainsi montré que le taux de charge métallique dans la formulation des catalyseurs supportés — sur du carbone Vulcan XC 72R — avait une conséquence sur la disponibilité et l’activité des sites actifs. Il est arrivé à la conclusion que le taux de charge optimum se situerait entre 20 et 40 wt.% de métal. En effet, dès que ce taux dépasse 40 wt.%, les particules tendent à s’agglomérer, diminuant de facto la surface active. D’après sa méthode de synthèse (microémulsion), la composition Au70Pt30/C exhiberait la

meilleure activité catalytique surtout en milieu neutre (pH 7,4) [23,31,76]. Comme il a été mentionné précédemment, l’oxydation du glucose en milieu tampon phosphate sur le platine est inhibée par l’adsorption compétitive des ions phosphates. La présence de l’or au sein du catalyseur aurait pour conséquence directe de défavoriser cette adsorption. En 2012, Li et al. [139] ont montré que l’ion chlorure présentait un effet inhibiteur sur l’activité de l’or en électrooxydation du glucose. Le phénomène serait beaucoup plus accentué pour [Cl–] > 25 mM.

I.4.2.2. Électrooxydation du fructose

L’électrooxydation du fructose est très peu étudiée. En 2008, Elahi et al. [144] ont réalisé l’oxydation électrocatalytique du fructose en milieu basique sur des matériaux d’électrodes à base de nickel nanostructurés. L’oxydation ne démarre pas avant 1,5 V vs. ERH puisque cela nécessite de prime abord l’oxydation de la surface de nickel. En 2010 D. Basu et S. Basu ont

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effectué l’électrooxydation du fructose en milieu basique sur PtRu/C [145]. L’allure globale du voltammogramme en présence du fructose est en accord avec celui que Yei et al. [131] avaient obtenu en 1988. Contrairement au glucose, le fructose ne se déshydrogénerait pas. Ils le justifient par l’absence de l’hydrogène hémiacétalique (Schéma 9). À l’exception de la zone d’hydrogène, les voltammogrammes qu’ils présentent [131,145], montrent la présence de pics d’oxydation similaires au glucose.

I.4.2.3. Électrooxydation du lactose

Le lactose est relativement peu étudié contrairement au glucose. Mais la demande des industries pharmaceutique et agro-alimentaire en acide lactobionique (LBA) et ses dérivés a conduit à un regain d’intérêt pour l’étude de l’oxydation du lactose. Cette étude se répartit en trois secteurs : l’Électrocatalyse [146,147], la catalyse hétérogène en réacteur [126] et la biocatalyse [127,148]. Une étude électrocatalytique a été effectuée par Druliolle au cours de sa thèse de doctorat à l’Université de Poitiers sur des électrodes massives en métaux nobles en présence ou non de certains adatomes [147]. Dans l’optique d’éviter l’hydrolyse (en milieu acide) et la dégradation (en milieu basique) du lactose, l’étude a été menée en milieu tampon carbonate (0,1 M Na2CO3-NaHCO3 ; pH 9,8). Ainsi, entre 1994‒1997, Druliolle et al. [146] ont

fait plusieurs constats. Malgré le bon début d’électrooxydation sur le platine, l’activité catalytique des métaux à l’état massif est dans l’ordre suivant : Au > Pt > Pd >> Rh, Ni, Ag, Fe, Cu. La présence d’adatomes (métaux en très faible quantité) de plomb, bismuth ou de thallium améliorait de façon très significative l’activité catalytique de Au et de Pt (jusqu’à des facteurs > 100) [147]. Les études chromatographiques et spectroscopiques (IRTF opérando, RMN) ont montré que le seul produit majoritaire est le LBA, ce dernier proviendrait de l’hydrolyse de la lactobiono-δ-lactone [146]. Par ailleurs, ils ont constaté que la conversion du lactose passait par un optimum pour 17,5 mM de lactose puis diminuait, probablement à cause de la saturation des sites en lactose empêchant l’adsorption ultérieure des espèces hydroxylées qui participent à la réaction. Les seules études avec les nanomatériaux ont été menées en 2006 par K. B. Kokoh et N. Alonso-Vante [149] avec l’or et en 2011 par Ganesh et col. [150] avec le nickel. Si la première a donné des résultats encourageants (conversion 91 %) avec une bonne cinétique rationnelle aux bas potentiels (0,4−1,0 V vs. ERH), la deuxième a peu d’intérêt en termes d’application en PAC puisque la réaction n’a lieu qu’à très hauts potentiels (1,4−1,6 V vs. ERH).

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I.4.2.4. Électrooxydation du saccharose

Tout comme le lactose, très peu d’études électrocatalytiques ont été consacrées au saccharose. Compte tenu de l’encombrement stérique dû aux groupements hydroxylés, il va être probablement moins réactif que le glucose. C’est P. Parpot qui, au cours de sa thèse de doctorat (au début des années 1990) [151], a mené une étude comparative en ce qui concerne sa réactivité sur les métaux nobles à l’état massif. Avec ses collaborateurs, il a montré que l’hydrolyse du saccharose était importante en milieu acide (pH 1), faible en milieu neutre (tampon pH 7,3) et quasi-nulle en milieu basique (pH 13). Pour des potentiels d’électrode inférieurs à 0,9 V vs. ERH, Pt est le meilleur catalyseur. Mais au-delà de 1,0 V vs. ERH, l’activité catalytique des métaux à l’état massif est dans l’ordre suivant : Au > Pt >> Pd, Rh. Les autres métaux (Ni, Ag, Cd, Cu) sont actifs mais nécessitent des potentiels d’électrodes très hauts (> 1,4 V vs. ERH). L’effet exaltant des adatomes (Pb, Tl, Bi) a été également mis en évidence [151,152]. La réactivité augmente avec la concentration en saccharose et se sature à 0,1 mol·L-1. Les études chromatographiques (CLIHP, CG-SM) couplées aux analyses spectroscopiques (IR, RMN) ont mis en évidence deux produits majoritaires [151]. Il s’agit du 6-monoacide du saccharose (6- MAS) issu de l’oxydation du carbone en position 6, et de 1’-monoacide du saccharose (1’-MAS) issu de l’oxydation du carbone en position 1’ (Schéma 11). Des sous-produits issus de la rupture de la liaison C-C ont également été identifiés. Les sélectivités et les taux de conversion sont dépendants de la nature de l’électrode. Récemment, des études ont été menées avec des nanoparticules de Cu par Jafarian et al. [153], et de Ni par Ganesh et col. [150]. Dans les deux cas, l’électrooxydation se déroule à très hauts potentiels (1,4−1,6 V vs. ERH), ce qui du point de vue pratique en PAC n’a aucun avantage par rapport à Pt, Au voire Pd. La synthèse de nanocatalyseurs bimétalliques à base de ces derniers matériaux devrait permettre d’améliorer la cinétique réactionnelle.