• Aucun résultat trouvé

I - Les voies de recours contre les jugements rendus par des tribunaux

Dans la jurisprudence du Consulat, le contentieux relatif aux voies de recours ordinaires contre des jugements rendus en premier ressort par des tribunaux étatiques sont au nombre de deux, l'opposition et l'appel. L'opposition est la voie de recours spéciale contre les jugements rendus par contumace ou par défaut, c'est-à-dire en l'absence du défendeur. L'appel est une voie de recours générale contre les jugements contradictoires.

Une première affaire qui oppose le capitaine James Scheal, de nationalité anglaise au négociant Jacques Paul et compagnie illustre l'exercice de cette voie de recours par le défendeur défaillant. Le Consulat, en désaccord avec l'opinion du procureur, déclare irrecevable cette voie de recours. Dans ses conclusions en date du 6 décembre 1816740, le procureur général du commerce Verani, interrogé sur le point de savoir si l'instance initiée par le négociant Paul, de purger la contumace,

pagate pria le contumaciali spese, contre la sentence rendue en date du 28 novembre 1816 est

recevable, rappelle les faits et la procédure. Selon sentence du Consulat du 28 novembre 1816741, le négociant Jacques Paul, contumace, a été déclaré tenu, en sa qualité de consignataire d'une charge de grain transportée d'Odessa en Russie dans ce port par le capitaine James Scheal, pour le compte de la société de commerce Ogilvie e Budd à Marseille, au paiement en faveur du capitaine anglais du fret porté par le contrat d'affrêtement. Suite à la signification de la sentence le défendeur Paul comparaît et demande, dans le contradictoire du 4 décembre 1816, d'être entendu, nonobstant la sentence rendue en contumace, pour des exceptions qui selon lui peuvent être opposées contre la demande du capitaine, moyennant le paiement offert au comptant des dépens de la contumace. Le capitaine s'y oppose car s'agissant d'une sentence rendue par le Consulat, magistrat suprême, il ne peut donc plus être entendu sauf s'il obtient de S.M. la restitution en temps742.

Le procureur Jean-Baptiste Verani croit décisif de se reporter aux patentes royales du 5 avril 1816743, lesquels disposent qu'au regard des sentences et ordonnances proférées par les Consulats, le débiteur condamné en contumace, qui estimera avoir des justes raisons, pourra être entendu et

740 ADAM, 6 FS 137 n°58.

741 ADAM, 6 FS 10 n°41.

742 Leggi e Costituzioni..., op. cit., L. III, tit. 5 « De la manière de procéder en contumace », §8 : « Les sentences qui auront été rendues en contumace, seront intimées de la même manière prescrite pour les ajournemens, [...] mais si elles ont été prononcées par un Magistrat suprême, il ne pourra être ouï qu'après qu'il en aura obtenu de Nous la restitution en entier dans le terme de cinquante jours, et néanmoins il sera toujours tenu par un préalable au payement des dépens. » tit. 27, De la prorogation des délais et des Restitutions en entier.

743 Regi Editti, Patenti..., op. cit., 1816, La patente s'intitule ainsi, Regie patenti colle quali S.M. prescrive l'osservanza in

tutti suoi Stati di Terra-ferma dell'annessa Tariffa pei dritti d'Emolumento delle sentenze, tanto dei Magistrati Supremi, che degli altri Magistrati, Giusdicenti, e Delegati. Le procureur Verani se réfère précisément aux §§ 5 et 7, du chapitre 5

comparaitre s'il demeure dans la ville où réside le Consulat dans le délai de 5 jours. Verani remarque que dans le cas concret, la sentence rendue en contumace a été signifiée à Paul le 29 novembre 1816, et ce dernier a comparu le 4 décembre pour être entendu. Le délai de cinq jours fixé par les patentes royales, le sieur Paul résidant dans cette ville de Nice, est ainsi respecté. Le défendeur Jacques Paul est donc, selon le procureur Verani, en droit et en temps d'être entendu contre la sentence rendue par contumace.

La cause revient devant le Consulat dans sa formation en corps, et la sentence en date du 7 décembre 1816744, dont Arnaud di Castelnuovo est le juge rapporteur, ne suit pas les conclusions du procureur. En effet, la sentence indique dans ses motifs qu'il ne s'agit pas en l'espèce d'une sentence définitive réellement rendue en contumace et fondée uniquement sur celle-ci, mais plutôt d'une sentence prononcée avec une pleine connaissance de la cause. En conséquence le défendeur ne peut plus être entendu et comparaître. Cela car le juge « functus est officio suo745». Ainsi le défendeur Jacques Paul ne peut se prévaloir d'aucune autre voie de recours que de celle de la révision, s'agissant d'une sentence rendue par un magistrat suprême746.

Une autre affaire relative à la faillite se rapporte à la voie de l'opposition. Cette affaire que nous avons déjà évoquée à plusieurs reprises747, oppose François Novaro et Jean Roggero à Dominique et Bartholomé Ardoino, Charles Seretti et Dominique Calzamiglia tous de Diano Marina. Le substitut du procureur, Hugues doit émettre des conclusions sur la nullité opposée par les appelants contre deux ordonnances rendues par le Tribunal de préfecture d'Oneglia les 9 et 31 décembre 1834. Cette nullité proviendrait de la pendance du jugement d'opposition à la sentence du 17 octobre dernier, qui déclare Novaro en état de faillite, celle-ci faisant obstacle à tout acte ultérieur et à la nomination des syndics provisoires.

744 ADAM, 6 FS 10 n°45.

745 CARRÉ (G. L. J.), Traité des lois de l'organisation judiciaire et de la compétence des juridictions civiles, Paris, Delamotte, 1839, vol. 4, p. 33 : « [...] le juge d'exception doit conserver l'exécution de ceux de ses jugements qui n'ont pour but que de mettre l'affaire qui lui est soumise en état de recevoir décision sur le fond (nondum judex officio suo

functus est) ; et qu'au contraire ce dernier jugement rendu l'exécution ne lui en appartienne plus, parce que sa tâche est

accomplie, et qu'une fois qu'il a prononcé selon les formes particulières affectées à sa juridiction, et d'après les principes du droit spécial dont l'application lui est confiée, les parties rentrent sous l'empire du droit commun ».

Cette maxime provient du droit romain, L. 55 ff. de re jud. Et hoc jure utimur ut Judex qui semel vel pluris vel minoris

condemnavit; amplius, corrigere sententiam non possit. Semel enim seu male sue bene functus est officio suo. Et sans

doute aussi du droit ecclésiastique, Alexand. III, cap. in litteris. extra, de Offic. et potest. judicis delegati. « consultationi

tuae taliter respondemus, quod ex quo judex delegatus per se, vel per alium, sententiam executioni mandavit, vel mandari praecepit, ejus autoritas et jurisdictio cessat: quia femel est officio suo functus ». tiré des Loix ecclésiastiques de France,

Louis de Héricourt, p. 67. §XV, comment finit le pouvoir du délégué? « aussitôt après que le Délégué a fait exécuter son jugement, ou délivrer les ordres pour le faire exécuter, son pouvoir expire ; et s'il survient dans la fuite quelque contestation sur le jugement, elle doit être portée devant le juge ecclésiastique ordinaire ».

746 Leggi e Costituzioni..., op. cit., L. III, tit. 27, § 2 : « Il n'est permis à personne d'appeller des arrêts de nos Magistrats suprêmes ; on pourra seulement recourir à Nous [...]. »

Sur ce motif, Hugues indique que selon l'article 457748 du Code de commerce français, la sentence qui déclare la faillite est bien susceptible d'opposition mais elle doit néanmoins recevoir son exécution provisoire. Ainsi même si une opposition a été formée, la nomination des syndics provisoires devait avoir lieu. Le substitut conclue donc au rejet de la nullité, avis suivi par le Consulat, qui dans sa sentence du 21 janvier 1836749, déclare que les motifs de nullité proposés par les appelants Novaro et Roggero ne font pas obstacle à l'ordonnance du Tribunal de préfecture d'Oneglia du 9 décembre 1834.

La demande en nullité d'une sentence ne peut se faire que par la voie de l'appel. L'affaire qui oppose le négociant de Porto Maurizio, César Bartholomé Restano à Catherine Ardisson, veuve de Stéphane Conio de San Stefano di Mare en est une illustration. L’appelant soutient notamment que le Tribunal de commerce de San Remo n’avait pas la faculté de statuer sur le recours en nullité proposé par la veuve Conio. Sur ce point, l'Uffizio, dans ses conclusions en date du 8 janvier 1839750 est aussi de l'avis que la sentence du tribunal, qui a statué sur cette nullité est contestable. En effet l'autre sentence du 23 août 1827 a statué en contradictoire des parties en cause, il ne restait donc à la partie succombante que la voie d'appel au juge supérieur afin de faire annuler les effets de la sentence (la somme dont s'agit rendant de plus possible la voie d'appel). Dorénavant, seul pourrait avoir lieu le recours en révision, et ce aux termes des lois en vigueur, car la même question a été jugée de la même manière « ed avesse quindi percorso i richiesti gradi di giurisdizione. » La demande de la veuve Conio, proposée sur un jugement de première instance, n'était donc pas recevable et le tribunal de commerce l'ayant accueillie selon sentence de 1831, a outrepassé la faculté, qui est la sienne selon la réglementation, la sentence est en conséquence innéficace car elle s'est prononcée sur le même jugement. Cet avis du substitut est repris par le Consulat dans la sentence du 8 avril 1839751.

Outre les voies de recours contre des jugements rendus par des tribunaux étatiques, se pose surtout la question de celles contre des sentences arbitrales.

748 « Le jugement sera affiché, et inséré par extrait dans les journaux, suivant le mode établi par l'article 683 du Code de procédure civile. Il (le jugement déclarant la faillite) sera exécutoire provisoirement, mais susceptible d'opposition ; savoir : pour le failli, dans les huit jours qui suivront celui de l'affiche ; pour les créanciers présents ou représentés, et pour tout autre intéressé, jusques et y compris le jour du procès-verbal constatant la vérification des créances ; pour les créanciers en demeure, jusqu'à l'expiration du dernier délai qui leur aura été accordé ».

749 ADAM, 6 FS 15 n°769.

750 ADAM, 6 FS 140 n°102.