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L'affaire qui oppose Jean-Baptiste Cassini à Laurent Cassini et Pierre Borgogno, tous domicilés à Perinaldo en est un exemple.

Le Consulat dans la sentence du 23 janvier 1840551 et suivant les conclusions du procureur Verani, rejette les motifs de nullité contre ladite sentence opposés par l'appelant Jean-Baptiste Cassini. Dans ses conclusions du 28 février 1838552, le procureur Verani rappelle liminairement les faits et la procédure. Laurent Cassini et Pierre Borgogno ont actionné Jean-Baptiste Cassini devant le Tribunal de commerce de San Remo afin de nommer des arbitres pour procéder à la liquidation de la société existant entre eux. L'objet de cette société est l'achat et la trituration553 des olives à Perinaldo, olives provenant de la récolte réalisée au cours des années 1835 à 1836. L'appelant Jean-Baptiste Cassini a été établi chef et administrateur de cette société. La nomination d'arbitres s'est réalisée selon ordonnance du Tribunal de commerce de San Remo du 6 juillet 1837, en la personne de Joseph Demarchi et Antoine Rambaldi de la même ville. Leur mission est de connaitre et définir

unitamente dans le terme de 40 jours de toutes les contestations survenues, ou qui pourront s'élever

relativement à la société, et ce aux termes de l'article 51554 du Code de commerce français. La sentence des arbitres est rendue le 6 novembre 1837, et son exécution est ordonnée selon décret du 16 novembre par le président du Tribunal de commerce de San Remo. Le décret condamne Jean-Baptiste Cassini au paiement de la somme de 501,40 lires envers les sieurs Cassini et Rambaldi,

congiuntamente a caduno pour la quotité qui y est exprimée, avec les intérêts partant du jour de la

demande et les dépens fatte e da farsi. Cette sentence a été notifiée le 1er décembre 1837 par l'huissier Ansaldi sur les ordres des sieurs Cassini et Rambaldi à l'appelant. Celui-ci obtient du Consulat, le 8 janvier 1838, des lettres d'appel et de citation, afin que la sentence arbitrale et l'ordonnance d'exequatur soient circonscrites, car irrégulières et nulles, ou à tout le moins pour en obtenir réparation, celles-ci lui faisant grief, question que nous n'examinerons pas ici.

Ainsi selon decreto di voto du Consulat en date du 23 août 1838, l'uffizio du procureur général du commerce est appelé à émettre des conclusions sur les points de nullité excipés dans ce recours et dans ces actes d'appel. Verani pense que ces nullités doivent être examinées, a scanzo di

551 6 FS 16 n° 1017 La sentence rejette les motifs de nullité opposés à la sentence et prononce avoir bien jugé la sentence et mal appelé Cassini, confirmant la sentence, elle remet la cause et les parties devant le Tribunal de commerce de San Remo pour son exécution, condamnant l'appelant aux dépens, dommage et à une amende de deux écus. Le juge rapporteur de l'affaire est Raimondi.

552 ADAM, 6 FS 140 n° 101.

553 La trituration est l'opération qui consiste à extraire l'huile des olives.

554 Code de commerce..., op. cit., « Toute contestation entre associés, et pour raison de la société, sera jugée par des arbitres ».

preposterazione, soit dans un certain ordre. En premier lieu l'appelant soutient que l'arbitrage

n'aurait pas été ordonné en temps utile, mais après le terme des trois mois établi par l'article 1012555

du Code de procédure civile français. En second lieu, l’appelant fait valoir que la sentence arbitrale n'aurait pas été déposée au secrétariat dudit Tribunal de commerce de San Remo dans le terme de trois jours dalla sua prolazione, et ce contre l'article 1020556 du même code. En troisième lieu, la sentence arbitrale en question aurait un vice de forme, le fait, les instances respectives des parties et leurs observations n'étant pas contenus dans la sentence arbitrale. Ce troisième motif sera examiné plus tard car c'est un acte de pure juridiction. Enfin en quatrième lieu, la nullité est alléguée pour défaut de procès-verbal de l'examen des témoignages produits.

Le procureur Verani indique que pour l'examen de ces diverses nullités, il est utile de souligner que, malgré la complexité des nombreux jugements divergents des cours souveraines françaises sur l'arbitrage, et Verani met entre parenthèses qu'ils sont les légitimes interprètes de leur législation, émerge « la sana norma » selon laquelle les dispositions du Code de procédure civile sur les arbitrages sont d'application générale aux arbitrages commerciaux et même à ceux qui sont forcés entre les associés557. Il est vrai que moins d'attention est portée à ceux-ci, fait remarquer Verani, dans la mesure où des variations ou des dérogations ont été apportées avec le Code de commerce. Mais l'appelant se trompe en isolant des articles du Code de procédure civile sur ses nullités invoquées sans les mettre en rapport avec les dispositions du Code de commerce.

Cela étant dit, Verani se penche alors sur l'examen des nullités. La première de celles-ci lui apparait peu fondée, étant donné qu'il résulte de la sentence arbitrale (et sans contradiction de l'appelant sur ce point) que les arbitres ont accepté le compromis du 6 octobre 1837 et que les parties ont procédé devant eux les 19 et 30 octobre de la même année. Par conséquent, la sentence du 6 novembre 1837 a été proférée dans le terme des 40 jours fixés par les parties dans le compromis du 6 juillet. Verani souligne que la règle est celle suivant laquelle le terme commence à courir du jour auquel les parties terminent leur incumbenti, ce qui implique de leur part une tacite prorogation. C'est donc une vraie velléité pour Verani de dire que l'arbitrage fut proféré après le terme des trois mois, établi

555 CPC..., op. cit., « Le compromis finit [...] 2°) par l’expiration du délai stipulé, ou de celui de trois mois, s’il n’en a pas été réglé [...] ».

556 Ibid., « Le jugement arbitral sera rendu exécutoire par une ordonnance du président du tribunal de première instance dans le ressort diquel il a été rendu : à cet effet, la minute du jugement sera déposée dans les trois jours, par l'un des arbitres, au greffe du tribunal. S'il avait été compromis sur l'appel d'un jugement, la décision arbitrale sera déposée au greffe du tribunal d'appel, et l'ordonnance rendue par le président de ce tribunal. [...] ».

557 DALLOZ (M.), Jurisprudence générale du royaume, en matière civile, commerciale et criminelle, Paris, Imprimerie de J. Smith, 1824, t. 1, V° « arbitrage » p. 723 : Arrêt de la Cour de Cassation du 22 avril 1823 : « [...] Attendu que les dispositions du code de procédure civile sont applicables aux tribunaux de commerce, lorsqu'il n'y a pas été dérogé par le code commercial

par l'article 1012 du Code de procédure civile, alors que l'article 54558 du Code de commerce, donc postérieur au Code de procédure civile, dispose que le terme est fixé par les parties.

De même pour le second motif de nullité, indique le procureur Verani, car selon la maxime, la sentence des arbitres, même volontaires, n'est pas nulle car non déposée auprès du Tribunal dans les trois jours qui suivent son prononcé. Ceci est conforme à l'article 1020 du Code de procédure civile, la loi ne sanctionnant pas explicitement une telle nullité559, ni même virtuellement remarque Verani car le retard de ce dépôt, indépendant de la volonté des arbitres ou des parties, n'influence pas la substance du laudo, du jugement arbitral . Ensuite, est encore moins nulle la sentence des arbitres forcés entre associés de commerce, vu que la disposition du dépôt dans les trois jours n'est pas répétée dans l'article 61 du Code de commerce, se limitant à prescrire que le président du Tribunal de commerce est tenu de la rendre exécutoire dans les trois jours après son dépôt au secrétariat.

Enfin, quant au quatrième motif de nullité, c'est-à-dire le défaut d'examen écrit des témoignages ; Verani indique qu'un tel motif de nullité tendrait à rendre caduc son propre examen, pourtant réalisé selon la même forme et auquel l'appelant a implicitement adhéré. Est ainsi sanato le vice. Le procureur Verani remarque ensuite que ce soi-disant défaut d'examen écrit est une futilité car la lecture du jugement arbitral montre que les dépositions des témoins produites hinc inde560 y sont analysées. Par conséquent, le dispositif des articles 407561 et 432562 du Code de procédure civile, qui vient soumettre les arbitrages forcés entre associés de commerce a bien été observé.

En somme, souligne Verani, il résulte de l'économie de ces deux codes, Code de procédure civile et Code de commerce, que les arbitrages forcés sont exempts des formalités qui viennent d'être énoncées. L'article 1009 du Code de procédure civile pour les arbitrages volontaires, précise-t-il encore, dispose certes que les parties et les arbitres suivront dans la procédure les délais et formes établies pour les tribunaux, mais que cette disposition ne s'applique pas aux arbitrages forcés. L'article 56 du Code de commerce, souligne Verani, dispose quant à lui que les parties remettront

558 Code de commerce..., op. cit.,

559 BIOCHE (Ch.-J.-A.), Dictionnaire de procédure civile et commerciale..., op. cit., V° « Arbitrage », sect. 11, §1, n°426-427, p. 394 : L'article 1020 du Code de procédure civile ne prescrit pas les formalités à peine de nullité. Le dépôt peut avoir lieu après les trois jours ; peu importe qu'il s'agisse d'arbitrage forcé ou volontaire. L'auteur donne de nombreuses références jurisprudentielles.

560 Expression latine signifiant, de part et d'autre.

561 CPC..., op. cit., tit. 14 Des matières sommaires : « S'il y a lieu à enquête, le jugement qui l'ordonnera contiendra les faits, sans qu'il soit besoin de les articuler préalablement, et fixera les jour et heure où les témoins seront entendus à l'audience. »

562 Ibid., tit. 15 Procédure devant les tribunaux de commerce : « Si le tribunal ordonne la preuve par témoins, il y sera procédé dans les formes ci-dessus prescrites pour les enquêtes sommaires. Néanmoins dans les causes sujettes à appel, les dépositions seront rédifées par écrit par le greffier et signées par le témoin ; en cas de refus, mention en sera faite. »

leurs titres et mémoires aux arbitres, « senza alcuna formalità di giustizia. »563 Cela semble indiquer que les témoins devront aussi être présentés de cette manière, sans obligation de leur part d'un examen juré.

L'Uffizio conclue donc ainsi : les motifs de nullités invoqués par l'appelant Jean-Baptiste Cassini ne font pas obstacle à la sentence arbitrale du 6 novembre 1838 et à l'ordonnance d'exequatur du 16 novembre de la même année avec condamnation de l'appelant aux dépens. Ces conclusions du procureur Verani sont reprises dans les motifs de la sentence du Consulat du 23 janvier 1840.