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Encart : Une Histoire des Sciences Naissance et évolution de l’Électrochimie

CHAPITRE I : ÉTUDE BIBLIOGRAPHIQUE

I.8. Encart : Une Histoire des Sciences Naissance et évolution de l’Électrochimie

D’aucuns se demanderaient pourquoi faire de l’histoire dans un travail de recherche dans le cadre d’une thèse de Doctorat en Chimie ? À cette question, B. Trémillon dans la préface De

la pile de Volta à la conquête de l’espace : deux siècles d’électrochimie (1799‒1999) répond par

la phrase suivante : « Il me paraît impossible d’acquérir la maîtrise d’une discipline scientifique sans avoir complété sa connaissance théorique et pratique par une approche historique et épistémologique, qui fait prendre conscience des voies par lesquelles cette discipline s’est peu à peu constituée » [16]. Aussi, le Prix Nobel de Chimie 1909, W. Ostwald (1853‒1932) consacre- t-il un chapitre entier à défendre ce qui pour lui est l’histoire des sciences physiques et naturelles dans « l’Évolution de l’Électrochimie » [194]. Nous avons effectué une thèse en Chimie dans la spécialité de l’Électrocatalyse — sous-domaine de la Catalyse. Cette dernière étant l’une des nombreuses applications de l’Électrochimie. Sur le site officiel du Prix Nobel, on peut lire : « The Nobel Prize in Chemistry 1909 was awarded to Wilhelm Ostwald, in recognition of his

work on catalysis and for his investigations into the fundamental principles governing chemical equilibria and rates of reaction » [194]. C’est dire que, si le lauréat de la plus prestigieuse des

récompenses, le premier dans le domaine de la catalyse, a pensé à nous léguer un héritage sur l’histoire de l’Électrochimie, il nous appartient d’en faire de même, même si le cadre n’est pas très propice. De facto, nous exposerons de façon chronologique dans cette section, un bref aperçu des origines de la Chimie ainsi que la naissance et l’évolution de l’Électrochimie.

Étymologiquement, l’Électrochimie procède de la rencontre entre la Chimie d’une part et de la Physique (via électricité) d’autre part. Et faire l’histoire de l’Électrochimie, revient à faire celle de la Chimie. Le Schéma 16 présente de façon générale la genèse de l’Électrochimie. Bien qu’il soit difficile de situer avec précision la naissance de la Chimie, tous les historiens des sciences s’accordent à prendre le IIIe s. comme base originelle. Avant cette époque, il est bien

clair que ce que nous appelons aujourd’hui « Chimie » soit pratiquée d’une façon ou d’une autre. Le choix du IIIe s. comme naissance du terme « Chimie » est dû au fait que c’est à ce moment que Zosime — Zosime le Panopolitain — mentionna pour la première fois le terme « Chemmis » [195]. Ce terme va évoluer progressivement pour aboutir à la « Chimie ». Selon de nombreux historiens des sciences, l’Alchimie est la Chimie du Moyen Âge (VIe‒XVIe s.). En effet, l’addition du préfixe « al » au mot « Chemmis » a donné « Alchemy ». Et ce sont les latins qui remplaceront la lettre « y » par un « i », d’où le nom d’Alchimie puis de Chimie et le terme va garder son sens d’« art sacré ».

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Schéma 16. Diagramme général de la genèse de l’Électrochimie.

Un seul objectif gouvernait le travail des alchimistes — pratiquants de l’Alchimie. Il était question de la découverte de la pierre philosophale, laquelle devrait transmuter les métaux en or et de facto procurer richesse ou encore procurer longue vie, jeunesse et santé voire l’immortalité. Aujourd’hui, la Chimie est une science universelle à l’opposé de l’Alchimie qui a été une pratique sécrète, hermétique, avec des penchants pour la magie, et réservée à un nombre restreint d’initiés. Au XVIe s. — siècle du renouveau — l’Alchimie prend un autre nom, celui de « Chemy ». On le doit à Théophraste Bombast von Hohenheim dit Paracelse (1493‒1541), créateur de la Chimie Pharmaceutique douce et de la Toxicologie, il est considéré comme l’un des plus grands médecins de tous les temps. Alchimiste et médecin suisse, il est le fondateur de l’iatrochimie ou chimiatrie — théorie d’après laquelle tous les phénomènes physiologiques et pathologiques sont dus à des réactions chimiques. À cette même époque, Andreas Libavius (1550‒1616) établit un premier classement des métaux en deux catégories, les vrais métaux (or, argent, fer, étain, cuivre, plomb) et ce qu’il appelle « demi-métaux » (antimoine, arsenic, zinc, bismuth). Pour lui, seule une approche mécanistique pouvait interpréter une réaction chimique. Voyons par exemple ce qu’il écrivait à propos de l’eau régale [196] et de l’or : Si l’or est attaqué

par l’eau régale, c’est que les particules d’eau régale présentent des pointes qui usent l’or. On ne peut me contester que l’acide ait des pointes, il suffit de le goûter pour en constater qu’il fait des picotements sur la langue [195]. On sait aujourd’hui bien sûr que l’acide n’a aucune pointe.

Néanmoins, les interprétations que ces illustres prédécesseurs donnaient des observations étaient à la mesure des moyens dont ils disposaient.

La Chimie dont le premier cours inaugural en France n’eut lieu que le 23 juillet 1648 et assuré par le chimiste William Davison (1593‒1669) est un corollaire du développement induit par les figures emblématiques telles que Galilée (1564‒1642), Descartes (1596‒1650), Newton (1642‒1727). La nomenclature chimique actuelle fit ses premiers pas lorsque Jacob Berzélius (1779‒1849) préconisa l’usage d’une lettre ou d’un groupe de deux lettres pour « figurer » les éléments. En cette fin du XVIIIe s., on tend vers la naissance de l’Électrochimie. Le 20 mars

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1800, un physicien italien, jusqu’alors méconnu sur la scène scientifique internationale, présenta une communication à propos d’une pile électrique à la prestigieuse Royal Society de Londres. Il s’agissait d’Alessandro Giuseppe Antonio Anastasio Volta (1745‒1827). En effet, dans une lettre en français datée du 20 mars 1800 adressée au président de la Royal Society, Volta parle de l’invention de la pile voltaïque qu’il a mise au point trois jours plus tôt (17 mars). Le 1er janvier,

un article paru dans le prestigieux magazine Philosophical Transactions of the Royal Society of

London était signé par Volta [197]. Cette invention va être le moteur d’innombrables avancées

scientifiques et/ou techniques [16] à tel point qu’elle fut surnommée la « Pile Volta ». Avec la découverte de « l’électricité animale » de son compatriote Luigi Galvani (1737‒1798), point de départ pour Volta, elle figure aujourd’hui parmi les 10 plus belles expériences scientifiques publiées par le journaliste scientifique américain George Johnson [198]. C’est en reconnaissance de cette prouesse que l’unité internationale de la tension électrique lui a été dédiée : Volt. Ainsi, les jalons d’une sous-discipline de la Chimie naissaient. Discipline (Électrochimie), qui en deux siècles, a permis la conquête de l’espace selon les termes de P. Bianco [16].

Utilisé pour la première fois en 1597 par le chimiste et médecin allemand Andreas Libavius (1550‒1616), le mot « catalyse » tombe très vite dans l’oubli. Et c’est Berzélius qui a été le premier à donner une définition au mot « catalyseur » dès 1835 au moment où il s’intéressait de près au problème de la catalyse. Pour lui, un catalyseur est ce qui réveille les

affinités assoupies des réactifs […] sans prendre part directement à la réaction chimique. Si la

première partie de cette définition n’est pas correcte chimiquement parlant, la deuxième partie quant à elle est admise jusqu’aujourd’hui. En 1791 naquit celui qui va poser les bases de l’Électrochimie. Il s’agit en l’occurrence de Michael Faraday (1791‒1867). Il est considéré comme le père du vocabulaire électrochimique. Non seulement il énonça les lois d’électrolyse de solutions de composés chimiques, appelés aujourd’hui « Lois de Faraday » en 1833, mais il créa aussi une nouvelle nomenclature systématique pour désigner les phénomènes et l’appareillage électrochimiques. Nous lui devons les noms électrode, électrolyte, anode, cathode, anion,

cation…[16,194,195,199,200].

Maintenant que nous savons d’où vient cette nouvelle science si fascinante, intéressons- nous de près à sa fulgurante évolution depuis 1800. Née à la fin du XVIIIe s. à travers les expériences de L. Galvani et vulgarisée par la fameuse pile Volta, l’Électrochimie a connu une évolution fulgurante ces dernières décennies. Le Tableau 4 ci-après résume la chronologie de quelques évènements importants dans l’histoire de l’Électrochimie durant la période de 1791 à 1974. Une chronologie mieux détaillée est reportée à l’Annexe A3.

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Tableau 4: Chronologie de quelques évènements majeurs associés aux savants pionniers dans l’histoire de l’Électrochimie durant la période de 1791 à 1974 [2,13,16,194,197,199-201].

1791 1800 1807 1833 1836 1839 1889 1922 1948 1974 Élec- tricité animale Pile Volta Théorie de l’élec- trolyse Vocabu- laire & 1ère loi quanti- tative Pile Daniell Pile à com- bustible Loi de

Nernst Polaro-graphie

Voltam- métrie cyclique Pile au lithium

Galvani Volta Davis Faraday Daniell Grove Nernst Heyrovsky

Randle &

Sevčik Whittingham

Johann Wilhelm Ritter (1776‒1810), premier scientifique à reconnaître, avant l’invention de la pile Volta, la connexion existante entre les phénomènes chimiques et ceux électriques est considéré comme le père fondateur de l’Électrochimie. Ritter a été le premier à construire la pile dite sèche (1802), dont il donna une théorie exacte à l’opposé de certains savants qui arrivent difficilement à coupler les deux aspects, théorique et pratique. Comme on peut le constater, Ritter n’est pas un chimiste, c’est un physicien et philosophe allemand. C’est dire que même si aujourd’hui l’Électrochimie est classée comme une sous-discipline de la Chimie, elle a été bâtie en majorité par des physiciens.

Après la mise au point de la pile Volta, l’Électrochimie connaîtra un nouvel essor. Désormais, par le biais de l’association de plusieurs piles Volta « en série », on n’est plus limité par le seuil de détection des phénomènes. Les expériences pullulent par-ci, par-là. Pour certains, c’est un passe-temps. Trente-six ans après la mise au point de la pile Volta, une autre pile prit le devant de la scène. Il s’agit en l’occurrence de la pile Daniell construite par John Frederic Daniell (1790‒1845) et faite d’électrodes en cuivre et en zinc [201]. En 1839, Sir William Robert Grove (1811‒1896) construisit la première pile à combustible (voir I.1.2). Actuellement, dans tout travail d’Électrochimie, on utilise toujours l’expression « potentiel standard ». C’est le physicien et chimiste allemand Walther Hermann Nernst (1864‒1941), lauréat du Prix Nobel de Chimie 1920 qui en est promoteur avec la désormais « loi de Nernst ». La voltammétrie cyclique qui est devenue aujourd’hui l’outil de travail quotidien des électrochimistes a été développée en 1948 de façon indépendante par John Edward Brough Randles (1912‒1998) et par A. Sevčik (1926–2006). En travaillant pour Exxon dans les années 1970, Michael Stanley Whittingham (1941‒) a mis au point une nouvelle génération de piles. Il est question de la naissance de la pile au lithium communément appelée batterie au lithium-ion, selon un article publié dans le

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magazine Science en 1976 [2]. Il faut signaler également certains noms de la science qui ont contribué de près ou de loin au développement de l’Électrochimie. Nous citerons en premier lieu celui qui est unanimement considéré comme le père de la Chimie moderne, Antoine Laurent de Lavoisier (1743‒1794) avec son célèbre Traité élémentaire de chimie de 1789 [202]. Les autres noms qui nous viennent en mémoire sont les britanniques Joseph Priestley (1733‒1804) et Henry Cavendish (1731‒1810). Une énorme controverse existe de nos jours à propos de la paternité sur la découverte de l’oxygène entre Lavoisier, Priestley et Carl Wilhelm Scheele (1742‒1786). D’après nos investigations, tantôt elle revient à Lavoisier pour des auteurs francophiles, tantôt à Priestley ou Cavendish si les auteurs sont anglophiles. Rappelons un peu les faits. En 1772, Scheele découvre l’oxygène à Uppsala. Priestley lui, montra le 1er août 1774 en Wiltshire qu’en chauffant dans un récipient en verre de l’oxyde de mercure à l’aide d’une grosse lentille, on obtenait un gaz insoluble dans l’eau qui rendait la flamme plus brillante et rallumait un morceau de bois en ignition (presqu’éteinte). Ce sont précisément les propriétés typiques de l’oxygène, du moins tel que c’est enseigné aujourd’hui au collège. Publiant en 1777 son Traité chimique de

l’air et de feu et craignant d’être accusé de plagiat, il affirme avoir fait les découvertes entre

1771‒1772. Mais en 1777, Lavoisier en préconisant l’emploi de la balance dans les laboratoires établit la composition de l’air à Paris. Si Priestley se défend d’avoir pris connaissance de la découverte du savant suédois avant la sienne, Lavoisier lui par contre serait au courant de celle de Priestley avant d’exécuter ses travaux. En effet, Priestley prétendit que Lavoisier n’a fait que reproduire ses travaux qu’il avait exposés lors d’un déjeuner chez celui-ci en présence d’autres savants français, au cours d’un voyage à Paris comme le rapportent Ostwald et Wojtkowiak [194,195]. Il est certain qu’en 1773, Priestley alors secrétaire et compagnon de voyage du comte de Shelburne était de voyage sur Paris. Ostwald rapporta en 1912 dans son livre [194] que la femme de Lavoisier — Marie-Anne Pierrette Paulze, qui maîtrisait parfaitement l’anglais et que Lavoisier qualifiait d’épouse modèle — questionna Priestley sur les détails de ses expériences. Le 26 avril 1775, Lavoisier fit sa célèbre communication à l’Académie des Sciences de Paris sur

la nature du principe qui se combine aux métaux au cours de leur calcination en augmentant leur poids. Il convient de signaler l’humilité de Lavoisier quand il publia ses résultats. En effet,

dans son Traité élémentaire de chimie paru en 1789, on peut lire en toute simplicité : « Cet air que nous avons découvert presqu’en même temps, Priestley, Scheele et moi-même… » Semblerait-il qu’un certain chimiste et pharmacien militaire français du nom de Pierre Bayen (1725‒1798) ait obtenu au début de 1774 — quelques mois avant Priestley — les mêmes résultats que Priestley. Malheureusement, moins connu sur la scène internationale que les autres « challengers », il ne figure presque pas dans les manuels d’histoire des sciences. Quand on analyse de près les différents résultats et les interprétations, la paternité de la découverte

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reviendrait de droit à Lavoisier d’autant plus que le nom actuel d’« oxygène » vient de lui. Priestley, lui, était fourvoyé dans les méandres de la théorie du phlogistique à tel point qu’il le nomma « air déphlogistiqué ». Encore une fois, c’est Lavoisier qui, grâce à une méthodologie rigoureuse apporta de façon qualitative et quantitative la lumière sur « ce mensonge scientifique » vieux de plusieurs siècles, appelé le phlogiston. Ainsi a évolué l’Électrochimie jusqu’au début de ce XXIe s.

Intéressons-nous un peu aux différentes applications de l’Électrochimie. Ses grands sous- domaines sont : l’Électrochimie Analytique, l’Électrochimie Physique, l’Électrochimie Organique (électrosynthèse organique), l’Électrocatalyse, l’électrodéposition de métaux et, la production et le stockage d’énergie [203]. Forte de cette diversité, l’Électrochimie occupe une place importante dans l’industrie actuelle [16,194,204]. Depuis ses premiers pas, la première conséquence directe fut la préparation des composés inorganiques et/ou organiques — dichlore, difluor, aluminium, sodium, lithium, adiponitrile entre autres. Cela s’appelle de l’électrosynthèse. En métallurgie, on aura l’électrodéposition — zinc, argent, or, platine — de l’électro-raffinage (Cu), l’usinage électrochimique, lutte contre la corrosion — cataphorèse pour la protection des châssis de voitures. Un des domaines de prédilection est le stockage et la conversion de l’énergie — pile, accumulateurs, piles à combustible, cellules photovoltaïques. Dans une pile à combustible avec un combustible (glycérol, glucose…) dont les produits d’oxydation sont des produits à haute valeur ajoutée, l’on va produire de l’énergie électrique et des produits organiques pour alimenter la Chimie fine (industries pharmaceutiques, agro- alimentaires). C’est ce que l’on appelle communément de la cogénération. Ce sujet de thèse se situe justement au niveau de la production d’énergie via une biopile hybride (voir § I.1.3). Un nouveau domaine en plein essor est l’environnement — dessalement de l’eau de mer, destruction de polluants dans les effluents, purification des eaux, traitement des déchets ménagers [205,206]. L’éminente évolution de l’Électrochimie a abouti aux différentes classes de générateurs d’énergie (voir § I.1), depuis leur ancêtre, la pile Volta.

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CHAPITRE II : PROTOCOLES