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Sur l'aspect matériel d'abord. La preuve par témoin est admise lorsqu'il s'agit de prouver la qualité de négociant de l'une des parties, comme l'indiquent d'ailleurs les Royales Constitutions627. L'affaire opposant Jean-Baptiste Sicardi de Verezzo au négociant Bernard Cassini de San Remo en est une illustration. Le juge Mars, dans sa sentence du 19 octobre 1826628 indique avoir rejeté les

625 ADAM, 6 FS 14 n°638.

626 ADAM, 6 FS 16 n°1141.

627 Leggi e Costituzioni..., op. cit., L. II, tit. 16, chap. 2, §24 : « Lorsqu'il s'agira, tant par devant le Consulat que par devant les autres tribunaux, de quelques créances des marchands, banquiers et négocians, pour vente de marchandises, ou qui proviendront autrement du commerce, même entre négocians et autres qui ne le sont pas, il suffira de rapporter des preuves sommaires qu'on fera par l'audition de deux, ou d'un plus grand nombre de témoins, partie appelée, pour justifier qu'ils sont banquiers, marchands ou négocians, et par conséquent de ceux qui sont soumis à la juridiction du Consulat. »

exceptions de nullités pour incompétence, car « al dire dei testimoni » entendus dans la cause, l'appelant faisait des opérations et négociations, lesquelles en vertu du Code de commerce peuvent le faire considérer comme négociant. Mais aussi, ajoute Mars, parce que la lettre de change et les paiements allégués en compte, attestent de la validité de l'obligation en question.

A contrario, il est des cas où la preuve testimoniale ne peut être admise. Ainsi la preuve testimoniale ne peut servir à établir « il dominio degli stabili » - la propriété des biens immeubles. Il faut pour cela, comme le rappelle le Consulat dans sa sentence du 10 août 1837629, un acte public. Un autre exemple de non admissibilité de la preuve testimoniale dans une autre cause, opposant le négociant Vaillant fils de Marseille à Honoré Reboul, marchand à Nice. Le Consulat, dans sa sentence du 18 mars 1841630, par la voix du juge-rapporteur Torrini rappelle d'emblée la regola

generale selon laquelle la preuve testimoniale n'est pas admissible contre une lettre de change, à

plus forte raison quand la lettre de change a été acceptée précise le juge, comme dans le cas d'espèce. Selon les Regie leggi631, dans le cas d'une faillite du tireur, l'acceptant ne serait pas tenu du paiement de la traite lorsqu'il apparait que celui qui exhibe la lettre de change n'agit que pour l'intérêt du tireur.

Sur l'aspect qualitatif ensuite. C'est une règle générale qu'il faut deux témoins intègres et dignes de foi, pour prouver un fait632. Un seul témoignage n'est donc pas suffisant pour être recevable, l'affaire opposant les négociants les frères Gioan de Nice à Bartolomé Tornori de Nice également illustre ce propos. Le Consulat selon sentence du 22 mai 1817633, condamne le défendeur au paiement en faveur des demandeurs les frères Gioan de la somme de 1126,25 francs portée par le compte du 13 août 1814 souscrits par les frères Gioan et par Tornori. Le juge-rapporteur Joseph Todon a considéré que le défendeur Tornori n'a en aucune manière établi ni prouvé la soi-disante promesse d'indemnisation, ni même la vérité sur la qualité du grain. Le juge Todon observe que la déposition du seul témoin, vague et indéterminée634, ne permet nullement de déterminer la qualité du grain ni la soi-disante promesse d'indemnité. D'autant plus que l'examen fait par les demandeurs prouve quant à lui que le grain vendu à l'époque par Gioan était di ottima qualità e mercantile.

629 ADAM, 6 FS 15 n°868.

630 ADAM, 6 FS 16 n°1104.

631 Leggi e Costituzioni..., op. cit., L. II, tit. 16, chap. 3, §§28 et 29.

632 MERLIN, Répertoire..., op. cit., p. 745. Les lois de Moïse l'ont établie, et celles des romains l'ont confirmée.

633 ADAM, 6 FS 10 n°56.

634 BIOCHE (Ch.-J.), Dictionnaire général et raisonné de procédure civile et commerciale..., op. cit., V° « Enquête », p. 175 n°11 : « La preuve de faits vagues ou généraux doit difficilement être admise : elle offrirait un champ trop vaste à la mauvaise foi. »

Les dires des témoins pour être admissibles doivent se rapporter aux circonstances relatives au litige. La cause qui oppose Antoine Girard, négociant niçois à Jean-Baptiste Franco habitant à Nice en est un exemple. Le Consulat, dans sa sentence du 16 mars 1837635, absoud le défendeur Franco des demandes du Sieur Girard et compense les dépens. Le juge-rapporteur Garin a considéré que le demandeur, pour établir la garantie consentie par le défendeur en sa faveur du paiement de la lettre de change de 1262,70 lires, négociée par le défendeur en sa qualité de pubblico sensale, était dans l'obligation de le démontrer pleinement. Sont donc exclues, précise Garin, les présomptions contraires naissant de la qualité de sensale et de l'obligation verbale, dont il lui était pourtant facile d'obtenir une garantie par écrit. Or, loin d'avoir rapporté une pleine preuve des faits, explique Garin, il a seulement présenté deux témoins, « non disponenti delle stesse circostanze », dont les témoignages ne sont pas tout à fait concordants, et qui sont en outre famigliari du deducente636. Le

supplément de preuve obtenu par Girard, déduit de la qualité de Franco à faire et promettre de telles garanties, n'a pas été suffisamment justifié, au vu spécialement de la preuve contraire rapportée par Franco. Garin estime enfin que les circonstances de la cause sont telles à ne pas y avoir lieu au délai du serment offert.

De même dans la cause opposant le négociant Vaillant fils de Marseille à Honoré Reboul marchand niçois, le Consulat, dans sa sentence du 26 août 1841637, condamne Honoré Reboul au paiement en faveur du demandeur de la somme de 750 lires, somme portée par la lettre de change du 24 octobre 1840, au dépens du compte de retour avec les intérêts. Le juge-rapporteur Murialdo a ainsi considéré que les dépositions des témoins entendus à Marseille sur le chapitre déduit par Reboul ne permettent pas d'établir que Vaillant n'est qu'un prête-nom du sieur Gaien car seul l'un des témoins l'atteste. Cette déposition, remarque Murialdo, outre qu'elle est unique, est aussi faible car elle ne se fonde pas sur la propre connaissance du témoin mais seulement sur une relation du témoin, dont celui-ci a oublié le nom. Enfin le juge Murialdo indique qu'on ne doit pas prendre en considération les allégations faites par Reboul dans le contradictoire du 25 mai dernier, c'est-à-dire que le billet à ordre serait supposé car il ne résulte pas des livres de commerce du failli Gaien que le billet à ordre ait été réellement payé au porteur Martin, prête-nom lui aussi de Gaien ; il ne résulte pas non plus des livres de ce dernier l'existence de la lettre de change formant l'objet de la présente controverse. En effet, aucun commencement de preuve n'est fourni par Reboul, malgré la facilité qu'il aurait eu vu que les livres de Gaien se trouvent actuellement déposés vu sa faillite.

635 ADAM, 6 FS 15 n°840.

636 Les Royales Constitutions ne semblent pas interdire aux membres de la famille de l'une ou des parties de venir apporter son témoignage, bien que ce lien familial puisse être mentionné dans la déposition des témoins. Leggi e

Costituzioni..., op. cit., L. III, tit. 18, §14 : « On interrogera les témoins par articles séparés, avant que de clore la

déposition, sur leur âge, leur profession, la valeur de leurs biens, comme encore s'ils sont domestiques, débiteurs, créanciers, parens ou alliés de quelqu'une des parties, et en quel degré et sur les autres qualités générales que celui qui fait l'enquête, jugera à propos ; [...]. »

Dans la cause opposant Antonia Spinelli à Antoine Faraut et l'évoquée en cause la société Avigdor « primogenito e figli », le Consulat, selon sentence du 20 juin 1839638, absoud le défendeur et l'évoquée en cause des demandes de la demanderesse aux motifs que non seulement la demanderesse n'a pas administré la preuve de ces chapitres sur lesquels elle fonde ses demandes, mais en outre car les circonstances contenues dans ces chapitres se trouveraient exclues par l'examen de six témoins qui ont été examinés à l'instance du défendeur Faraut. Ses dépositions seraient même validées, précise le juge-rapporteur Guiglia, par les deux premiers témoins présentés par la demanderesse.